L’Effondras – L’Effondras

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A la croisée des chemins.

 

C’est un immense tout. Multiple. Un être complexe et simple. Le huitième jour musical qui marche sur cette putain de route. Linéaire, longue, quasi sans fin. L’Effondras c’est l’idée fixe d’un mouvement mutin mais contenu, c’est savoir que deux guitares et une batterie seront à jamais plus forts que n’importe quelle autre formation musicale.

Il est difficile et inutile d’inscrire L’Effondras dans un courant particulier. D’aucuns les trouveraient noise, d’autres drone, ceux-là pencheraient pour du post-rock. En ce qui nous concerne, le trio nous intéresse parce qu’il tire aussi bien vers les grandes étendues de psychédélisme froid que de la Bresse poisseuse. Mais finalement la terminologie, on s’en branle un peu quand un groupe comme L’Effondras nous assaille. Les gens tiraillés le sont parce qu’ils sont intelligents. L’Effondras est un génie. Et sa musique sent la remise en cause et le pourquoi incisif. Toujours sur le fil, à naviguer entre l’équilibre et le chaos, les compositions des bressans sont une ode à l’attente et à la frustration.

Prenez « La Fille aux yeux orange » par exemple. L’Effondras nous balade pendant près de 10 minutes sur ce mantra, l’accompagnant de quelques dissonances, de montées progressives puis de remises à plat pour finir par un enchevêtrement de notes piquées, mon pêché mignon, de quelques notes de piano croque-mort. Chaque compo de l’album véhicule cette tension mais apporte son lot d’inattendu, de trouvailles, bottleneck, E-bow, wah-wah la gueule ouverte. Autant d’inspirations accompagnant la technique irréprochable des trois zicos. Ecoutez cette batterie, son inventivité, cette façon de « rentrer » dans les fûts, dans les cymbales, cette rythmique hypnotique au tom basse sur « Amrha ». Ecoutez cette batterie, dis-je, vous prouver qu’elle est un instrument soliste à part entière.

L’Effondras, l’album sonne direct, il suffit de se coller un casque sur les oreilles, d’écouter les deux parties de « Caput Corvi » pour se retrouver au milieu du trio, d’entendre le médiator sur les cordes, de sentir les balais caresser autant la peau de la caisse claire que celle de nos bras frissonnant. On passe ces 22 minutes orgiaques les yeux fermés, à ralentir notre respiration, à souhaiter que ce western mental ne s’arrête jamais.

Mention plus plus au mixage de la galette qui respecte parfaitement la place et les idées de chaque musicien faisant de cet album une pépite atypique et réjouissante, un pont cubiste, complémentaire et total entre différents genres.

Je serai tenté de dire que L’Effondras par L’Effondras est un album nécessaire pour toute personne curieuse et souhaitant s’affranchir de quelques carcans et idées musicalement ethnocentrés. Il brasse tellement d’influences sans jamais perdre son propos, qu’il en devient une référence concernant le travail de composition et de réflexion autour de l’identité musicale. Nécessaire, urgent, triturant le corps et l’esprit. Prenez donc un casque, vous verrez.

Black Rainbows – Hawkdope

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L’histoire de Black Rainbows est depuis le début liée à la France. C’est en effet chez Longfellow Deeds, label parisien, que le trio Italien fait ses premiers pas, avant qu’ils n’aient leur pays, puis l’Europe à leur botte. Désormais il paraît clair que l’hexagone exerce toujours une certaine attraction chez le groupe, et réciproquement. Venus de Rome, où ils sont grandement responsables de l’effervescence musicale des soubassements de l’antique capitale Italienne, les trois membres du groupe organisent des concerts, enregistrent dans leur studio et diffusent leur son via leur propre structure, Heavy Psych Sound Records. Seuls décisionnaires à chaque étape de la manufacture de leur musique, les romains ont réussi, avec trois albums, un split avec Farflung, puis un autre rassemblant également Naam et The Flying Eyes, à s’inscrire comme l’un des combos qui comptent, chez eux bien sûr mais aussi et surtout en dehors de leurs frontières, à force de tournées et de concerts à haute teneur en fuzz.

Héritiers d’une musique où l’on croise l’urgence des MC5 et les digressions d’Hawkwind, chantre d’un stoner d’abord désertique, puis un poil plus personnel, Black Rainbows a clairement forgé sa réputation sur scène. Si leur premier album Twilight in The Desert péchait par ses influences marquées et Carmina Diablo par une volonté forcenée de trancher avec le précédent, le trio a trouvé sa recette sur Supermothafuzzalicious. Au moment de fêter 10 ans d’existence avec un quatrième opus, Hawkdope, c’est un groupe dans la force de l’âge que l’on retrouve, publiant tout simplement son meilleur effort à ce jour.

Il y a, c’est désormais évident, quelque chose de Fu Manchu chez les Italiens. Cette obsession pour le fuzz ne vient clairement pas de nulle part, ainsi que ce groove rond comme les mamelles de la louve à laquelle Gabrielle Fiori et ses deux acolytes se nourrissent goulument. Mais il semble important de faire également un parallèle avec Monster Magnet, dont Black Rainbows a décortiqué les extravagances psychédéliques, jusqu’à en gaver Hawkdope jusqu’au moindre recoin. Le titre même de l’opus sonne comme à hommage à ceux qui célèbrent les drogues jusqu’à l’infini. Chaque morceau est un hit, du refrain « Hypnotize My Soul with rock’n’roll » aux accents sludgy du riff de « Killer Killer Fuzz » en passant par le tempo lascif et presque sexuel d’« Hawkdope ». La galette est inFUZZée de guitares, transpire le groove et répand son aura cosmique piste après piste. Incarnation messianique de l’esprit du disque, le single « The Prophet » prêche pour la paroisse de ce noir arc-en-ciel à grand renfort de guitares dont l’interminable solo renforce, si besoin était, la filiation avec l’ancien groupe d’Ed Mundell.

Plus apaisé que Supermothafuzzalicious, tout en gardant une continuité certaine dans la discographie en mouvement des italiens, Hawkdope poursuit l’exploration des chemins nébuleux, voyage que le trio avait commencé à entreprendre sur Holy Moon pour ramener le propos sur les berges chaudes d’un rock fuzzé de tout premier ordre. La synthèse est d’excellente facture qu’on se le dise.

 

Le point vinyle :

Très au fait des envies des collectionneurs, Black Rainbows cajole ses fans avec une version ultra limitée et numéroté à 100 exemplaires (yellow splatter), une version violette à 400 unités pressées ainsi qu’une version gold. Les prix vont de 15 à 45€ selon votre degré de folie.

Güacho – Vol.II (Historias de Viajeros)

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J’ouvre la fenêtre de la portière et un vent chaud s’engouffre dans l’habitacle de cette camionnette qui m’emmène où elle pourra. Parti sur un coup de tête, sans trop savoir pour où, ni pourquoi, je me retrouve à fixer une ligne d’horizon qui ne cesse de reculer à mesure que mon tacot avale les kilomètres brûlant. Un voyage ? Une quête ? Peu importe. Ce que je sais c’est que mon histoire se déroule à la vitesse argentine des compos de Güacho. Des histoires de voyageurs, voilà ce que propose le combo dans son Vol. II, et il les raconte de merveilleuse manière.

Le trio ouvre son second effort par un chœur d’hommes paumés, un blues introductif à la « O’Brother », des souliers usés qui martèlent la route vers une éventuelle rédemption. Cette dernière se trouve être le but ultime de la galette. Et pour se racheter les musiciens de Güacho tissent des riffs aériens et mélancoliques. « Blus para un planeta rojo » n’est pas sans rappeler les bijoux d’écriture que sont les dernières compositions de Dwellers. Le titre sent la poussière mais s’extirpe de la suffocation par une série de riffs limpides et une volonté de pousser quelques simples idées jusqu’à leur quintessence. Soutenu par une basse merveilleuse d’expressivité, ce morceau est un parfait résumé du savoir-faire argentin. Mais le karma nécessite tout de même quelques sacrifices et violences que n’hésite pas à s’infliger le trio. Des titres tels que « El hambre y la sed » ou « El Principio de Caminar » poussent les guitares à donner du gain aux oiseaux de passages que nous sommes. La machine s’emballe, semblant dévier le train de marchandises vers des territoires plus blues-rock, taquinant le Greenleaf par-ci et le Hendrix par là.

Périple et péripéties, chant et contre-chants, la part belle faite aux voix par Güacho est partie prenante du voyage. Le lead singer raconte. De fait, on ne surprend jamais de hurlements, non, la narration est mélancolique, plaintive, elle chevrote de temps à autres, « Ciervo Negro » par exemple. Elle s’émerveille du panorama qui se dessine sous la cohérence de la section rythmique. Il faut accepter cette voix qui conte, cette nonchalance que ne renierait pas les espagnols d’El Columpio Asesino. Les huit titres du Vol.II sont parcourus par un travail de contre-voix, de chœurs, comme autant de personnages croisés, de vies traversées. Fugace mais intime, le travail se dévoile au fur et à mesure des écoutes, dévoilant sa minutie et son importance dans le mix, très bien équilibré par ailleurs.

La quête des argentins ne semble cependant pas vouée à l’échec. On sent le salut au bout du voyage, une envie majeure d’en découdre avec le destin. « A nadie », « El Camino » et « Atardecer Venemo » transpirent l’espoir par des tonalités moins plaintives et mélancoliques que le reste de l’album. Une ouverture d’accords qui permet de respirer, de regarder un peu en l’air, de se prendre une bouffée de liberté qui nous poussera un peu plus loin. Encore.

Voilà, le plein de la camionnette est fait, j’ai acheté une carte routière pour aller je-ne-sais-où, et j’ai des argentins pour m’accompagner. Belle surprise que cet album, et beau trio que ces Güacho. On embarque facilement dans leur univers, marquant le trio à la culotte, curieux de ses pérégrinations et avide de nouvelles histoires. J’vous laisse, j’ai de la route à faire, mais si vous voulez venir, c’est avec plaisir.

High Fighter – The Goat Ritual

EP Cover Artwork © by Dominic Sohor Design

Les plus grands crus ont besoin de temps pour exprimer toutes leurs richesses. Du temps pour développer des arômes, des parfums qui vont chercher par delà les sensations usuelles que le vin vous procure. Et il y a les vins du nouveau monde qui, sans prétention, vous offrent un plaisir délectable, presque coupable parce qu’immédiat sans avoir à attendre de longues années. High Fighter vient d’Allemagne mais fait pourtant totalement partie du stoner du nouveau monde.

Efficacité, richesse des effluves d’influence, belle présentation (jolie pochette signée Dominic Sohor Design), sans apporter un panel de perceptions nouvelles, le groupe tape juste et, pour un début, c’est franchement prometteur. Le quintet vous propose un sludge/metal avec un bouquet bien stoner et une belle robe d’arrangements plus mélodiques qui vous laisse une fin de dégustation de très belle tenue. Ca ne fait pas dans le liquoreux ici mais dans le blanc sec ! Les riffs dépotent et sentent le metal au premier nez. Puis quand on aère un peu « The Goat Ritual », on perçoit des refrains plus sablonneux et en bouche restent les arpèges et harmonies plus subtils que déposent les grattes sur la lie de groove velu de la section rythmique.

Outre les passages plus mélodieux qui sortent l’EP de la masse des riffs qui ne transpirent pas l’originalité, c’est bien la voix de Mona qui pousse ce cru 2014 vers des horizons plus intéressants. Tantôt grave à suinter le blues, tantôt hurlée à cracher le death, Mona s’impose comme un cépage autour duquel bâtir des cuvées plus complexes. Attention néanmoins à ne pas en abuser et laisser plus souvent les cépages instrumentaux s’exprimer et dévoiler leurs profondeurs.

High Fighter n’est pas un regroupement de jeunes viticulteurs, le groupe comptant dans ses rangs des œnologues confirmés, et ça se sent. La production est brute mais on sent que le terroir est fertile. Si les allemands continuent à peaufiner leurs assemblages en creusant leurs différences, c’est un futur grand cru qui pourrait en naître.

The Midnight Ghost Train – Cold Was The Ground

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L’ascension du trio du Kansas depuis quelques années n’est pas tant spectaculaire qu’elle apparaît inéluctable : après un premier album réussi mais passé un peu inaperçu, le groupe sort un second album, “Buffalo” encore meilleur, qu’ils décident d’aller vendre sur la route, en bouffant du bitume et des planches, contaminant les pires rades ou les meilleurs festivals spécialisés, passant des mois et des mois à trois dans leur petite bagnole, blindée d’amplis et de guitares (on a des preuves…). L’énergie du groupe en concert laisse des marques indélébiles auprès d’un public subjugué. A ce stade, The Midnight Ghost Train a alors atteint ce statut de tuerie live, une réputation hors de proportion au regard de l’accueil réservé à leurs disques – et ce n’est pas la sortie un peu improvisée de ce live au Roadburn qui a changé la donne. Non, à ce stade, la bande à Steve Moss l’a bien compris, il faut rétablir le sacro-saint équilibre universel, et sortir un album à la hauteur des ambitions désormais assumées du combo. Pour mettre toutes les chances de son côté, ils signent avec Napalm Records et intègrent le solide roster du désormais quasi-hégémonique label autrichien (de gros moyens de prod, un soutien promo important, une distribution solide…). Puis, sûr d’eux et dans un trip intègre, ils se collent dans un studio de Georgie équipé à 100% de matos old school, enregistrent sur bandes (oui oui) leur nouveau bébé, avant de faire masteriser la bête chez un ingé son texan spécialisé là aussi dans le mastering analogique. Et nous voilà donc, quelques mois plus tard, la gorge sèche mais la bave aux lèvres, en appuyant sur “play” pour la première d’une longue série d’écoutes…

 

Premier choc (et même si ce damné MP3 ne rend pas hommage à la chaîne du son analogique opérée par ces esthètes du gras sonique), le son est gros. Non : GROS. On n’attendait rien de moins, faut dire, mais là, la prod est au rendez-vous. L’efficacité musicale de la formule du combo était déjà connue, mais c’est la “tenue dans le temps” qui était questionnable jusqu’ici chez les productions vinyliques du trio : seule une poignée de leurs compos résistaient à l’épreuve du temps jusqu’ici – même si leur puissance en live n’était jamais remise en question. Mais sur ce “Cold Was the Ground”, point de grief : le travail de composition, sans doute issu d’un processus un peu inversé (du live vers le disque), est remarquable. Le premier extrait de l’album, “Gladstone” (clin d’œil) avait botté quelques culs et déjà prouvé il y a quelques mois son efficacité en live… or après de nombreuses écoutes de l’album, il est toujours aussi véloce ! Rien de tel qu’un bon riff pour traverser l’usure du temps, faut dire. Même constat pour son successeur sur le disque, “B.C. Trucker”, lui aussi jouissif, au même titre que d’autres brûlots boogie graisseux tels que ce “Straight To The North” porté par un groove de basse impeccable, ou un “No. 227” dantesque doté d’une sorte de riff à une note (… et demie…). Quand le combo s’engage dans des terrains plus difficiles, dans du mid-tempo par exemple, il s’en sort bien, car toujours équipé d’une grosse poignée de graisse dans une main, et d’un vieux matelas de groove bluesy sous le bras (voir “Arvonia” et son dernier tiers notamment, ou un “One Last Shelter” dantesque, rappelant que dans le trio, Brandon Burghart à la batterie n’est pas un maillon faible, même s’il est moins en visibilité). On y revient : groove, blues, gras, la sainte trinité en quelque sorte.

 

A l’heure des bilans, point de suspense artificiel : The Midnight Ghost Train est présent au rendez-vous. Le trio a capitalisé sur ses points forts, avec un album chargé d’énergie, de matière grasse et de groove. On n’en attendait pas moins – on est servi. “Cold Was The Ground” est leur meilleur album, il reprend de fait les points forts de ses albums précédents, et met les curseurs au taquet. On peut en revanche s’interroger sur la suite de la carrière vinylique du groupe : ils ont amené leur musique à un niveau d’efficacité optimum, mais niveau renouvellement et surprise, stylistiquement notamment, c’est light. Le prochain virage devra passer par une évolution musicale nécessaire pour construire la pérennité du combo – faute de quoi, le groupe prendra le risque de se répéter, et de n’être “qu’un” groupe live. Pas si mal en soi, mais pas un gage de pérennité non plus. Mais foin de prise de tête anticipée, jouissons du temps présent et montons le son, car “Cold Was The Ground”, en l’état, est joie, mandale et cholestérol auditif.

Way Beyond Reason – Core

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Le stoner à voix féminine à le vent en poupe.

Josephine Gunther amène ainsi une touche de finesse à la musique testostéronée de Way Beyond Reason, combo originaire de Francfort qui nous livre un premier effort autoproduit intitulé « Core ». Le skeud reprend les 3 titres distillés par le groupe en 2012 et contient 5 nouvelles compositions. Ajoutez à cela que le groupe n’est pas avare dans son offrande (puisque, hormis Compactor et son format relativement compact, tous les morceaux oscillent entre 6 et 8 bonnes minutes) et vous obtenez près d’une heure de rock 100% pur jus.

Jamais poussif, le stoner du quintette est brut de décoffrage, respire la Deutsch-touch et se répand insidieusement, tel un reptile, comme en témoigne le final du monstrueux Goliath. Le chant de Josephine, quant à lui, s’intègre plutôt bien à l’architecture des morceaux. Seul bémol : il souffre parfois d’un manque de hargne comme sur le décalé Breed.

Pour une première autoproduction, ce « Core » est plutôt d’excellente facture. N’hésitez surtout pas à y jeter une oreille.

Space Fisters – Vol.1

Space Fisters - Vol.1 - cover

Si la montagne ne vous gagne pas en ces temps hivernaux, laissez-vous tenter par ces trois furieux savoyards que sont les Space Fisters. Cranves-Sales est officiellement devenu siège des futurs lancements des fusées exploratrices du fuzzo-espace. Le trio ne se contente pas de parcourir la galaxie à coups de virtuosité instrumentale. Non, comme leur nom l’indique, l’espace ils le retournent, le parcourent, l’approfondissent, vers l’infini et l’au-delà !

 

Ce Vol. 1 c’est une poussée de décollage qui vous scotche à vos enceintes. L’apesanteur n’aura plus prise sur vous face à cette nouvelle forme de gravité qui opérera sur vos tympans quémandeur d’encore plus de déluges de riffs. Car chez Space Fisters on conçoit les pluies de météorites de manière variée, riches en mélodies et en parpaings. C’est de la lourdeur au service du psychédélisme, du jam de doom, du sludge survitaminé, du blues sous amphet, c’est les 60’s dans un trou noir de fuzz, c’est un alliage de titane et de formica. Le groupe fait fi des structures et des conventions et les passages chantés ne peuvent freiner les velléités de laisser les cordes et les peaux parler. Quatre titres pour 36 minutes orgasmiques. Du groove à en faire trembler les tréfonds de l’univers par une section rythmique qui sonne organique, naturelle dans ses nuances comme dans ses changements de tempo, ses multiples cassures et autres contre-temps. On sent les savoyards sûrs de leurs montures et ils ne les ménagent pas.

 

L’unité et la cohérence qui ressort de ces morceaux est à en faire pâlir les jammeurs les plus forcenés. Space Fisters n’existe que depuis juin 2012 mais cet album concrétise réellement deux années de travail, de maîtrise et d’un savoir-faire pour que l’auditeur au-delà de la jubilation atteigne une véritable extase. Qu’il est vain de chercher à rationnaliser les signaux que font recevoir vos esgourdes, cet album lancé c’est le troisième type qui vient vous cueillir aux abords de la voie lactée. La production est précise dans son gras. Les aigus ça empêche de décoller ou de coller tout court. Over-saturation, échos sur la voix, spatialisation de l’ensemble avec suffisamment d’air pour ne pas perdre conscience face aux apparitions hallucinatoires. C’est lourd, gras, puissant mais enlevé à la fois, c’est le cosmos qui s’éveille d’un big-bang.

 

Maintenant que le Vol. 1 est sorti fin 2014, vivement leur Holy Mountain et leur Dopesmoker… Space Fisters se chauffe de ce bois là (mais pas que) et les de plus en plus récurrentes occasions de les voir en live ne le démentent pas. Un futur grand nom de la scène française (mais pas que…).

Soundcrawler – The Dead-End Host

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Une question de cycle.

On est dans une période où toute la génération biberonnée au grunge des 90s arrive au pouvoir et la scène française prend les commandes de fort belle manière. Il suffit de porter l’oreille aux productions de Coffin on Tyres et autre Blondstone en 2014 pour s’en convaincre, les référents à la scène de Seattle prenant une part importante dans le stoner ces dernières années. Une question de cycle donc. En ce sens, Soundcrawler, combo de Périgueux s’inscrit pleinement dans la mouvance. A tel point qu’il pourrait désarçonner les fans de fuzz que vous êtes.

Car « The Dead-End Host » est un alien qui s’extirpe des tripes d’Alice in Chains et de Soundgarden. La voix, bien sûr, les plans typés métal des guitares, la production et le grain de l’ensemble, autant d’éléments qui font atterrir le Nostromo côté Nord-Ouest des Etats-Unis. Mais Soundcrawler poursuit une autre bête depuis son précédent opus et celle-ci a plus la gueule et le goût des abominations de Dune. Comme le présente l’excellent artwork de l’album, le groupe ensable sa carcasse et ses compos dans des éléments propres au stoner. Du passage aérien de « Raiders » aux frappes sourdes en basse de « Burning Scales », de l’esprit desert-session de « Long Coma Slow » à l’urgence tout en wah-wah de « A God To Feed », chaque titre porte en son sein un marqueur de pierre qui offre un contrepoint intéressant à la sourde mélancolie du grunge.

Le groupe imprime via « The Dead-End Host » une identité forte et marquée. Une patte sonore tranchée, forcément à double tranchant, car elle fait tomber de temps en temps le quintet dans la redite mélodique. L’écoute dans ces cas-là marque un temps où l’on pourrait décrocher et considérer l’album comme une belle étape, sans plus. Temps suspendu que Soundcrawler s’empresse d’ensevelir par un tiercé de compositions salvatrices. « Civil », tout d’abord, où la guitare s’acoquine avec de la modélisation synthétique et creuse un sillon plus dégueulasse qui sied aux mélodies du groupe. « Infinite Genocide » ensuite, car Remy Pocquet, le lead singer, se décide à hurler, comme si sa vie en dépendait, un « everywhere, anytime, fiiight » de belle facture où la luette s’apparente à une énorme paire de couilles. « And All The Seconds Left » enfin, car il clôt acoustiquement et de manière onirique le tout nouveau 9 titres, proposant ainsi une patine plus viscérale et sincère à la galette.

« Elle était comment la bête ? » demande Caïus Pupus dans les 12 travaux d’Astérix. Et bien la bête est cohérente, très bien exécutée avec un sens poussé de la composition et un codex des genres très bien assimilé. On fait face à un exercice finement troussé qui, s’il arrive à pousser plus loin sa personnalité pourrait accoucher d’un monstre massif dans le prochain essai. « The Dead-End Host » par Soundcrawler, s’il ne bouleversera pas vos horizons musicaux, risque fort de vous faire passer un sombre et agréable moment.

Elevators To The Grateful Sky – Cloud Eye

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A ce rythme l’Italie va devenir l’autre pays du stoner. Sans citer tous les excellents albums sortis de la botte, arrêtons-nous à Palerme d’où sévissent depuis 2011 Elevators To The Grateful Sky. Le quatuor attaque très fort dès le premier étage avec « Ridernaut » et son intro sablonneuse appuyée par un harmonica. Tout semble dit: Riff en provenance du désert californien qui embarque votre nuque dans une bourrasque de headbanguing béat. S’enchaine un break plus lourd pour finir sur un passage au psychédélisme serein. Seul ombre, le chant manque de puissance pour atteindre les gardiens du temple kyussien. Voilà le talon d’Achille de cet album : le « Grateful Sky » est atteint dès le premier titre. Rien d’anecdotique dans les suivants mais rien qui ne parviendra à atteindre la force de celui ci.

Le groupe propose ensuite un gros stoner-rock riffu à la Dozer, toujours avec une parfaite maîtrise instrumentale qui dégage un joli groove et des solos de premier choix. S’autorisant un passage repris par une trompette sur « Red Mud » (qui est tout sauf gratuit quand on voit l’alchimie qui s’en dégage), on sent tout de même les Elevators en pleine possession de leurs moyens mais avec une propension à parfois vouloir trop en faire. Le bien arrangé « Mirador » propose un bon moment instrumental et jusqu’à « Handful of Sand » l’album maintient un équilibre entre toutes les idées du groupe. Rien à jeter (excepté le gimmick reggae) par la suite mais les palermitains finissent par se perdre et l’album à tirer en longueur. Lorgnant du côté des QOTSA/Foo Fighters égarés dans des effluves de rock simplistes injectant de fulgurantes inspirations par brefs moments.

Sorti en 2013 Cloud Eye marque des débuts très prometteurs pour The Elevators To The Grateful Sky, avec une belle production. La suite est en cours d’enregistrement souhaitons que le groupe réussisse à canaliser sa créativité pour gagner en efficacité sur tout un album.

Lucuma – Destruye La Ciudad Psicológica

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2014

Seconde production du groupe, Destruye La Ciudad Psicológica (détruire la ville psychologique) nous arrive directement de Buenos aires (Argentine pour ceux qui allaient draguer pendant les cours de géo).

La première impression qui se dégage de leur musique c’est que ces gars débordent d’idées et d’énergie, on passe d’un riff hard rock bien burné à des plans mélodiques typés Iron Maiden en passant par des idées que Mastodon n’aurait pas renié à l’époque de « Blood mountain » ! Pendant que je cite 15 groupes, les grattes me rappellent aussi Scorpions période « Virgin killer ».

Une fois passé l’écueil de l’Espagnol , qui ne sonne pas si mal dans ce contexte, le chant semble relativement plat comparé au reste des instruments, je retrouve le même « défaut » que chez Spiral Architect (coucou à nos lecteurs métalleux) : le chant est maîtrisé mais ne semble pas s’intégrer dans la musique au niveau du placement, comme si les textes étaient écrit bien avant le reste et qu’il fallait absolument les placer dessus, on obtient une sorte de déclamation monotone vaguement mélodique.

Lorsque ce n’est pas le cas on est face à un chant typé hard fm un peu détaché du reste, dans lequel le chanteur semble pourtant mettre beaucoup de passion et de sentiments, le contraste est assez étonnant.

Le principal atout du groupe réside dans ses guitares qui s’entremêlent façon Maiden/Mastodon. Leur jeu bien prog mais super poilu (Prog poilu = Isis, Keelhaul etc…) apporte une personnalité assez intéressante au groupe.

La prod générale est assez sèche, très heavy 80-90, mais correct tout de même, chaque élément ressort comme il faut et grâce à la qualité globale des compositions et de l’interprétation la sauce prend très bien.

Donc on résume : si vous n’êtes pas fermé au prog, au metal ou à l’espagnol, ce disque aux racines stoner burné mais riche en influence s’adresse à vous .

Mutonia – Blood Red Sunset

Après une démo live en 2011 et une studio en 2012 Mutonia décide de passer aux choses sérieuses avec un album complet. Il ne faut pas se le cacher, malgré ses quelques années d’existence le groupe semble encore très jeune . Les morceaux de l’album s’éparpillent dans différentes directions sans réussir à trouver de cohésion.

Cela dit, la motivation et l’envie sont bien présentes chez notre trio Romainsqui sillonne l’Italie de manière assidue depuis maintenant 4 ans. Sur la route, l’orientation et l’inspiration a changé au fil des années et partant du punk, Mutonia passe au rock alternatif en sortant « Gain From Waste », leur seconde production en 2012 , puis s’intéressent aujourd’hui au Stoner et au Grunge.

Après une intro interminable et bancale reprenant des samples de tous horizons, pleurs de bébé, discours d’Hitler, de Churchill etc… la musique démarre sur un riff de guitare écrit dans l’unique but de faire taper du pied, la voix entre à son tour, accent traînant et gimmick venant tout droit de Seattle, on comprend clairement leur amour des 90’s.

L’enregistrement relativement correct a quand même un coté assez amateur, la guitare sonne très pauvre et synthétique, la basse et la batterie s’en sortent plutôt bien, peut être aurait il fallu doubler les prises de guitare pour donner de l’ampleur à l’ensemble. La voix souffre du même défaut, bien exécutée elle manque malgré tout d’épaisseur dans le traitement.

Avec l’expérience accumulée ces dernières années, le groupe devrait se trouver sans tarder et gageons que la prochaine sortie sera supérieure à celle ci.

Temple Of Deimos – Work to be Done

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La scène stoner italienne produit depuis quelques temps déjà une tripoté de bons, voir très bons groupes (coucou Ufomammut). Temple Of Deimos est italien, Temple fait dans le stoner, Temple est pas mal du tout. Son « Work to be Done », sorti en 2014, lorgne plus que de raison chez le mastodonte Queens of the Stone Age et l’artwork nous gratifie d’un panneau « Welcome to Sky Valley » en proie aux flammes d’extraterrestres belliqueux. Le décor est donc planté, les influences assumées, la galette peut-être écoutée.

En effet, les tympans voyagent en terres connues dès les deux premiers titres « Excuses and lies » et « Lady Squirt Cadillac ». Fuzz creusée dans les médiums, breaks de trois notes, accords martelés et mélodies prononcées nous renvoient directement chez le grand roux. Les titre sont efficaces, accrocheurs sans être vraiment novateurs, la nuque imprime tout de même un mouvement de va-et-vient, synonyme, vous en conviendrez, de groove fume-ta-grand-mère.

Le quatrième morceau, « Work to be Done », donne de l’air à l’ensemble en soufflant de la clarté 70s dans le chant et la guitare et une pointe de candeur toute 60s que ne renieraient pas les Fun Lovin’ Criminals. Cette respiration fait grand bien puisque dès le morceau suivant la fuzz factory se remet en branle et sulfate à nouveau ses rythmiques binaires et martelées rappelant en un sens les crocs rouge de l’Oregon.

Le deuxième album des Gênois est bien équilibré dans le mix mais souffre cependant d’un manque de basses. On navigue dans les médiums soutenus par une voix claire qui nécessiterait plus de reliefs et de grain à mon sens. Du coup, l’ensemble manque d’impact et mériterait de nous faire entrer un peu plus dans les « basses fonds » de son assise rythmique. Ceci n’enlevant en rien la qualité de composition, « Questi Cazzi di Vespone » portant une belle superposition de guitares, en est un bel exemple. On passe un très bon moment à l’écoute des dix titres de ce deuxième album, on en ressort frustré cependant.

Frustré car les italiens ont un réel sens de la composition, un savoir-faire dans l’enchevêtrement des lignes de guitares. Ils sont efficaces dans les titres courts et quand ils insufflent un esprit 60s, « Better Take the Bike » par exemple, leurs morceaux prennent de l’épaisseur. Mais ils doivent encore se démarquer de leurs aînés, trouver ce petit truc pour personnaliser leur son et sortir du moule, à l’instar de Triggerfinger. « Work to be Done » n’en reste pas moins un bon album, qui passe bien et promet de belles heures au trio italien.

Masthar – Masthar

Masthar Cover

En provenance direct de Nantes (Louisiane, Etats-Unis) voici Masthar. Sorti en cours d’année 2014, leur premier album tape direct dans les tympans à grands coups de sludge bien métallisé. Le groove est frontal avec des riffs southern à souhait et surtout par la section rythmique qui ne fait pas dans le détail. « Be Kate » vous plonge sans crier gare la tête la première dans un bouillonnant festival de cymbales et de roulements de caisse claire, rondement soutenue par une grassouillette basse. On pense à toute la bande de NOLA au fil des titres, avec des soupçons des gaillards d’Atlanta. Pas étonnant que Masthar est fait les premières parties de Crowbar lors du dernier passage de ces derniers en France.

Pas étonnant par l’affiliation musicale mais pas question d’omettre la qualité des morceaux. Le riffing tape juste, lorgnant souvent vers des influences purement metal. Les refrains sont tous « stadophiles » (du grec qui signifie « qui aime les stades », utilisé souvent pour souligner la capacité de quelque chose à soulever un public en délire). Force est de constater que le quatuor a prêté attention à la qualité des arrangements. Les breaks varient l’impact et surtout la physionomie de chaque titre, tantôt plus rentre dedans, tantôt plus ambiancé. Masthar ne fait pas que dépoter du riff à tour de grattes, les nantais ont mis un point d’orgue à proposer des titres à l’énergie live mais soigneusement écrits. Mention spéciale au bel organe vocal qui, bien arraché comme il se doit (qui a dit Anselmo ?), déclame chorus et refrains avec force et maîtrise. De toutes évidences une des pièces distinctives de la machine à tubes Masthar.

Quand le tempo se fait plus lent comme sur « Mammoth Tang », le groupe révèle un nouveau visage, plus en retenu, plus sombre. C’est là que l’album devient le plus intéressant, car au milieu de certaines compos « trop » metal-qui-groove, ces titres plus posés font vraiment office de sillon à creuser pour la suite. A noter que la production surpuissante de l’album tend vraiment à accentuer le côté gros-metal made in USA. Dommage à mon avis que ça ne sonne pas plus organique. Pourtant enregistrer en « one shot » en condition live, l’énergie passe mais le traitement du son dessert parfois la profondeur de certains morceaux. A voir où ces messieurs décideront de nous emmener au prochain album en cours d’enregistrement, car se prendre des grands coups de titres dans la tronche comme ça à l’occasion c’est bien bon.

Broken Down – First Spit

broken_downNouvelle sortie pour Altsphere  (et PlasticHead au Royaume-Unis) afin de commencer l’année en lourdeur toute martiale (un peu comme l’ambiance du moment) : les Français de Broken Down. Sur le papier, cette production donne moyennement envie, mais elle excite ma curiosité et le bon goût de la structure proposant cette plaque a enfoncé le clou pour que je me plonge rapidement dans l’enfer conçu par cette bande du Sud-Ouest.

Formé à la belle saison en 2014, cette formation décrite sur la bio comme étant active dans le registre de l’industrial doom metal. Registre qui, vous en conviendrez, n’est pas tellement en adéquation avec nos pages digitales, sauf en ce qui concerne le doom dont nous nous sentons assez proche. Se targuant de décomposer les signaux sonores en composants primaires (j’invente pas, je l’ai lu !) comme base pour élaborer ses compositions, Broken Down attise mon intérêt avant même d’investir mon lecteur cd avec ce premier crachat sonore. Le patchwork décrit dans la présentation ratissant extrêmement large (musique industrielle, doom, down-tempo, sludge, hardcore US, southern metal, black ou stoner), l’univers musical dans lequel se déploie l’art de ce groupe se devait d’être au minimum hyperbarré et, après quelques écoutes attentives, je peux affirmer sans voir mes joues rosir que c’est effectivement le cas.

Cette première déclaration belliqueuse envoie sept missiles ravager l’intérieur de ma boîte crânienne à grands renforts de riffs distordus aux tempi ralentis qui d’entrée de jeu provoquent des vas-et-viens au niveau de ma nuque. L’univers musical ici exploré transpire la crasse. Les titres se succèdent de manière fort cohérente en amenant tous leur lot de lourdeur féroce rendue glaciale par l’adjonction de gimmicks industriels qui jamais ne prennent le pas sur le doom jouissif pratiqué par les Hexagonaux.

Hyperstructurées, les compos balancent du gras et la mise en arrière des murs de grattes laisse pas mal de champs à une voix plutôt claire qui donne un rendu remarquable à ce premier effort. Côté titres, en débutant par la fin, nous avons droit à un instrumental de deux minutes pour clore cette production : « Southern Wave Of Goodbye » qui poutre en diable avec un riff à quelques encablures de celui de l’ « Empereur Tomato Ketchup » (si ça c’est pas de la référence stoner…), à deux relectures plombées : « Like A Witch (Daddy Doom) », un cover burné du standard « Daddy Cool » qui avance à un rythme bradycardiaque en dévastant tout sur son passage, et « Doom », le tubard discoteux d’Eiffel65 sur un beat ralenti de moitié et avec un gros son distordu comme trame de fonds ; c’est plutôt drôle à la première écoute…

« On The Way To Be Yourself » qui mêle sonorités acoustiques, rythmiques organiques, distorsions légères et chants hallucinés propose presque 5 minutes de doom sombre très classique et forcément imparable ; exit l’anecdotique et bienvenue en terres traditionnelles ! La troisième plage de cette galette : «  How Could It Be » est l’ovni de cet ovni ; un titre bref, empreint de sauvagerie et presque trop rapide par rapport au reste de l’album. Les deux premiers titres sont ceux à qui vont ma préférence : « A Pill Hard To Swallow », un brulot vitaminé très dark ,qui se déploie crescendo et dont les riffs ainsi que les parties vocales éclipsent le volet industriel, et « You Covetous, I’M On A Roll » : l’incarnation du pachyderme dans la boutique de verroterie vénitienne.

Une sortie improbable, qui écrase sa chatte comme on dit par chez nous, se rapprochant de Ramesses pour la sauvagerie, de Ufomammut pour le rendu bidouillé, de Doomraiser pour le volet lancinant et les vocaux ainsi que de quelques anciens Neurosis pour ce qui est de la texture industrielle. Une production qui s’adresse donc à un public averti, amateur de sensations aussi délicates que le décrassage du canal auditif à la perceuse-frappeuse.

Sungrazer – Sungrazer

sungrazer_lp

De 2009 à 2013, Sungrazer, trio Hollandais a, comme tout combo de l’équipe Elektrohasch Records, envoyé un stoner psychédélique à souhait et multi-référencé. Deux albums studios, « Sungrazer » et « Mirador » à leur actif, un split album avec The Machine, des festivals de prestige (Roadburn et Dunajam en tête) et puis, tchao pantin, clap de fin, le groupe met un terme à ses circonvolutions acides. Malheur donc, car l’album éponyme ici présent est un extraordinaire pont entre Colour Haze et Kyuss.

En effet, dès « If », premier titre de l’album, on assiste à 7min d’assises stoner pures et dures, héritières directes du fameux combo de Palm Desert. Le son des guitares, les lignes de basse, ce fameux groove ardent, brûlé et sablonneux, tout nous renvoie en Californie dans ce titre. Pourtant, l’on ne peut accuser de plagiat Sungrazer tant il surprend dans ce premier album. « Intermezzo » et « Somo », les deux titres suivants forment un riche et surprenant diptyque où le jour jazzy et psyché du trio se révèle. Par l’entremise d’un saxophone et le jeu « aux frontières du réel » du batteur Hans Mulders (désolé pour la blague), les notes grasses laissent place à une montée progressive que ne renierait pas Causa Sui pour finir, à nouveau, dans un déluge de fuzz. Les morceaux du groupe, bien que jeune, trouvent un équilibre intéressant entre travail de structuration, détails pop et plages improvisées. « Sungrazer », l’album, sonne très mature. 6 titres pour 40 minutes, la galette est justement calibrée et ne souffre d’aucun temps mort ou d’idée pompeuse. L ‘écoute de « Zero Zero » saura vous en convaincre. Ajoutez à cela une bonne dose de savoir-faire mélodique, toutes les parties chant étant extrêmement justes (doublé d’un je-ne-sais-quoi Foo-Fighterien) vous obtenez l’un des meilleurs albums paru en 2010.

Puisque qu’il n’est jamais trop tard pour découvrir de bons groupes, je vous conseille vivement «Sungrazer» de Sungrazer. Trop tôt disparu des radars, bien malheureusement, le trio savait composer de réelles pépites comme on les aime, fuzzées mais aériennes, pleines de gras mais qui élèvent l’âme.

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