Earth – Primitive and Deadly

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L’éloge de la lenteur.

Ou le credo porté par Earth depuis tellement moult déjà. Est-il besoin de revenir sur l’histoire du groupe, sur son parcours opiacé, croisé de Cobain, père spirituel de Sunn O))), élève appliqué de l’accord épuré et de la recherche du temps sur-présent ? Les bios sont déjà écrites et leur parcours à portée d’oreille.

Aujourd’hui, on prend ce temps disséqué pour écouter « Primitive and Deadly », sorti en 2014, et annonçant le retour de Earth dans ses marécages lancinants de poisse tellurique. Dylan Carlson donne du gain à moudre dans ce nouvel opus et dès le morceau d’ouverture « Torn by the Fox of the Crescent Moon » (tous les titres ont de quoi faire pâlir d’envie tout post-rockeur à la recherche de formules littéraires complexes), on sent son envie d’érailler, de salir son drone-kingchair. L’ouverture de l’album fait dans le post-apocalyptique, dans le Morricone steam-punk. Le soleil tape fort sur les accords égrenés à la vitesse d’une tortue neurasthénique. On balance instinctivement la tête, les yeux fermés à l’écoute des nappes tissées par le trio. On y retrouve la science de Earth, à savoir cette faculté à dresser des mantras instrumentaux vous incitant à la réflexion. Le temps rythmique du groupe, ces tempos lents doublés à l’apparente simplicité des morceaux, ouvre et élargit le champs de réflexion. Puisque la respiration se cale à la vitesse du trio, le diaphragme observe cette petite danse chamanique et emporte le corps avec lui. Principe de la transe, on perçoit d’ailleurs la batterie d’Adrienne Davies plus comme un vecteur, un marqueur rythmique, qu’une section ludique et marteleuse. « Primitive and Deadly » est traversé le long de ses 47 minutes par ces murs de cordes saturées, guitare et basse formant à l’unisson ces lignes de fractures.

La nouveauté (si tant est qu’elle soit nouvelle, Kurt Cobain ayant déjà chanté pour Earth sur le morceau « Divine and Bright») est la présence de Mark Lanegan et Rabia Shaheen Qazi sur trois des cinq morceaux de l’album. Considérant ces chants comme des prières, sourates aériennes soutenues par l’édifice religieux construit par les musiciens, les titres s’avèrent alors réussis. Mais dès lors que vous cherchez à intégrer les deux chanteurs dans le tout musical, il se dégage un décalage entre les deux parties, une césure difficilement explicable, comme si le micro chant se trouvait à l’autre bout du marécage, loin très loin du sillet des guitares. Finalement, le meilleur des chants sur cet opus s’avère être les multiples soli-solos blues-bouseux sur « Even Hell has its Heroes ». Une guitare expressive et plaintive qui s’épanche sur quasiment 10 minutes. Une ode à la dépression de fin de journée, quand le soleil se couche et réveille la solitude de la nuit.

« Primitive and Deadly » se perçoit comme un compagnon de route silencieux. Il est la présence réconfortante de cet ami mystérieux, puissant mais taiseux qui rassure dans les périodes de doutes. Un album d’esprit qui transcende et calme. Le stoner est animal et viscéral. Earth lui colle une conscience depuis plus de 20 ans.

Kalamata – You

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Kalamata, port grec, lieu d’échange et de partage, évoque les splendeurs des cités mythiques de l’Iliade. Ses oliveraies à perte de vue nous bouleversent et son nom résonne comme une invitation au voyage. De voyage il en est question avec ce trio allemand qui derrière ce nom, pratique un stoner instrumental de première facture.

Périlleux exercice que la musique instrumentale, savoir évoquer sans lasser. Les allemands ont opté pour une formule empreinte de psychédélisme, invoquant les naïades des groupes pionniers des 70’s. Mais le trio ne se contente pas de suivre un courant et mène leur navire au travers d’eaux plus saturés. Voguant parmi les flots stoner pour une bonne raison : des riffs velus parcourent l’ensemble de l’album au gré des vents provoqués par la ronde basse et des marées de mélodies psycho-tropiques.

Si, sur les 7 titres que présente ce « You », les idées ne fleurent pas l’originalité et ne renouvellent aucunement la navigation moderne, l’odyssée n’en ai pas moins agréable et un charme certain se dégage de l’ensemble. D’abord par le mixage très en avant de la basse qui, à la barre, pilote l’embarcation poussée par les guitares qui se jouent d’arpèges incantatoires tout en sachant tempêter de gras riffs, grattant aux écoutilles du doom. Ensuite par les émotions que provoquent le groupe, également par les titres de leurs morceaux formant bout à bout une phrase empreinte de bienveillance : « You » « Have » « To » « Die » « Soon » « Mother » « Fucker ».

Ce premier album sorti en 2014 suite à une tournée dévoile tous les atouts de cohérence et de maîtrise du groupe. Les morceaux les plus longs offrent un vrai développement même si on souhaiterait souvent avoir le souffle coupé par plus de folie ou d’initiative. Deux titres plus courts en fin de galette dévoilent un autre aspect du trio, plus direct, plus franc. Toujours sous les embruns des pontes du genre, l’efficacité de ces titres nous laisse entrevoir l’arsenal à disposition de Kalamata ; et espérer qu’en intégrant cette énergie plus opportunément, l’identité du groupe n’en serait que plus affirmée. Du potentiel à revendre, à suivre de près.

Slow Season – Mountains

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Hey Babe, saute dans le van VW on part en randonnée. Les montagnes nous appellent. Forces de la nature, aussi belles qu’imprévisibles. Allons nous connecter à elle et retrouver notre nous profond. La route qui nous y mène est rockailleuse. La « Sixty Eight » est directe, ombragée par le(d) zeppelin qui y offre refuge sous son groove soyeux à la Bonham. Tu vois là bas, la communauté « Synanon » ? Des gens bienveillants, sous influence plus sabbathienne, avec toujours ce sens du groove un côté plus heavy en sus. Et comme depuis le début de notre périple, toujours ce sens de la mélodie et du riff propre aux origines  de notre hard-rockeuse de mère nature.

Nous voilà arrivé. Commençons l’ascension avec en contrebas « King City », décidément les points de vus sont plus variés que ce que l’on pensait et les refrains toujours accrocheurs. Cette virée est tout en fluidité. La nature du son est pure, sans fioritures. Respire cette ronde basse qui nous tend les bras depuis  le début. Ca « Shake » vraiment pas mal par ici. Ils ont été bien inspiré de jalonner tout le chemin de ces riffs de classic-rock. On ne risque pas de se perdre, le terrain semble connu depuis les 60’s. Pourtant on ne s’ennuie pas à le pratiquer régulièrement, faut dire qu’avec ses incursions bluesy, ces dénivelés folks, le chemin paraît maintes fois rabattus mais est ici d’une fraîcheur vivifiante. Il est bon de revenir aux sources, de leur rendre hommage tout en sachant les réinterpréter. Attardons nous sur ce «Ain’t Gonna Listen ». Tu vois depuis que les pierres qui roulent ont formé ce « Sympathy for the Devil », on n’en avait pas vu des comme ça. Un piano, des clappements de mains, des « ouh ouh », et surtout une saine énergie.

Déjà quelques 6 titres que nous nous sommes échappés de toute contemporanéité, c’est flagrant une randonnée avec les équipements d’époque ça apporte une chaleur, une spontanéité et un charme que l’on ne croise que trop rarement de nos jours. Ici l’« Endless Moutain » nous tend les bras, abandonnons nous dans sa sincérité, son efficacité. Toi aussi tu te surprends à fredonner ses refrains depuis que tu t’es laissée une première fois à arpenter les monts et merveilles de cet album. Ils t’accompagnent comme autant de classiques, mais d’aujourd’hui. Les derniers titres jusqu’au pic ne sauront démentir la vitalité de notre échappée, à quelle point elle est riche, rythmée, référencée mais toujours inspirée.

Slow Season a tracé un chemin où il fait bon se délecter des éléments essentiels : du riff, du groove, des arrangements, une voix. Symbole d’une renaissance de la nature même d’une excellente sortie.  Je vais me reprendre une bouffée d’air, profites en babe, des excursions aussi classieusement menées, ça fait du bien.

Gonga – Concrescence

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Il faut bien chercher ces derniers temps pour trouver un trio instrumental un peu excitant… Karma To Burn est devenu une petite usine à bûchettes, producteur de riffs efficaces exempts de groove (on ne se sépare pas de la paire rythmique Oswald / Mullins sans sacrifice), et leur production vinylique ne tient plus la distance. Yawning Man fait le même album depuis dix ans sans que personne ne constate la supercherie. Tia Carrera tient encore le flambeau, mais ne pose jamais ses amplis au-delà d’un rayon de vingt kilomètres autour de leur piaule. Certes, on a aussi Domadora (en presque instru) qui pointe derrière. Quoi qu’il en soit, il y a désormais une place à prendre sur ce segment musical un peu sinistré et pourtant plein de potentiel. Ni une ni deux, les anglais de Gonga déboulent sans fausse modestie, avec l’arrogance de jeunes cons frondeurs, et proposent ce Concrescence qui fait du bien par où il passe.

Six titres seulement, entre six et dix minutes par tête de pipe, en gros, ça donne une idée du bébé : trois gros quarts d’heures de riffs, de grosse rythmique, de soli, etc… En fait, très vite, on constate que Gonga propose quelque chose de pas fondamentalement original (avouons-le, le genre ne s’y prête pas… et n’en a pas besoin non plus !), dans le sens où il propose une synthèse de plein de choses foncièrement excitantes… “Miasma” déroule ses dix minutes au gré d’un riff presque doomeux, en direct héritage des grandes heures du Sabbath Noir, pour se transformer sur sa seconde moitié en une emballée digne de Karma To Burn. Et là où la synthèse confine au brillant, c’est quand, sur ce socle riffique roboratif, le groupe s’aventure dans des jams impeccables, entre la pure improvisation d’un Tia Carrera et les passages bien charpentés d’un My Sleeping Karma. Jouissive outro. “Calumet Altar” traîne dans le sillage de son fuzz dégoulinant des sonorités désertiques et un groove que ne renieraient pas Brant Bjork ou Yawning Man. Comme tous les titres de la galette, ce morceau “poupée russe” nous emmène sur plusieurs séquences dans des ambiances différentes, sans jamais que ne pointe une once d’ennui. Même chose pour “Another Day Gone”, doté de quelques passages en arpège plutôt bien foutus, donnant une subtile connotation prog rock à ce titre, avant de retomber dans un traquenard fuzzé comme on les aime. “Mount Gonga” engage les hostilités sur une séquence qu’aurait pu revendiquer Karma To Burn (ligne de basse bien groovy à l’appui), même si le titre tire un peu en longueur à la fin. Pour finir, “Tungsten Gold” balade ses six minutes de plans groovy fuzzés complètement jouissifs, avant de passer le relais à “Solar Maximum”, un mid-tempo qui commence par des plans très Kyuss-iens, avant d’engager une séquence plus aérienne, chargée en soli encore une fois redoutables d’efficacité.

C’est vraiment quand on s’y attend le moins que les claques discographiques sont les plus percutantes, ce qui est le cas ici. Sur son dernier album, Gonga étale sa parfaite maîtrise de l’exercice bien précis lié à sa configuration à trois têtes. Le groupe est encore jeune, et certains plans peuvent sonner un peu bâclés ici ou là, mais on est quand même dans le haut du panier. Du très bel ouvrage, et surtout un très gros potentiel, à suivre de très près.

Mass Driver – Mass Driver

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Gros riffs + grosses fuzz + gros groove + grosse basse + grosse cloche +gros matraquage de fûts, le tout catapulté électromagnétiquement = Mass Driver par Mass Driver !

Sans détour, à l’énergie, des titres qui fleurent bon le jam velu, voilà ce que nous proposent les Mass Driver. Trio sans prise de tête, en directe provenance de Knoxville Tenessee, les gaillards balancent du stoner survitaminé au cours de ces 8 titres. Sans prétention mais avec efficacité, ça s’enchaine méchamment en 30 minutes. Du Fu Manchu, du Clutch, du Sabbath, la petite influence punk-hardcore qui va bien dans les vocaux et vous tenez votre apport en fuzz pour la journée. En plein hiver ça s’écoute toutes fenêtres ouvertes à en faire vibrer les murs. En voiture c’est pied au plancher sur une route déserte. Dans la salle de bain, c’est la pomme de douche à la main pour scander les refrains assassins. Dans la cuisine, c’est la poêle bien calée pour air-guitar sur riff qui dépote. Dans la rue, c’est en courant et en martelant chaque poubelle en chemin.

Bref une musique qui fait transpirer et se réhydrater à grandes lampées de bière du soir au matin. Des bons breaks, des bons solos, ce qu’il faut pour ne pas sombrer dans la répétition. Ne réduisez pas le groupe à une usine à riff qui tourne en rond, non il y a de la variété et de la compo ciselée derrière cette sueur !  C’est taillé pour le live et ils l’ont bien compris parce qu’après un premier EP sorti en janvier l’année dernière, cet album sorti en mai, ils ont même pondu un live en juillet. Ca paraît prétentieux ? Non c’est lucide et approprié. Evidemment sur album ça sonne bien plus massif et clair grâce à une prod soignée et puissante, le live étant un bootleg  concentré brut de la substantifique moelle de leur seule prétention : qu’on prenne notre pied avec eux à chaque instant !

La révolution n’est pas en marche mais que ça fait du bien de se laisser décrasser les tympans par un trio qui suinte l’amour du rock fuzzé.

Shit The Cow – Rissna

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Il ne faut pas tortiller des fesses pour ch#&* droit dit-on, démonstration en est faite par Shit The Cow et leur 3ème EP. Le nom du groupe déjà : attitude punk ? 15ème degré sur l’échelle de l’humour je-m’en-foutiste ? Qu’importe finalement, qu’on adhère ou pas le ton est donné ! Le quartet suédois a pris pour habitude depuis 2012 d’envoyer une salve de titres énergiques tous les ans via un EP et 2014 ne dérogea pas à la règle avec Rissna du nom du petit village paumé où l’effort a été enregistré.

« This is the shit » lance les hostilités et ne vous laissez pas endormir par la première électro résonnance. Quand la grosse artillerie balance le riff stoner-garage, il y a pas à titiller ça fait effet. L’envie de sauter frénétiquement et de faire parler votre corps sera trop forte! Au milieu de tout ça une atmosphère cold wave se dégage grâce aux effets justement dosés. Oui du stoner-garage-cold wave, difficile à imaginer je vous l’accorde. Un break bien senti redonne du souffle avant épuisement de toute force vitale, gang vocals pour appuyer les refrains. C’est efficace tout ça.

Au fil des 5 titres, Shit The Cow laisse plus ou moins échapper ces relents de pop-rock, plus particulièrement sur « Common Enemy ». « Legions of death » embraye ensuite et le groupe tente la synthèse parfaite de son aspiration garage aux ambiances surannées des 80’s. Imaginez la rencontre de DEVO, de MC5 et de Fatso Jetson. Vous y êtes ? Titres courts, équilibrés entre débauche de niaque, efficacité des refrains, souci du détail dans les breaks qui enrichissent et font mouche à coup sûr. Chaque titre a son approche tout en restant fidèle à un groupe qui n’a pas les pieds dans le même sabot.

Les suédois ont une vraie identité qu’ils défendent à merveille. La production soigne chaque instru et la qualité des compos ne faiblit pas le long de l’EP. Un disque qui s’écoute en boucle, d’abord accroché par les aspects plus incisifs de certaines compos, puis charmé par les atours plus nuancés des arrangements propres à leur son. Il ne leur reste qu’à le développer sur tout un album. Parce que 15minutes ça ressemble plus à un teaser face à de telles qualités.

Lo-Pan – Colossus

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Venu de Colombus, Ohio, Lo-Pan s’est imposé, depuis ses premiers pas en 2005, comme un challenger de poids dans une catégorie dans laquelle boxent déjà Torche ou ASG, entre relents punkoïdes fuzzés et culture du songwriting à l’américaine. Repérés par Small Stone en 2010, qui réédite Sasquanaut, premier effort du combo, Lo-Pan se fait un nom avec Salvador l’année suivante et le titre “Chichen Itza”, dont le clip montre tout l’affection que le groupe (et surtout son imposant chanteur) porte aux petits-déjeuners continentaux.
En 2014 le quatuor publie son troisième opus, Colossus, et récolte enfin la reconnaissance qu’il mérite, tournant aux US en première partie d’High On Fire sur une avalanche de dates. S’il faudra encore attendre avril 2015 pour les voir traverser l’Atlantique, réjouissons nous au moins de les voir arriver dans nos contrées.

Colossus ne diffère pourtant en rien des albums précédents, continuant de creuser ce filon, malheureusement souvent incompris en France, à la croisée du heavy rock sous stéroïdes, perfusé au grunge et du stoner à roulette de Fu Manchu, avec qui Lo-Pan semble partager une passion certaine pour les vieux sages de la culture sino-américaine. Du rock à chanteur et riffs désarticulés donc, dont la musique coule tel un lourd bloc de béton, émaillés de ça de là par de superbes compositions (“Black Top Revelation”, “Regulus”). on regrettera tout même l’effet de redite depuis Salvador, opus qui semble définitivement mieux armé pour affronter l’épreuve du temps. En définitive, même s’il paraît compliqué d’ériger Colossus au rang de monument indispensable, s’il avait au moins le mérite de faire rentrer le nom de Lo-Pan dans vos playlist Deezer/Spotify ou de mettre un peu de gras sur vos luisantes platines (à chacun son mode de consommation finalement), ce serait une victoire de poids. Et le poids, chez Lo-Pan c’est ce qui les caractérisent le mieux.

Stone Tells – Sick ‘n Loaded

stone-tellsMême si les strasbourgeois de Stone Tells ont sorti en 2014 une nouvelle production (plus modeste – en durée – avec moins de dix minutes derrière la trotteuse), on a choisi de vous parler de ce “Sick ‘n Loaded” qui, s’il date certes de 2013, n’en éclaire pas moins sur ce quintette non dénué d’intérêt. Né en 2012, le groupe enchaîne les concerts (on notera des premières parties sympa, pour des groupes comme Karma To Burn) et compte désormais ces deux productions sous le bras.

Avant tout, que les amateurs d’ambiances planantes, de riffs psyche et de jams langoureuses passent leur chemin : Stone Tells est rugueux, gras, développant un sludge nerveux, aux relents plus metal que pur stoner. A ce titre le “Hellride” qui ouvre en trombe le 4-titres relève plus du glaviot metal (tendance hardcore metal pour le refrain) que de la bluette. Brutal. Heureusement, “Stone Smoke” qui suit développe des ambiances plus travaillées : sur un riff lourd et gras, le groupe construit une trame de pur sludge ricain, tendance… devinez qui ! (déjà que le morceau rappelle Down, avec un tel titre, difficile d’éviter la comparaison). Le chanteur Ash (qui a été remplacé depuis au sein de la formation) s’illustre sur ce morceau, qui par ailleurs fait la part belle aux guitares, à travers notamment des soli parfaitement appropriés, et des riffs bien nerveux pour appuyer des breaks bien sentis. Un titre vraiment intéressant. On revient à un titre plus metal ensuite, avec ce “Johnny Six Pack” qui plaira aux amateurs de Pro-Pain plus qu’à ceux de Weedeater. Petite fantaisie quand même en milieu de morceau avec un break qui rappelle encore une fois un peu beaucoup le quintette cajun emmené par papi Anselmo. “Hysterical Witch Hunt” termine cette sympathique offrande d’une trentaine de minutes. Couillus, les strasbourgeois s’engagent sur une plage de plus de treize minutes de gros sludge bien lourd, un titre au rythme bien pataud, construit autour d’une paire de riffs impeccables, puis d’une séquence de doom graisseux typique du genre, base de décollage de quelques envolées guitaristiques tout juste propices à une montée en pression fort bien exécutée. Un exercice bien maîtrisé.

Alors que l’intérêt pour le sludge ne semble pas baisser ces dernières années en nos contrées (faut dire que le genre permet de contenter notamment bon nombre de fans de metal) Stone Tells est probablement l’un des meilleurs groupes du genre dans l’hexagone, il le prouve à différentes occasions de cette autoprod d’un fort bon niveau. Certains pourront avoir un peu plus de mal avec des passages de pur metal manquant un peu de “chaleur” et de gras derrière les oreilles, qui montrent peut-être encore un peu un groupe curieux musicalement, ce qui en soit n’est pas une tare. Les plus intransigeants préfèreront quand les strasbourgeois se concentrent sur le pur sludge, surtout qu’ils maîtrisent fort bien l’exercice.

Colour Haze – To The Highest Gods We Know

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Précurseur allemand d’un certain style de psychédélisme, dont les lourdeurs métalliques et les relents krautrock en ont fait un candidat crédible à la cause stoner, Colour Haze tisse album après album une discographie mêlant fils de soie et laine de cachemire. Seulement, à force de tricoter, le travail d’orfèvre de l’artisan bavarois a fini par accoucher d’une discographie décousue.
Il y a en effet deux façons de voir la carrière de Colour Haze : la première consiste à relever l’audace, applaudir l’intelligence des influences et célébrer la longévité de carrière tandis que la seconde constate que le groupe a essaimé d’onirisme délicat ses opus “All” et “Periscope”, touché au sublime avec “Tempel”, et s’est pas mal payé notre gueule depuis. L’ambitieux “She Said” en 2012 avait été salué comme un retour en grâce des maîtres de la ritournelle psyché, balayant par là même cette irrépressible impression d’ennui, métaphore sonore d’un dimanche après-midi pluvieux chez mamie Huguette.
A l’heure de la publication de leur 12ème opus, “To The Highest Gods We Know”, il y a de nouveau deux façons d’apprécier l’offrande : la première consiste à rendre grâce au subtil mélange de touches orientalisantes dans une musique définitivement européenne, de s’extasier sur le caractère audacieux du morceau titre, des notes de guitares disséminées avec classe, pendant soyeux des incantations délicates de Stefan Koglek. A cet instant, il apparaîtra nécessaire de se plonger dans le vocable du religieux pour exprimer l’admiration suscitée par les munichois. L’autre façon de voir les choses consiste à dénoncer le peu d’intérêt de l’album, de rire des guitares hispanisantes et des relents babas cools de l’opus, rappelant que ces obsessions de hippies existent depuis les Beatles ou même Django Reinhardt avec, soyons sérieux, incomparablement plus de panache. Colour Haze se la joue même terriblement prétentieux sur le morceau éponyme, pièce de 12 minutes dépouillées, trahie par le révélateur de l’acoustique. “Call” en revanche est plutôt un bon morceau, mais il ne pèse pas lourd face au reste, compilation de feulements de Koglek et de bricolages psyché se donnant des allures d’exploration des genres.
 
Loin de la maîtrise implacable dont le groupe a su fait preuve en matière de ritournelles mélodiques et d’explosions de saturations colorées, Colour Haze préfère poursuivre son rôle d’aventurier de l’émotion perdue. Certains crieront au génie, d’autres à l’arnaque. La vérité se situe sûrement entre les deux. Il appartient à ceux que ça intéresse de placer le curseur.

Lords Of The Brett Stone – Session .inc

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(Mai 2014)

 

Après un Ep 3 titres au concept mêlant état d’esprit modernisme et Rock à l’ancienne, les gars de Lords of the Brett stone nous reviennent avec un nouvel enregistrement. Et oui, le 1er Ep est sorti sous forme de Cléf Usb MAIS accompagné d’une bière brassée maison,,, alors, c’est pas Rock n’ roll ça ?

Ce coup ci on fait plus classique chez les Vosgiens, sortie cd et pas de bière… bande de rats, ils doivent se la garder pour les répètes…

Bon, niveau zik, vous pouvez toujours vous attendre à ce mélange de gros rock énergique plein de bonne humeur (sans être festif, on ne parle pas de ska non plus), une sorte de réminiscence System of a downienne, par là j’entends que la déconne fait clairement partie de leur univers sonore .

Leur style est relativement personnel malgré tout et le disque est bien cohérent niveau compo, aucun morceau ne dénote sans pour autant donner d’impression de lassitude.

Par contre niveau production, le bas blesse un peu, L’enregistrement s’est étalé sur une dizaine de sessions et sur plusieurs studios. Résultat : ça se ressent question son, rien de bien méchant mais lors des changements de pistes on a parfois l’oreille un peu étonné du changement de son. Enfin gardons à l’esprit tous ces vieux albums des grands maîtres et qui ont parfois ce même défaut, qui ça dérange réellement ? On croise juste les doigts pour le prochain.

En tout cas, les prises on été faites « live » résultat l’énergie est bien présente et ça leur va bien !

La voix est encore un peu « jeune »mais maîtrisée, je pense qu’avec plus de temps en studio ou un meilleur traitement sur celle ci le rendu serait plus pro .

A l’écoute de ce 6 titres, on sent que les gars ont de la bouteille (facile hein ? Ouais je sais), les idées , la mise en place etc font qu’on ressent une idée assez arrêtée de la ou ils veulent aller. Manque un peu de moyen mais à force de tourner (ou de brasser) ça devrait venir .

A écouter le soir en dégustant une bonne bière (9,99°, on rigole pas ici).

 

Startruckers – Southern Sessions #4

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Il n’est jamais trop tard pour se faire du bien. Sorti en mars 2014 ce 4ème EP au compteur des Startruckers il en fait du bien. Qu’il est doux de sentir le fuzz chaud du soleil du sud sur notre peau, le sable du désert entre nos orteils à force de taper du pied. Sobrement intitulé Southern Sessions #4, faisant suite aux #1, #2 et #3 tous trois parus en 2011, il aura donc fallu un peu de temps pour que ce petit dernier nous parvienne. Mais la route parcourue, les kilomètres engrangés, les pneus usés jusqu’à la corde depuis, on bonifiait le truck des Raphaëlois.

Plus lourd, plus profond, avec un groove moins débridé mais plus maîtrisé, les compos comme le groupe on prit de la bouteille et ça se sent. Ca sent la transpiration imbibée de bourbon made in southern-rock, ça sent la couenne grillée au desert-rock et nouvelle sensation olfactive plus prononcée que précédemment : le grunge boueux des 90’s. Un savant mix d’influences, une belle identité, qui s’affirme dès l’intro tout en basse de « Deserter » et sa progression toute cylindrée dehors.

La qualité de composition fait écho à la qualité d’interprétation. Les 6-cordes se passent les riffs et les solos savamment posés sur une section rythmique groovy à souhait. Il y a de la rondeur dans ces échanges basse/batterie et les grattes trouvent là l’espace nécessaire à des interventions plus tranchantes à l’occasion. Le chant ne dépareille pas au milieu de tout cela. Au contraire bien incorporée dans le mix, la voix est maîtrisée, posée sur des lignes justes qui se permettent envolées mais sans sur-jouer. Au terme des trois titres pour moins de 17 minutes, on se meurt de ne pas en entendre plus. Chaque morceau creusant son propre sillon dans la moisson de hit des Startruckers.

Ils ont repoussé leurs limites, peaufiné leurs arrangements, s’offrant des passages tantôt plus bluesy, tantôt avec guitare sèche. Il s’en passe des choses sous le capot.  Il ne reste qu’à nous offrir un premier album pour transformer les essais. Il est en approche, souhaitons rapidement.

Steel In Mind – Undying Rage

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(2013)

 

Quand on sort un Ep de 4 titres, on n’a pas le temps de lambiner, alors autant rentrer dans le vif du sujet dès les premières secondes.

C’est le cas ici et après seulement quelques mesures on sait déjà à qui on a affaire : Du stoner fortement influencé par la scène de Seattle (Stoner/Grunge donc , vous l’aurez compris).

Deuxième constat, le son est bon ! Aujourd’hui plus besoin d’être un groupe international pour avoir un son correct, c’est quand même beau le progrès !

Petit bémol, certains roulements de batterie sont un peu à coté mais rien de catastrophique, ça ne gâche pas l’écoute et comme le jeu déborde d’énergie et d’idées, on pardonne !

Les compos sont bien foutues, relativement classiques mais c’est assez normal dans le style, et les influences allant de Pearl Jam (période Ten) à Led Zeppelin en passant par Soundgarden sont assez plaisantes. On retrouve des plans typiquement Led Zep, sur « Reaching for the top » notamment : gratte en arpège bien hippie et chant plein de reverb incantatoire sans pour autant laisser un goût de plagiat.

La pochette quant à elle, d’inspiration Amérindienne est sobre et efficace, elle manque peut être vaguement de contraste mais rempli très bien son rôle .

Lord Dying – Poisoned Altars

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Les fêtes de fin d’année, les repas à rallonge, et riches en calories, les kilos qui s’amoncellent. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas continuer un brin cette cure de « gras » en ce début d’année en guise de bonne résolution ? Chemises à carreaux, dernier shampoing en 2013, mines patibulaires….en bons bûcherons natifs de l’Oregon, les Lord Dying débitent du bois…..et surtout une grosse dose de gras avec ce second opus intitulé « Poisoned Altars ».

Affublés d’un nouveau marteleur en la personne de Rob Shaffer, et après une tournée européenne en compagnie des Red Fang, revoilà donc nos joyeux drilles qui entament ce second épisode discographique tambour battant avec le morceau titre. Du sludge brut de décoffrage, 100% qui tâche, des guitares tranchantes à souhait et du growling d’outre-tombe….voilà grosso modo les ingrédients de ce « Poisoned Altars ». Bref, du sludge me direz-vous……sauf que……sauf que…. empruntant la voie ouverte par leur premier opus, le tonitruant « Summoning the Faithful », les Lord Dying proposent du sludge pour les masses, comme Depeche Mode jadis avec la musique tout court.

Approche punk/hardcore qui évolue vers un solo digne des premières heures de Slayer sur le « Suckling at the teat of a She-Beast », hardcore façon Pro-pain sur un « A Wound Outside of Time », break improbable à la Mastodon sur « (All hopes of a new day)…Extinguished », ambiance Red Fang sur « An open sore » (sur lequel Aaron de Red Fang vient d’ailleurs pousser la chansonnette), tout est donc fait pour permettre au quid-âme sensible de pouvoir prétendre à écouter ce skeud. Et pas besoin d’être ouvert comme Clara Morgane pour pouvoir l’apprécier !

Loin de prétendre au titre de l’album de l’année 2015 en ces premiers jours de janvier, ce « Poisoned Altars » ravira cependant un grand nombre de lecteurs de nos colonnes et en rabibochera plus d’un avec le sludge. Un album vivement conseillé et qui restera sur vos platines pendant pas mal de temps.

Ten Foot Wizard – Return to the Infinite

tenfootwizardDéracinés, voilà un peu le premier sentiment que l’on a à l’écoute de Ten Foot Wizard : les quatre rockers déploient une musique en directe émanation du grand sud U.S., qu’il s’agisse de heavy-blues-rock aux larges influences rock sudistes ou aux passages stoner tendance Sud-californien. Or le groupe est basé à… Manchester ! Une ville où les groupes de rock les plus actifs tendent plutôt vers des penchants pop que gras, si vous voyez le genre… Du coup, Ten Foot Wizard se détache de ses influences “natives” et trace son chemin musical depuis 4-5 ans.

Les gros mots ont déjà été lâchés : southern rock, stoner, heavy-blues… Les mancuniens proposent à travers ce Return To The Infinite dix titres solides, chargés en fuzz et en groove. Les années d’expérience du combo se voient à travers la maturité de leurs compos, des titres riches et variés, oscillant entre 2min40 (le dispensable mais catchy “Real Love”) jusqu’à plus de 9 minutes (avec “Return To The Infinite”, un instrumental spacy lancinant). Entre les deux, des titres qui fonctionnent bien et qui tapent pile là où on les attend. Pour les curieux, quelques titres se détachent : “Six Feet Rising” s’affirme en parfaite synthèse de l’intention musicale du groupe, alternant une rythmique de pur southern rock et un refrain bien pêchu. “Fuck!” lui aussi offre le même type de mix parfaitement opéré. Le tout est souvent léché de bonnes rasades de fuzz et larvé de soli “comme au bon vieux temps”. On notera au niveau du son des passages chantés un peu abandonnés par la prod, genre “une pointe d’écho et ça ira bien”, un peu dommage tandis que le chanteur Gary ne démérite pas au micro. On regrettera aussi la laideur de la pochette, qui dessert un peu la prétention du groupe (le second degré c’est bien, mais attention à ne pas relayer une image injustement “cheap”…).

Ten Foot Wizard est un groupe généreux, talentueux, victime bien volontaire d’une aberration géographique qu’ils tentent avec une belle efficacité de faire oublier. Avec un travail de production plus abouti, les prochaines galettes de ce quatuor briton devraient mériter une oreille attentive. Et on peut aussi parier que les prestations scéniques du combo sont à l’avenant : généreuses et efficaces.

Sheavy – The Best of Sheavy – A Misleading Collection

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Avec la régularité d’un métronome un peu fatigué (mais volontariste et fondamentalement optimiste), et en tous les cas avec la motivation inaltérable qui les maintient depuis plus de vingt ans maintenant, les canadiens de Sheavy ont trouvé logique de sortir un “best of” ; enfin la compilation tant attendue de leurs meilleurs titres. Sauf que non. Ces abrutis ont en fait produit la private joke la plus anti-commerciale jamais créée dans le music business, à savoir : faire un nouvel album, avec des compos toutes neuves et tout le tintouin, mais faire croire qu’il s’agit d’un “best of” ! Rendus à un stade de leur carrière où la plus grosse part de leur succès vient uniquement de leur fidèle fanbase, qui détient tous leurs albums, on comprend très vite l’absurdité de la démarche : votre serviteur par exemple a attendu plusieurs mois avant de se procurer la galette, ne voyant pas pourquoi acheter un disque contenant des titres qu’il avait déjà… Quelle bande d’imbéciles, ces canadiens. Surtout qu’il est bon, ce disque ! Et vous savez quoi, on va même devoir zapper l’exercice traditionnel des bons et mauvais titres car… il n’y a pas de titres de chansons ! Il y a bien dix pistes sur le CD, mais elles n’ont ni titre, ni crédit, rien…

Partagé entre frustration et excitation, on se plonge donc dans ce disque, un maelstrom Sheavy-esque somme toute assez prévisible… mais un bon cru (encore). Ca commence par une intro très très très metal (superbe montée en harmonie, très old school), puis avec un très très très gros riff qui donne le ton. Evan Chalker à la gratte sur cette galette abat un boulot de pur bûcheron canadien et ne semble pondre que de très gros riffs. Oui, les riffs tombent à la pelle sur cette galette, qu’ils soient finement hachés ou bien massifs et heavy comme de gros rondins, le résultat est le même : roboratif. Et les soli ne sont pas en reste (je ne peux pas résister à citer celui de la plage 6, sobre et efficace…). La production DIY ne dessert pas le combo, qui s’en sort bien niveau sonore (allez, on vous l’accorde, ces claviers space rock “Hawkwind des temps modernes” sur la plage 4 sont quand même un peu too much…). Niveau compos même si les passages presque prog n’ont pas disparu, on retrouve une version de Sheavy particulièrement incisive et robuste : carrés, efficaces, heavy… la plupart des titres sont plutôt péchus, même si on peut trouver ici ou là quelques mid-tempo bien sentis (la piste 7 et son riff rampant limite doom, la très accrocheuse piste 10, ou l’intro presque pop de la plage 8… qui mène à un titre bien plus percutant et diversifié). L’inspiration ne les a heureusement pas quittés, clairement.

Au final, on leur pardonne aisément leur humour déplorable : ce faux “best of” porte en son sein toute l’ambiguïté de ce groupe, entre humour potache, naïveté confondante et je-m’en-foutisme vicéral. Passé le premier degré, le second degré de la situation n’est pas inintéressant : ce disque n’est pas le meilleur de Sheavy, mais s’en rapproche pourtant pas mal. Mais qui aura ce niveau de lecture ? Personne a priori, et c’est pour cette raison que le groupe a décidé de s’en foutre, et de faire, en gros, ce qu’il veut. Bref, Sheavy n’est pas là pour enfiler des perles, même si au final il en produit quelques fort beaux spécimens. Allez comprendre.

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