Nebula – Atomic Ritual

Nebula - Atomic Ritual

Groupe incontournable du mouvement stoner, Nebula nous gratifie d’un nouvel album qui confine à la perfection. Produit en collaboration avec Monsieur Chris Goss (Master Of Reality, ex-Queens Of The Stone Age) cet opus à l’artwork soigné (ce qui n’est pas, et de loin, l’habitude des groupes stoner) nous emmène en voyage pendant une petite heure dans l’univers délirant du trio sur lequel règnent sans partage guitares fuzz et sons seventies. Alternant les compositions dans la plus pure veine du desert rock ‘So It Goes’ et ‘More’ qui raviront les amateurs de groupes proche de Dozer, les ballades hallucinées aux sonorités babacool ‘The Beast’ et se payant un incursion dans l’univers des Stones avec ‘Carpe Diem’ dont les sonorités ne sont pas sans rappeler ‘Sympathy For The Devil’ ce disque est un véritable chef d’œuvre. Courrez vite chez votre disquaire pour procéder à cette acquisition et laissez vous porter par l’hallucinant ‘The Way To Venus’, morceau qui, avec ses incursions de clavier bien senties, frise la perfection.

Ironweed – Indian Ladder

Ironweed - Indian Ladder

Ben ça alors : Greatdayforup n’est plus… et il faut que je l’apprenne en lisant la bio de ces infâmes Ironweed. Car oui, Ironweed est né des cendres encore chaudes des excellents Greatdayforup. Snif. Paix à leur âme. Voyons ce que leurs rejetons ont dans le ventre.

Du coup, le genre pratiqué par nos 5 lascars ne surprend pas totalement : faisant parfois penser à un Alabama TunderPussy sans racines sudistes, le metal stonerien des new yorkais se vautre occasionnellement dans des relents sludge bien craspecs. Pensez Mastodon-meets-Bongzilla, Down-meets-High On Fire pour avoir une idée, mais avec des vocaux moins gravos. Un délice. Ironweed balance la sauce dès les premières minutes et ne relâche pas la pression. Les titres défilent, les riffs aussi, soit gras et visqueux, enrobés d’une basse ronflante (“Rid the earth”, ou encore “Lifeless coil”, doomy et glaireux à souhait), soit secs et incisifs, rentre-dedans et totalement metal dans l’esprit (“Vertigo”, “The faithless will”). Un ravissement des cages à miel, à déconseiller aux chochottes et aux fans de Julien Doré.

L’incorporation de Jeff Andrews aux vocaux est une bénédiction : l’un des points faibles de Greatdayforup se retrouve ainsi “corrigé” par l’apport de ce vocaliste ne manquant ni de puissance dans ses beuglements, ni de nuances dans ses choeurs, un recrutement tout à fait approprié.

“Indian Ladder” se révèle être une excellente galette de la part de ce nouveau groupe, qui prend la relève au moins aussi haut que les impressionnants Greatdayforup l’avaient laissée. Une bien jolie pièce, un album qui en impose et qui pour ma part s’est creusé une place de choix dans ma playlist pendant plusieurs semaines…

Unida – El Coyote

Unida - El Coyote

Après un premier split E.P. prometteur, et un premier album complètement hallucinant, on attendait beaucoup de ce nouvel effort d’Unida, le combo californien emmené par John Garcia, ex-frontman de Kyuss. Malheureusement, pour de sombres raisons administratives sur lesquelles nous ne nous attarderons pas, l’album est resté au fond d’un tiroir. Comme seule alternative, le groupe a donc décidé de distribuer 11 de ses 12 nouveaux titres à travers un CDR vendu sur leur tournée nord-américaine.
Dès les premières mesures de ‘Puppet man’, on est frappé par la qualité de la production qui rend absolument chacun des musiciens audible (en particulier la batterie de Mike Cancino qui bénéficie d’un son carrément incroyable). A mesure que les chansons se suivent, on peut ainsi se délecter, tantôt d’une ligne de basse entêtante comme sur ‘Vince Fontaine’ ou ‘Glory Out’, tantôt d’un riff meurtrier comme sur le furieux ‘MFNO’ (cher à notre ami Laurent).
Ajoutez à cela un Scott Reeder plus en forme que jamais à la basse et des compositions imparables, et vous obtenez un réel chef-d’œuvre. Pour mieux enfoncer le clou, nos 4 lascars ont d’ailleurs gardé le meilleur pour la fin : un titre fleuve de près de 11 minutes, intitulé ‘Last Day’, hallucinant de bout en bout, et permettant à chacun des musiciens de montrer toute l’étendue de leur talent. Une chose est sûre, à la fin de la première écoute de ce brûlot, on a qu’une seule envie : se le repasser.
Espérons tout de même qu’un label acceptera de sortir un jour ce bijou et que Garcia, Seay et Cancino n’auront pas été échaudés par cette mésaventure.

Super Timor – Cauchemar d’Esque

super

Super Timor, c’est une longue histoire. Il faut déjà connaître la réclame africaine des 70’s ou 80’s vantant les mérites d’un insecticide, où les publicitaires prenaient et faisaient passer le peuple noir francophone pour un con. Quiconque a déjà vu une nuit de la pub sait de quoi je parle, cette annonce faisant partie des grands classiques. Sinon, youtube devrait rapidement palier ce manque.

On en vient donc à considérer Super Timor comme un trio de zozos qui vont nous pourrir l’écoute de private jokes, de lyrics au 16 ème degré. Et dès les premières secondes, on se rend compte qu’ils ont déjà réussi à déstabiliser l’auditeur, parce que les a priori c’est souvent mal, très mal, très très mal (moi aussi je peux faire des private joke si je veux) mais on ne peut pas s’en passer. Quoi de plus cool que de juger une personne en 5 secondes ? Enfin bref, l’auditeur déjà assez timbré pour acheter un disque qui s’appelle Cauchemar d’Esque en pensant écouter un nouveau Carnival in Coal va en être pour ses frais et se manger une ration non prescrite de larsens, de hurlements douteux, de riffs sludge, de mélodies piquées au thème de la panthère rose (peut être son seul soulagement, vu que si les paroles sont drôles, il remarquera très vite qu’on parvient à ne rien saisir.) et puis, il ne saura pas se caler : des fois ça va trop lentement, ça stagne, ça rampe, des fois ça speede, limite punk. Le batteur tape sans arrêt, mais on ne parvient pas toujours à saisir son jeu qui semble maîtrisé, vu la couche de saturation qui vient le recouvrir, sans compter les cris de femme stéroidée en plein travail qui vient vilipender son mari là dessus.

Cauchemar d’Esque a les mêmes propriétés qu’un bonbon Batna. D’extérieur, il a une apparence sacrément cool (un guépard c’est toujours classe), mais une fois en bouche, c’est limite gerbant. Super Timor exploite ces mêmes possibilités. Un ton franchement second degré cachant une puanteur sludge malsaine, au son rappelant certains chantres anglais. Vous me ferez remarquer l’immonde pochette signée Tom Denney, le réel emballage, qui plombe ma comparaison. Je ne saurai qu’acquiescer. Mais merde, qui n’a pas de disques aux pochettes moches dans sa collection ? Super Timor n’a de toute façon pas besoin d’une image racoleuse pour plaire, puisque tout le monde les aime. Moi en premier.

Poseidotica – Intramundo

Poseidotica - Intramundo

Aujourd’hui, la recette de la claque en pleine face. Ce n’est pas difficile, c’est comme un quatre quarts, il nous faut quatre ingrédients à quantités égales.
Les ingrédients :
– un groupe totalement inconnu.
– un pays d’origine pas forcément réputé pour sa production musicale.
– un genre de musique (l’instrumental) qui n’est pas votre genre de prédilection.
– un sérieux doute en mettant le cd dans la platine pour la première fois.

Vous mettez donc le tout dans votre platine, vous mélangez bien et 47 minutes plus tard c’est servi, une bonne et belle claque en pleine face.Je pourrai arrêter ma chronique là car vous l’avez déjà saisi, j’ai dévoré ce disque et j’ai même demandé du rabe !
Ce groupe argentin nous a préparé là un plat dont chacun d’entre nous doit goûter au moins une fois dans sa vie. Le mélange des styles ravira les amateurs d’étiquettes car le groupe nous a concocté une mixture à base de rock progressif, de stoner, de psyché et les fins gourmets y trouveront même un arrière goût jazzy et métal. Les 9 titres qui composent cet album sont autant de petites merveilles qui ne raviront pas forcément votre palais mais à coup sûr vos oreilles. En effet, les compositions sont d’une réelle qualité et les moments de pur bonheur sont disséminés avec justesse. La variété aussi est un atout indéniable pour ce disque qui évite les pièges de la répétition trop souvent fatale aux groupes se lançant dans le tout instrumental.
D’ailleurs, les premières armes du groupe font déjà plaisir à voir puisqu’on les avait retrouvés sur le tribute argentin à Kyuss avec le titre “Asteroïd”, et Walter Broide de Los Natas à la batterie. C’est ce même Walter qui officie derrière les fûts pour l’enregistrement de ce LP.

Bref, je vous invite de ce pas à vous renseigner sur ce groupe et à surveiller de près leur avenir car si le potentiel de ce groupe se confirme, l’argentine aura à nouveau trouver une pépite d’or qui fera la gloire des sud américains les plus surprenants en matière de musique.

Houston Swing Engine – The Smell Of Horses

Houston Swing Engine - The Smell Of Horses

Le quatuor helvétique est de retour en ce début d’année avec leur premier long format qui succède logiquement au cd ep ‘Greatest Hits’ sorti il y a tout juste un an. Cette deuxième livraison, enregistrée à Genève en trois semaines, nous fait voyager dans l’univers que ces aguerris activistes de la scène romande ont choisi d’explorer en compagnie de leur nouveau bassiste Roger Deluxe. Influencée par toutes les musiques électriques cette production est le subtil cocktail obtenu à base de punk rock pur jus, de délires typiques des Desert Sessions et d’un zeste de stoner estampillé début du nouveau millénaire. Bien que les rythmiques plombées, les guitares saturées et les voix vociférées dominent l’ensemble, ma préférence va au morceau ‘The Smell Of Horses’ qui démarre de manière lancinante dans la plus pure tradition de certains hymnes des défunts Kyuss et se termine dans un déluge sonore directement importé de la scène punk US des eighties. Il n’est donc pas question ici de musique intimiste à s’écouter seul dans son deux pièces cuisine en étudiant la composition de son après-shampoing, mais d’un énorme son rock’n’roll suintant la bière par tous les pores à déguster live sans retenue. Et, puisque ces quatre jeunes gens dans le vent sont à nouveau sur les routes en ce début d’année, aucune absence à un concert joué près de chez vous ne sera tolérée sans un certificat valable délivré par votre médecin !

El Paramo – El Paramo

El Paramo - El Paramo

Purée qu’il est bon ce disque. Les premières notes super-fuzzées de ce CD sur fond de basse ronflante nous mettent le sable chaud aux narines, direct. El Paramo est “encore” un combo ibérique

Sorti sur le label non-moins ibérique Alone Records, et tant que l’Espagne accouchera de brulots de cette trempe, ils peuvent encore en sortir des caisses, je continuerai à allonger les biftons.

Rien de révolutionnaire chez ce quatuor, qui balance un stoner muet (comprenez : instrumental) sous influence, mais fort recommandable. Évidemment les licks de guitare aériens nous rappelleront immanquablement le Kyuss de “Blues…” ou “Sky Valley”, rien de bien neuf sous le soleil torride du fuzz rock… Mais quand un groupe s’éprend d’un genre, le revendique avec passion et le pousse dans ses retranchements à travers des instrus épiques de 10 minutes, enchaînant riffs velus, ambiances pesantes ou aériennes, envolées de symbales aériennes, déluges de toms et rythmiques pataudes… ben moi j’adhère. Et dès qu’il faut faire tourner un riff, les bonhommes sont à leur affaire…

Bref, rien d’inédit dans ce son, mais rarement stoner instrumental “traditionnel” fut-il si maîtrisé et enthousiasmant. Un album peu prétentieux, mais très réussi. A recommander les yeux fermés pour se faire emporter dans ces lointaines étendues désertiques baignées par un soleil rasant (effet garanti lorsque la pluie sévit derrière vos fenêtres…).

We’Re All Gonna Die – The Wreck Of The Minot

We Re All Gonna Die - The Wreck Of The Minot

Ce trio de heavy rock originaire de Boston joue dans la catégorie lourd de chez lourd mais délicieusement entêtant. Pour leur second effort, ils reviennent chez Underdogma avec douze nouvelles compos qui défileront en environ trois quart d’heure sur votre platine. Tapant direct là où ça fait mal ‘I Remember’ ouvre les festivités dans un style proche du trash, mais en plus groovie. Le second morceau, qui est aussi le plus long, ‘Evil Red’ frise l’orgasme sonique avec son côté envoûtant et carré ; c’est un peu comme si on avait extrait le meilleur d’Isis période ‘Panopticon’ ainsi que le côté rock’n’roll d’El Caco période ‘Viva’. Sublime ! La suite de cette production est assez homogène et les morceaux s’enchaînent agréablement, laissant ça et là quelques surprises comme ‘One Thirteen’ qui lorgne vers Soundgarden ou ‘I Am The Messiah’ dans la veine de Coroner. Que dire de plus de ce fantastique album qui se termine comme il a débuté sur ‘Trike’ et ses rythmiques vrombissantes. Touchez à rien les gars ! Vous êtes parfaits !

Sparzanza – Into The Sewers

Sparzanza - Into The Sewers

Le premier album de ces suédois, « Angels of vengeance », avait témoigné en son temps d’un talent certain permettant d’envisager l’avenir de cette formation sous les meilleurs auspices. Nous étions en droit d’espérer de grandes choses pour le disque suivant. Nous y voilà ! Il est des choses qui s’imposent comme des évidences. Ce disque est truffé de pépites. De « pép’hits » devrais-je dire. La qualité d’écriture du groupe s’est incontestablement affirmée. Au point de proposer un véritable enchaînement de tubes hard rock/stoner au refrains plus accrocheurs les uns que les autres. Proprement époustouflant. La progression du groupe le place désormais très haut dans l’échelle du genre. Dans le peloton de tête. Si ce n’est en première place. Le rythme est mené tambour battant, avec la plus belle des énergies, selon les préceptes de l’école scandinave comme en témoigne le sublime Kings on kerosene. Le son est excellent de part en part. Très heavy. Sans jamais être écrasant, pour ne pas perdre en dynamique. Ça bastonne méchamment. Simplement et efficacement. Les riffs sont imparables. Les solos, lumineux, sont délayés avec parcimonie. Le chant, superbe, ample et chaleureux, renvoie quelquefois aux intonations de Dan Kerzwick de Sixty Watt Shaman, notamment sur Euthanasia. Les chœurs, toujours judicieux, constituent une valeur ajoutée certaine que Sparzanza à plus que raison d’exploiter sur ce mode. En matière de Hard Rock avec un grand H et un grand R, ce disque est pour l’instant ce qui s’est fait de mieux au cours de l’année. Franchement brillant. Il contient tout ce que l’on peut attendre d’un grand groupe : de la vitalité et de l’inspiration. Prodigieux. Water Dragon a eu raison de miser sur ces lascars. Son travail de longue haleine a permis au groupe de gagner en maturité et à sa musique de prendre une sacrée envergure. Je serai cependant plus réservé quant à l’artwork de ce disque qui ne me semble avoir d’autre intérêt que d’attirer le regard. Heureusement le disque comprend deux vidéos live, ce qui compense très largement cette petite faute de goût.

Yawning Man – Rock Formations

Yawning Man - Rock Formations

Yawning Man est un groupe quasi instrumental né au milieu des eighties. Il serait l’inspirateur direct de Kyuss. Et plus largement de toute la musique que l’on qualifie couramment de « desert rock ». Il se compose actuellement d’Alfredo Hernandez à la batterie (ex-Kyuss, ex-Queens of the Stone Age), de Mario Lalli à la basse (Fatso Jetson, Orquesta del Desierto, Across the River) et de Gary Arce à la guitare (The Sort of Quartet, Oddio Gasser). Après une flopée de démos, voici le premier album du groupe. Imaginez-vous en balade dans la Death Valley. La chaleur est étouffante. La nuit tombe. Il est grand temps de trouver un endroit pour la nuit. Au loin, vers l’ouest, un point lumineux attire votre attention et vous donne le cap. Il s’agit d’une enseigne lumineuse. Elle indique « Blue Hotel ». Vous entrez et êtes accueilli par une musique étrange. Entre surf music et space rock. Le réceptionniste apparaît. Chris Isaak himself ! Médusé, vous suivez ses indications pour rejoindre votre chambre. Là, vous vous écroulez sur votre lit et sombrez illico dans un sommeil profond. « Rock formations » c’est un peu comme ça. Passée l’agréable surprise des premiers morceaux, ses vertus soporifiques finissent rapidement par avoir raison de vous.

Palehorse – Gee That Ain’t Swell

Pale Horse - Gee That Aint Swell

Inquiétant, ce disque l’est au moins pour deux raisons. Le visuel tout d’abord. Une photo floue, un mec de dos, des arbres, une rivière. Ça sent le serial killer en goguette flânant sur les lieux du crime. La musique ensuite. Cela démarre par un morceau intitulé « Bliss » (« Béatitude » en français). Soit un ampli produisant un vrombissement de plus de quatre minutes. Terrible ! En plein dans le trip Nightstick, Sunn O))) ou Boris. Ce groupe utilise manifestement tous les moyens pour rebuter l’auditeur lambda. On poursuit avec le titre (je traduis) « Oui, je fabrique mes propres vêtements ». Et le même auditeur de se marrer. Ces angliches sont drôles. Enfin pas vraiment. Parce que si l’on prête attention à la musique qui accompagne ce titre, on se trouve violemment projeté dans des climats misérabilistes et dépressifs à la Grief. Rythmes ultra lents et dépouillés à l’extrême. Cris hurlés ! Souffrance magnifique. Humaine, trop humaine. Ça s’emballe sur le troisième titre (je traduis) « Bar étudiant église de la Sainte Trinité ». Pince sans rire avec ça. Délicieusement british ! Jeu de voix. Alternance de cris et de hurlements d’outre-tombe. Ambiances malsaines et tordues à la Today Is The Day. Puis subitement, basculement vers un passage emo-pop du meilleur effet. Déroutant est probablement l’adjectif qui caractérise le mieux ce disque. Alliance réussie entre angoisse musicale et rigolade littéraire. Croisement d’un sludge vicelard et poisseux et d’une pop-folk ténébro-décalée. Pale Horse invente un genre. Et quel son ! Chapeau les gars. Mais n’écoutez jamais ce disque sans avoir le livret à proximité, où il vous en coûtera.

Abdullah – Abdullah

Abdullah - Abdullah

J’avais adoré et salué l’arrivée de ce duo américain dont le premier MCD « Snake Lore », enregistré en quatre pistes, m’avait véritablement impressionné (on en retrouve deux titres ici). L’enthousiasme que j’avais pu ressentir initialement pour ce groupe n’a malheureusement pas survécu, laissant les doutes apparaître. A force d’être trop travaillé, débarrassé de sa noirceur doom originelle, la musique d’Abdullah est devenue beaucoup trop lisse, trop policée. Solos par trop démonstratifs. Vocaux radio-friendly. Le processus d’euphémisation engagé par ce groupe a eu raison de l’intérêt que j’ai pu lui porter.

The Muggs – Born Ugly

The Muggs - Born Ugly

Il se dégage un sentiment de plaisir subtil et suranné lorsque l’on a en main la dernière production des Muggs. Ce groupe résolument hors du temps, complètement engoncé dans les 70’s, joue avec une passion et une honnêteté qui non seulement forcent le respect mais aussi l’admiration. Il y a dans cette attitude quelque chose qui ne détonne pas au milieu des groupes plus « puristes » de desert rock. En effet, pas de vrai stoner à l’horizon sur cette galette, pas d’accords dissonants ou grassouillets, rien de très sale en fait : le son est clair (ce qui n’empêche pas une grosse dose d’électricité), le chant est propre, l’ensemble est même superbement chiadé.

Forcément, pour des oreilles régulièrement violentées par les outrages guitaristiques d’obscurs groupes légèrement bourrins, les premières écoutes de « Born ugly » surprennent. On peut même être dubitatif à l’écoute de ce groupe que l’on qualifierait volontiers (de manière finalement dédaigneuse) de « gentiment naïf », avec son vieux son de gratte et ses vocaux hors du temps. Mais petit à petit, le côté finement ciselé de ces compos prend le pas et force est alors de reconnaître le talent réel de ce groupe, qui glorifie le heavy rock bluesy comme personne. Les riffs sont efficaces, les soli franchement intéressants (« Blood Meridian », « 6 to midnite »), et dès que la slide est de sortie, les titres prennent des reflets « Raging slab » tout à fait séduisants (« Clean break blues », « Losing end blues »).
Bref, un vrai plaisir à écouter ce disque, qui offre une parenthèse bienvenue au stoner plus traditionnel.

Billy Gaz Station – Skins & Licks

Billy Gaz Station - Skins and Licks

Quelle agréable surprise que cette galette sortie de nulle part de la part d’un groupe français ! Supportés par le décidément très agité label Kicking Records, ce combo étonnant est le fruit du rapprochement de 2 fougueux zicos pour le moins passionnés, qui baroudent dans l’underground vivace du rock français depuis un moment déja. Le groupe se crée sur cette base et commence à accoucher de quelques démos qui font vibrer les premiers aficionados, menant naturellement à l’enregistrement de cette première rondelle de 11 titres sérieusement burnés.

Au grè des premières écoutes, on éprouve quand même du mal à cataloguer précisément le groupe : sorte de fourre-tout complètement foutraque, Billy Gaz Station évolue dans une sorte de stoner rock assumé, baigné de rasades de gros classic rock 80’s et lardé de sonorités metal et rock indé 90’s. On a vu pire ! Les influences du combo sont multiples, mais toutes heureuses. Le livret intérieur du groupe est à ce titre assez éloquent, voyant un “sous-titre” appliqué à chaque chanson : “Metallica, Wildhearts, Led Zep, Classic Rock, Dinosaur Jr, Rolling Stones, Pantera”… Bon courage si vous voulez trouver le compromis entre tous ces combos ! Mais BGS ne s’embarasse pas de ces velléités : plutôt que d’essayer de synthétiser et digérer ces influs, ils se laissent porter à tous vents et tapent un peu partout en même temps ! L’impression laissée par une écoute de leur disque ne trahit pas : l’auditeur aussi se laisse porter dans tous les sens, et revient inévitablement à ma première remarque : difficile de cataloguer l’ensemble… au diable !

Affranchis de ces considérations, on rentre donc dans les chansons, et au bout de quelques écoutes on commence à les fredonner gentiment, un très bon signe. Amateur assumé de gros riffs (“Lost Generation”, “3 Times…”, “Hard on”), la guitare de Billy The Kill est clairement le liant de l’ensemble du disque. C’est d’ailleurs ce son de gratte qui assure le fil rouge de l’album et en maintient une cohérence infaillible tout du long. Le jeu de guitare de Billy est rafraîchissant, totalement “pur” : pas vraiment larvé d’effets divers et variés, il tombe sa poignée de riffs et de ryhtmiques charpentées ou chaloupées, et contre-balance ses lignes de chant de multiples soli fluides, efficaces et modestes (parois une poignée de secondes seulement). Du talent sans trop en faire (ou en montrer). La basse est volontairement un peu en retrait, ce qui permet de mettre en avant la frappe pêchue et groovy de Matgaz à la batterie, impeccable. Le duo basse-guitare prend ici toute sa saveur, comme le laissait supposer le titre (peaux de batterie et licks de guitare…?).

Les titres de ce “faux power trio” (c’est Billy qui a enregistré les basses), défilent donc sans temps mort, avec quelques moments plus faibles néanmoins : on peut parfois avoir le sentiment que quelques compos auraient pu être plus finement ciselées. Clairement taillées droit vers l’essentiel, certains breaks, certaines conclusions de morceaux, certains “ponts” peuvent apparaître un peu “bruts” ou tomber comme un cheveu sur la soupe. Mais ce ne sont que des détails, gageons que les dizaines de concerts du groupe et le fait de consacrer plus de temps à la composition de ses futurs titres éviteront ces très légères faiblesses sur ses prochains disques. Du bien bel ouvrage en tout cas, et une furieuse envie de suivre ce groupe de très près, comme porteur de gros espoirs…

Black Sabbath – Black Sabbath

Black Sabbath - Album eponyme

La version que je chronique est l’édition européenne originale comprenant 7 titres dont la reprise Evil Woman. Je vous laisse le soin de vous balader sur le net pour découvrir les autres versions en fonction de leur distribution géographique et du label sur lequel le Sab se trouvait lors de telle ou telle sortie et ré-édition. Paranoid, Master of Reality, Volume 4 et Sabbath Bloddy Sabbath ne sont pas encore nés et le Sab n’est qu’un petit groupe du nord paumé de l’Angleterre avec seulement le temps d’un week-end pour enregistrer son 1er skeud.

1ère plage: chanson éponyme de l’album éponyme. C’est d’ailleurs sur base d’une jam qu’ils ont pondu ce morceau glauque baptisé Black Sabbath. Le groupe s’appelait Earth à l’époque et, pour des raisons de droits sur le nom, optera pour Black Sabbath. Ca démarre sur une ambiance de convoi funéraire sous une pluie d’orage rythmé par le timbre sobre d’une cloche dans le lointain. Ensuite, un riff de guitare lent et retenu vient donner sa touche à l’ambiance macabre. Il est à noter que ce riff comprend trois notes: une tonique, son octave à l’aigu et enfin une note 3 tons à mi-chemin entre les 2 premières, ce qui génère une dissonance. Ce genre de séquence musicale, lorsque la puissante église catho avait la main mise sur les arts et la culture, était prohibé en raison de sa prétendue filiation avec le malin. La totale, ce sont les “Oh no” désespérés ad libidem d’Ozzy pour marquer l’entrée dans le refrain et donc l’envoi du bois.

Bref, nos amis annonce d’emblée la couleur en 1970 pour une carrière au cours de laquelle ils ne cesseront de provoquer l’ire des lobbies chrétiens sur les 20 années suivantes. Ajoutez à cela la croix à l’envers à l’intérieur de l’album original, un poème bien dark ainsi qu’une femme mi-sorcière mi-zombie sur la pochette, et vous obtenez un bon mix représentatif des films d’horreur dont le public était friand à l’époque.

Les 2 plages suivantes nous montrent que le groove fait partie intégrante du jeu des musicos. 4e plage, la sublime intro à la basse sur effet de wah-wah passe le relais à un riff de gratte grave et couillu. Le refrain est sobre mais profond dans ses lignes vocales. Iommi nous balance un solo splendide dans le bridge. Sans doute le morceau le plus proche des lignes éditoriales de ce site. La reprise Evil Woman navigue dans les eaux plus directes du boogie et son refrain aux accents 60’s nous envoie d’agréables senteurs d’encens.

Si l’on considère les 5 premiers albums du Sab, on pourrait éventuellement dire que Sleeping Village est au Sab ce que Dazed and Confused est à Led Zep: un long trip musical marqué par diverses séquences selon une suite homogène. Passionnant pour les aficionados mais à gerber pour les futurs punks à venir dans les années 70.

Le dernier morceau intitulé Warning pourrait passer pour la plage inutile à la première écoute de son intro simplement blues en son clair. Mais ce serait trop facile. Iommi bifurque rapidement vers un arpège aux accents médiévaux pour ensuite partir dans un riff/solo d’introduction qui ne verra l’apparition de la basse et de la batterie qu’après un feedback de gratte savamment maîtrisé. C’est d’ailleurs là qu’on se rend compte de la précision rythmique et de la complicité du trio Iommi/Butler/Ward. Ozzy pose sa voix aisément mais pour un court instant, une sorte de bonsoir aux allures de reviens-y. C’est d’ailleurs ce qui se passera dans le courant de la même année avec le 2e opus Paranoid.

Cet album, même s’il est met en avant un côté sombre évident, reste quand même le fruit de blues jams et autres boogie sessions durant l’année 1969. Ce qui est par contre déjà une marque de fabrique du Sab et le restera, c’est sa section rythmique en acier trempé avec un batteur ponctuant les temps forts à coups de gourdins sur ses fûts et une basse ronde et groovy qui tapisse avec précision le spectre sonore de ses basses fréquences.

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