Endless Floods – II

L’année dernière, Endless Floods sortait un premier album éponyme (chroniqué ici même) tout en sobriété et évitant les détours inutiles pour aller droit au but. Pas originaire de la Canebière pour autant, mais de Bordeaux, le trio composé de deux membres de Monarch nous proposait alors un sludge dronesque teinté de passages ambiants à faire planer/pleurer un mormon, le tout dans une belle ambiance glauque et anxiogène. II décide de poursuivre l’ascension entamée sur les cimes du désespoir.

Les nouvelles compositions restent fidèles aux anciennes et sont toujours aussi efficaces et prenantes. Avec le moins d’artifice possible, Endless Floods va et vient entre ces décharges de violence soutenues par le chant haineux de Stéphane, entre ces passages qui laissent le champ libre aux instruments et à leurs fréquences graves, et entre ces éclaircies où le silence reprend doucement ses droits, mais jamais trop quand même. Le premier morceau, le monolithique «Impasse » de 24 minutes, résume parfaitement cet équilibre.

Si la formule reste donc inchangée, Endless Floods semble avoir voulu épurer un peu plus son nouvel album. Exit les feedbacks un peu trop présents et parfois inopportuns sur Endless Floods, exit les détails inutiles, exit aussi les titres de chanson de plus d’un mot. Sobriété, vous dit-on. L’album est divisé en trois titres seulement, dont la ballade acoustique « Passage » qui vient intercaler ses deux minutes au milieu du disque. Ce morceau aux résonances folk est un souffle d’air pur au milieu d’un paysage toxique, une bouffée salvatrice qui contraste sadiquement avec la laideur qui l’entoure, et qui n’a finalement d’autre dessein que de nous rappeler plus violemment à notre misérable condition. Après un départ sous stéroïde, « Procession » se calme rapidement et clôt l’album en une montée épique qui éclate dans un bordel bruitiste où l’on croirait que nos enceintes sont en train de rendre l’âme.

Comme l’illustre si bien la pochette du disque (d’une photographe dont je vous invite à voir le travail ici, parce que c’est bien), Endless Floods peint notre terne quotidien sous un ciel toujours couvert, mais nous prouve que toutes ces choses monstrueuses peuvent finalement donner naissance à quelque chose de beau, contre toute espérance.

Vodun – Possession

Je vais me mouiller (je l’avais fait à l’époque pour Kadavar et l’avenir m’a donné raison) : Vodun sera, dans 4 à 5 ans, l’une des formations les plus reconnues et demandées de la scène, et nous autres, habitués aux découvertes de l’underground, serons écœurés par le tapage médiatique autour du trio, comme dépossédés d’un énième diamant que l’on aura vu, album après album, se polir. Pourquoi ? Parce que la musique proposée par les londoniens est à la croisée de ce qu’une grande capitale européenne a à offrir : un son enrichi de cultures et de personnalités diverses.

Ogoun, Marasse et Oya, trois pseudonymes, trois déclarations d’intentions. Entre réminiscences tribales et hard rock urgent. Une batteur déchainée, un guitariste allumé et surtout Chantal Brown, ancien faire-valoir vocal de Do Me Bad Thing, obtenant là toute la place que ses cordes vocales et sa soul méritent. Bien sûr, comme la demoiselle est noire, talentueuse et ronde, les comparaisons avec Aretha Franklin fleurissent de partout. Pourtant, en dehors de ces trois critères, convenons qu’il n’y a aucun rapport. Brown s’époumone, harangue, module et livre une prestation vocale décalée (parfois un peu énervante certes), à la croisée entre soul et lyrisme. Là où ce mélange devient génial et unique c’est qu’il est associé à une musique plutôt violente métallique (« Possession », « Mawu », « Divinity »). Puisque la jeu des parallèles reste le mètre étalon dans la musique je dirai que le groupe est à la croisée entre Chrome Hoof pour l’audace, Goat pour le large spectre des influences et (un peu) Black Cobra pour le bazar sonore créé à deux instruments. Au rayon des grandes réussites de ce premier effort, citons « Loas Kingdom » et « Mawu » titres à l’efficacité redoutable ainsi que « Possession » portée par la folie vocale d’Oya/Brown et « Kanpay Rejete » en clôture d’album, synthèse de ce que le groupe explorera probablement par la suite.

Loin d’être parfait, trop long et parfois bancal, affublé d’une pochette franchement indigne, Possession reste un vrai bol d’air frais, original et maîtrisé, porté par une vocaliste unique et la volonté de faire du vacarme leur leitmotiv. Et dire que ce groupe, publié sur une petite structure londonienne balbutiante, a déjà les festivals spécialisés à ses pieds. Profitons, profitons, ils vont bien vite se sentir à l’étroit dans nos petits clubs sombres et mal famés.

 

Point Vinyle:

Riff Rock Records a (pour le moment) pressé uniquement 500 exemplaires de cette petite pépite, en résine orange. Ne trainez pas si vous aimez les first press.

 

Plainride – Return of the Jackalope

Les allemands de Plainride voient leur premier album réédité par le label U.S. Ripple Music, dans l’attente de leur second album. Pas une mauvaise idée, étant donné que ladite galette était passée inaperçue à l’époque de sa sortie initiale en 2015, et mérite clairement un meilleur traitement.

Pas difficile de comprendre ce qui a incité le boss de Ripple Music à signer le groupe et à les incorporer dans (l’expansif) roster du label : le quatuor propose sur ce premier effort une sorte de synthèse de gros stoner rock tendance heavy rock fuzzé, qui balaie large, des Truckfighters jusqu’à Nashville Pussy, en gros (en très gros, oui, on est d’accord). Un si gros éventail dans un seul disque ? Ben oui, en fait, il y a de tout dans ce disque, et donc à boire et à manger : 13 titres pour plus d’une heure de musique, clairement c’est un peu trop. Ou dit autrement : le groupe, avec plus de maturité, aurait pu faire plus court et plus efficace en resserrant les lignes et en visant l’essentiel.

En même temps, peut-on décemment interroger la maturité d’un groupe sur son premier album ? Argument difficilement recevable, j’en conviens. D’autant plus que figurent sur ce disque des titres parfaitement recommandables, à l’image du furieusement riffu « Warpdrive », du basique « The News », du groovy (même si pas très original) « Return of the Jackalope », … et même des titres absolument remarquables, dont « Devil at your Heels » ou le somptueux « Grailknights », morceau fleuve d’une dizaine de minutes dont un premier tiers dispensable mais une montée en apothéose toute en soli explosifs et en riffs haletants, qui surnagent qualitativement au sein de ce disque.

En contrepartie, pas mal de titres plus dispensables viennent pénaliser l’efficacité de cette galette, comme le très Truckfighters « Dog », ou encore l’inconfortable « (The beards upon) Mt. Rushmore », qui a au moins le mérite de rappeler que n’importe qui ne peut pas faire du Clutch…. Quoi qu’il en soit, le rapport positif / négatif de ce disque est très favorable au quartet de Cologne, qui propose ici une galette certes imparfaite, mais hautement recommandable.

Dans son (vaste) champ d’action stylistique, Plainride apporte sa belle pierre à l’édifice, même si l’originalité n’est pas forcément au rendez-vous. A ce titre, on leur souhaite une carrière à la Lonely Kamel, qui eux aussi se sont toujours positionnés dans une synthèse experte d’une musique pourtant fortement connotée U.S., pour au final tracer leur route avec le talent qu’on leur connaît aujourd’hui. A suivre de près.

[Magazine] Fire n°4

Depuis mois d’un an, un acteur atypique trace son discret chemin dans la scène stoner… Atypique par sa nature : il s’agit d’un magazine ! Un magazine anglophone, mieux vaut prévenir, car l’objet est édité par… des italiens ! Et oui, Fire est une émanation de l’édition transalpine du magazine allemand RockHard.

Rendu au numéro 4, le magazine a gagné en assurance et en renommée, et tandis que nous avions jeté un voile pudique sur le numéro précédent (pour des raisons que les connaisseurs comprendront vite), on ne pouvait passer à côté de ce numéro d’hiver (le magazine est calé sur un rythme de 4 sorties par an), dont la très belle couverture met en avant la dernière sortie de John Garcia.

On se jette vite sur l’intérieur du magazine, et on est d’abord étonné par la qualité esthétique de l’objet. Les habitués du fanzine imprimé en noir et blanc, de travers, agrafé à la hâte, vont être surpris : papier couleur classieux, mise en page franchement travaillée, parfaite lisibilité… Vraiment cool. Même si l’iconographie est essentiellement constituée de photos promo, de logos ou de pochettes d’albums, leur travail d’intégration est abouti, et adapté à l’esprit de chaque groupe.

Côté éditorial – car c’est quand même le juge de paix d’une telle initiative – le travail est impeccable. Les habitués de Rock Hard (par exemple à travers son édition française) ne seront pas déstabilisés par la très grande proportion d’interviews. Il s’agit d’entretiens assez travaillés, pertinents généralement, et adressant surtout une variété de groupes très appréciable : dans ce numéro 4, on passe par exemple de John Garcia à Crowbar, mais aussi Neurosis, Fatso Jetson, Boris ou Monkey3, tout en accordant un espace significatif à des groupes moins exposés (Hornss, Sun Dial, Slow Season, Mother Island, etc…). C’est un premier indice sur la vraie légitimité de l’initiative Fire, qui vise autant à trouver un format rentable (pérennité du support) qu’à proposer une plateforme à des groupes et acteurs plus discrets de la scène, mais tout aussi méritants.

En plus des interviews, on trouve des pans de vrais rédactionnel, allant du “traditionnel” (news, 12 pages de chroniques d’albums…) à des articles plus atypiques (un portfolio de l’artiste Costin Chioreanu, une analyse de l’œuvre de HP Lovecraft et son influence sur certains groupes doom en particulier, un article sur leur gloire nationale Lucio Fulci, réalisateur de classiques du film d’horreur – mais dont le lien avec la musique qui nous intéresse ne saute pas aux yeux…), mais aussi à des articles de fond plus fouillés, à l’image de ce dossier de 5 pages ciblé sur les premières années (1971-1976) de Pentagram raconté par Geof O’Keefe himself, bien foutu et intéressant, de cette page-résumé de la carrière et discographie de Sleep (n’apportera rien aux fans, mais amènera certains à se plonger dans leur œuvre) ou encore de cette petite analyse de la discographie de Cathedral.

Le tout est donc dans un anglais de niveau très correct, très accessible, et apporte un volume de lecture vraiment consistant (les lecteurs de presse “rock” française, qui finissent un magazine en une heure de lecture, sauront apprécier…). On vous encourage donc à faire l’acquisition de l’objet pour vous faire votre propre idée. On aurait pu vous dire de le faire “pour encourager cette initiative”, mais on préfère vraiment vous y inciter juste pour apprécier un vrai bon magazine (et juger le contenu éditorial de la presse rock francophone à l’aune de ce nouveau standard ?…). Bonne lecture !

Le magazine peut être commandé sur cette page pour 10 EUR port compris.

DDENT – آكتئاب

Révélé aux habitués des sombres caves parisiennes en 2013 avec son EP Chien Noir, référence à la métaphore de Churchill pour la dépression, DDENT creuse un peu plus encore son introspection sombre et désespérée avec آكتئاب, mot arabe aux évocations similaires. Dépression. Le ton est donné. Le post metal du quatuor, entre friches sonores industrielles et shoegaze tétanisé n’est en définitive qu’une longue descente dans les limbes de l’esprit dans ce qu’il a de plus négatif. Instrumental, surprenamment mélodique, ce premier album de DDENT n’en est pas moins heavy (« Kohol » et son riff imparable). Les titres de morceaux sont un appel à la découverte des cultures moyen orientales, à l’instar de « Julep », « Houri »et surtout la sublime « Ghazel » dont le titre renvoie à un type de poésie évoquant l’amour sur un rythme répétitif et envoutant. Je ne saurais trouver meilleure définition du voyage proposé par cet album qui, sans être un disque de doom à proprement parler, mêle appétence pour l’hypnose et science de la pesanteur. Deux qualités qui sauront, j’en suis sûr séduire bon nombre d’entre vous.

 

Disponible en CD et digital ; prions (Allah du coup ?) pour une version vinyle.

Tummler – Queen To Bishop VI


Depuis la fermeture du label il y a bon nombre d’années, la plupart des albums sortis chez Man’s Ruin sont devenus cultes. Bon, soyons honnêtes, la plupart sont devenus cultes auprès de ceux ne les ont jamais écoutés car il faut voir les choses comme elles sont, si le label a sorti un bon paquet de disques effectivement (et objectivement!) cultes, ils ont aussi sorti pas mal de bousasses plus ou moins infâmes dont le seul intérêt tient dans leur artwork (et encore). Alors à quelle catégorie appartient ce premier album de Tummler?
Certainement pas à la deuxième! Car on est bien loin de l’album complètement naze qui prendra la poussière sur une étagère de collectionneur compulsif.
Mais pas non plus à la première, soyons réaliste.
Tummler nous offre là une très bon album, bien charpenté, aux compos soignées et solides, au son bien gras sans sentir l’amateurisme. Un album très agréable à écouter et qui pourra même trouver quelques amateurs de stoner pour le défendre bec et ongle. Cela manque certes de ce petit solo qui fait la différence, de ce petit riff qui vous prend aux tripes illico, à se demander d’où ça sort, mais l’ensemble n’a pas à rougir pour autant. Aussi à l’aise dans des formats allant des 5 minutes au quart d’heure bien passé, le groupe nous offre un album qu’on prend plaisir à écouter de temps en temps, un album qu’on ressort avec plaisir et qui, mine de rien, passe l’épreuve du temps.
Un très bon album à découvrir pour ceux qui seraient passé à côté il y a bien longtemps…

Borracho – Atacama

Tout droit arrivé de Washington DC aux Etats-Unis, Borracho nous propose son deuxième album : Atacama. Ne vous y trompez pas, le groupe n’en est pas à un simple deuxième essai studio : huit splits et singles en tous genres ont construit le trio avant de nous offrir le successeur de Oculus.

Le temps de porter plusieurs écoutes, un premier constat se fait : la durée des morceaux surprend. En effet, vous allez être face à des titres faisant moins de quatre minutes pour ensuite laisser place à de véritables récitals de dix minutes. L’album ne se dessine pas autour d’un schéma identique et répétitif. Au contraire, vous allez pouvoir vous plonger dans une multitude de délires musicaux oscillant entre le morceau simple et efficace avec « Gold From Sand », le long trajet à plusieurs étapes avec « Overload » et le voyage psychédélique instrumental comme le laissent entendre notamment « Descent » et « Flower ».

Ainsi, on est face à un trio qui puise dans de nombreuses influences : Motörhead, Clutch, Fu Manchu avec des petits airs à la Monster Magnet et à la Melvins. Autant dire que Borracho sait s’inspirer des meilleurs pour construire un opus efficace et riche. Il suffit de porter l’oreille à « Lost in Time » pour comprendre qu’il est ici question de faire du Rock à l’état pur sans artifices ni volonté de réinventer la musique. Mais cela n’empêche pas le groupe d’emmener son auditeur sur des sentiers plus solennels et progressifs comme avec « Drifted Away From The Sun ».

Puis question son, il n’y a aucune mauvaise surprise. La rythmique basse-batterie est simple mais puissante, les ambiances de la guitare sont riches et variées avec un soupçon de fuzz qui se laisse embrasser par une distorsion plus métal. Puis la prestation vocale de Steve au chant est juste un délice avec sa voix bien grasse qui hume le whisky et la cigarette. Il n’empêche qu’à la découverte du dernier titre acoustique « Last Song », fort en émotion, on retrouve un tout autre groupe qui nous offre un moment intime et posé.

Si vous cherchez à ne pas vous prendre la tête et juste à déguster un bon album au volant de votre voiture ou pour mettre de l’ambiance à la maison, prenez donc le temps de vous passer Atacama.

 

Point vinyle :

Vous pouvez retrouver cet opus dans différents formats vinyles :

  • Une version pressée directement de Pallas en Allemagne, assurant une haute qualité d’écoute
  • Une édition couleurs limitées
  • Une édition noire classique
  • Une édition laqué mat avec une couverture spéciale
  • Une édition vinyle « spécial mastering »

My Sleeping Karma – Mela Ananda – Live

Hé ben mes cadets, hé ben mes p’tits frères, s’il y a bien un truc sur lequel le quatuor allemand nous a bien banané c’est bien au sujet de la sortie d’un album live. Ces vils gredins nous ont ressassé la même rengaine des années durant alors que nous leurs demandions – pas innocemment je le concède – s’ils prévoyaient un jour de nous graver dans le sillon une de leurs prestations live tant celles-ci nous transportent. Argumentant au sujet des usuels pains commis sur scène (lesquels ne nous ont jamais ni sauté aux yeux, ni gâché le moidnre de leurs concerts), les porte-voix du groupe firent leurs numéros de perfectionnistes éternellement insatisfaits alors que nous jappions d’impatience à l’idée d’avoir un jour un vrai album en public du groupe. Il faut avouer que les instrumentaux de MSK confrontés à l’exercice live prennent un zeste de testicules, un poil de rugosité et un soupçon de désinhibition au passage qui leur sied plutôt bien.

Après 10 ans de bons services et d’engagement en faveur de la noble cause, les Teutons ont cédé à l’appel des sirènes et c’est tant mieux ! Je leur pardonne leurs mensonges répétés au vu de la qualité de cette pièce de grande classe : ce « Mela Ananda – Live » est d’une efficacité redoutable au rayon hypnotique du style que nous chérissons sur ce site. Un site que nous avions déployé avant même que le groupe ne se mette en activité ce qui ne nous rajeunit pas vraiment au passage.

Au menu de cet album live nous n’avons pas de nouveauté et le second album du groupe, « Satya », est carrément passé sous silence ; tant pis pour lui ! Le setlist est constitué de compositions tirées des quatre autres albums de la formation qui monte avec une bonne pondération de « Moksha » leur dernier album en date (ce qui ne constitue pas vraiment une surprise en soit).

C’est « Vayu » (un peu écourtée), « Akasha » et « Prithvi » – en ouverture – qui représentent la pièce la plus récente et qui sont balancées sans réelle surprise avec juste ce soupçon de matière plus brute qui fait le charme des albums live (pas les pirates captés depuis le public sur lesquels on entend brailler le mec qui tient le micro dans un yaourt des plus hideux).

Si l’on remonte le temps, on a ensuite droit aux deux chefs-d’œuvre de « Soma » : « Psilocybe » et « Ephedra » sur lesquels on perçoit (voire entend à plusieurs reprises) le public entrer dans la transe que ces gourous du psychédélisme fomentent sur scène. Il s’agit clairement d’énormes instants de ce live.

Un petit bon en arrière dans le temps et nous retrouvons « Tri », troisième effort du groupe, dont sont extraits « Tamas », un morceau assez commun dans la discographie de MSK sur lequel on entend le bassiste remercier son public pour dix ans de fidélité à leur cause, et le transcendantal « Brahama » qui constitue, avec la doublette de « Soma », mes instants préférés de cette sortie.

On termine par le commencement de l’histoire avec le disque éponyme et « Enigma42 » (qui a changé son nom originel : « 23 Enigma » et sur lequel on entend des salutations à l’adresse du public parisien chauffé à bloc) un grand classique live de la formation envoyé en deuxième position pour faire décoller la foule qui est solidarisé à « Glow11 » pour un parfait – et cohérent – enchaînement. Le dixième, et dernier, titre de cet album forcément trop court c’est le rapide « Hymn72 » nous ramène sur terre au terme de cette écoute par son style moins aérien et plus bourru (avec quelques niveaux gagnés sur le couillomètre par rapport à l’original). Ponctué par des remerciements pour la capitale française, cet extrait du premier effort referme cette première incursion des Allemands dans un monde qui leur réussit plutôt bien : celui de l’album live.

La puissance hypnotique du quatuor durant ses prestations est fidèlement retranscrite sur cette production extrêmement soignée qui est un excellent moyen de se retrouver piégé en plein délirium par MSK avec son casque sur les oreilles.

Il est à noter que ce « Mela Ananda – Live” propose des images en plus du son. Malheureusement, je n’ai pas eu droit à celles-ci et ne peut pas vous en dire grand-chose en dehors du fait qu’il y a un documentaire vidéo sur les 10 ans de la formation : « Let´s Give It A Try » qui ne devrait pas décevoir plus 6 titres captés à l’Underground de Cologne en 2010 : « Brahama », « 23 Enigma » (qui n’était pas encore passé à 42) enchaîné à « Glow11 » (ça me rappelle quelque chose), « Ahimsa », « Tamas » et un final sur « Hymn72 » (tiens donc !). Je me réjouis de me mater tout ça lors de la sortie de cette chose que je conseille à tout mélomane qui se respecte la moindre.

Point Vinyle :

« Mela Ananda – Live » sort chez Napalm ; nous avons donc droit à plusieurs déclinaisons de ce produit plutôt grand public : un double noir pour se réveiller avec le dvd, un double golden sans la douche, mais avec le dvd, et un double bleu avec dvd limité à 300 exemplaires. De quoi contenter tous les inconditionnels de cette formation unique.

NAP – Villa


Oh mon ami(e)! Serais tu intéressé(e) par un trio allemand principalement instrumental qui cite dans ses influences Earthless, Yawning Man et Pink Floyd (entre autres) ?
Non je te dis ça parce si tel est le cas j’ai un excellent album à te faire découvrir!
NAP, c’est le nom du groupe et Villa le nom de l’album. Simple à retenir n’est ce pas ? Et c’est du tout bon!
Car effectivement, j’y vois du Earthless (en plus clean, en moins brute) dans le sens où le groupe y va de sa section rythmique imperturbable accompagnée de solos de guitare ma foi fort inspirés et bougrement agréables aux oreilles.
Du Pink Floyd… hum, c’est moins évident mais le groupe ne se prive pas de quelques expérimentations et moments planants qui peuvent pourquoi pas être l’aboutissement d’heures et d’heures d’écoute des Floyd.
Ecoutez Duna est l’influence de Yawning Man vous paraîtra évidente. Attention, on parle bien d’influence, pas de plagiat bien sûr car le groupe développe dans la seconde moitié du titre son propre style et le tout donne un résultat fort convaincant. Et pour ceux que le groupe de Gary Arce laisse indifférent, j’oserai même dire que c’est du Yawning Man en moins répétitif et moins ch****… enfin vous m’avez compris.
Bref, pas besoin d’écrire des lignes et des lignes, le trio originaire d’Oldenburg en Allemagne nous offre là un excellent premier album et une réelle belle surprise que je vous invite à découvrir sans tarder!

Lien : Bandcamp

Point Vinyle :

200 exemplaires sur vinyle blanc accompagnés d’un poster. Y’en aura pas pour tout le monde!

All Them Witches – Sleeping Through the War

Feindre une objectivité rationnelle dans nos écris vis-à-vis d’All Them Witches serait un mensonge total tant le combo américain nous transporte depuis son premier album. A ceci, nous nous devons d’admettre un certain passe-droit puisque le quartet n’évolue pas à proprement parler dans le stoner, dans le desert-rock, ni le psychédélisme, encore moins dans la crasse ou la fange. Mais le groupe est dans un tel mélange des genres qu’il ne saurait nous échapper. Et s’il tutoyait la lumière sur son précédent opus « Dying Surfer meets his Maker », force est de reconnaître que sur ce « Sleeping Through the war » l’heure est à la marche engluée, aux promenades forcées, éreintées par un bayou-prison.
Plus direct, l’album semble, de prime abord, plus pensé par le prisme de l’animalité que de la conscience. Plus de guitares, de grain, des morceaux moins étirés, plus évidents, une approche dans la production laissant moins de place aux respirations, le tout percuté dès le début par un morceau dantesque « Bulls ». La première écoute pourtant chagrine. Car la force d’ATW (vous excuserez le raccourcis) réside depuis ses débuts dans l’équilibre des genres dans lesquels il puise et ce « Sleeping Through the War » échappe, si l’on ne s’y attarde pas un peu, à cet adage.
Car oui, de richesses cet album en est pourvu. Mais il convient de ne pas relâcher l’emprise et des écoutes approfondies seront nécessaires pour que la galette dévoile ses plus beaux attraits. Oui, il est plus direct, bien sûr qu’il semble moins cérébral que son prédécesseur. Mais ces chœurs féminins distillant gouttes de miel avec parcimonie, ces claviers discrets certes, mais toujours maîtres, le blues transpirant des solos et cette batterie toujours rêche et sur le fil ponctuent les compositions de respirations bienveillantes.
En résulte une impression en demie-teinte. All Them Witches reste All Them Witches. Il est qualité, technique et émotion et ce nouvel album fera la nique à une foultitude d’autres sorties cette année. Pourtant on ne peut s’empêcher de penser qu’il manque quelque chose à cet effort. L’impression que le groupe se repose sur ses acquis et le manque de prise de risque en font peut-être l’album le moins intéressant et aboutit dans la discographie du quartet de Nashville. Gageons que les gonzes sauront se remettre en question, ré-affirmant au passage un psychédélisme un peu perdu de vue. « Menfin » comme dirait l’inénarrable Gaston, on peut leur pardonner ce coup de moins bien tant leur créativité fait du bien à l’âme.

500 Ft. Of Pipe – Better Living Through Alchemy


Quel intérêt de chroniquer 20 ans après sa sortie une autoproduction passée totalement inaperçue à l’époque, tellement inaperçue qu’elle ne figure même pas sur certaines discographies du groupe qu’on trouve sur internet? Quel intérêt de dire tout le bien que l’on pense d’un disque totalement introuvable et qui ne sera certainement jamais ré-édité?
Et bien tout simplement le fait que j’adore ce disque. J’adore ses qualités et ses défauts et je suis d’avis que tout le monde devrait s’y attarder 35 minutes au moins, le temps de découvrir et pourquoi pas rester accroché.
Une batterie, une guitare et un clavier. 3 bonnes raisons de s’attarder sur ce trio originaire de Detroit.
La présence du clavier participe grandement à l’identité propre du groupe et à son caractère si particulier. J’adore cette touche totalement 70’s assumée et fichtrement bien utilisée. Ajouté à côté de cela une batterie qui ne s’économise pas et un guitariste qui ne s’empêche aucune envolée survoltée ou planante et vous obtenez un mélange détonnant et à mon sens, 100% stoner.
Alors oui, c’est une autoprod un peu roots, oui on a surement entendu mieux depuis, mais sérieusement, c’est du rock pur jus, à l’ancienne et bien mitonné.
C’est bourré de très bons moments, tant planants que heavy, c’est riche, c’est sans concession et même vingt ans après ça reste un réel plaisir à écouter.
Un groupe qui aura sorti au final trois albums, trois excellents albums dont un “Dope Deal”, véritable référence personnelle du stoner et que je vous invite à (re)découvrir, certes tardivement.
Mais vous connaissez le diction, “mieux vaut tard que jamais”, et en musique, ce diction n’a jamais eu autant force de loi.

Admiral Sir Cloudesley Shovell – Keep It Greasy !

Formé en 2008 à Hastings, le trio Sir Admiral Cloudesley Shovell se fait connaître hors d’Albion (si si la perfide) en retournant le Roadburn 2012 ainsi que le DesertFest Londres l’année suivante. Rompu à la science ancestrale du riffing, inspiré par l’énergie des MC5, portant cuir et moustache comme trop peu en ce capillairement triste millénaire, les Shovells ont le rock’n’roll dans le sang. Franchement, je vous mets au défi de me trouver un groupe de pub plus génial live que celui là. Leurs deux premiers albums, publiés chez Rise Above en 2012 et 2014, sont des must have, indispensables pépites de heavy rock high energy.

Avec la précision d’horloger suisse (mais la dégaine d’un motard californien), Admiral Sir Cloudesly Shovell sort son troisième opus en six ans d’activisme rock, reprenant les codes qui ont fait sa reconnaissance : pochette mettant en scène leur chouette fétiche dans des situations d’Amérique profonde des 60’s, titres vulgaires et décomplexion à tous les étages. « U Got Wot I Need » ouvre idéalement la galette : refrain qui colle à l’encéphale, basse ronde et guitare envahissante sur batterie débridée, avec un jeu à la Ian Paice, direct et brutal. Le ton est donné. Ne cherchez pas de Mid-tempi ou des titres à rallonge, tout ici est calibré pour le live.  Et comment alors résister au pont de « Paid in Full », à la cavalcade finale de « Wrong » ou au riffing dingue de « Potato Boy », avec ses parties d’harmonica, inclus immédiatement dans les set-lists du groupe. Impossible, on est bien d’accord.

Bon. Soyons franc, il s’agit surement là du moins bon des trois albums du vaisseau Admiral, mais ça reste tout de même plus graisseux et moustachu que toute la production discographique de 2016. Tenez le vous pour dit.

 

Point Vinyle :

Un disque que tu peux retrouver, selon le groupe, dans les meilleurs shops, ou à Emmaüs. Pour ce qui est des versions collectors, le Clear vinyl + 7’ (150 exemplaires) est bien sûr sold out, reste 500 disques en violet (marché US), 500 en rouge pour l’Europe et 300 en noir. Il n’y a plus rien de disponible sur le site du label, voyez direct avec vos disquaires, ou à Emmaüs donc. Bonne chasse !

earthlings? – Mudda Fudda

Formation pionnière du genre issue de la constellation de groupes gravitant autour de Joshua Tree dans les années 90, le groupe s’est vu contraint de ralentir (pour ne pas dire arrêter) sa production après deux longs formats, des suites du décès de Fred Drake en 2002. Membre fondateur du groupe aux côtés de Dave Catching (EODM, …) avec qui il détenait le Rancho de la Luna, et de Pete Stahl (Goatsnake, …), Fred Drake était et en est toujours indissociable. Nous voici néanmoins face à un troisième album sorti début 2016.

Dans la grande tradition du Rancho de la Luna, dans lequel l’album a bien évidemment été enregistré (en quasi-totalité), le nombre d’artistes présents est très important. Matthias Schneeberger, Molly McGuire, Brant Bjork, Gene Trautman, Josh Homme, Mario Lalli sont entre autres de la partie et participent à la requalification de communauté en lieu et place de groupe pour définir earthlings?.

Bien sûr, un hommage à Fred Drake prend forme par le biais de deux de ses enregistrements inexploités. Il est crédité à chaque début de face, avec pour la face Mudda l’écriture et l’interprétation de l’intro « There Is Hope », et pour la face Fudda une partie du chant et l’orgue sur « Punk Ass Fuck » écrit par Pete Stahl.

Si l’on cherche maintenant à faire comprendre ce qui se trouve sur les deux faces de l’objet, qui contiennent chacune un nombre faussement roboratif de 6 morceaux, il est plus simple d’évoquer l’esprit et le format des Desert Sessions. Soit un ensemble disparate de vrais morceaux, d’expérimentations et d’entre deux. Finalement un ensemble uni plus par l’esprit que par une quelconque matérialisation physique ou sonore. Par extension on tient peut-être là la vraie définition du Desert Rock, mais je vous laisse seuls juges. A ce propos, vous trouverez un élément de réflexion dans les paroles de « Stoner Rock Rules (Who Wrote the) ». C’est d’ailleurs l’un des gros morceaux de la face Fudda avec l’étrange « Zazoom » et le magnifique mélancolique « Gentle Grace ». Mais la pièce maîtresse se trouve sur la Mudda peu après « Waterhead ». « Individual Sky Cruiser Theory » pourrait en effet presque à lui seul justifier l’acquisition de cet album unique. Pete Stahl y est remarquablement juste émotionnellement et l’instrumental est d’une finesse invraisemblable.

Initialement disponible uniquement grâce à l’acquisition de l’un des 600 vinyles pressés, il est désormais possible de le télécharger sur le bandcamp bien vide du groupe. Mais ce qui paraît être une très bonne nouvelle est assombri par un fait incompréhensible. Il semble que les pistes 3 et 6 de la face Mudda du vinyle aient disparues. « Forgotten Memories » et « Accordingly », plus transitions que morceaux, participent pourtant au dégagement de l’ambiance de l’album. Je m’émeus donc.

Pour conclure, j’ai le sentiment que chacun y trouvera ce qu’il y cherche et que, d’une certaine manière, il y a un quelque chose d’universel dans cet album qui le rend nécessaire au Desert Rock mais aussi et surtout à la musique.

 

Point vinyle :

D’abord, l’artwork de Dirk Bonsma est sublimé par un traitement qui reflète la lumière quand exposé. Ensuite, la galette est glissée dans une pochette en carton épaisse, avec d’un côté les crédits et de l’autre un second artwork pour le moins déconcertant. Enfin, le vinyle est disponible en trois versions. On part sur une base transparente blanche ou bleu, assortie d’une explosion de couleurs cosmiques, différentes en fonction des dîtes versions. Surtout, il existe deux versions de 250 copies et une version de 100 copies disponible uniquement dans un pack regroupant les deux autres versions mais qui, excusez du peu, possède des couleurs phosphorescentes. Bref des pressages qui paraissent uniques pour le son qui va avec.

Dead Witches – Ouija

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Le moins que l’on puisse dire c’est que je suis un amateur du travail de Mark Greening. Je l’ai suivi d’Electric Wizard à Ramesses, trouvant, et c’est bien normal, plus de qualité objective au travail du petit rejeton damné, qu’au grand sorcier électrique, d’autant plus depuis Black Masses. Je l’ai suivi aussi dans ses pérégrinations aux frontières de la psychose, avec 11 Paranoias. Alors imaginez bien quelle était mon excitation lorsque j’ai appris son désir de jouer sur le nouveau projet de sa compagne Virginia Monti, Dead Witches. La voix de l’Italienne, par ailleurs entendue dans Psychedelic Witchcraft, avait l’avantage d’être enjôleuse et sensuelle, pouvant, associée à un riffing plus doom, proposer quelque chose se rapprochant de l’insurmontable et envoutante Jex Thoth. Malheur, trois fois malheur, avec Dead Witches, il n’en sera rien. La publication de Ouija, leur premier album chez Heavy Psych Sounds Records, vient doucher froidement ma pourtant palpable excitation.

Malgré leurs passion commune pour l’occultisme et le doom enfumé, le couple n’arrive pas à faire décoller l’album, proposant une musique sans grand relief (il n’y a pas dans tout ce foisonnement un seul riff à retenir) et malgré le jeu toujours identifiable de Greening, la magie ne prend pas. Le principal soucis de cette galette tiède, par ailleurs à la production franchement moyenne, reste la voix de Virginia Monti. Est-ce parce que les tempi ont accéléré ou parce que la musique s’est alourdie que la chanteuse a cherché à forcer le trait ainsi ? Loin de produire l’effet d’une accalmie au milieu d’une avalanche de doom, le style vocal adopté par l’Italienne est caricatural et forcé, noyé dans un effet cheap, tirant finalement les morceaux vers le bas. Pas un titre pour sauver l’autre, pas un refrain à retenir, pas même du côté du single « Mind Funeral », dont les artifices tombent à plat dès que la voix s’en mêle. Dommage, franchement dommage.

Finalement, Ouija est un exemple frappant que l’intention ne suffit pas pour faire du doom, style certes rudimentaire, mais demandant un engagement et un esprit total pour ne pas sombrer dans les turpitudes du disque sans âme. « Esprit est-tu là ? » semble demander Dead Witches. Mais à y regarder de plus prêt on voit bien qu’il y a des doigts de petits malins pour pousser le verre. Moi je retourne au dernier 11 Paranoias tiens.

 

Point Vinyle :

Chez Heavy Psych Sound, on a fait dans la simplicité : 350 violet, le reste en noir. Et pis c’est tout.

 

Lord Of The Brett Stone – Insolent Thruth

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Trio Lorrain, Lord Of The Brett Stone fait depuis 2012 pas mal de bulles dans leur coin, à grand renfort de concert fiévreux, doublé d’une maitrise de leur image franchement notable pour un jeune groupe. Entre clips chiadés, sessions acoustiques et concert couplé à une démonstration de pôle danse, le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe en veut.

Coté son, après deux démos, leur premier album, Insolent Thruth, fait partie des autoprods hexagonales les plus notables du moment. On pense à Loading Data bien sûr, compatriotes avec qui ils partagent la science du riff robotisé et de la voix de crooner, et donc aux Queens Of The Stone Age, par extension. Cet album distribue du groove sans discontinuer, tandis que certains titres de morceaux rappelle que c’est avant tout de fun qu’il s’agit (« Wake The Spartan », « Suck Me I’m A Lord », « The Witch is a Bitch » etc.). L’avenir de Lord Of The Brett Stone semble, par ailleurs, passer par « No Matter », single du disque pour lequel le groupe propose un joli clip. Plus original, plus maitrisé, cette sombre couleur leur sied plutôt bien. Surveillez les cafés concerts de votre région les amis, car ce trio là ne va pas s’arrêter en si bon chemin !

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