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Sans crier gare, Khanate est sorti de sa longue période d’hibernation (14 ans quand même depuis Clean Heands Go Foul) pour lâcher cette nouvelle déflagration sonore dans nos esgourdes (plus ou moins) consentantes. Pourquoi cette reformation ? Comment ? Il semble que le projet ait été en quelque sorte réactivé en 2016, tandis que Wyskida (batterie) et Stephen O’Malley se soient retrouvés associés pour un autre projet musical, et aient été pris d’envie d’écrire de nouveaux titres ensemble.
Avec un disque composé de trois plages d’environ 20 minutes chacune, il ne faut pas longtemps pour comprendre que ces quatorze années n’ont pas fait beaucoup bouger les bases musicales du quatuor – constat confirmé dès la première écoute. Khanate c’est du doom quintessentiel, réduit à sa forme la plus extrême et déviante : une base drone lourde et sombre, sur laquelle surnagent des vocaux gueulards déchirants et malsains. Musicalement, si l’on devait se référer à la discographie de son plus éminent membre, Stephen O’Malley, le groupe se positionne (un peu) entre deux de ses projets musicaux : Burning Witch et Sunn O))). Bref, si l’univers développé par ce type de groupes ne vous convient pas, passez votre chemin.
Quand, au bout de 5 minutes de « Like a Poisonned Dog », après avoir écouté tourner un riff sur trois notes à 4 bpm environ, Alan Dubin s’égosille en hurlant « I feel dead », on se dit qu’on tient le bon bout… Ce cri déchirant (littéralement) et plus largement le champs lexical et la thématique portés par les beuglements de Dubin (globalement on oscille entre désespoir, agression, cynisme froid et imagerie fantasmée glauque… “I’m at an all time low”, “It’s alright you can look away”, “We’re too far down”, “Cry with me”…) orientent à la fois la tonalité de l’album et sa tendance résolument « pince sans rire » développée par nos quatre joyeux-lurons. Amis de la gaudriole et du riff enjoué, vous allez être à la fête.
Les trois morceaux de l’album développent chacun une musicalité différente. Tandis que “Like a Poisoned Dog” est sans doute le titre le plus froid, sans concession, avec peu de mouvements distincts, proposés de manière répétitive (ad nauseam ?…), “It Wants to Fly” lui propose plus de variations sur la durée (mais moins de riffs) sur sa première moitié au moins, et un chant plus présent, qui embarque l’auditeur dans un délire qui convoque un univers à la David Cronenberg par exemple (et sa vision déviante). “To Be Cruel” pour sa part emmène dans les tréfonds les plus sombres de la galette, sur fond d’un drone tout en ambiances et lenteur, avant de proposer un dernier mouvement plus “ouvert” (ou “moins sombre”, plutôt, relativisons…).
Khanate fait du Khanate : c’est violent, c’est exigeant, c’est dur, c’est âpre – bref ce n’est pas vraiment du doom mélodique. Faut aimer. Si vous avez une aversion pour le drone, To Be Cruel ne vous réconciliera pas avec leur discographie. Il apporte en revanche l’information que le groupe est toujours bien présent, tout aussi inspiré, et prêt à proposer du contenu pertinent, bien dans son époque. Un bon nouvel album de Khanate.
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On avance un peu dans la pénombre avec ce quatuor anglais, auteur jusqu’ici d’une poignée de EP discrets avant cette signature chez Ripple. On engage donc une série d’écoutes de ce disque, et ce qui dénote assez vite c’est l’impression de sérieux qui s’en dégage : quelque chose de solide sur ses bases, son son, son style, son exécution. Au niveau du style, on est sur un stoner assez costaud, avec tous les marqueurs des groupes U.S. (marrant pour des grand-brittons) des deux dernières décennies dans le genre : gros travail mélodique, réel effort apporté aux vocaux, grosse production… Sur cette base, notre attention est captée, et on se dit que s’il y a du fond de jeu, on est partis pour passer un bon moment. Et c’est le cas, car derrière, ça déroule avec une efficacité remarquable, les cartouches défilent sans aucun tir à côté de la cible. Après des dizaines d’écoutes (si si), on a du mal à faire émerger certains titres qui sortent du lot, tant l’ensemble est solide. Pour l’exercice on pourra mettre en exergue le mid tempo introductif « Vagrant » (son refrain catchy et surtout son break median, toute en soli, sobres, mais s’empilant l’un l’autre dans une montée en puissance jouissive), le brutal « She Calls » et sa rythmique en béton (sorte de grosse torgnole de stoner scandinave avec un chant très kyussien), l’épique « Skyriders » (qui enquille les séquences rapides / mid-tempo pour se finir en une bonne baffe), et le final sur le massif « Legacy », un titre de 9 minutes au final étouffant.
Au-delà du mur de grattes qui soutient la baraque au premier plan, le chant de Liam Tinsley fait partie des éléments qui font émerger Duskwood : on pense très souvent au John Garcia post-Kyuss (en terme de tessiture et d’efficacité, sans vraiment que l’on ait affaire à un ersatz), et on apprécie les nombreux passages au chant doublé, dans un travail ciselé remarquable, assez proche de ce que l’on peut trouver chez nos compatriotes de LDDSM notamment (un groupe auquel on pense d’ailleurs parfois en écoutant ce disque, en particulier période Arcane).
Bref, sans crier gare, ce disque que l’on pensait juste passager dans notre liste de lecture y a finalement trouvé une place bien confortable, pour longtemps. Il saura convaincre les amateurs d’un stoner rock puissant mais accessible, qui ne mêle pas forcément « mélodie » avec « légèreté ». De la musique de qualité, quoi.
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Est-il encore la peine de présenter Bongzilla? Si vous les aviez oubliés, la dernière production de l’an passée à dû vous remettre les pendules à l’heure. 16 ans sans un mot et voilà qu’ils reviennent avec un rythme d’une plaque par an…pardon mais aurais-je entendu “ Un nouvel album par an! ça marche! et hop! C’est prêt!” Mieux qu’au fast food…enfin mieux…pas sûr, voyons cela, fans fragiles s’abstenir.
J’admets qu’il y a des jours avec et des jours sans, je suis faillible et sans doute plus encore que beaucoup. J’ai donc pris mon temps avec ce Dab City, remis maintes fois les compositions dans mon cornet à plus ou moins longue échéance. Force est de constater que pas une fois je n’ai haussé le sourcil. Frappant monomaniaque comme pour une clôture de titre, la batterie ne brille pas par sa présence, elle supporte de bout en bout les notes qui essayent d’être lourdes et enfumées du trio et ça effleure son but vers la fin sur “American Pot”. Mais voilà, pour le reste de la galette, enfumées, les notes le sont sans doute un peu, mais lourdes il faudra repasser.
On contemple l’horloge tourner, attendant que le riff change, perdu dans les brumes de sa pensée on se demande si ce n’est pas une piste que l’on a déjà entendue précédemment comme “Hippie Stick” qui aurait pu figurer parmi les plus mornes pistes du précédent album.
Le plus frustrant dans tout cela c’est que les gonzes insufflent de l’espoir, que ce soit lorsque la batterie réalise une brève descente sur “Cannonbong” où qu’enfin Muleboy reprend le chant sur “King of Weed” et enchaine les accords un peu cools sur “Diamond and Flowers”. A chaque fois le trio tape à côté et on s’ennuie, pire, on en conçoit de l’énervement.
Ami auditeur, passe ton chemin, il n’y a rien de vraiment bon à prendre dans cette chambre enfumée aux odeurs indigentes, ou alors si, la leçon un poil réac’ que te professaient tes parents vis à vis de la marijuana qui rend stérile. Oui la beuh c’est fun tant qu’on ne se force pas à en consommer à outrance juste pour faire plaisir aux potes. En même temps que pouvions nous attendre d’un groupe qui s’est tu pendant 16 ans et qui nous sort d’une année sur l’autre deux plaques? Était-ce pour donner le change à la maison de disques? Espérons que les camarades de HPS auront été plus malins que cela, car la recette a été épuisée par les majors depuis longtemps et on sait qu’il n’en sort jamais rien de bon.
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On vous avait déjà prévenu, The Great Machine c’est du genre foutraque. Voilà que les israéliens remettent le couvert propulsés par la relativement discrète maison Noisolution. Avec un bien nommé Funrider qui promet de furieuses embardées sur la route poussiéreuse du stoner, le trio ne s’encombre que d’une reference, “We are The Great Machine and we play rock’n’roll”; rien de moins !
De la poussière et des crissements de pneus rock’n’roll il y en a dans “Hell & Back” qui gueule ce qu’elle peut de riffs foutrement velus qui embarqueront forcément les plus réfractaires comme The Die qui roule plein gazs vers le couchant. Ces deux pistes ont les rythmiques aussi chargées qu’un Motorhead et ne laissent pas l’auditeur en paix, lle propulsant de piste en piste pendant que le chant se fait malsain pour l’occasion du “Day Of Living Dead”, danse pour beatniks zombies. On retrouve cette voix complètement éraillé sur “Funrider” et “Mountain She” oú les riffs saturés de cette dernière s’accompagnent d’une improbable guitare acoustique.
The Great Machine divise ses pistes en deux catégories, celles qui creusent le sillon du stoner original mais sans grande prise de risque (et je ne dis pas là que c’est sans qualité, bien au contraire) et les pistes tannées au soleil brûlant du punk. C’esr dans cette catégorie là qu’on retrouve “Zarathoustra”, “Pocket Knife”, “Fornication Under Consent” et “Notorious” font tout le sel de Funrider, une approche un peu unique dans un monde où trop d’albums consanguins se bousculent. Ces titres éparpillés sur la galette sont autant d’heureux accidents de parcours pour l’auditeur.
Funrider signe une fois de plus la volonté de The Great Machine de ne rien faire comme les autres sans pour autant vouloir faire n’importe quoi. Le groupe sous des dehors de cracker punk structure sa plaque à merveille, ne perd pas l’auditeur dans les méandres de sa folie et ce grâce à la préservation de points d’ ancrages fermes dans le stoner.
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On était habitués à profiter d’une nouvelle offrande des américains de Gozu tous les deux ou trois ans, peu ou prou, et ces cinq années depuis leur dernère excellente galette, Equilibrium, nous ont paru une éternité. Le groupe n’est pourtant pas resté inactif, mais a dû dans l’intervalle gérer un remplacement de batteur et, accessoirement, le COVID en pleine période d’écriture… Ils nous reviennent donc, pleins de bonnes intentions, avec ce Remedy que l’on s’empresse d’enfourner.
Il ne faut pas longtemps pour retrouver nos repères, on est en terrain familier dès les premières écoutes. Gozu ne se fond toujours pas dans la masse et détonne dans le paysage musical : on a beau le considérer comme un des plus solides groupes de la grande famille du stoner rock US depuis une petite quinzaine d’années (et leur émergence via Small Stone Records à l’époque), ils ont tellement élargi leur spectre musical depuis, maturé, que leur lien avec le stoner classique se fait de plus en plus distant. Mais tant qu’ils sont biens à la maison, on va les garder, un peu comme un petit trésor caché que le grand public n’a pas encore découvert…
A ce titre, si vous ne connaissez pas encore Gozu, Remedy peut être un excellent moyen de “rentrer dedans” : vous y découvrirez un groupe puissant et créatif, qui couvre une amplitude stylistique paradoxalement assez vaste et relativement maîtrisée : on retrouve bien évidemment de nombreuses touches stoner voire doom (“The Handler”, “Ben Gazzara Loves No One”), mais le groupe amène des plans de pur grunge (on pense souvent à Soundgarden, Pearl Jam ou encore Alice In Chains – ce chant en choeurs sur le refrain de “Tom Cruise Control” rappellera les harmonies Staley/Cantrell chez AIC), et plus généralement une touche metal qui apporte une vraie puissance aux compos dans leur ensemble (voir des titres comme le virulent “Rambo 2”, ou par exemple la prod de l’intro de “CLDZ”, qui ne détonnerait pas sur un High On Fire).
Bref, les marqueurs du groupe sont bel et bien toujours là (on ne mentionnera pas leur second degré viral, les amenant encore une fois à proposer des titres de chansons délicieusement cocasses), mais les curseurs sont poussés toujours un peu plus loin à chaque nouveau disque, et celui-ci n’est pas différent : son de guitare(s) puissant (la prod est impeccable), riffs drus (quel bel assortiment sur ce disque, ça pleut de partout, plusieurs par chansons : “Rambo 2”, “CDLZ”, “Ben Gazzara”, “Ash”…) , soli efficaces… et que dire des lignes vocales de Gaffney ? Le colossal frontman du quatuor propose sur Remedy probablement sa prestation la plus aboutie, n’hésitant pas à pousser son chant dans des retranchements aux limites de l’incongru. Même si l’essentiel repose sur son chant puissant, on lève les sourcils plus qu’à son tour sur des passages vraiment audacieux (la ligne ultra mélodique de “Pillow Talk”, les passages vraiment très haut perchés du pont de “The Magnificent Muraco” ou des couplets de “Ash” ou “The Handler”…). Ca passe ou ça casse… et quasiment tout le temps ça passe, à l’image de ces arrangements vocaux surprenants qui apportent une vraie plus-value aux compos (voir son chant en soutien du riff de “Rambo 2” sur l’outro du titre, l’harmonie avec le lick de guitare sur la fin de “Ben Gazzara” avant le solo, ou le chant sirupeux qui amène le contrepoint du refrain de “CLDZ”).
Alors Remedy, meilleur disque de Gozu ? Procéder à un classement de leur discographie, c’est un peu comme classer ses enfants : ça n’a pas de vrai intérêt. Sans choisir, on s’orientera donc vers ce disque si on aime le stoner metal puissant, l’audace et l’esprit frondeur qui peut pousser les compos dans des ornières assez étonnantes… Et surtout, si on aime le RIFF, car cette galette en est remplie jusqu’à la gueule. Un disque riche, profond, qui appelle de nombreuses écoutes, provoquant plaisir, surprises… mais jamais d’ennui. Une démonstration, encore.
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On les avait certes un peu oubliés depuis plusieurs années d’inactivité, mais le groupe génois Isaak n’est pas vraiment un inconnu (retrouvez les chroniques de leurs deux albums précédents dans nos pages). Le quatuor sort aujourd’hui son second disque chez HPS, ce qui est en soi une perspective réjouissante.
L’album est lancé sur une entame un peu roublarde, un gros riff limite indus (des relents lointains du « N.W.O. » de Ministry persistent après écoute…) larvé de bandes audio… Pourquoi pas, pour une intro… Le visage musical de Isaak se dessine plutôt à travers les titres suivants, et très vite un pattern se distingue, la marque de fabrique que l’on connaît déjà chez Isaak n’est pas ébranlée : une véritable machine à torgnoles. Les titres défilent selon la séquence mathématique source des meilleurs albums : 1 titre = 1 riff. Ca cartonne très vite et très fort, et ça ne débande pas de toute la galette (11 titres / 45 minutes, nickel). Gros son de gratte, vocaux costauds et très présents, frappe de grosse mule en fond de rythmique… C’est bien composé, c’est accrocheur, c’est efficace… Vous y voyez quelque chose à redire vous ?
On devient toutefois un peu exigeant avec les groupes qu’on aime bien, et après de nombreuses écoutes, une poignée de titres un peu plus dispensables se dessine : on pense à « Except » (et sa mélodie accrocheuse mais un peu vaine), le bourrin « Rotten » que l’on a du mal à engrammer (un refrain ? un couplet ?), le mid-tempo audacieux « Fake it till you make it » ou « Taste 2.0 » qui manquent aussi d’accroche… Une bonne partie tourne à vide, et n’incite pas à ré-écouter le disque.
Heureusement une poignée de purs brulots émerge de la galette et tirent l’ensemble vers le haut. On notera en particulier le rageur « OBG » (son refrain et son break impeccable menant à un riff n°2 en mode « bonus »), le brillant « Over the Edge » (son jouissif riff basique symptomatique du stoner scandinave et son break/refrain super efficace), « Sleepwalker »…
A l’heure du bilan, on notera donc que si l’album est imparfait (il l’est) et contient une poignée de scories, il propose néanmoins une rasade de gros stoner rock bien épais et bien accrocheur qui devrait séduire le plus grand nombre. En tant que tel, la promesse est séduisante et devrait suffire à une large part d’entre vous, auditeurs. Proposant un album dense et solide (un ensemble de compos finalement très homogène, signe d’une réelle maturité), Isaak apporte un bon nouvel album à son intéressante discographie, mais qui ne sera pas (pour cette fois) son disque de référence.
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J’avais eu beaucoup de plaisir à écouter Plasmatic Idol il y a déjà trois ans et c’est avec excitation que cette année je pose mon oreille sur le nouveau Giöbia, Acid Disorder. Pour les distraits du fond de la classe, apprenez que Giöbia est un prolixe quartette transalpin de Milan signé chez Heavy Psych Sounds et que leur musique verse quasi inconditionnellement dans un space rock d’excellente facture.
Dernier étage d’une fusée mise sur orbite, ce nouvel album Acid Disorder nous renvoie les échos de sa quête spatiale. “Circo Galactico” , “Acid Disorder” sont des rapports d’observation du vide, j’en suis sûr! Un endroit psychédélique à la fois chaud au soleil et froid comme l’acier une fois l’immensité spatiale obscurcie. :Queen Of Wands” qui introduit la plaque quant à elle l’annonce, on est en plein trip au milieu des étoiles. Un parfum de Floyd flotte dans l’éther y compris lors de l’attaque de “Conscientiousness Equal Energy”, morceau phare d’un trio de titres où s’ajoutent “Screaming Souls” et “Blood Is Gone”. Ce regroupement de pistes constitue le centre de l’album. Il est forgé dans des riffs de gratte énergiques qui fusionnent avec la reverb tout en trouvant une réponse dans des nappes de synthé résolument psyché et kraut.
Même lorsque les morceaux sont plus en retrait comme “The Sweetest Nightmare” et “In Line”, il se passe quelque chose. Les compositions ont systématiquement un véritable équilibre et des choses à dire.
Giöbia réalise une fois de plus un beau spécimen extra-terrestre. “Acid Disorder” la piste éponyme raconte l’ histoire de Giöbia, quatre gars en orbite qui ne semblent pas prêts de redescendre pour nous envoyer à intervalle régulier les plus belles images du cosmos. Ce soir, calez vous leurs messages dans les esgourdes et levez la truffe au ciel, vous y verrez peut être évoluer nos camarade de l’espace.
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Il y a quelque chose d’anormal, voire d’injuste dans le manque de couverture dont bénéficie The Machine. On devrait tous s’en sentir un peu coupables, tant ce groupe, album après album, prestation scénique impeccable après prestation scénique remarquable, enchaîne les réussites, tout en restant sous les radars. Cette séquence de profond dépit est le fruit direct de l’écoute prolongée de ce disque, encore un excellent LP à rattacher à leur déjà intéressante discographie. Détachés de Elektrohash Records depuis leur album précédent (après avoir y passé quelques années un peu dans l’ombre de Colour Haze), Wave Cannon est hébergé chez Majestic Mountain records, un label suédois discret et peu productif, mais nous ayant souvent démontré un goût certain dans la sélection de son roster.
Si vous n’avez jamais eu la chance de faire la connaissance de The Machine, sur scène ou sur disque, Wave Cannon représente une excellente synthèse de leur carrière jusqu’ici : ayant déja exploré sur leurs diverses productions plusieurs nuances musicales plus ou moins prononcées, le trio en retranscrit ici un parfait amalgame, un équilibre réussi où chaque ingrédient occupe la juste place, et produit le juste effet. Stoner, heavy rock, cold wave, psyche, kraut, space rock… les étiquettes défilent, virevoltent, sans que jamais l’on ne lève un sourcil réprobateur ni dubitatif. Le travail mélodique est toutefois prépondérant, et à ce titre, on pourra envisager la musique du trio comme une sorte de grunge psych rock (!!), à l’image de ce “Glider” au riff de bucheron gentiment fuzzé, chant discret, pour un mid-tempo qui hante longtemps les cages à miel. Ce qui n’empêche pas l’audace, avec des titres comme “Wave Cannon”, qui convoque à la fois les mélodies pop-rock et les relents cold wave, posés sur un lit de saturation et de rythmiques quasi-kraut.
Désormais seul membre originel du groupe, David Eering ne fait pas que mener la barque, il éclabousse littéralement chaque titre de son talent de guitariste (riffs remarquables, soli étourdissants…) et de son inspiration / talent de compositeur. Même ses lignes de chant, discrètes (et même parfois “gommées” par des choix de production), viennent sporadiquement apporter un peu de variété et de relief à des titres par ailleurs sinon largement instrumentaux. A l’image des prestations live du groupe, la musique repose sur une construction à trois, mais inexorablement Eering prend les choses en main à coups d’envolées guitaristiques surgies de nulle part, pour amener chaque titre dans des sphères lointaines. Ecoutez par exemple “Genau or Never”, où le guitariste prend place discrètement sur une rythmique basse-batterie rondouillarde, d’abord avec quelques discrètes harmonies, l’installation d’un riff, quelques leads space rock un peu lointaines, pour progressivement mettre en place un véritable déferlement sonique à grands renforts de pédales d’effets. Mais ne laissons pas passer l’impression d’un one-man band : une écoute de ce prodigieux “Return to Sphere (Kneiter II)”, brillant brulot psych-prog jammesque vertigineux de plus de 10 minutes, joué le pied enfoncé sur l’accélérateur (évoquant parfois certaines belles pièces de Earthless), devrait suffire à confirmer la pertinence de ce line-up et l’osmose musicale qui le caractérise – chacun y connaît sa place, sa force, et sert le morceau au plus juste.
Wave Cannon vous l’aurez compris est non seulement l’un des meilleurs (le meilleur selon votre serviteur) disque de The Machine, mais il constitue surtout un excellent point d’entrée pour le découvrir si vous êtes dans cette situation. Maintenant faudrait voir à pas rater le coche encore une fois…
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Le trio norvegien, Wolfnaut rejoint l’écurie Ripple Music et signe son quatrième album qui avec son titre Return Of The Asteroid annonce la couleur d’une plaque forée dans le stoner. L’exercice semble évident sur le papier mais dans la foule des prétendants le groupe arrivera t-il à sortir son épingle du jeu?
Pas facile, c’est le premier sentiment qui pourtant s’estompe vite une fois passé les limites du chant qui décroche presque sur “Brother Of The Badlands”. On découvre alors un stoner nerveux, un rien psyché aux entournures et grassement fuzzé. Wolfnaut fait un job honorable et assez envoûtant oú la batterie vient inscrire les titres à coup de blast comme sur “Crash Yers Asteroid”. Le trio ne délaisse pas la suavité du chant sur la contiguë balade “Arrows” ou encore “Crates Of Doom” où rythmiques et chant s’allient pour embarquer petit à petit la nuque de l’auditeur dans un headbanging de bon aloi.
Laissant la bride sur le cou de l’album, on s’enjaille volontiers sur “G.T.R” et “Something More Than Night” avec un plaisant son crunchy. Enfin la conclusion “Wolfnaut’s Lament” est un résumé à elle seule de cette plaque qui oscille entre subtilité et poutres grassouillettes et basses avec toujours sous jacent un esprit blues du plus bel effet.
On retrouve facilement ses repères sur Return Of The Asteroid, les amateurs de Slomosa devraient trouver un nid douillet pour leurs esgourdes dans “My Orbit Is Mine” tandis que “Something More Than Night” a un arrière goût de Duel.
Bref avec Return Of The Asteroid, Wolfnaut livre un bon album du genre et il aurait été dommage de laisser glisser l’objet entre nos doigts. Une galette plaisante, à ranger dans sa discothèque en attendant la suivante.
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Il y a de ces groupes que l’on sait excellents, que l’on aime depuis longtemps, mais qui ont emprunté des chemins musicaux qui les ont éloignés de nos préoccupations premières. C’est le cas de Blood Ceremony, un groupe dont on est bien conscients du potentiel et du talent, mais qui a adopté depuis quelques années un virage assez clair qui l’ancre profondément dans le sillon musical des groupes de rock folk/prog 70’s.
Plein d’espoir (pas trop, en vrai), on s’est donc jeté sur cette galette pour tirer le constat au bout de 3 ou 4 titres que non, on pouvait toujours rêver, le groupe ne revenait pas à ses racines rock doomesques old school et s’enfonçait au contraire dans ce penchant pour les bluettes aériennes, à grands renforts de guitare en son clair, de flute traversière, de cuivres discrets et de tambourin.
Que vient donc faire ce disque dans nos pages ? En réalité, le disque a tourné sur nos platines, tourné, tourné… et il s’y est gentiment installé. S’il fallait une preuve du profond talent de ce groupe, il faut la trouver ici, dans cette capacité à composer des titres fluides, riches mélodiquement et absolument mémorables. On vous conseille de vous jeter sur le redoutable « Eugenie » pour en faire la preuve : après une seule écoute vous pourrez l’entonner à nouveau à loisir. Les « Lolly Willows » et autres « The Bonfires at Belloc Coombe » et son refrain folk (attention, de légères traces de saturation pourraient se cacher discrètement sur le couplet de ce titre) arrivent pas loin derrière en terme de titres bien accrocheurs et mémorables.
On clôture donc par un bilan tout à fait factuel : si vous cherchez la saturation, le fuzz et le gras, évitez ce disque comme la peste. Si vous cherchez un disque plus aérien, tour à tour enjoué et mélancolique, au top en terme d’aboutissement mélodique, à l’écriture fine et en parfait alignement avec les productions 70’s (un chef d’œuvre d’authenticité/d’intégrité), ce disque pourrait vous plaire.
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En termes de musique inspirée des grandes heures 70’s (voire un spectre couvrant un bout des 60’s jusqu’aux 80’s), on peut assurément avoir confiance dans l’appréciation de Rise Above Records. La maison de Lee Dorrian, bien tenue, est au global la démonstration d’une réelle intégrité dans le genre, et même si le prisme musical de ses groupes couvre un nombre de genres musicaux significatif, le frontman de feu-Cathedral a rarement été pris à défaut concernant la qualité de ses productions. Se jeter sur cette galette est donc une opération que l’on considère « sans risque ».
Le diagnostic confirme vite cette hypothèse : qualitativement, on est bien sur une fort séduisante formation, un trio-devenu-quatuor qui propose un heavy rock 70’s d’école. Un groupe jeune toutefois (c’est leur premier LP, après une paire de formats courts sortis sur ces quelques dernières années), en provenance d’un terroir propice aux petites perles musicales comme aux pires calamités : le Texas. On vous rassure, on est plutôt dans le premier cas ici.
L’énergie déployée sur cette galette, les différentes pistes musicales explorées, rendent l’écoute de ce premier effort parfois un peu confusant. Ça commence par le très énergique « Invisible Hand », un petit brulot de power rock 70’s drivé par une batterie frénétique emmenant une rythmique heavy blues à fond les ballons, et larvé de soli débridés absolument jouissifs pendant presque 5 minutes. Une bien belle entrée en matière, en somme. Le titre suivant « Pathless Forest » montre une autre facette du groupe, un titre plus posé (on est quand même un peu plus rapide que du mid-tempo classique…) mais reposant sur un gros riff principal et une ligne vocale / refrain implacables (l’occasion de mettre en lumière le chant rocailleux de Mario Rodriguez, absolument enthousiasmant). Probable point culminant du disque, « Sacrificial Altar » vient coiffer l’ensemble de toute sa majesté, bien servi par un gros riff sur plus de trois minutes, puis enchaînant une succession de séquences stylistiquement sans queue ni tête, tout en déroulant des tombereaux de soli orgasmiques dans des genres très variés.
Et ça continue ainsi dans un torrent musical littéralement débridé, sur 9 titres (pour 42 minutes, on est pas loin du Nombre d’Or de la production musicale), où le groupe pioche dans le blues, le psych rock, le hard rock, le jazz (ce break et ce petit solo de batterie sur « Magick Circle », la première moitié de « A Thousand Days in the Desert », le break au milieu de « Sacrificial Altar »…), et même country et flamenco (les titres de transition respectivement « Fried Vanilla Spider Trapeze » et « Recurring Nigthmare »), tout en déroulant sur la longueur une leçon de boogie impeccable – on peut tourner autour du pot comme on veut et essayer de se défaire du cliché, ça reste un dénominateur commun des meilleurs groupes texans.
Bien aidé par une prod efficace et respectueuse de la généalogie du groupe (on retrouve les codes sonores 70’s, y compris lorsque le groupe use de gimmicks assez discutables, comme ce traitement vocal « chevrotant » sur « Magick Circle » et « Sacrificial Altar », à l’image de facéties parfois saugrenues que l’on retrouvait dans certaines productions d’époques), ce premier album ressemble fort à une démonstration de tout le potentiel de cet enthousiasmant jeune groupe. Vous l’aurez compris, l’aspect un peu « chien fou » de ce combo, qui part un peu dans tous les sens, pourra déstabiliser l’auditeur plus habitué à des codes plus clairs et des disques plus « cadrés ». Mais la créativité du groupe, et surtout son talent, font vite pencher la balance du côté « on en reveut ». L’attente qui vient juste derrière est de retrouver le quatuor sur des planches, où leur sens du groove devrait faire un malheur (bien porté par une rythmique que l’on sent propice aux jams et des solistes prometteurs).
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Présents sur la scène depuis 2003 les quatre de Danava font office de vieux routards du circuit. Ils reviennent avec un étendard du nom de Nothing But Nothing qui affiche les couleurs vite et fort. Il était temps car les américains n’avaient plus rien livré de vraiment tangible depuis 2011 année de sortie de leur troisième LP. Cette plaque enfin livrée est placée sous le signe du hard rock et du heavy, c’est la maison de disques Teepee records qui le dit, voilà suffisamment d’indices pour nous mettre l’eau à la bouche et entamer un cycle d’écoutes et vous en faire le retour.
Voilà une chronique qui va aller aussi vite que l’album. Danava fait un heavy teinté de stoner et non l’inverse. le Quartette ricain joue à toute blinde de “Nothing But Nothing” à “Strange Killer”. On reprend peu à peu son souffle, et on apprécie les descentes de fûts qui inondent la plaque et la frappe constante du cuivre de la cymbale devient obsédante alors que les grattes jouent le plus grand nombre de notes possibles et à l’unisson dès que l’occasion s’en présente.
La plaque sonne heavy old school tant du point de vue de ce qui est évoqué ci avant que du chant, qui comme sur “Enchanted Villain” nous fait penser aux origines du genre, on vous laisse le soin d’aller les chercher plutôt que de jouer les name dropping fastidieux.
Danava livre des titres qui allient la cavalcade guitaristique, à la façon de l’instrumental “Season Of Vengeance”, au souffle épique d’un chant utilisé à bon escient sur “At Midnight You Die”. Bref ça joue vite et ça joue fort on l’a déjà dit et pourtant on déniche deux curiosités sur la plaque qu’il faut aller chercher tout au fond. On y découvre d’une part le psychédélique “Nuthin But Nuthin” et “Cas” qui, sonnant étrangement, nous poussera à rechercher son origine et nous apercevoir qu’il s’agit d’une reprise d’un titre composé en 1979 par le (“world famous”) duo Tchèque Skupina Františka Ringo Čecha et Jiří Schelinger – voilà un titre de plus à mettre au crédit de la culture slave qui compte nombre de pépites anonymes et qu’il n’est en rien mauvais de déterrer de temps à autres.
Nothing But Nothing est un album qui apporte beaucoup de satisfaction à l’auditeur, il ne demande pas beaucoup d’efforts à l’écoute et pourtant ne se contente pas d’une composition monomaniaque. Sans livrer une perle, Danava nous gratifie d’une poignée de compos qui font le job et le font bien et on en reprendra bien un louche à coup sûr.
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Le dernier album des sud-africains de Ruff Majik, The Devil’s Cattle, s’était avéré une très belle surprise, très marquée par l’ajout de Evert Snyman, partenaire de longue date du groupe, au line up officiel, en véritable partenaire de l’hégémonique leader Johni Holiday. Bye bye Snyman, on retrouve Holiday en chef d’orchestre omniprésent. Après tout, c’est son groupe, ce n’est pas forcément mauvais signe…
Il ne faut pas longtemps pour retrouver le « package Ruff Majik », puisque dès « Hillbilly Fight Song » en intro les ingrédients de la mixture sont déjà tous là : riffing de qualité, gros son, chant caractéristique (très nasillard mais ça fonctionne bien) souvent repris en double, mélodie redoutable, structure « droit à l’essentiel » (la plupart des chansons durent moins de trois minutes, une rareté de nos jours !). Autre composante clé du groupe : le rapprochement avec le QOTSA des trois premiers albums reste significatif, de manière quasi troublante parfois (voir le premier single, « She’s still a Goth », avec ses leads décalées rappelant les licks mélodiques de Josh Homme, sa rythmique robot-rock emblématique, son son de guitare rythmique, sa ligne vocale en fond de refrain…). Même constat un peu plus loin sur « Queen of the Gorgons » par exemple… On comprendrait que ça sonne un peu malaisant pour certains puristes, mais on reconnaîtra à Ruff Majik le fait que non seulement ils ne basent pas tout leur socle musical sur cette tendance (la galette foisonne de références variées), mais qu’en plus ils ont un paquet d’autres arguments à faire valoir. Parmi ceux-ci, le plus notable est cette capacité à pondre des titres catchy et super efficaces, sans pour autant faire dans la simplicité absolue (on n’est pas dans des titres punk rock basiques : on évolue dans un environnement de compos à tiroirs, riches en breaks bienvenus, arrangements audacieux, parenthèses sonores…).
Les illustrations sont nombreuses, et la plus flagrante intervient avec le redoutable « Rave to the Grave » : tempo pied au plancher, gimmick de clavier bienvenu, chœurs et « clappings » parfaitement adaptés, mélodie immédiatement mémorable et refrain à l’avenant, petit solo rafraîchissant… On peut aimer le style ou pas, en attendant il n’y a pas des dizaines de groupes capables de composer des petits brulots de cet acabit. Même le groovy « Cement Brain » déroule sa nonchalance crooner sans paraître saugrenu… Petit bémol, comparé à l’album précédent, Elektrik Ram comporte plusieurs titres moins réussis : c’est le cas selon votre serviteur de la triplette finale, à commencer par le molasson (mais efficace) « A song about Drugs (with a clever title) ». Ces trois derniers titres lents/mid-tempo, bien moins punchy, auraient été plus efficaces en guise « d’aération » dispersés en milieu d’album, plutôt que d’être rassemblés en fin de disque, pour une conclusion un peu lourdingue…
Moins impressionnant ou surprenant que The Devil’s Cattle (qui nous avait bien désarçonné), Elektrik Ram met sur la table un sacré paquet d’arguments en sa faveur. Déjà, si vous aimez votre stoner plutôt léger et punchy, chargé en chansons à chanter à tue-tête, et que vous appréciez les premiers QOTSA, il ne fait pas de doute que vous devez vous pencher sur ce disque. Sa quantité de compos quasi-jouissives compense largement les quelques rares passages à vide qu’on pourrait mettre à son débit.
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Lorsque le retour en studio du quatuor a été annoncé sur les réseaux sociaux de boomers, j’ai twerké debout sur ma chaise (et heureusement personne ne m’a vu faire une chose pareille). Dozer c’est un peu ma madeleine de Proust question heavy rock et c’est un groupe d’une fiabilité incroyable autant pour l’exécution scénique que pour leurs enregistrements même si honnêtement Beyond Colossal se situe en deçà du reste de l’incroyable production commise jadis avant l’interminable hiatus.
Ma petite culotte séchée, je me suis lancé dans la découverte du nouveau chapitre dans l’histoire d’un groupe emblématique de la genèse du stoner européen. Une formation qui avait laissé sur sa faim l’ancienne génération d’aficionados du genre, délaissée par la bande de Borlänge repartie user leurs futes sur les bancs d’école et/ou se lançant dans diverses aventures musicales aux destins divergents. Cette renaissance débute sur un titre implacable n’ayant pas eu la chance d’une défloration anticipée (le casting du teasing me laissant pantois au passage) : « Mutation/Transformation » dont le compteur (plus de 7 minutes) interpelle pour une ouverture. L’entrée en matière, balancée bille en tête comme pour prouver que nous avons encore à composer avec un groupe appartenant au monde des vivants, est un concentré de la signature Dozer et elle a un relent de Call It Conspiracy commis il y a une vingtaine d’années (ça fait mal).
Se suivent trois titres, dont deux envoyés en avant-première, qui évoluent dans un registre très similaire et ne constituent pas, selon ma lecture, des pépites à proprement parler même s’ils se laissent écouter. Ils balisent le terrain pour « No Quarter Expected, No Quarter Given », un brûlot tirant sur le metal – stigmates d’Ambassadors Of The Sun ? – qui ne tient pas la rampe en regard des deux titres finaux.
En avant-dernier nous retrouvons certainement le meilleur titre de l’album : « Run, Mortals, Run! » qui allie vocaux aériens et rythmiques galopantes comme au bon vieux temps. Le pied bat la mesure et les cervicales entrent en action : on renoue avec le Dozer d’une époque bénie des dieux du rock’n’roll (reviens Lemmy !). Vieilli en canettes alu de bière, Dozer place un titre de toute beauté au moment où l’auditeur qui fait connaissance avec ce nouvel opus se disait que c’était mieux avant. Tant pis pour ceux qui n’auront pas poussé la curiosité jusqu’ici.
Le rideau tombe sur « Missing 13 » qui s’inscrit dans la tradition des morceaux longs des Suédois. La montée en pression d’un riff basique déployé en solo, un placement de la section rythmique qui vient rehausser le fameux riff à prime abord plutôt abscons, puis la voix qui se module pour une phase tout en retenue jouant les préliminaires et, biiim !, après trois minutes une première incursion en terres sauvages, un retour à l’accalmie et un gros final, avec toujours ce même riff, déployé de manière débridée, qui fait hocher du chef. La connexion se fait immédiatement avec « Big Sky Theory » même si ce dernier se situe quelques crans au-dessus. Pas grave c’est efficace !
Malgré l’inactivité en studio et la présence restreinte sur scène, Frederik, Johan, Sebastian et Tommi, qui ne nous fait pas du Greenleaf (c’était une option), nous prouvent qu’ils ne sont pas prêts à foutre leurs instruments au placard. A la question fatidique relative à l’achat de cet objet, la réponse est clairement positive même s’il est inégal car c’est Dozer et que certaines compos nouvelles viennent clairement challenger les meilleures du groupe !
Point Vinyle :
Aux côtés de l’infatigable digipack qui ravira les ceusses qui consomment encore du CD en 2023, Blues Funeral a bien fait les choses pour les vinylophiles avec la commercialisation du test press en quantité homéopathique noire, une déclinaison transparent coral red limitée à 300 unités et une version en violet, comme ça il y en a pour toutes les bourses ainsi que pour tous les goûts. La satisfaction du consommateur est à nouveau au rendez-vous et le rendez-vous du collectionneur avec son banquier le guette après la salve de rééditions couvrant tous les spectres Pantone, ou presque, commises il y a quelques années par la crémerie Heavy Psych Sounds Records.
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Si vous ne connaissez pas 1782, quelques traits significatifs de sa musique devraient rapidement vous orienter sur votre attrait ou pas pour la musique qu’ils développent : on est dans du stoner doom d’école, celui des premiers Electric Wizard, poussé dans ses retranchements. Rythmiques super-lentes, guitares telluriques, sons de basse et de guitare pachydermiques, gros riffs gras, une ligne de chant très-très loin bien au fond dans le mix, une batterie minimaliste, un chant lexical exclusivement tourné vers l’occultisme… Tous les ingrédients sont là. Tous. Si vous n’aimez pas le doom, passez donc votre chemin, vous n’aurez probablement pas d’épiphanie avec ce disque. Si vous aimez le doom aventureux, original, hybride, vous aurez du mal à trouver pleine satisfaction ici. Pour les autres, amateurs d’un doom classique, référencé, vous devriez trouver votre bonheur dans ce Clamor Luciferi.
Du riff, du riff, du riff, il nous en tombe dessus par tombereaux : une chanson = un riff, et du costaud. Ça commence par le surgras « Succubus » : gros riff en couplet, subtile déclinaison en refrain, et le reste c’est du lead lent, du break lent, le tout dans une pataugeoire de goudron. « Demons » reprend sur les mêmes bases, puis « Black rites », puis… Ah ben c’est pareil tout du long en fait. Et c’est là que le néophyte aura du mal, peut-être, car cette constance est, souvent, ce qui fait la solidité des disques de doom de cet acabit. Chaque riff est bien ciselé, l’ensemble est bien écrit (quasiment toutes les compos tournent autour des 5 minutes), avec quelques breaks et aménagements qui les distinguent les uns des autres : du coup on ne s’ennuie pas et l’album défile, en boucle, avec un certain plaisir pour le doomster de base (que votre serviteur peut être, parfois). Le headbang (lent) intervient occasionnellement, sans qu’on y pense vraiment, ce qui est bon signe.
Le classicisme proposé le dispute à l’intégrité de l’approche, qui n’est pas à questionner : ces gars font ce qu’ils aiment et ce qu’ils savent faire. Ils le font bien, avec efficacité et conviction. Fondamentalement, on aimerait dire qu’ils apportent quelque chose de neuf, mais ce serait mentir. A contrario, ce serait aussi mentir que de dire que l’album est médiocre et qu’il ne procure aucun plaisir aux amateurs : c’est le contraire… à condition de bien être associé à cette population de niche ! Pour initiés, donc.
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