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Après une belle première chevauchée sortie en 2012, The Texas Chainsaw Dust Lovers (que l’on nommera TCDL pour la suite de cette chronique, histoire d’épargner les touches du clavier) reviennent avec un nouvel EP 5 titres intitulé « The Wolf is Rising ». Après « Born Bad », il semblerait donc que ce soit d’un loup que le groupe a accouché à l’époque et ce dernier peut fièrement se dresser devant nous aujourd’hui. Et ils peuvent en être fiers.
Leur stoner spaghetti rock a pris de la bouteille, il s’est surtout affiné et a gagné en personnalité. « Car Crash », tous crocs dehors, déboule sans grogner de son riff rutilant. C’est qu’il a les griffes acérés le bougre mais pas que… On pense QOTSA, on pense toute la clique de groupes inspirés par eux, on pense à s’ouvrir une bière et finalement il y a quelque chose d’autre qui se dégage de ce titre. Un couplet original avec une vraie identité, des chœurs, des arrangements aux petits oignons, le groupe frappe très fort.
Sur toute la somme de chansons à leur dispo, ils ont choisi d’en enregistrer que cinq mais en se donnant les moyens d’en faire de vraies pépites. « Back to Georgia » le confirme, avec sa pléiade d’instruments de redneck, son gros refrain et toujours ses arrangements peaufinés à l’extrême. Un vrai album de studio ! Exit l’approche DIY et brute, les loups en ont assez de se repaitre des agneaux du coin, ils se font les dents sur les moutons dorés d’Arizona !
Popularisé par le film O’Brother, TCDL s’approprie « A Man of Constant Sorrow » en version testostéronée. Clutch en profite pour nous faire un clin d’œil. Les influences sont diverses et bien digérées. C’est surtout l’identité des parisiens qui à chaque riffs et arrangements se définie et se précise. « Redemption » enfonce l’éperon un peu plus profond et est pour moi LA perle de cet EP. LA table de loi à suivre à mon humble avis. Les références au cinéma de monsieur Morricone défilent, ça transpire la country, le refrain somme toute classique envoie du lourd à souhait, le break est black-metal, les arrangements sont tantôt southern, tantôt résolument pop. Le tout en 4 minutes, messieurs vous venez d’égaler le génie de Mr Bungle, ni plus ni moins.
« The Wolf is Rising » qui clôt les festivités prend plus son temps pour développer une atmosphère plus cinématographique encore. Ne faisant que confirmer la qualité d’interprétation et de composition des quatre amoureux de poussière.
Que ressortir de tout cela : un talent énorme. TCDL a explosé toutes les portes qui les entouraient. A voir où ils décideront de nous emmener la prochaine fois. Aujourd’hui on peut l’affirmer, plus besoin d’attendre une quelconque collaboration entre Mike Patton et Josh Homme, on a The Texas Chainsaw Dust Lovers pour nous combler.

Après une première pièce de choix sortie sur Small Stone, ce qui n’est franchement pas la norme pour les formations hexagonales, le quatuor de Paris s’en revient sur la structure étasunienne avec le fruit de ses inspirations trouvées dans la carcasse d’un animal volant. Salué par la critique, le groupe de la capitale – né des cendres encore brûlantes d’Alcohsonic qui a jadis disséminé des pièce de bonne facture chroniquées dans ces pages – a foulé les scènes des grosses sauteries stoner et pas mal roulé sa bosse depuis la sortie de « Through The Dusty Paths Of Our Lives », son prédécesseur. Ceux qui avaient kiffé des compos aériennes comme « Big Black Cloud » ou « Tears Of The Sun » sur cette plaque peuvent se réjouir, ils vont être carrément aux anges avec « Relections In The Bowels Of A Bird » qui est une réussite du genre (voilà c’est dit ; à partir de maintenant vous pouvez cesser de lire ma prose et aller quérir le précieux).
Malgré le laps de temps relativement proche entre les deux productions balancées par les Franciliens, il faut rapidement se rendre à l’évidence que cette suite des tribulations des frenchies s’avère redoutablement aboutie et fort inspirée. On débute l’écoute, sans intro, par « Fountains Of Vengeance » qui prend son envol sur un gargouillis de grattes saturées pour aller rapidement rejoindre un registre proche du Soundgarden des grandes années (et ce n’était pas hier). Soli, ralentissements et une voix impeccable de Sébastien Bismuth qui se pose un peu comme celle de Chris Cornell sur « 4th Of July ». Après ce premier titre, qui se termine dans la plus pure tradition des formations instrumentales burnées du moment, « An Offspring To The Wolves » prend son élan tout en lourdeur et provoque immédiatement des mouvements de va-et-vient au niveau de mes cervicales. C’est heavy en diable, la section rythmique avec Guillaume Colin à la basse et Benjamin – aussi – Colin derrière les fûts envoie du gros bois et chipe gentiment la vedette à la doublette chants et guitares, lesquelles se déploient en un mur sonore lancinant durant les plus de six minutes sur lesquelles s’étirent ce titre de bon gros rock bien gras qui sent de dessous les bras.
On en reprend pour six minutes pour « Omen Pt.1 », qui, à l’image de « Vodun » sur le précédent opus, sera décliné en trois temps. Le numéro un de ce tiercé – qui est aussi le plus long – s’avère très catchy et il se distancie quelque peu du registre très heavy des premiers titres de cette production, en empruntant des sentiers assez proches des formations sans voix de l’écurie Napalm. Les grattes du chanteur et de Nicolas Heller se font aériennes. L’énorme solo de fin de titre fait un carton plein et nous ne sommes pas loin des prouesses du meneur de The Ultra Electric Mega Galactic, Ed Mundell, que nous retrouverons plus loin en personne, comme il l’avait déjà fait sur « Through The Dusty Paths Of Our Lives ». Après ce passage plus psychédélique, Abrahma revient en territoires entraînant avec « Weary Statues » qui est un titre énorme de rock qui tache. Je kiffe à mort ce morceau qui tabasse mes oreilles en envoyant du gras dès les premières secondes et s’enlise ensuite dans des plans nettement plus apaisés, avant de me reprendre à froid pour m’asséner une nouvelle dose de plans bourrins : une sacrée réussite !
Changement de décorum avec le second présage qui lève un peu la pédale question testostérone : bidouillage synthétique type vent du désert (ça tombe bien on adore ça), sons empreints de slide proche de l’homme-qui-baille et chants susurrés pour un trip qui monte en puissance pour passer dans le rouge aux deux tiers, avec un apport au sax de Vincent Dupuy, pour faire l’étalage des multiples talents de la formation hexagonale. Avec un titre comme « Kapal Kriya », je pensais rejoindre la galaxie My Sleeping Karma et l’intro du titre m’a conforté dans ma croyance. C’était sans compter sur l’esprit malin qui anime ces quatre garçons dans le bayou parisien : après une longue immersion sur fond de nappes synthétiques – mixées de manière à égarer l’auditeur qui vérifiera à coup sûr les connexions de son système de sonorisation – on s’envole effectivement dans l’espace escompté pour s’en distancer en empruntant au sludge quelques plans fort hargneux.
Exit les bidouillages et plans élaborés pour « Square The Circle » qui va droit au but. Ce titre trépident, proche de Dozer, est le plus concis de l’album et il s’inscrit dans la plus pure tradition du stoner bien pugnace donc terriblement efficace. Ce sera tout pour ce registre là puisque nous retrouvons ensuite la fin du triptyque qui annonce déjà le terme proche de cette plaque. Là aussi les types derrière les manettes ont joué avec les boutons quelques fois alors que le titre – presque instrumental dans son intégralité – prenait son envol. Je dois concéder ici que les arrangements du début, les nappes synthétiques redondantes et la retenue jusqu’à mi morceau m’ont laissé assez froid et c’est sans regret qu’après plusieurs écoutes je skippe fréquemment sur « A Shepherd’s Grief » qui renoue avec le génie de cette formation. L’avant-dernière plage de « Reflections In The Bowels Of A Bird » – sur laquelle Ed Mundell est venu poser une envolée soliste – renoue avec le génie qui anime Abrahma : début tout en douceur admirablement mis en forme, refrain puissant sans être dans le registre plantigrade, guitares acérées et rythmiques martiales. Après ce morceau de toute beauté, l’heure est venue de passer à la dernière plage : « Conium ». Ce titre – mixé par le batteur – se déploie crescendo en incorporant pas à pas les divers protagonistes de cette belle aventure : un résumé brillant d’un disque qui l’est.
Avec « Reflections In The Bowels Of A Bird », Abrahma marque à nouveau un maximum de points et prouve que sa présence sur une structure internationale n’est en rien le fruit du hasard, mais le résultat d’un investissement conséquent dans cet art qu’est le stoner conjugué à une bonne grosse dose de talent. Bougez vos culs pour notre scène et cessez de tourner vos yeux vers l’Amérique : ces régionaux n’ont absolument rien à leur envier !

Janvier 2015, découverte d’un album qui sortira le mois suivant. Cinq titres, quatre déjà enregistrés en 2013, parus en 2014. Avec donc un cinquième en addition pour doper la re-sortie d’un EP déjà plébiscité à l’époque et qui touche maintenant au grand, au très grand. Trois mois que j’écoute en boucle l’œuvre d’un trio New-Yorkais, que je la déguste et savoure à chaque instant telle une madeleine de Proust que je me complais à retrouver. Un album de chevet, un classique de 2015 dont les fondements remontent à plusieurs années et qui dans plusieurs encore sera toujours indémodable.
Dans un club miteux au fin fond d’une galaxie lointaine en plein XXVème siècle, un groupe reprendra ces titres suintant le blues et suffisamment aériens pour traverser les âges. Dès les premières notes de « Ancient Song », le ton est donné. Une guitare planante entonne un phrasé bien léché, voguant sur les nuages cotonneux d’une section rythmique carrée et justement ronde. Quelques notes aussi volubiles que volatiles, exprimant la liberté d’Icare au plus proche des cieux et toute sa solitude d’en tomber seul. Les contretemps se font plus heavy et alors que s’étire le jam, survient ce gimmick. CE gimmick, celui qui vous fait basculer à jamais dans les méandres de cette incarnation parfaite d’un heavy-blues maîtrisé, inspiré et inspirant.
« Thorny » met de côté les phasers et autres flangers qui servaient alors de duvets aux 6-cordes ailées, au profit d’un bottleneck chevauchant le midwest au dos de Pégase. Mais le cheval-ailé est au pas, il slide durant 4 minutes d’un blues intemporel. La saturation reprend ses droits sur « Ghost Rider Solar Plexus » qui est d’ors et déjà le hit de 2015 ! Les chevaux sont lâchés, débridés et groovant sur les collines d’un riff à raser de près les Tres Hombres de 1973. Composé par une gratte ? Pas certain quand on entend sa parfaite appropriation par la basse sur la deuxième moitié du morceau qui laisse la place à un jam fumant, la gomme des sabots collant au bitume brulant.
Un jam de heavy blues aérien qui groove, cet album est déjà au firmament qu’il entame sa pièce maitresse de près de 15 minutes. Le fameux petit nouveau, qui apparaît désormais sur la réédition signée chez Ripple Music. « Tales of Murder and Unkindness », réunit tous les ingrédients précédemment cités, les délaye, les passe au chinois, les explose, les enlumine et les compose en une lecture en trois actes. Le charme psychédélique, qui se dégage des premiers mouvements, se dissipe lors d’une dernière scène désenchantée, soutenue par la métronomique batterie qui ne joue que de toms et de clics faisant fi de toutes cymbales. Le groupe démontre ici toutes ses velléités et capacités à sortir du cadre, à renouveler son propre format, à se définir lui-même, cet album n’étant que son deuxième effort à proprement parlé.
Puis « Dude It’s Molecular » clôt les bacchanales. L’orgiaque blueserie à laquelle nous participons prend fin en 4 minutes d’un instrumental dépouillé de tout artifice. Comme une fin en live sans cette rocailleuse voix qui nous a conté tant de déboires précédemment, sans effet pour propulser les mélodies. Reste trois instrumentistes à leur état le plus brut pour émettre les dernières résonnances de 38 minutes vouées à finir dans le top 5 de l’année.
Ces hommes, c’est Geezer qui a sorti en février Gage, un immanquable.

S’il est né dans la poisse des marécages de la Nouvelle Orléans, le sludge est un virus qui a aujourd’hui infecté tous les foyers bactériologiques propices à sa prolifération. Et pour le coup, Hochelaga – quartier ouvrier de Montréal tenant son nom d’une tribu iroquoise – est un terrain infectieux parfait. C’est dans cette zone résidentielle, loin d’être la plus attractive de la capitale francophone américaine, que sont depuis toujours établi les trois Canadiens de Dopethrone. Leur doom/sludge aussi crasse que classe en a fait, depuis leurs débuts en 2008 (mais aussi et surtout depuis leur apparition au Roadburn et leurs incessantes tournées européennes ces dernières années) un groupe établi de la scène.
Si leur nom tient en vérité plus de Darkthrone que d’Electric Wizard, leur son creuse quant à lui l’idée d’un doom narcotique aux inflexions vocales suant le sludge bas du front, avec l’indéniable avantage de composer des titres souvent efficaces voire carrément inoubliables. J’en veux pour preuve leur reprise de “Ain’t No Sunshine”, contre-emploi impeccable pour un titre digne de siéger aux côtés du “Give Me Back My Bullets » de Weedeater au rayon des reprises qui tâchent. Quatrième production du trio, Hochelaga s’inscrit dans la droite lignée des précédents. Dégoulinant en première intention de petites perles sludge à l’efficacité redoutable, l’album dévoile un torrent de subtilité dans sa seconde moitié. Les ingrédients demeurent inchangés : références sonores à la contre culture la plus morbide des US, science du riffing et apologie du sale, les Montréalais n’ont pas changé leur recette d’un iota.
Reste que ce quatrième effort diffuse subtilement sa puissance, s’offre quelques aérations au détour d’un break et imprime son empreinte dans l’esprit, fusse t’elle celle d’une semelle pleine de boue. Au rayon incontestables hits, « Sludgekicker » et « Scum Fuck Blues » ne devraient pas sortir des set lists du combo avant un bon bout de temps, mais il serait dommage de passer à coté de la véritable réussite du disque, « Dry Hitter », qui outre le fait d’être d’une puissance émotionnelle rare, annonce sans claironner une passe de trois titres de plus de 6 minutes à l’approche plus subtile que le début de l’opus. Ainsi Dopethrone fait étal de son savoir faire en mid tempos aux structures changeantes, au point que l’on serait tenté d’accoler le terme psychédélique à leur musique, quoi qu’il pourrait être ici perçu par le trio comme une insulte. Néanmoins la passe de quatre est brillamment passée pour nos trois canadiens, qui publient peut-être là leur album le plus abouti et sans conteste l’un des plus notable de ce premier tiers de l’année 2015.
Le point vinyle :
On peut compter sur Totem Cat, tenu par un fondu de vinyle, pour faire les choses correctement. Hochelaga est donc publié en version jaune marbrée noire ainsi qu’en version classique. Chacun de ces pressages a été fait à 250 exemplaires et est bien évidemment sold out. Un second pressage noir sera disponible sur la tournée du groupe ; d’autres surprises peuvent venir s’ajouter à cela par la suite.

Qu’il est difficile pour le fanatique de Pentagram que je suis de porter un jugement intelligible sur cette improbable sortie de Relapse Records, firme nous ayant plus habitué à défraichir l’avenir du blast supersonique que de jouer les paléontologues du metal en exhumant les origines de veilles légendes récemment réhabilitées. Il devrait pourtant être considéré comme une chance d’avoir aujourd’hui accès à ce bout d’histoire qu’est Bedemon d’autant plus sur un label aussi important, fêtant cette année 25 ans d’activisme sonore au service de la cause metal.
Bedemon, contraction des mots Behemoth et Demon, est un offshot de Pentagram. C’est à dire un groupe parallèle qui vécut le temps de quelques enregistrements lors d’une période de creux du groupe principal de Bobby Liebling et Geof O’Keefe, que l’on retrouve ici entouré de musiciens qui feront parti, à un moment ou à un autre de l’insaisissable entité Pentagram. Ainsi le fait qu’il nous soit aujourd’hui offert la possibilité d’avoir accès à ces quelques démos, morceaux de l’histoire du doom est une chance. Le passionné de metal sait l’importance de la filiation et il ne fait aucun doute que l’écoute de cette poignée de titres, rassemblés sous le nom de Child Of Darkness, rassasiera la soif d’information de beaucoup d’entre nous. Mais d’un autre coté, comment l’amateur de musique, dépensant l’excédent de son salaire en vinyle et appareils vintage pour obtenir le meilleur son possible, peut il trouver un quelconque intérêt à la déclinaison sur son format de prédilection de ces démos au son si caverneux, tenant plus du devoir de mémoire que du plaisir auditif ?
Sur la qualité des compositions, il n’y a rien à dire. On sait tous que si Liebling et sa bande avaient fait les choses correctement ils seraient aujourd’hui assis à côté de Sabbath sur le trône du heavy metal, fesse contre fesse sans rougir. Il est aujourd’hui trop tard pour refaire l’histoire. Reste que sur la quinzaine de titres dissimulés sous cette hideuse pochette suggérant – peut être dans un excès de franchise – que le travail a été bâclé, il y avait matière à publier un album solide et pourquoi pas chatouiller Ozzy et sa bande sur leur propre terrain. Le début des années 70 aurait sans doute pu supporter une recrudescence de sorcières au satanisme modéré. Mais de nos jours, passé le plaisir de retrouver cette façon si particulière qu’a Liebling de verser dans l’incantation plus que dans le chant (« Child Of Darkness », « Serpent Venom »), quel avenir pour ces morceaux de passé ? Quel crédit apporter à ces démos, déjà publiées en 2005 chez les Italiens de Black Widow records dont le tirage limité et un poil collector sied parfaitement à ce presque groupe qui n’a rien à gagner, hormis quelques dollars, à voir sur le marché cette poignée de titres au son exécrable. Si quelqu’un a une réponse à m’apporter qu’il la laisse en commentaire.

Bienvenue en 2015, le son y est chaud, granuleux et crachotant comme en 70 !
Les compos de nos Bordelais de Libido Fuzz sont évidemment à l’image de ce son, bien ancré dans une période spécifique qui fait rêver tant de monde depuis quelques années. Il suffit de jeter une oreille sur bon nombre de sorties plus ou moins récentes pour s’en rendre compte : Stubb, Brain Pyramid, Black Rainbows, Doctor Cyclops et bien d’autres plus vendeurs, tous partagent un même amour pour les sons et les ambiances tirés de cette époque où un certain Jimi était le roi.
Une fois passée cette impression d’avoir ressorti le papier peint de chez mamie, on peut se plonger dans les morceaux qui finalement intègrent des éléments plus récents. Suite d’accord typé grunge et mélodie quasi pop qui permettent de différencier le groupe de leur confrères internationaux.
La voix de Pierre-Alexis (guitare-chant) rappelle celle de The Black Angels ou de The Myrrors, vous savez, ce coté androgyne noyé dans la reverb, ça fonctionne très bien et appui la crédibilité de l’album qui, il faut bien l’avouer, s’en sort plutôt bien .
Niveau production rien à redire, le son est comme dit plus haut, fidèle au standard du Heavy Psyche (ajouter l’adjectif de votre choix) . Enregistré au Portugal puis mixé en Pologne le disque est à l’image du groupe qui malgré sa jeunesse a déjà une solide expérience live (deux tournées européennes au compteur).
Les zikos se revendiquent du boogie et ça s’entend par ci par là et je leur reprocherais justement cette sensation de déjà vu et de redite propre à ce style. Par moment quelques temps mort se font sentir et une impression d’entendre des variations d’un même morceau se dégage, comme dans bon nombre de disque de boogie en quelques sorte !
Malgré ce léger défaut qui devrait s’estomper au fur et à mesure des écoutes en apprenant à mieux connaître chaque morceaux, ce «Kaleido Lumo Age» est une belle réussite et devrait permettre au trio de se hisser à un niveau supérieur de notoriété.

Les bretons de Stonebirds n’ont apparemment pas fini de nous surprendre. On avait quitté le groupe il y a quelques années dans une formation plus étoffée, évoluant dans un stoner efficace et d’influence assez classique. Le combo s’est resserré depuis, devenant trio, ce qui heureusement n’a pas entamé sa motivation. Intègre dans sa démarche, le groupe a sollicité un co-financement via une plateforme de crowdfunding, pour l’aider à accomplir sa démarche sonore atypique, qui passe par un recours à un enregistrement 100% analogique. Dubitatif mais intéressé, c’est avec une réelle curiosité que l’on enfourne le disque, doté d’un artwork absolument sublime (la version vinyl doit déchirer…).
Puisqu’on en parle, le premier “choc” vient du son : tandis que nous sommes plutôt habitués à de grosses machines sonores rutilantes au son très policé, “à la ricaine”, la première écoute de cet exigeant Into The Fog… And The Filthy Air déstabilise un peu : oubliées les rondeurs chaudes et suaves des prods stoner classiques, le son du disque est précis, oppressant, travaillé, avec cette petite réverb qui nous fait croire qu’on est au milieu des bonhommes tandis qu’ils jouent. Perturbant, donc, mais réussi. Le deuxième choc est plus direct encore : stylistiquement, Stonebirds a fait un grand pas… de côté ! Une bifurcation musicale plutôt bien emmanchée les amène désormais sur un terrain musical plus austère, dans des terres plus complexes, qui leur sont propres désormais. On entend du sludge, on entend du stoner un peu, toujours, des passages plus psyche, d’autres plus véloces, on entend plein de choses sur les 35 minutes de cette galette. Aïe!, vous l’avez bien entendu, et c’est là que se niche le seul point frustrant de ce disque : cinq titres, c’est à la fois trop peu pour un album, et très riche pour un EP, mais c’est quand même un peu le cul entre deux chaises. Il sera dit et redit que le groupe ne cherche pas le confort !
“After The Sin” affiche toutes les ambitions du disque sur ses presque neuf minutes : épique et puissant, le titre enchaîne les passages les plus heavy, dont un refrain sans concession (bien appuyé par les cris lointains de Fañch). On entend parfois invoqué le fantôme lointain du Dredg de “Leitmotif”, notamment dans son dernier tiers, lorsque le trio s’engage sur des soli de gratte lancinants du meilleur effet. Précisons que le “trio” trouve parfois un peu ses limites dans son ambition avec une seule guitare, et se permet (avec réussite) de rajouter des pistes de guitare lorsque nécessaire, voire de claviers ici ou là. “Angst Lover” un peu plus loin est le partenaire logique de ce premier titre, et même si son tempo est plus lent et son ambiance plus atmosphérique, l’effet et les influences ne sont pas très loin. On notera en particulier une section heavy particulièrement prenante aux deux tiers du morceau à peu près, qui apporte à cet autre titre-fleuve (presque huit minutes) encore une palanquée de couleurs, sur une palette déjà bien riche. “Into The Fog”, dès ses premières secondes, nous rappelle My Sleeping Karma et l’atmosphère particulièrement relaxante qui se dégage de ses compos. Il faut dire que sa ligne de basse ronde et heavy sur laquelle se greffent des leads de guitare lointains efficaces, vise juste. C’est sur la fin de ce morceau et les suivants que l’on se prend à entendre quelques sonorités que les vieux rockers français mentionnent encore ici ou là sous le patronyme de “l’axe girondin” – à savoir le triplet Sleeppers / Nihil (1ère période) / Year Of No Light : empruntant (inconsciemment ou involontairement peut-être) aux diverses facettes bruitistes de chaque formation, Stonebirds montre encore qu’il n’est pas prêt de se laisser enfermé dans une ornière. Pour finir, “Perpetual Wasteland”, sur une base mélancolique, monte progressivement en pression, pour aboutir à un pic presque malsain, puis exploser pour un final parfaitement abouti. Impeccable clôture pour un disque qui ne laisse pas indifférent.
En espérant que les opportunités collent avec leur motivation et leur disponibilité, on espère voir le trio breton sur les routes dans les prochains mois. Il faut dire que l’on a franchement envie de voir ce que donne en live cette nouvelle version du groupe, qui manifestement à des choses à montrer ! Pas vraiment destiné aux fans des musiques “pied au plancher” ou d’un pur stoner désertique, les amateurs d’ambiances plus policées et travaillées devraient trouver leur bonheur avec ce disque qui ne souffre que de très rares défauts, un gage de travail et de maturité. On espère aussi entendre vite un peu plus de musique, ces cinq titres nous donnant l’eau à la bouche, même s’ils ne manquent pas de “matière”. Un bel album en tout cas, et une nouvelle preuve de la richesse de la scène française.

La frontière entre l’autoproduction et l’album signé est parfois très mince. Aujourd’hui des albums soutenus par labels et producteurs ne sonnent pas forcément mieux que ce premier effort de Bull Terrier. Les strasbourgeois l’ont bien compris, pour sortir du lot et caresser l’espoir d’une certaine reconnaissance dans une scène en perpétuelle expansion, il faut envoyer du lourd. Dès les premières notes de « Resurrection Mary », le lourd, le groupe l’envoie ! Voilà un manifeste de stoner pur jus de cuisson, qui suinte et qui graisse les conduits auditifs. En France aussi on peut faire des productions dignes des meilleurs artilleurs suédois, maîtres du riff sabbathien et de son massivement fuzzé. C’est ce que nous démontre le quintet alsacien au fil des 6 titres de ce premier EP « Be Like Water ».
Après les près de 10 minutes du premier morceau, qui allie stoner épais à une deuxième partie plus doom, Bull Terrier varie les tempos et les ambiances. Tantôt plus sudiste dans son hard-rock, lorgnant sur du grunge gras sur certains plans, les références et clins d’œil défilent en tête sans prendre le dessus sur la sincérité du groupe. Depuis 2011 on sent que les influences communes transpirent dans chaque arrangement et riff, et le plaisir est communicatif. Surtout quand c’est fait avec autant de qualité instrumentale et avec une production aussi puissante que précise. Paru en 2014 ces 39 minutes de stoner-rock haute volée témoigne de tout l’intérêt que l’on a à porter au groupe.
Classique mais bigrement efficace, reste à affirmer cette identité propre qui semble parfois contrainte de rentrer dans un cahier des charges trop défini. Les grattes en ont sous le pied et aimeraient titiller les cieux mais trop souvent s’en reviennent à l’efficacité du riff plus qu’à son envolée. La section rythmique joue et groove, et saurait se permettre de sortir des sentiers martelés. Ces morceaux méritaient d’être enregistrés parce qu’ils sont sacrément bons et bien foutus, plus stoner-métal finalement. Attention à ne pas vouloir enfoncer trop de portes déjà trop souvent ouvertes. La voix au même titre que les instruments méritent de parfois moins essayer d’en faire ou au contraire de creuser ses aspects les plus originaux. Super base pour un avenir prometteur si le groupe explose le cadre dans lequel il s’enferme parfois. Et quand bien même, on prend son pied dans ce cadre !

Voilà, il fallait trancher, séparer la fanfreluche de l’absolue nécessité. En même temps, à la vue des dernières prestations live des italiens, on se doutait un peu de cette évolution. Plus ramassée, plus directe, moins grandiloquente, la musique du trio nous entrelaçait les intestins en un chapelet d’angoisses, faisant éclater ses balles doom-doom au cœur même de nos incertitudes. « Ecate » est donc le symptôme physique de ce retour vers plus de simplicité, la conclusion gravée de son envie d’être plus direct et urgent.
La plaque s’éloigne des standards du groupe en proposant 46 minutes de furie pour 6 titres, grand écart structurel comparé aux deux volumes de « Oro ». Ramassé dans le temps donc, mais grand ouvert dans l’esprit, le trio envoyant son doom dans l’espace ou dans la lave selon les morceaux. Prenez le premier titre « Somnium » qui vous file l’impression d’être sur le pas de lancement d’un missile V2, prêt à décoller sous le joug de cette rythmique martiale et lointaine (le groupe ayant une fois de plus enregistré dans son ptit lieu fétiche, l’ancienne école du village de Sarezzano, profitant de la réverbe naturelle qui mousse de son ampleur l’ensemble de l’album). Le titre-missile explose ensuite dans une gerbe grasse de TNT, trois lettres pour trois notes laissant peu de place à la finesse. Finesse à nouveau déflorée, par le titre suivant, un « Plouton » glouton très indus avec sa voix éructée et lointaine, un concentré de haine viscérale pure gerbant sur le « Chaosecret » suivant. Ce morceau est d’ailleurs un fier représentant de la bipolarité nouvelle du trio. On assiste à un long développé couché narcoleptique et psychotrope sur plus de 6 minutes pour finir sur une baise graveleuse où le doom et le groove s’enlacent en un python luisant et salace. Le reptile poursuit sa course avec « Temple » qui promet l’enfer à toutes les nuques. Promenant ses écailles luisantes sur un groove salace, le titre semble prendre un malin plaisir à nous entraîner plus bas encore, dans les profondeurs du doute et de nos retranchements.
Mais réduire « Ecate » à un album terrien, voir sous-terrien serait une erreur. Car Ufomammut a toujours su distiller des gouttes de respiration au gré de ses albums. On retrouve donc leur nouvel essai, parcouru de nappes synthétiques, de notes acides et cristallines baignées donc de cette fameuse et enveloppante réverbération, offrant le juste contrepoint à la brutalité des compos. Le trio allant même glisser un « Revelation » tout en kraut-respiration au trois-quart de l’album. Un soupir spatial permettant au dernier titre « Ecate » d’exploser plus que de raison et d’éradiquer nos dernières incertitudes quant à la qualité de cet album.
Le fait est que Ufomammut a décidé d’être plus direct et concis. Des méandres labyrinthiques qu’il composait précédemment, ne reste qu’un couloir étroit, sombre, suffocant, tout juste éclairé au loin, par cette lumière rédemptrice. « Ecate » symbolise le renouveau et le retour d’un grand et gros Ufomammut. Il a, dans sa démarche, su recentrer les débats, un peu à la manière de Conan, pour en extirper l’essentiel. On en ressort essoufflé et finalement, plus vivant que jamais. A l’écoute de cet album, je me suis senti comme un astronaute sans oxygène. On se sait condamné, c’est inéluctable. On meurt étouffé, certes, mais serein et apaisé devant la beauté et l’immensité de l’espace.

2014
C’est sous le soleil de Brest que commence la cavalcade d’Appalooza qui passera par un nombre conséquent de troquet avant de finir sa course sur l’EP, objet de cette chronique. Tout commence par une courte et légère ambiance tranchée par un riff auquel vient s’harnacher la basse/batterie pour tabasser. Ce premier titre « Obsolescence » rentre dans le vif et nous fait ressentir les cailloux qui parsèment le chemin de l’ultime riff. La voix semble plus que nonchalante. Le morceau prend une forme assez classique avec un bon solo en fin de parcours suivi d’un monceau de lourdeur de son qui permet de déboucher les oreilles de la fureur du vent. Le batteur tape sans vergogne sur tout ce qui semble se présenter à lui quant la guitare galope presque sans cesse et que la basse trouve sa position. La prod est très bonne mais on distingue, lors des premières écoutes, une certaine distance entre le son et nos oreilles. Ceci dit elle a vite disparue après plusieurs écoutes. C’est également après quelques écoutes que ce premier titre dévoile son potentiel accrocheur. Mais pour tout vous dire, il me semble qu’au fil des 4 morceaux de cet EP, on monte en plaisir et en intérêt. Comme je l’ai déjà dit, ce premier morceau est somme toute assez classique mais on passe de plus en plus vers quelque chose d’expérimentale pour diminuer le côté Alice In Chains et augmenter le côté Qotsa des débuts. « Glory Pain » garde cette même rage instrumentale mais ici la voix se fait plus énervée et subtil ce qui apporte beaucoup. Le solo quant à lui est plus que cool dans le oldschool. « Chameleon » prend le contre-pied de tout cela et commence avec une vraie intro de quelques notes se répercutant dans le lointain du canyon. On rencontre rapidement une boucle courte pleine de fuzz avec un côté psychédélique encore non rencontré sur le skeud qui fait plaisir. Mais c’est la deuxième partie du morceau qui le met au-dessus avec sa guitare mélodique et ses ponts/transitions pour obtenir une fin jubilatoire. Enfin, « Matador » commence avec un rythme presque syncopé et les variations qui suivent font forcément penser aux premiers Qotsa. On assiste alors à un concentré d’idées avec un timing parfait et une guitare qui donne son plein potentiel.
En somme, en 4 titres, si les 2 premiers sont peut-être un peu redondants, Appalooza parvient sans mal à capter notre attention et se révèle vraiment au fil des écoutes. Si ma préférence va à la seconde partie de l’EP qui va plus loin et plus fort, le tout reste très qualitatif.

Tout comme Super Résistant, l’icône du cinéma français, les Mammoth Mammoth n’ont qu’un seul mot d’ordre : pas de chis-chis !
Vous l’aurez compris donc, pas de long jams sessions improvisées sous des volutes d’herbe qui fait rire, ni d’élans psychédéliques instrumentaux endimanchés dans un patte d’éph moule-burnes et entourés d’elfes magiques ou autres farfadets. Que nenni donc, car Mammoth Mammoth est au stoner ce que Mötorhead ou AC/DC sont au rock n’roll : les chantres d’une musique faîte pour les hommes, les vrais, les tatoués et sévèrement burnés, par des hommes, des vrais, des tatoués et des sévèrement burnés.
Dès l’ouverture, le ton est donné avec l’hymne « Life’s a Bitch » où nos australiens se rappellent à leurs ancêtres de la perfide Albion et nous emmènent joyeusement dans l’ambiance d’un pub irlandais enfumé où The Real Mackenzies seraient en train de se produire. Direct et efficace, tout comme le refrain « Life’s a bitch and then you die » qui résume parfaitement la philosophie du combo et de ce « Volume IV : Hammered again ».
On part de très haut donc, telle la plus méchante des montagnes russes, pour redescendre abruptement avant le soubresaut de « Fuel Injected », tuerie rock’n’roll dédiée aux amateurs des « vestes à patchs » et autres porte-clés décapsuleurs. L’ambiance monte donc, retombe, puis remonte à moitié au gré des 10 titres de cet album inégal. Car à côté des pépites taillées pour la scène que sont le lourd comme une enclume et lent comme une tortue « Promised Land », ou bien l’excellent et punk « Sick (of being sick) », on trouve quelques morceaux un brin faiblards (« Black Dog », « Reign Supreme »).
Fraîchement signés chez Napalm Records, Mammoth Mammoth est donc loin d’accoucher de l’album du siècle (ou de l’année). En revanche les australiens nous ont pondu une bien sympathique galette qui fait le job et servira allégrement de bande son quand il s’agira de griller une bonne grosse côte à l’os au BBQ tout en buvant des bières avec vos potes.

Tout pousse à imaginer un troupeau de bisons fonçant tête baissée et naseau humide dans les grandes étendues américaines, mue qu’il est, par cette irrépressible envie d’aller brouter l’herbe plus grasse du voisin. Mais le bestiau qui nous fait face est allemand, a plutôt tendance à broyer du tympan et, à défaut d’étendues sauvages, fait virevolter son heavy-prog stoner dans toutes les caves humides de Germanie. Sortie en 2013, « Bunch of Bisons » fut ré-édité en 2014, en vinyle, par fuzzmatazz records et étale sur ses 7 titres un stoner virevoltant, aiguisé à la saucisse, parfait mélange entre influences 70s et impact contemporain, petits-fils moustachu de Deep Purple et Elder.
Enfin un groupe qui redonne ses lettres de noblesse à l’orgue ! Véritable pape des années 60/70s et lien nécessaire entre chaque composante d’un groupe, l’orgue ne semblait, depuis, relégué qu’à un rôle de faire-valoir, d’apport vintage pour sonner « comme avant ». Stonehenge le replace au centre des débats, tant au niveau du son, que de sa place dans les compositions. « Artic Brother », morceau d’ouverture le prouve d’emblée, c’est l’orgue qui dirige le quatuor, suscite le débat et fait progresser le titre. Et de progression, il s’agit. Chaque compo vient tutoyer la dizaine de minutes, assise sur de solides riffs, « Pizza Fonkey », de lignes de guitares plus subtiles, « Kaléidoscope », de chœurs conquérants, « Bunch of Bisons » et de moments de blastkrieg tout en violence, « Concrete Krieger ». On pense à Elder pour l’alambic des structures et la technique des musiciens. D’ailleurs, présentons-les ces conquérants chevaliers du prog. Enny à la guitare et au chant, Johannes à l’orgue, Micha à la basse et Ole à la batterie. Les « german fab-four » nous régalent dans ce premier essai où la maîtrise côtoie des instants de pur rock’n’roll. Écoutez donc « Sun on the asphalt » et osez dire que vous n’avez pas headbangué !
Reste qu’au bout de 6 titres, on tourne un peu en rond vis-à-vis de la formule. Mais il s’agit là d’un premier album, souvent plus « compilation » hétéroclite d’anciens et nouveaux morceaux pour un groupe, que véritable album réfléchi dans sa globalité. Et à l’écoute de « Delay », voilà que l’excitation renaît à nouveau. Le chant est plus poussé techniquement et mélodiquement, la composition sonne plus mature et réfléchie. On sent une influence jammesque courir le long des 11minutes-échine du titre, les ambiances se posent faisant éclater les idées au grand jour. Cette fin d’album laisse entrevoir un horizon radieux pour les allemands s’ils s’entêtent dans cette voie, tant « Delay » est costaud et nous colle un large sourire.
Qu’on se rassure, le combo devrait normalement offrir une suite à ce « Bunch of Bisons » frais et prometteur. On l’espère plus grand, plus fat, plus barré que ce premier jet qui reste, au demeurant, une excellente découverte. Il passe très bien la barre de la première écoute, puis de la deuxième, puis de la troi…, bref il passe très bien à n’importe qu’elle heure de la journée et se marie très bien avec n’importe quel alcool. D’ailleurs « Bunch of Bisons » pourrait être le nom d’un cocktail riche en couleur et agressif au palais. A Stonehenge d’en parfaire la composition.

On pensait presque les avoir perdus… faut dire qu’ils nous avaient mal habitués ! Un album par an depuis les débuts de leur carrière, passant de label obscur à label discret, et d’un seul coup… silence ! Trois ans qu’on n’en avait pas entendu parler, et voilà que le duo grand-briton déboule chez les décidément très hypés Svart Records (Acid King, Brutus, Mantar, etc…) avec un nouvel album, que dis-je, un colosse de près d’une heure et demie, qui remplit bien un double disque / CD.
Au niveau du style, on n’est pas complètement déstabilisé : les londoniens évoluent dans une sorte de mélange entre le doom le plus traditionnel (quelque chose à cheval entre l’austérité froide des premiers Electric Wizard et le sens mélodique un peu malsain d’un Pentagram) et des fulgurances atmosphériques et mélodiques, puissantes ou envoûtantes. Même s’ils semblent subtilement se détacher de plans parfois très construits, presque prog, au profit d’ambiances plus “jammesques”, on est quand même en terrain connu, ce qui fait du bien, car le contraire nous aurait contrarié. L’agréable surprise de ce Flesh Throne Press est en réalité qu’il est très bon, meilleur sans doute que ses prédécesseurs. Plus direct, plus soigné, plus fort… Plus riche, globalement, si bien qu’il en est difficile de résumer son périple en quelques mots clés, dans une synthèse qui apparaît, au fil des écoutes, aussi difficile qu’inutile.
Laissons parler les chansons plutôt. Points forts de la double-galette, des titres comme “Sorcerous Cry”, “In The Silence” ou “The Way” déroulent chacun sur une douzaine de minutes en moyenne leur ambiance lugubre, portée par la six-cordes à la fois omniprésente et lointaine (un subtil écho dans le mix) de Peter, ainsi que par son chant proprement hanté. Le duo sait faire tournoyer un riff quand il en a un sous le coude. Bénéficiant d’un luxe d’espace (un double album, quand même), le duo se permet des quasi-interludes instrumentaux (“Soul Seeker”, “Time Stone”, ou même les plus de quatre minutes de “Gather”…) qui ne manquent pas d’intérêt. Notons quand même, petite facétie de prod s’il en est, que le couple se permet d’ajouter occasionnellement une ligne de basse ou de guitare pour densifier un peu des morceaux ici ou là, mais ça ne diminue en rien la puissance musicale débitée par ces deux cinglés. Le premier disque se termine par un majestueux “Flesh Throne Press” de presque un quart d’heure, tortueux et aérien, qui par son ambiance peut même raviver le souvenir récent du dernier Yob dans ses segments les moins agressifs. En miroir, pour conclure (ou presque) la seconde galette, le duo s’engage dans un titre sinueux, qui ouvre en sa moitié (passées la cinquième minute, quoi…) la voie à une séquence aérienne, presque enjouée, essentiellement en son clair (et avec toujours – mais de manière plus prégnante ici – ce son chargé d’une reverb un peu froide). Ce faisant, le groupe finit sa production en ouvrant la perspective à de nouveaux sons, de nouvelles tentatives qui, si elles sont aussi soignées que ce Flesh Throne Press, nous font saliver d’avance. Un excellent album.

La très prolixe scène italienne à vu sortir fin 2014, le cinquième album de Bleeding Eyes. Voilà 13 ans maintenant que ces vieux grognards du sludge s’appliquent à recouvrir de boue leur botte de pays. « Gammy » est leur 5ème album et fait montre d’une maîtrise toute particulière du genre, nous proposant la photographie aérienne et planante d’un paysage souillé de poisse, englué et tourmenté.
On sait depuis l’antiquité que les Italiens sont des bâtisseurs hors-pairs, de géniaux architectes. Bleeding Eyes ne déroge pas à la règle ouvrant son opus par « La Chiave », la clef. Ce morceau synthétise l’esprit de l’album, des lignes aériennes de guitares couvrant une assise grasse et lourde, ouvrant la porte d’un univers personnel et marqué. « Gammy » est la Daumus aurea des transalpins. Un album parfaitement construit, reflétant la folie de ses géniteurs à l’instar de la demeure de Néron. Mais Bleeding Eyes n’assèche pas les marais pour construire son palais. Non, il ancre ses fondations dans la boue terrienne. « Amaro Tez » ou « Lacrime Flume Sangre Dolore » déversent leur sludge efficace, soutenus par une voix scandée en italien, filant une rouste directe à l’écoute, migrant ses riffs dans le sud de l’Amérique.
« A fistfull of dynamite » syncrétise les influences du groupe est fait naître une nouvelle facette, plus stoner, plus limpide dans les riffs et les mélodies (très System of a Downesque dans le chant sur celle-là). Mis à part « Gammy » les compos ne dépassent jamais les 6 minutes, ce qui permet d’éviter des redites et de ne pas se perdre en route. La galette est parcourue et piquée d’effets éthérés, de lignes réverbérées, de morceaux plus aériens, « Full Fledged » par exemple, qui permettent de surélever l’ensemble, de donner de l’esprit à la musique très corporelle du combo. Ces instants de respiration offrent un contrepoint salutaire aux morceaux plus dégueulasses, les rendant encore plus sales et caca (oui c’est possible).
L’alternance du chant italien/anglais est intéressant car il offre une palette plurielle d’émotions à chaque instant de l’album. Du prédicateur méditerranéen inquiétant et dictatorial, au chœur anglais tout en mélodie, tout y passe, reste cohérent et lie bien l’ensemble. Le mixage et la production sont cohérents et offrent un écrin sur mesure à la musique de Bleeding Eyes qui, au final, ne souffre peut-être, que de son artwork. Le front plissé, les yeux inquiétant d’un mec chelou tout frippé, semblant scruter une femme Casper devant sa cabane en bois, tout ceci semble étrangement adolescent pour représenter la musique foutrement adulte des italiens. Bref.
« Gammy » est une bonne surprise. Moins monolithique qu’il n’y paraît, transcendant le genre, l’album se découvre au fil des écoutes, laissant apparaître des titres bien composés et la patte toute personnelle de Bleeding Eyes. Son sludge psychédélique fait mouche, larguant des ptits bouts de buvard au LSD dans les marécages de Crowbar et Weedeater. Un bon moment d’écoute, un édifice efficace étalant sont architecture de ses origines latines à ses influences ricaines. A écouter avec des bottes en caoutchouc.

Si vous aimez My Sleeping Karma et ses pochettes hindouesques, ne vous fiez pas à l’intitulé du troisième titre de cet EP (« Mass mantra ») et passez votre chemin. Mule Arm Enemy, trio basé à Lille, laisse le stoner instrumental (à d’autres lillois) pour naviguer dans la voie du grunge/sludge (ce n’est pas moi qui le dit).
Tout commence avec « Vision » et son intro lugubre à souhait qui, 2’30 durant, maintient l’oreille en alerte avant de basculer vers un rock plus « conventionnel ». Du Grundge, il faut plutôt chercher la filiation avec un Alice in Chains pour l’aspect abrasif et écorché de l’époque « Dirt ».
Le deuxième morceau, « Cockroach is the word », est le plus direct des titres de cet EP autoproduit et est plutôt bien ficelé, avec toujours cette touche ‘Staleyesque’. Quant au « Mass Mantra » évoqué plus haut, et long de 8’22, il débute par des incantations avant de basculer dans la furie sonore. Ce morceau à lui seul mérite une petite visite sur le bancamp du groupe.
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