We Hunt Buffalo – Head Smashed In

Le quatrième album des canadiens de We Hunt Buffalo, Head Smashed In sort chez Fuzzorama Records ce mois-ci et devait être attendu par les amateurs de Fuzz corsé au delà des limites de Vancouver. Il propose en 43 minutes neuf titres en demi teinte. J’ai retourné l’album dans tous les sens, l’ai trituré au possible pour me faire une idée de son contenu et force est de constater que la direction prise par le groupe est surprenante, voici pourquoi.

Tout ceci commence sous de bons auspices avec un Heavy Low ou un Angler Must Die lourds et entêtants mais par la suite bien que les riffs mid-tempo influencés par le grand frère Truckfighters semblent conduire les compositions dans la droite ligne de ce qui était fait au cours des précédents albums, il faut bien avouer que la puissance n’y est pas égalée. La voix rappelle parfois les composition d’un Red Fang (Mais également l’instrumentale de “Industry Woes” qui fait partie des meilleurs moments de l’album) mais dévie quasi systématiquement, en arrivant souvent à minorer l’impact de la musique. Il s’agit pourtant d’une tentative louable de sortir du chemin tout tracé du Fuzz sauce jalapeño et d’apporter un peu de fraîcheur dans ce monde vite saturé.

Les thèmes bouclés sur eux même  conduisent rapidement à la lassitude et les cris de Ryan Forsythe ne suffisent pas à redonner du souffle aux compositions.  “Angel Must Die” oscille entre rage et passages plaintifs assez vite. J’ai été pris d’un malaise, d’une sensation de déséquilibre et les morceaux format radiophoniques ne dépassant jamais les 5 minutes n’aident pas à redresser la barre.  C’est une furieuse impression de déjà entendu et de lassitude qui s’empare de moi au fil des pistes, “Prophecy Wins” joue le même riff jusqu’à l’écœurement., les effets ne suffisant pas à compenser un morceau sirupeux à la guitare excessive sur basse monomaniaque.

Pour autant il y à quand même de belles initiatives,  “Get in the van” dont l’intro donne une furieuse envie de bouger contient ce qui fait le plaisir Fuzz, batterie en cascade, effets de gratte en fond sonore, jeu vif et entraînant débouchant cependant sur des solos trop démonstratifs. Je crois à la reflexion le chant responsable d’une grande partie du déplaisir ressenti. Je ne peux pas dire que ce ne soit pas maîtrisé bien au contraire mais je trouve tout ceci mou et sans profondeur. Une véritable impression de redite tout au long de la plaque. “The Giant Causeway” ou “God Games” forcent cette tendance larmoyante au format entendu. Néanmoins j’enrage! Il serait si facile de dire que cet album n’est complètement pas à la hauteur, mais les sursauts rythmiques et mélodiques attirent l’attention donnant envie de s’y pencher encore et encore afin de s’en convaincre peut être la mayonnaise finira-t-elle par prendre?

Au final Head Smashed In est une galette en trois tiers dont la recette repose sur la frustration de voir We Hunt Buffalo ne pas se maintenir au niveau, proposer des idées entendues mais agréables et d’imposer malgré tout de talentueux passages. Cet album viendra garnir agréablement les sets Lives mais en résumé, je ne sais pas quoi faire de l’objet, alors je vous pose ça là, la meilleure option restant de vous faire votre propre avis après quelques écoutes.

Castle – Deal Thy Fate

On a beau avoir assisté à quelques prestations scéniques décoiffantes et rafraîchissantes du trio américain ces dernières années, Castle reste un groupe un peu confidentiel, en tout cas pas au niveau de notoriété et de reconnaissance que l’on peut imaginer pour un groupe qui existe depuis bientôt une décennie, et dont la discographie est déjà riche (4 albums sous le coude, ce Deal Thy Fate est leur cinquième… pas mal en moins de 10 ans !). Désormais accueillis dans l’écurie Ripple Music, on peut espérer les voir profiter dans les prochains mois de ce support plus dynamique pour faire connaître leurs productions et parcourir les salles obscures du vieux continent à un rythme plus intensif. C’est donc avec un œil bienveillant qu’on accueille cette nouvelle offrande du groupe.

Castle évolue dans un genre musical très old school, qui trouve ses ramifications dans les meilleurs terreaux du metal US/UK essentiellement : on y croise du doom old school à la Pentagram, des assauts heavy à la Judas Priest, des rythmiques galopantes à la Iron Maiden, des attaques de gratte sèches et nerveuses et des rythmiques à la Slayer ou Megadeth… Pas très stoner tout cela… D’ailleurs le groupe ne s’en est jamais directement revendiqué. Néanmoins, le charme suranné de l’ensemble, son embarquement chez Ripple Music, ou encore le lien organique qui est souvent fait avec des groupes de notre « scène » musicale de prédilection (on parle de dizaines de tournées en compagnie de têtes de pont du doom ou stoner, de participations remarquées à des festivals type Desertfest…) en font un groupe « à suivre » pour tout amateur de stoner.

Pour peu que l’on ne soit donc pas rebuté par les influences sus-mentionnées, n’importe qui devrait pouvoir prendre son pied en écoutant cet album : il propose un metal généreux et débridé, servant des compos parfaitement ficelées, sans rien qui dépasse, orientées efficacité (toutes les chansons durent entre 4 et 5 min, sauf une… à 5 min 01 !). Le riff, essentiel dans la musique du combo, est toujours clinquant et catchy, et pose les fondations de titres tous impeccables : les heavy rampant « Haunted » ou « Can’t Escape the Evil », les nerveux « Deal Thy fate » ou « Skull in the Woods », les mid-tempi de « Hexenring » ou « Firewind »… Castle n’en met pas une à côté sur ce Deal Thy Fate. Rajoutez à ça l’un des meilleurs sons qu’ils aient eu jusqu’ici, et les ingrédients semblent réunis pour faire de cette galette leur meilleure à ce jour.

A noter que le trio instrumental n’est en réalité dans les faits qu’un duo, puisque le groupe a toujours été emmené par la charismatique Liz Blackwell (basse et chant) et Mat Davis à la guitare (et un peu de chant). Les batteurs vont et viennent au sein du groupe, qui ne s’embarrasse même plus à justifier de la présence de l’un ou l’autre, qu’il s’agisse de mercenaires de studio ou de requins de tournées… Il faut dire que les deux compères sont en phase, partageant parfois des lignes de chant (plus généralement assurées par Liz), mais plus généralement en se répartissant les armes de manière parfaitement complémentaires : riffs saignants et soli généreux pour Davis, rythmiques teigneuses et support mélodique pour Blackwell.

Un album à recommander aux metalheads en premier lieu, mais aussi aux amateurs d’un stoner doom nerveux et délicieusement suranné (mais jamais vieillot), qui trouveront là de la matière à quelques dizaines d’écoutes enthousiasmantes et un potentiel de headbanging au top.

Second Sun – Eländes Elände

Groupe de Prog qui aurait été engendré par la fine fleur des précurseurs du Spacerock et des descendants de la jeunesse de Judas Priest. Second Sun nous livre sa seconde production Eländes Elände. Le quartette qui porte fièrement sa langue en chantant exclusivement en Suédois et démontre avec cet album qu’il est possible de faire du neuf avec du vieux.

Les claviers apportent une touche surannée qui glisse souvent vers le Prog le plus complet rappelant les belles heures des Camel, Jethro Tull et consorts. D’ailleurs l’influence d’un Camel est prégnante tout au long de la plaque. Un “Enda Sunda Maenniskan i Vaerlden” devrait t’en convaincre rapidement. Et cette filiation tant du point de vue rythmique que mélodique n’est pourtant pas un simple plagiat.

Le chant est scandé et mélodieux, la langue se prête tout à fait à cet univers daté et jouissif. Véritable machine à remonter le temps on retrouve dans Eländes Elände du Deep Purple  dans les structures des morceaux ( Cf le solo de claviers sur “Du Ska Se Att Det Blir Samre”)  Comme du The Stranglers dont la filiation est assumée par Second Sun. Celle-ci expliquant peut-être l’impression d’écouter un album du bloc de l’Est à la charnière 70-80 tant The Stranglers semble en avoir influencé le rock. On navigue entre Proto Métal et Hard Rock. “Panikangestattack” est la pépite excitée de l’album, apogée punk qui nous fait échouer dans les années 80 . S’il est clair que le claviers font la plus grosse partie du job et portent l’album de bout en bout, le chant n’est pas un élément mineur, il donne toute leur force aux compositions tant de part la sonorité du suédois que de part ses envolées lyriques régulières en choeur.

Le dernier titre éponyme rentre immédiatement en tête. Petit tour de passe-passe composé sur le gimmick d’intro de l’album etla boucle est bouclée pour cette galette divisée en deux grandes parties à cause d’un enregistrement en deux temps. Il est curieux de d’entendre au fil des pistes des sonorités venues des frontières du Rock Disco dans un premier temps et de revenir à un Rock Prog dans un second, mais tout cela s’emboite parfaitement et c’est une preuve indéniable de talent.

Tout ceci pourrait être d’une ringardise absolue mais c’est sans compter l’intelligence de Second Sun qui fait ressurgir des limbes les débuts du métal et livre une galette qui a pleinement sa place parmi nos chroniques. Et au milieu de toute cette  joie de vivre si tu te mets à courir nu dans les champs la tête ceinte d’une couronne de fleurs c’est donc tout à fait normal.

Kadavar – Live In Copenhagen

Ici le monde se divise en deux catégories, ceux qui n’ont jamais vu Kadavar en Live et ceux qui les ont vus à chaque passage à proximité de chez eux. Me classant dans la seconde catégorie, je pourrais craindre de m’attaquer à cet album en toute “inobjectivité”, mais votre serviteur saura rester fort et prendra soin de livrer une analyse cohérente de la situation. Depuis 2010, le trio des Christoph Allemands (et un peu Français de part son bassiste Simon, soit 33.33% de cocorico) aura pondu avec cet enregistrement 6 albums de qualité dont 2 Lives. Alors pourquoi remettre le couvert avec ce Live in Copenhagen alors que le Live in Antwerp aurait pu suffire ? La réponse réside dans le fait que Kadavar est un pur groupe de scène. Les gars passent la majeure partie de leur temps en tournée et en font un sacerdoce pour permettre à tout un chacun de venir honorer le corps bien vivant du rock 70’s.

Une fois ceci dit, il faut se poser la question de la valeur ajoutée de la Set-List. Ce live comporte les titres “Doomsday Machine”,  “Black Sun”, “Living In Your Head”, “Forgotten Past”, “Purple Sage”, “All Our Thoughts” et “Come Back Life”qui étaient déjà présents sur le précédent album et composent donc la moitié des 14 titres du présent opus. Le fond de commerce est donc là depuis le Live in Antwerp, pour le reste on ne note qu’un titre pour Kadavar et Berlin et quatre titres issus du dernier Rough Time

Sorti de cette analyse structurelle attaquons la qualité de l’enregistrement et là, petite déception sur les premier morceaux, la voix de Lupus semble faiblarde et ne pas tenir la note, constat assez régulier d’ailleurs en Live et horreur, une dose de reverb sans fin. Celle-ci remplissant les oreilles jusqu’aux prises de paroles entre les morceaux. On en arriverait presque à se demander si l’enregistrement n’a pas été fait dans un stade vide. Ce défaut dure sur 4 morceaux avant que cela ne rentre dans l’ordre à partir de “The Old Man”, la voix revenant au naturel et gagnant en intensité. À noter que la remarque était déjà valable pour le Live in Antwerp saturé de reverb et d’imperfections.

Le tournant est assuré avec “Die Baby Die” et on imagine parfaitement la tornade Teutonne emporter le public sur son passage bien que le mix ne laisse judicieusement qu’une place intermédiaire à celui-ci. Coté instrus tout y est et confirme les tendances du groupe. Un Tiger qui fait le show à la force de la baguette, tout en puissance et en contre temps. Dragon aura mis quelques temps à passer sur le devant de la scène et il s’implante à présent parfaitement dans le groupe. Les riffs de basse envoient leur puissance et l’artiste assène sans mollir ses harmoniques pas piquées de vers. Une fois de plus La comparaison entre les deux lives tend à montrer l’importance prise par le gars au fil des tournées.

Finalement ce live est organique, il évolue au fur et à mesure des morceaux avec ses imperfections et ses pépites, un vrai Live qui ne triche pas, une seule prise, peu de montage et un savoir faire assumé. Si tu as déjà assisté à une prestation de Kadavar tu y retrouveras des sensations connues, pour le néophyte il y aura probablement beaucoup d’interrogations mais il ne devrait pas t’échapper qu’il va falloir creuser la question en prenant ta place pour le prochain show du groupe.

 

Point Vinyle:

Comme à l’accoutumée, Nuclear Blast voit les choses en grand et propose outre le classique double LP Noir, quatre autres couleurs: 500 copies Transparentes,  300 copies en version tourbillon rouge et blanc, 300 copies en version tourbillon noir et crème et 300 autres en version tourbillon bleu et jaune

Uncle Acid & The Deadbeats – Wasteland

Est-il encore la peine de présenter le groupe Uncle Acid & the Deadbeats? Le quartette de Cambridge évolue depuis 2010 dans les sphères du Heavy Psychédélique à tendance Doom avec pour fil conducteur des sonorités 70’s trempées dans un malaise constant et ils sortent leur cinquième galette. (Ah ben merde, je les ai présenté). Voilà donc trois ans que nous étions sans nouvelle du groupe, la galette intitulée Wasteland était d’autant plus attendue des amateurs et rien que le titre offre quelques promesses au connaisseur des sons torturés de Tonton Acide.

Le groupe se démarque par sa constance à emmener l’auditeur vers un univers qui lui est propre. Droit dans ses bottes Uncle Acid réalise un job sans surprise mais délectable où le mélodique sert la vision d’une réalité dégueulasse. Wasteland convoque à chaque morceau le le malaise et l’apaisement. La puissance mélodique dégagée à chaque titre fait de l’album une rareté au sein des intentions du milieu Doom actuel. Uncle Acid ne cherche pas à être toujours plus lourd, au contraire, il tire vers le haut et l’aérien et ne conserve que la moelle déstabilisatrice du genre. C’est d’ailleurs un fait revendiqué par Kevin Starrs, Wasteland est un album de Heavy qui laisse libre court à une inspiration mélodique et saisissante.

On l’a dit mille fois, Uncle Acid c’est avant tout une appropriation des codes de la musique des années 70, “Shockwave city” fait la part belle à la réputation du groupe en sortant un son Crunchy et consistant comme un Black Sab’ des familles ou “Blood Runner”, idéalement Heavy entre un hymne 80’s sur un son de Les Paul de chez Led Zep’.

Afin d’imaginer l’appétit de Kevin Starrs pour le genre horrifique, il suffit de se pencher sur “No Return” qui fait office de cirque hanté, avec une composition très visuelle qui serait la mise en scène d’un Comics de Eric Powell par Jacques Tourneur. La recette de Uncle Acid tient en deux ingrédients principaux, du classique Heavy et un univers entre beauté et fantastique. Le titre éponyme “Wasteland” en dit d’ailleurs long sur le sujet, petit à petit la composition se dégrade, l’auditeur assiste à une déchirure dans le rideau et le monde se montre tel qu’il est, dégradé et pourrissant, se tordant de douleur et de frustration.

Le lancinant “Bédouin” et son gimmick appuyé ne laissent pas indemne, on cherche sans cesse à revenir sur l’écoute et le titre s’impose avec des sons de trompette qui restent en boucle dans la mémoire de l’auditeur. L’Équilibre délicat entre malaise et bien être fait de l’album un oxymore musical. “Exodus” clôture en oraison funèbre la galette, la grosse caisse devient un battement de cœur accompagné d’orgues pour une montée en puissance sur un rythme martial de caisse claire qui s’éloigne comme le passage d’un cortège mortuaire.

Les 46 minutes de Wasteland ne seront certes pas un monument d’originalité au sein de leur discographie cependant Uncle Acid & The Deadbeats font ce qu’il savent faire et le font bien. Tout au long de l’écoute on saura apprécier le mélange subtil d’influence et l’alchimie qui s’opère entre Rock Psyché, Pop, Folk et Blues. On remarquera enfin que le groupe s’oriente vers une musique plus mélancolique et touche juste avec son regard sur un monde en état d’urgence et nous laisse avec son spleen une fois la dernière note égrenée.

The Vintage Caravan – Gateways

Une fois encore Nuclear Blast investit dans le revival des 60-70’ avec The Vintage Caravan. Un choix n’étant plus un pari depuis longtemps pour ce style qui ne cesse d’envahir les scènes depuis la dernière décennie. Surtout pour un power trio comme celui-là ayant par deux fois fait ses preuves au sein du label allemand. Nos jeunes amis islandais proposent donc en cette fin d’été 2018, leur quatrième album intitulé Gateways. Une composition riche en nostalgie et pourtant pleine de vie.

Ici pas la peine de chercher les pistes s’étalant sur douze plombes avec d’interminables séquences de soli endiablés ou de psyché langoureux. Comprenez-moi bien, ces petits trésors constellent l’album, mais ils s’étalent sur presque une douzaine de morceaux ne dépassant que rarement les cinq minutes. D’où une certaine sensation de richesse. De cette façon, le titre d’introduction « Set your Sight » et surtout « Reflections » évolue sur les platebandes d’un hard rock énergique, ce qui évoque d’ailleurs pas mal Kadavar, tandis que « The way » apporte une fraîcheur bluesy s’achevant par un solo délicieux à souhait. Ici on s’approche de Radio Moscow sans le côté défrisage de brushing. Certains diront aussi Graveyard, et tout monde aurait raison.

En définitive, c’est le classic rock qui l’emporte. Des pièces dont la dimension narrative se pose au premier plan comme « On the Run » ou « Tune Out » en attestent. On réalise alors que le groupe s’avère capable de bien davantage que d’un simple pastiche de ce qui fut la gloire d’une période passée. Pour ces énergumènes âgés d’à peine un quart de siècle, assurer la survie du genre tout en apportant leur touche originale pleine de fraîcheur est admirable. Comme quoi le talent ne rime pas toujours avec l’âge.

Et en parlant fraîcheur, évoquons un instant « Nebula », une balade pleine de douceur dans un univers psychédélique instigué par des effets de voix très rétro eux aussi. Ce morceau, c’est la scène du petit déjeuner dans un film d’action ; c’est le changement de partenaire dans un bal ; la sauce sur le lit de pomme de terre. Elle participe à maintenir le rythme, à apporter de la tranquillité sans jamais frôler les rives dévastatrices de l’ennui. Ce qui nous permet d’apprécier au mieux les dix compositions des Islandais.

Puis l’on arrive sur le très réussi « The Chain », un cover de Fleetwood Mac faisant ici office d’épilogue. Vous l’aurez donc compris, ce quatrième opus de The Vintage Caravan oeuvre dans la lignée de ses prédécesseurs. Et s’il convient parfaitement aux oreilles d’un bagpacker amateur d’orgues Hammond en pleine traversée de l’Arizona, il comblera à merveille tous les adeptes de ces disques qu’on ne cesse d’écouter sans jamais parvenir à se lasser.

Farewell, my friends !

Earth Ship – Resonant Sun

Le précédent album des allemands de Earth Ship (Hollowed / 2016) montrait le quatuor atteindre un niveau de qualité remarquable, une sorte de pic dans leur carrière qui les voyait aussi bénéficier d’une sortie chez les gros Napalm records. Le rayon « stoner et consorts » de ces derniers ressemblant plutôt aux écuries d’Augias depuis un an environ, le passage d’Earth Ship n’y fut qu’épisodique, et les voilà revenir au bercail, chez les fidèles et pas rancuniers Pelagic Records. Autre changement, de taille (littéralement) : le quatuor est désormais trio ! Ou plus précisément redevenu trio, la greffe avec Marcel Schulz, apportant une indéniable richesse sur album, n’ayant apparemment pas pris sur le long terme. Jan Oberg se retrouve sans ambigüité principal artisan de son groupe (chose qu’il a toujours été, reconnaissons-le), s’appuyant sur sa femme Sabine à la basse (un rôle ô combien important pour un trio de metal à la musique aussi pointue et exigeante).

Ce Resonant Sun est donc particulièrement attendu au tournant, a fortiori par votre serviteur, un peu déçu du rendu live des titres de Hollowed en format trio, entendus juste après le départ de Schulz… Mais il faut croire que ce constat était probablement plus lié au manque de temps pour travailler de nouveaux arrangements, car ici, sur disque, jamais le manque d’une seconde guitare ne se fait sentir. Mieux encore : même si quelques lignes de guitare sont rajoutées ponctuellement, la majorité du disque s’astreint à ne s’appuyer que sur la guitare de Jan, sans artifice ; gageons que le rendu en live n’en sera que plus aisé, et donc fidèle. Par ailleurs, répétons-le, la production du disque n’en souffre aucunement, grâce aussi au bon travail de Sabine à la basse, qui parvient à combler les « vides » par un son riche et puissant en rythmique.

Au niveau des compos, on retrouve le Earth Ship qu’on avait quitté, sorte de combo metal aux relents sludge léchés, développant une large variété de styles musicaux à travers les huit titres de leur galette. Parmi les plus emblématiques, « A Handful of Flies » avec son riff super-catchy et son chant aux cordes vocales déchirées, fait office de fort logique premier single. Particulièrement efficace dans la production de bons gros riffs bien heavy, les berlinois sont en démonstration sur le binôme « Smoked Filled Sky » / « Barren », apportant aussi au passage une bonne vision sur l’éventail vocal de Jan Oberg : yell scream saccadé et rauque (tendance Dopethrone, la glaire en moins) sur le premier, et chant clair avec chœurs en harmonie sur le second. Autre exemple sur « Dormant » où il alterne les deux types de chant sur un même titre. « Whiplash » plus loin propose une entame qui ne dépareillerait pas chez Mastodon et se transforme en brulot nerveux, que l’on pourrait imaginer figurer sur la set list d’un bon vieux Pro Pain, tandis que « River of Salt » est un peu ce qui peut s’apparenter le plus au doom version Earth Ship : tempo lent, riff pachydermique répété à l’envie, chant déchiré et déchirant…

Mais l’un des titres les plus efficaces de l’album est inéluctablement cet imparable « Resonant Sun », empruntant au doom mélodique avec penchants gothiques. Mélodie addictive, break/refrain super efficace, rythmique simpliste mais parfaitement adaptée… Un titre évident, qui se calera immédiatement dans un coin de votre mémoire.

Bref, une belle palanquée de compositions soignées, efficaces, qui se révèlent encore une fois le véritable trésor de guerre sur lequel Earth Ship peut appuyer ses prestations live. Son challenge consiste en réalité à transformer son travail d’enregistrement en live. En effet, le son de l’album est parfait, riche, puissant, peaufiné pendant des mois par Oberg dans son propre studio. En retranscrire la finesse et la force sur scène sera délicat. Il nous tarde de voir… En attendant, on pourra écouter ce disque à l’envie, et on en suggèrera l’acquisition à la frange la plus « metal » de nos lecteurs, ouverte à un plus large spectre musical.

Fvzz Popvli – Magna Fvzz

Pas de répit pour Fvzz Popvli, en seulement 2 années d’existence, les Romains, signés chez Heavy Psych Sounds, comptent déjà à leur actif plus d’une centaine de dates à travers l’Europe, un EP, un album éponyme sorti l’an dernier et nous en propose un second en cet automne 2018: Magna Fvzz.

Dans la lignée de ses productions précédentes, le trio italien nous offre une dose de garage psychédélique dopé à la fuzz et cite comme principales influences Black Sabbath et les Stooges.

Les bases sont posées dès les premières notes : les morceaux sont massifs et interprétés dans un certain empressement qui transpire d’un esprit résolument rock’n roll tandis que les structures s’articulent, dans l’ensemble, autour d’un chant acide, gorgé d’effets et fortement mis en avant dans le mix.

La guitare, ornée d’une fuzz baveuse, joue le jeu de l’alternance et prend la relève dès que la voix se place en retrait. Entre soli (« And Let it Die… », « The Deal », « Get Me »), riffs couillus (« Napoleon », « Rvmpeltvm ») et passages d’avantage trippants dans lesquels les effets prennent une place importante (« Cherry Bowl », « Magna Fvzz »), Pootchie, particulièrement inspiré, fait usage de la richesse de sa palette avec une grande justesse.

A la section rythmique, Datio et George ne sont pas en reste et apportent une plus-value certaine à l’album grâce à un jeu maîtrisé et des plans inventifs qui enrichissent réellement les compositions (ligne de basse de « Cherry Bowl » et « Magna Fvzz, jeu de batterie sur « The Deal » et « Magna Fvzz »). Enfin, la production de la galette ajoute un caractère lo-fi bien pensé qui accentue l’aspect cohérent de l’œuvre, liant entre eux les instruments et les morceaux.

Morceau coup de coeur: « Magna Fvzz », pièce instrumentale dont le riff de départ est introduit par le duo basse-batterie et qui vrille progressivement en une longue jam qui s’aventure sur les terres du space-rock. En prime, Bazu, du groupe d’Acid Rock Giöbia, passe aux claviers pour venir prêter main-forte aux Romains qui, totalement débridés, terminent leur album dans un trip spatial.

Avec pertinence et talent, Fvzz Popvli offre une suite logique et affirmée à son projet et poursuit sa marche en avant. Magna Fvzz est un excellent album de rock’n roll et tous les amateurs de gros fuzz et autres délires psychédéliques seraient bien inspirés d’y arrêter une oreille (ou deux)!

 

High On Fire – Electric Messiah

Cette chronique ne fera pas sens pour le commun des lecteurs, pas plus de sens en tout cas que les paroles de ce bon Matt.

Quelque part dans le temps (mais vachement dans les années 90 quand même) : Au commencement il y avait Sleep. Les 4 éléments comme ultime rempart contre le mal, conservés dans un temple quelque part dans le désert, avec Matt Pike en débardeur et Al-ziz Cisneros pour la lumière. Puis les 4 éléments ont été dispersés. La terre a servi à faire pousser de l’herbe et l’air à aspirer les vapeurs cannabiques récoltées. L’eau donna OM entité spirituelle aux drones de sonorités et le feu bien sûr forgera le métal le plus pur, celui d’High On Fire.

2018. Californie. Mais dans quelles vapeurs cosmiques, dans quel ziggourat mésopotamien Matt Pike va t’il puiser une telle inspiration? Après avoir assis ce que le monde compte de doomsters avec The Sciences en avril, monolithe musical déjouant les/mes pronostics quant à la pertinence d’un retour musical de Sleep en ces temps de cigarettes électroniques, l’homme à la célèbre raie de plombier revient avec un second album dans la même annualité calendaire. Avec High On Fire donc, flamboyante formation qui depuis désormais 20 ans nous inculque l’art du self-défense, le moustachu revient aux affaires dans un grand fracas d’acier et de fureur. Et je ne vous ferai pas passer des serpents pour le Divin, ce nouvel album est on ne peut plus solide. Par bien des égards en effet, High On Fire est à la crasse stoner metal ce que Motörhead est au heavy metal. Un groupe emblématique et respecté de toutes les sous-chapelles, privilégiant rythmiques galopantes et voix glaireuse comme si Matt Pike était enveloppé des ailes noires bénies de Lemmy Kilmister. Rien d’étonnant alors que le 8ème album de cet autre trio infernal soit dédié à cette légende aujourd’hui défunte. Un messie électrique, un être luminifère dans ce monde obscur nourrissant la paranoïa de Pike, convaincu d’être encerclé par les voleurs. La mort est cette communion nécessaire, permettant aux vivants de s’accrocher et de rêver à de meilleurs futurs. Et Electric Messiah est un album plein de vie.

S’il est toujours difficile de tout comprendre aux obsessions de Pike, ne tâchons pas forcement de percer le mystère des vers (selon ses termes certains titres de l’album sont des parties d’un opéra rock sumérien qu’il a écrit) mais attardons nous sur le fourmillement d’idée que renferme l’album. Toujours produit par Kurt Ballou (3 d’affilée, voilà qui ressemble à une vraie relation de confiance), le disque dégueule littéralement d’idées. Que ce soit le riff tourbillonnant de « The Witch and the Christ » ou la pièce de choix que sont les 10 minutes martiales et rampantes de « Sanctioned Annihilation », tout ici suinte la classe. Il y a « Electric Messiah » bien sûr, single frappant aussi sourdement qu’un lourd marteau, il y a « Spewn from the Earth » mais il y a tout le reste aussi et la définitive « Drowning Dog » clôturant sublimement ce disque, qui se place indubitablement parmi les plus belles réussites d’High On Fire. Et puis merde si ni mes mots, ni la pochette, entre sublime et abomination, ne vous ont pas convaincu, sachez que ce disque comporte un titre nommé « Steps of the Ziggurat / House of Enl ». L’un des albums de l’année, mais qui en aurait douté ?

 

Point Vinyle

Opaque n’est pas la couleur d’un des pressage mais bien la communication de E-one, le label, trop occupé à vendre du Ace Frehley aux quinquagénaires. Donc pour cet album vous avez deux ambiances possibles : soit le noir classique sur Amazon, fnac, votre disquaire etc. soit les bundles sur le site d’HoF permettant d’accéder aux pressages White (500 ex) et Purple (500 ex) pour 45 dollars (avec Tee shirts et goodies). Il semble qu’une version rouge soit dispo mais c’est aussi clair que le lien entre les reptiliens et le 11 septembre (si y a un lien, Matt Pike vous expliquera).

The Necromancers – Of Blood And Wine

À peine soufflées les bougies du second anniversaire de la formation actuelle, à peine le succès du magnifique Servant of The Salem Girl consommé que les fils du malin reviennent en ce début d’automne avec un nouveau rejeton. Une créature à six têtes, aux ascendances infernales indéniables et intitulée Of Blood And Wine. Et tout comme le DLC de The Witcher 3 duquel son nom est emprunté, cet album comporte de l’aventure, du rebondissement, des émotions et la marque d’un travail de qualité digne des meilleurs artisans.

Lors d’une précédente interview, le quatuor originaire de Poitiers stipulait avoir envie que les gens les reconnaissent, mais qu’ils soient aussi surpris par leurs idées, qu’ils sentent une certaine évolution finalement. Après quelques écoutes du nouvel opus, on ne peut que saluer la réussite du projet. Car si l’on reconnaît d’entrée la patte sinistre et incantatoire du groupe dès les premières notes de « Join the Dead Ones », on est aussitôt surpris par sa transition vers le premier couplet. C’est le départ du voyage en compagnie des quatre prophètes. Un voyage à la dimension épique cette fois qui sera confirmée par le côté heavy metal de l’album. Si Servant of The Salem Girl nous transportait au cœur du caveau sépulcral, Of Blood And Wine nous en éjecte l’épée et le sceptre en main pour un pèlerinage sanglant.

L’alternance de passages clairs et saturés au chant apporte toujours autant de profondeur à la musique, notamment dans des pièces comme « Lust » où le prélude doux et paisible danse avec les riffs électriques de Robin et les grognements enragés de Tom. Le tout offrant une atmosphère ambiguë, lugubre et finalement assez évocatrice de la luxure. La taille avoisinant les dix minutes du morceau se prête à l’exercice narratif. Mais il y a mieux.

« Erzebeth », du haut de ses 12 minutes 49, et disponible en exclusivité trois semaines avant la sortie officielle de l’album, est un conte. Une pièce invoquée par un doom électrique qui se met ensuite à galoper sur les platebandes du hardrock. Une balade entre des portions riffées à souhait, des soli frénétiques sans oublier des interludes au chant parlé qui, s’ils apaisent, n’existent que pour précipiter davantage dans la gueule du monstre. Derrière ce monument, la presque timide « Of Blood and Wine » passe pour un simple interlude harmonique du fait de ses 2 minutes 40.

Ce qui transparaît de cet album, c’est la liberté totale avec laquelle le groupe compose. Loin d’être mis sous pression par un label intéressé, ils s’adonnent à loisir au jeu de la création. Et ça marche. On ne peut ignorer qu’Of Blood And Wine détient moins de fougue que son grand frère, qu’il donne moins envie de secouer la tête, toutefois il se permet plus d’élaborations, il prend plus de risques. Le résultat est à la hauteur des espérances pour cette seconde signature chez Ripple Music et apporte la perspective de nouvelles tournées qui, on le souhaite, seront aussi spectaculaire que les précédentes.

Windhand – Eternal Return

Le temps se rafraîchit, la sculpture sur citrouille approche, et les maîtres sorciers de Richmond reviennent avec un nouvel album. Maintenant bien installé chez Relapse Records, Windhand sort son quatrième album intitulé « Eternal Return ». Un éternel retour sans conviction et sans saveur, ou un éternel retour fracassant les portes du conformisme avec un grand coup de pied dans les burnes du conventionnel ?

La pochette d’ « Eternal Return » reprend les mêmes codes graphiques que son excellent prédécesseur « Grief’s Infernal Flower » : d’une typo identique, on trouve le nom du groupe au milieu en haut, le nom de l’album juste en dessous, et un dessin aux couleurs usées. Ici, une femme en longue robe rouge se tient à l’orée d’une forêt entourée d’un lac gelé.

Après le succès de « Grief’s Infernal Flower », Windhand a intelligemment décidé de poursuivre dans la même direction. La formule n’a pas changée, les riffs abrutissants et diaboliques (Halcyon, First To Die, Red Cloud, Diablerie…) accompagnent le chant de Dorthia Cottrell, le tout ponctué de solos psychédéliques. Très lent lorsqu’il est doom (Eyeshine), plus entrainant lorsqu’il est psyché, voir grunge, l’ambiance d’un album de Windhand se situe quelque part entre le projet Blair Witch et une soirée Ouija dans une cabane en bois avec des bougies et des amis, ivres et nus.

Comme nous laisse penser la pochette, la femme est mise à l’honneur sur « Eternal Return ». Après s’être essayé à un projet solo acoustique en 2015 (album vivement conseillé), Dorthia prend de plus en plus de place sur chacun des morceaux, et illumine l’album en donnant à Windhand toute sa profondeur. Pour se convaincre de la beauté de la voix de cette femme, écoutez donc la ballade Pilgrim’s Rest. Une voix chaude et caverneuse qui fonctionne aussi bien sans apparat qu’avec l’instrumental sombre et joyeusement lugubre très typique du groupe. Dans les deux cas, la sirène Dorthia nous hypnotise et notre seule envie serait de la rejoindre, au risque de marcher sur cette fine couche de glace et d’y passer au travers.

Le neuvième et dernier morceau d’ « Eternal Return » (et aussi le plus long), Feather, synthétise les capacités de Windhand : respectivement adoucir, émouvoir, inquiéter, et faire peur, enfin. Sans le mettre au dessus ni en dessous de « Grief’s Infernal Flower », on place ce nouvel album au même niveau, et on file écouter l’album solo de Dorthia Cottrell, une des plus belles voix de la scène doom actuelle.

Ancestors – Suspended in Reflections

Six ans. Six ans qu’on attendait des nouvelles de Ancestors. Depuis son moyen «In dreams and Time» en 2012, on se demandait si le combo de Los Angeles avait définitivement enterré le riff de guerre et tiré sa révérence. Par le truchement de quelques nouvelles numériques, on se doutait que quelque chose se tramait. Ce quelque chose s’appelle « Suspended in Reflections », il est paru chez Pelagic Records et a sacrément la gueule d’un des joyaux de l’année pour qui aime les atmosphères tout en harmonies mélancoliques et mélodies lumineuses. Pour le tonton fan de gras il faudra passer son chemin, le combo ayant gardé peu d’éléments doom dans sa recette.

Pour les autres on se retrouve avec trente-six minutes de bonheur découpées en six titres bonbons, au cœur/cohérence sucré et compositions intelligentes. Dès les premières secondes de « Gone », Ancestors plaque un métal atmosphérique puissant, lancinant et subtil. Oubliant les jams Earthlessiens du début, réduisant à l’essentiel les impacts, le groupe livre un exercice d’épure réussi.

On est jamais bien loin de l’idée qu’a pu développer Pink Floyd sur son titre Echoes. On est même en plein dedans, à savoir construire, étirer une idée, la pousser dans ses retranchements. Et sur « Suspended in Reflections » l’idée est travaillée sur l’ensemble de la galette. A tel point qu’il nous semble traverser l’album comme une seule et unique composition. Piqués de trouvailles étonnantes et pour le moins aventureuses, les titres ne tombent jamais dans l’ennui et courent toujours sur ce fil délicat. Par la grâce d’un vocoder subtilement placé en début de compo, par l’arbitrage d’un pont tout en contrebasse, par l’équilibre juste d’un chœur féminin susurré ou le contrepoint merveilleux de cordes, chaque piste de l’album révèle une véritable richesse intérieure.

D’aucuns pourraient trouver trop d’emphase à ce nouvel opus, un penchant pour le pompeux, la faute peut-être à ses envolées à la limite du post-rock. Reste que ces éléments demeurent une ossature solide pour la base narrative et un élément indispensable pour le chant. Toujours placé justement, inspiré jusqu’au bout, il est un instrument à part entière dans le mixage, très réussi lui aussi.

Vous l’aurez compris, détenir « Suspended in Reflections » de Ancestors dans sa discographie est une obligation. Travail d’orfèvre délicatement ciselé, cet album est une respiration bienvenue dans le genre, un must-have que l’on goûte avidement à chaque passage sur la platine. Et si vous trouvez qu’il est trop mélodique c’est que vous n’avez pas de cœur.

Komatsu – A New Horizon

Komatsu, c’est quatre gars de Eindhoven qui depuis 2010 jouent dans la cours du Stoner et ont attendu deux ans pour sortir leur troisième album plein format, “A New Horizon” produit par Argonauta Record. Le groupe pousse vers un son que d’aucun pourrait qualifier de “Sludgy” , voyons donc s’il s’agit d’un nouvel horizon pour le paysage du Rock façon Desert

Gros Stoner qui tâche d’entrée de jeu avec “I Got Drive”! Le morceau contient déjà ce qui va faire l’intérêt de l’album, des riffs en boucles, joués vites et ultra saturés. Si parfois je penche pour un esprit à la limite du Mastodon, je retrouve toujours un arrière goût de Clutch (en particulier dans le chant) et les pistes s’égrènent avec un sentiment de terrain connu. Il faut admettre qu’on est plus avec ce New Horizon sur un album défouloir que sur une œuvre de première bourre en matière d’originalité. Pour autant il faudrait être bégueule pour nier le travail de Komatsu, ça tient la route de bout en bout et le mix est loin d’être dégueulasse.

Au menu, “Surfing A Landslide” dispense un Fuzz spatial bien exécuté et qui présente une force de composition plus intéressante que la majeure partie des pistes de l’album avec son esprit West Coast. “Love Screams Cruelty” démontre l’équilibre des structures avec son  intro, toute en profondeur et chaque instrument trouve sa place. On décèle parfois une pointe d’originalité et dans le genre “Komatsu” est un montage de Stoner avec des riffs à la limite de l’indus lent et mécanique dans l’intro puis s’accélère pour revenir dans les clous. Polissons, vous avez failli nous avoir! De “Walk A Mile” on retiendra surtout le crunch des guitares qui rappellent des réglages à la Marc Knopfler, bien joué les gars, on se sent comme dans un fauteuil club un peu remuant!

Si “A New Horizon” ne fera pas une entrée fracassante dans toutes les discothèques, il est à parier qu’il s’agit d’un golden ticket pour une expérience Live et ce pour deux raisons: Premièrement une habitude affirmée de la scène garantie par l’ouverture pour notamment  Karma to Burn, The Sword, Red Fang, Clutch… et secondement un envie et une force qui n’est pas donnée à tous les groupes du circuit.

Au final un album qui s’écoute sans bailler mais sur lequel on ne reviendra pas tout les quatre matin, faute d’une grande originalité. Komatsu confirme sa place dans le genre par une bonne digestion de ses pairs et une maîtrise tant instrumentale que structurelle. L’horizon est azuré au dessus du sable du désert, le vent ne souffle pas, tout est calme. Komatsu file au loin dans le décor avec ses acolytes de la légion Stoner Rock.

Vodun – Ascend

Lors de ma chronique de Possession, le premier album de Vodun paru en 2016, je m’étais lancé dans une prédiction que je réitère aujourd’hui. D’ici peu de temps, Vodun va lisser son propos et devenir un groupe important, sortant des discrets circuits qui sont encore les siens et nous frustrer, nous autres, découvreurs de jolies fleurs quelques semaines avant la floraison et jaloux lorsque les autres en font un bouquet. Vodun est un trio anglais, porté par une batteur (non il n’y a pas de faute de frappe, ni dans cette phrase ni sur l’album) au jeu absolument génial, un guitariste bas du riff et une chanteuse à la présence scénique et à la voix pas loin d’être uniques. Mélangeant préoccupations ethniques, théâtralité exacerbée et grosse ingénierie métallique, porté par des clips conceptuels qui servent la personnalité atypique de la formation, Vodun est ce qu’on peut appeler sobrement un groupe avec son propre univers. A quel wagon raccrocher le trio ? Difficile.

Vodun fait son truc et le fait bien. Dès « Spirit Past », le ton est donné. Amateurs de musique facilement lisible, passez votre chemin, frustrés devant le chant maniéré, allez voir ailleurs si ça chouine. Pour les autres prenez le temps de vous faire à l’ambiance tribalo-cosmique du disque, aux borborygmes et percussions émaillant ses pistes, à l’avalanche de notes qu’est « Providence Of Ancestors », pour en comprendre toutes les subtilités. Et au milieu de tout ça « New Doom », sur lequel le chanteur de Turbowolf vient coller sa voix à celle de Chantal Brown (un juste retour des choses puisque cette dernière était passée mettre quelques octaves sur  le dernier disque de leurs compatriotes). Entre couplets d’inspiration Uncle Acid et refrains du cosmos, ce titre interpelle – au minimum – et enchante si l’on a le groove au bon endroit. Car c’est cela que fait finalement Vodun : synthétiser les appétences de la scène heavy anglaise de ces années 2010 pour l’emmener dans l’espace, là où sa personnalité gravite. Éprouvé sur quelques belles scènes, ayant déjà circulé dans les réseaux underground français, Vodun est en passe de confirmer son talent scénique et musical à échelle plus industrielle. Et c’est plus que mérité.

 

Point Vinyle :

Petite sortie, petit pressage : juste 500 exemplaire en bleu et blanc pour le premier press.

ASG – Survive Sunrise

ASG où l’un des groupes les plus mésestimés de la scène stoner. Comment expliquer que cette formation, signée chez Relapse Records (difficile de faire mieux) et proposant une musique d’une telle qualité, ne soit pas plus reconnu à travers le monde ? Ils ont pourtant fait un quasi sans faute depuis 2008 (la première partie de leur carrière était plus confidentielle encore) : accointance avec Vans, splits avec leurs voisins de Karma To Burn ou Red Fang, eux en pleine renaissance à ce moment là, signature chez Relapse et musique de grande classe. Ce groupe fidèle (artworks par Malleus, productions par Matt Hyde) n’a pourtant jamais vraiment décollé. Trop loin de L.A. ? Trop peu prompt à tourner et spécialiste des rendez vous ratés (le Hellfest 2012 par exemple, qui a donné un rattrapage épique aux Stoned Gatherings quelques jours plus tard) ? Probablement. Mais aussi une voix, particulière, mélodique, les plaçant un peu à l’écart du grand barnum stoner (et un nom gentillement craignos OK).

Et pourtant. Et pourtant ASG signe avec chaque album un véritable trésor d’imagination, de riffs foisonnants, de mélodies surprenantes et fait chaque fois démonstration d’une classe incontestable. Survive Sunrise leur 5ème album (ou 3ème finalement si l’on ne compte que leur seconde partie de carrière) est dans la droite lignée des travaux précédents. Précis et percutants, les meilleurs morceaux du disque (« The Heaven Moon », « Survive Sunrise », « Heavy Scars » ou la lancinante « Hawks On The Run ») sont à compter parmi ce que le groupe a fait de mieux. Tantôt franchement violent (« Up From My Dreams »), souvent délicieusement mélodique (« Weekend Money » au goût poivré d’un Corrosion Of Conformity) cet album ne souffre d’aucun défaut, si ce n’est peut être sa longueur. Et loin de moi l’idée de faire souffrir ma chronique du même mal.

Et dire que j’ai déjà lu de-ci, de-là, d’étranges avis qualifiant Survive Sunrise d’effort plus faible que les précédents… Décidément je ne comprendrais jamais mes pairs.

 

Point Vinyle

De nouveau sorti chez Relapse Records (anecdote amusante, une chanson du tout premier et méconnu album du groupe, The Amplification Of Self Gratification, se nomme Southern Lord), ce double Lp est beau comme tout avec son artwork de classe. Le premier pressage est proposé en « Red, Blue, Mustard et compagnie » (limité à 100 exemplaires, oublies), en blood red (250 ex), en Red and Cyan (500 ex), en Cyan (200ex) et en noir tout simple. Et noir c’est bien hein.

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