Zombie King – Album Eponyme

(2009)

Ayant vu le jour à Charleville-Mézières, ce quintette hexagonal avait pour première vocation de proposer un unique show de reprises des Ramones en deux-mille six. Comme c’est bien souvent le cas dans le monde de la musique, les protagonistes se sont piqué au jeu et ont décidé de jouer les prolongations jusqu’à ce jour sous divers patronymes dont Zombie King And The Legion Of Doom en référence au film. Les légions doomisantes ont été amputées (comme le style lourd et empreint de reverb) et c’est sous le nom de Zombie King que la formation a mis en boîte onze premières plages et ouvert pour plusieurs formations dont nos potes de Glowsun.
Composé d’Emeline au chant, de Jérôme et Thomas à la guitare, de Ben à la batterie ainsi que de Charly à la basse, ces souverains des morts-vivants pratiquent un Fuzz très traditionnel dont la particularité première est l’utilisation de vocaux féminins. Les amateurs de Misdemeanor devraient plutôt kiffer le style de ce groupe qui se rapproche des suédoises non seulement en ce qui concerne les chants, mais aussi pour ce qui est de la musique elle-même. Influencé selon la bio par Black Sabbath, Kyuss ou Orange Goblin, leur style me rappelle plus ‘Banisher Of The Light’ de Sparzanza, Red Aim ou Fu Manchu pour le rendu mid tempo et l’aspect général plutôt facile d’accès. S’agissant d’une démo, dont je ne remets pas en doute la qualité, j’admets que le rendu scénique de Zombie King peut être plus lourd que ce qui est proposé durant les trente-six minutes que dure cette première trace.
La production de cette plaque laisse pas mal de champ aux parties vocales qui s’installent dans les fréquences plutôt aigues et à la basse qui tabasse grave dans les basses fréquences. Entre les deux extrêmes, les deux guitares se posent en mur distordu plutôt retenu et ce n’est que dans les plans orientés vers l’aériens qu’elles prennent plus de place lorsque leur son est plutôt clair. Mixée en arrière par rapport à la quatre cordes, la batterie l’accompagne et en amplifie le côté vrombissant.
Très généreux en nombre de titres, ce premier effort explore plusieurs registres. ‘The Goat Of Doom’ s’inscrit dans l’urgence avec un fuzz balancé rapidement à la manière des formations scandinaves traditionnelles : ça groove plutôt bien. Les relents bluesy de ‘Somewhere Far Away’ tapent dans le lancinant avant de se sniffer un rail de coke pour s’achever pieds au plancher de manière presque déstructurée. Deux brulots balancés avec pas mal de patate m’ont bien accrochés : ‘Behind The Holy Montain’ et surtout ‘Riding The Giant Worm’ qui achève cette plaque de manière bien prometteuse dans le registre instrumental.
Actif sur les scènes du nord-est de l’hexagone, Zombie King donnera certainement suite à cette première galette et c’est tout le mal que je leur souhaite !

Contact:
www.myspace.com/zkatlodband

chris

Los Disidentes Del Sucio Motel – Arcane

Los Disidentes Del Sucio Motel - Arcane

Plus de trois ans ont passé depuis la sortie du 1er album des strasbourgeois, trois années qui n’ont pourtant pas vu chômer les frères Maverick, qui ont arpenté les routes françaises et européennes en long et en large (avec quelques faits d’armes remarquables), sorti un split avec feu-Flashfalcon et… enregistré “Arcane”, en 2012, qui sort enfin ces jours-ci chez Deadlight (décidément le label où se retrouvent désormais certains des meilleurs groupes français !).

En 1ère approche, on est plutôt rassuré par le contenu du disque : on retrouve la musique du groupe là où on l’avait laissée sur leurs dernières productions vinyliques. Soyons plus précis : on y retrouve immédiatement ce que l’on aime beaucoup chez les LDDSM. Un bon point. Et ce n’est pas le seul. Parce que très vite ce disque donne le sourire et nous rappelle à quel point ces petits saligots sont doués pour écrire de bons titres. Au début pourtant, on craint un peu le plan-plan avec un mid-tempo sympa, “A.T.A.R.I.”… on aime le riff bien fuzzé, mais ce n’est qu’au milieu du morceau, quand les bonhommes prennent l’affaire en main et boostent tous les potards qu’on commence à avoir la banane. Le titre se balade ainsi un peu dans tous les sens, mais nous rappelle qu’il faut rester sur le qui-vive, s’attendre à tout avec ces mecs. Le très groovy “Lucky Man” prend la suite, et apporte une bouffée d’air frais très salutaire pour cette entame pour le moment bien réussie.”Z” est plus heavy, plus sérieux aussi, et même s’il tire un peu en longueur, il offre quelques bonnes opportunités de soli sympas. Avec “Santa Muerte” la donne change : un gros coup d’accélérateur, une paire de grattes fuzzées bien agressives, Billy au taquet derrière ses fûts, ça décoince bien.
L’occasion de mettre en lumière la très bonne performance instrumentale dispensée sur ce disque : évidemment comme sur leurs précédentes productions, la part belle revient à Johnny et Francky, le duo de gratteux, jamais démonstratifs, mais toujours percutants et efficaces, aux jeux complémentaires ou fusionnels selon l’opportunité. La base rythmique n’est pas en reste, avec le furieux Billy, toujours impeccable, et le discret Bobby, qui déroule pourtant des lignes de basse monstrueuses (voir notamment comme il porte les morceaux les plus pêchus : “Godfather”, “Santa Muerte”…). Sonny développe un jeu de claviers efficace mais moins présent sur ce disque, probablement du fait de sa “prise de pouvoir” au chant : tandis que Francky, Bobby et lui se partageaient les titres jusqu’ici, il prend avec “Arcane” plus d’assurance et assure le job en tant que lead singer. Un rôle mérité au regard de sa performance globale – sa technique vocale est probablement la plus aboutie. On regrettera toutefois parfois un chant un peu trop “propre” sur des titres qui mériteraient un peu de gras, quelques traces de cambouis et de vieux whisky frelatté (“Santa Muerte”, “Mojo”, “Kraken”…).

On reprend le fil de l’album, et quand “Ouija” déboule, on se dit que c’est peut-être un peu trop audacieux de se la jouer doom… sauf que non, cette intro un peu cliché fonctionne, tout comme ce riff lancinant (et cette basse bien grasse…), mais elle permet en réalité d’introduire un morceau bien barré dont le dernier tiers part carrément en vrille. Couillu. Plus basique, le punchy “Godfather” est aussi prétexte au grand retour du clavier typique du groupe, plutôt discret jusqu’ici. Son refrain à deux voix fonctionne bien, tout comme son break vers la fin, propice à un solo de gratte bien sympa. Alors que “Mojo” déroule son agréable boogie bien saturé, le bourrin “Deathproof” vient remuer la pulpe comme il faut. Place est faite pour le colossal “Kraken”, une pièce maîtresse ambitieuse, heavy en diable, suivi de “Journey” un mid-tempo stoner lui aussi bien construit, notamment porté par des lignes vocales harmonisées à la Alice In Chains (si si !) qui apportent une profondeur inédite à ce titre.

Une fois digérée cette orgie de riffs, on réalise que le groupe est bien là où on l’attendait (où on l’espérait, en fait) : jamais à court d’une grosse dose de FUN (en majuscules, siouplait), sans prise de tête, le quintette gravit quelques marches salutaires en termes de maturité dans leurs compos. LDDSM reste un groupe bien à part, paradoxal presque en cela que derrière les personnalités rigolardes et sympathiques des 4 frangins Maverick et de McCormick, les bonhommes déroulent des montagnes de décibels hargneux, jouent le moindre accord de gratte comme s’il s’agissait du dernier. Un album pour amoureux de gros rock saturé, de riffs gras, et plus globalement de grattes “bigger than life”. Un très bon second album.

Loading Data – Double Disco Animal Style

Loading Data - Double Disco Animal Style

Ben voilà, encore 6 ans passés depuis leur galette précédente… loin des yeux loin du cœur, les gars, faites gaffe ! Pour se faire pardonner, les frenchies (partiellement frenchies on va dire) ont mis les petits plats dans les grands. Lo (ou Patròn comme on se doit de l’appeler désormais) a à nouveau traversé l’Atlantique pour enregistrer cet album, pour travailler aux côtés de Alain Johannes, ni plus ni moins.
Bon, crevons l’abcès. Rappelons-nous que Loading Data traîne comme un boulet cette diffuse réputation d’ersatz des Queens Of The Stone Age. Je ne suis pas sûr que produire son album à Los Angeles, par l’ancien guitariste de QOTSA, avec un featuring par Nick Oliveri (leur ancien bassiste, pour mémoire) ne participe à les affranchir de cet encombrant boulet… Leur démarche à ce titre est d’autant plus obscure…

Mais fi de cette encombrante introduction, laissons-nous porter par la musique du combo. Ben c’est raté, l’ombre QOTSA nous rattrape dès les premiers accords de « Double Disco », et même les premières intonations de Patròn nous mettent dans les choux. Heureusement ses vocaux graves reprennent le dessus et l’empreinte musicale de Loading Data reprend peu à peu sa place. On commence à apprécier. Si l’on devait résumer la musique et l’identité sonore du groupe, on pourrait affirmer sans trop hésiter qu’elles reposent à 80% sur son charismatique frontman : en grande partie sur son chant d’une profondeur assez hallucinante, mais aussi sur son jeu de guitare jamais démonstratif mais toujours inventif, varié et aventureux. Ses collègues instrumentistes ne déméritent pas, l’ensemble est costaud, cohérent, et le son est léché. Clairement le travail de Johannes est impeccable et sert parfaitement les velléités du groupe. On n’en attendait pas moins. Niveau compos aussi, on en a pour son argent, en (re)commençant par « Give the rat a name », un titre efficace, au refrain très accrocheur, même si l’ombre de qui-vous-savez pèse un peu sur son couplet et son intro. Mais gardons patience, on se rapproche de ce qu’on aimerait entendre… Et ça commence avec « Teeth And Tongue », qui affiche crânement son originalité. Le riff lancinant un peu robot-rock de « Butterfly Shelf » interroge un peu, même si, encore une fois, le titre fonctionne bien. Mieux encore, au milieu il part dans des sphères aériennes où l’on aurait franchement aimé rester (léger retour sur la fin, mais passage très prometteur).
Un peu plus loin, comme abordé plus haut, on retrouve « Hanging Low » un titre typique du QOTSA « early 2000’s » beuglé par Nick Oliveri : riff sec et répétitif, rythmique punky. Ca fonctionne bien, même si clairement Loading Data s’accapare la deuxième moitié de ce titre bicéphale, après avoir évacué Oliveri manu militari après 2min30. A plusieurs reprises le fantôme festif, voire circassien d’un Mr Bungle m’est apparu à l’écoute de ce disque. « Round and Round » en est l’illustration, avec ce lick de guitare enjoué mais doux-amer typique du groupe californien du siècle dernier, mais aussi plus loin « I’m not gonna take it » ou encore le bonus track « Palinka ». Ca ajoute une touche enjouée au disque, et une énième facette à explorer… Passage robot rock encore, avec le répétitif « Gift », qui tourne bien en tête. Quand arrive « Alright » et son riff vicieux et hargneux, on commence à ré-apprécier la dimension de ce disque, qui propose son lot de très bons morceaux. Un peu plus loin, « Armageddon » s’inscrit lui aussi dans la dynamique très « rollercoaster » du disque : après un couplet lancinant (encore) très QOTSA-ien, le groupe propose un refrain et un solo franchement bons. On retrouve le Loading Data un peu plus fun avec « Midnight Situation », un morceau de groove rock super catchy. Pièce maîtresse de l’album, « On my heart » fait tourner sur presque 10 minutes (!) son riff entêtant et ses vocaux d’outre-tombe dans une lente frénésie (!!) complètement enivrante. La répétition ad lib complètement insolente de son refrain sur les deux derniers tiers de la chanson (!!!) génèrent un effet proche de l’hypnotisme, porté par des saillies de guitare opiacées… Amour !

Sur ce langoureux coup d’éclat se termine un album copieux, roboratif (14 titres + 1 bonus, quand même, on en a pour son argent), qui, on s’en serait douté, ne plaira peut-être pas à tout le monde. Paradoxal, finalement, tant Loading Data se fend de titres variés, riches, susceptibles de plaire au plus grand nombre. Mais ne dit-on pas en même temps que qui trop embrasse mal étreint ? Proverbe pourri mis à part, j’ai aimé cet album. Dès la seconde écoute, je pouvais reprendre un tiers des refrains, signe d’une efficacité de composition remarquable. Je conçois toutefois que d’aucuns pourraient être déstabilisés par l’aspect « bordel organisé » de la chose et ce malgré l’efficacité d’une grosse moitié des titres. Pour peu que l’on s’intéresse de plus près au groove puissant délivré par Lo et sa bande, on appréciera le pas remarquable effectué par le groupe. A titre personnel j’aimerais qu’ils se débarrassent de cet embarrassante influence QOTSA encore un peu présente ici ou là, pour complètement affirmer leur évident talent de composition. S’ils pouvaient ne pas trop tarder cette fois pour rentrer à nouveau en studio et confirmer ce potentiel, j’en serai ravi.

Mudweiser – Angel Lust

Mudweiser - Angel Lust

Si ce « Angel Lust » devait nous prouver une seule chose, c’est que Mudweiser n’était finalement pas le groupe d’un seul album, le side-project de qui-vous-savez. Plusieurs tournées dans l’hexagone et ce nouvel album nous prouvent le contraire. Au-delà, ce disque est par ailleurs la preuve que Mudweiser est quand même un groupe qui mérite qu’on s’intéresse à son cas, à plus d’un titre. Les sudistes ont donc choisi de nous revenir, encore une fois avec un titre d’album fun et décalé. Sont pas là pour se prendre la tête, et ça tombe bien : nous non plus.

On entame donc l’écoute par le particulièrement pesant « Bloody Hands », qui reprend là où « Holy Shit » nous avait laissé : en terrain très boueux. Le riff complètement Down-ien qui introduit « Rumble love » nous rappelle les tendances sludge metal du groupe. Le titre évolue d’ailleurs vers un passage mélodique psyche pas mal gaulé sur la fin, bien joué. Une bonne transition vers « Dead Point » qui rappelle qu’au-delà du sludge « moyen », la vraie principale influence du groupe semble plutôt être Black Sabbath. Autre pièce de bravoure de l’album, « Swimming on the bottom », avec ses 7min30 épiques d’un mid tempo poisseux à souhait, qui se termine en volutes d’harmonica bien senties… Le pur blue grass « Black Bird » fait un peu trop cliché pour être honnête (et pris au sérieux), on attend donc de retrouver nos furieux à l’œuvre sur « Chuck a luck » pour reprendre une rasade de gros stoner metal. Nouvelle baisse de tension avec la power balad « Foreplay », un peu clichée… Heureusement « Witch song », l’un des titres les plus catchy de l’album, déboule pour faire oublier ce petit moment de mou. Parfait vecteur pour permettre à Ole de générer quelques riffs bien sentis et à Jay pour faire ronfler sa basse bien saturée et groovy, , le titre fonctionne bien. On regrettera occasionnellement (notamment sur ce titre) l’accent anglais perfectible de Reuno, rien de grave… Encore 7 minutes de balade avec « Burning Tree », un titre bien poisseux, un peu lent toutefois. Heureusement « Black Road » vient bien clôturer la galette sur une dernière compo pas piquée des vers. Quand ils reprennent en conclusion le « Night In White Satin » de Procol Harum, on sourit gentiment à l’écoute de cette bluette psyche comme violée par un gang de bikers… Un peu cliché au final, mais quand même sympa, ne boudons pas notre plaisir.

Plus fort, plus ambitieux, globalement meilleur que « Holy Shit », ce « Angel Lust » ne pète pas pour autant plus haut que son cul. Il délivre un beau rendement de gros riffs pâteux, dans un esprit fun et sans prise de tête. Le quatuor n’a pas prévu de réinventer le genre, ils ont surtout choisi de se faire plaisir, de faire plaisir et public, et de graver sur vinyle quelques compos qui leur permettront de reprendre la route au plus tôt pour distribuer quelques baffes scéniques de bon aloi. Mudweiser s’acquitte de ces engagements avec honneur, et parvient même à délivrer des compos de qualité honorable dans l’exercice, on n’en attendait pas tant. Une plutôt bonne surprise !

Farflung – A Wound In Eternity

Farflung - A Wound In Eternity

T’es Chewbacca (bah oui, sinon comment t’expliques cette magnifique cartouchière qui orne ton poitrail ?) et Han vient de t’ordonner que mettre les gaz ! Voilà grosso modo l’impression qu’on peut ressentir dès le décollage de ce 7ième album de Farflung, groupe US dont le relatif anonymat est complétement inexplicable quand on sait combien d’entre nous se sont retrouvés orphelins quand Monster Magnet a décidé de délaisser le space rock de “Dopes to Infinity” pour tenter de remplir les stades.

A l’image de “Endless Drifting Wreck”, entre accélérations spatiales et passages en apesanteur, pour peu que vous ayez déjà vu un Star Wars une fois dans votre vie, vous vous souviendrez surement de cette scène où Han Solo décide de mettre les gaz du Falcon Millenium pour échapper à ses poursuivants. Les étoiles se transforment en quelques secondes en grands traits de lumière et on comprend qu’on prend des G. En matière d’effets sp(é)aciaux, Farflung s’y connait mieux que quiconque, jetez une oreille au très Hawkwind-ien “Ix”, rampant comme un reptile jusqu’à fondre le riff de “I Wanna Be Your Dog” sous un déluge de poussière d’étoiles. Comment ne pas s’imaginer en plein combat aux commandes d’un X-wing sur l’énorme “R-Complex” ?

Entre les montées d’acides à la Monkey 3 et une gouaille qui n’est pas sans rappeler un certain Dave Windorf, Farflung peut s’appuyer sur une rythmique hydraulique qui insuffle un groove imparable à ses décollages guitaristiques. De l’épique “Invincible” au martial “Like it has never been” ou “Stella Volo” (genre “Ego the Living Planet” de qui vous savez), les californiens maîtrisent leur sujet sur le bout des doigts.

En ces heures où le toujours plus lent, toujours plus lourd semble avoir la cote dans le petit monde du stoner, voilà le genre d’album à se procurer d’urgence histoire de prendre un peu d’altitude.

7 Weeks – Carnivora

7 Weeks - Carnivora

Ici on adore 7 Weeks. Après un album « parenthèse » assez particulier (« 7 Weeks plays Dead Of Night »), il était temps, après 4 ans d’attente, de proposer un digne successeur à l’excellent « All Channels Off ». Dans l’intervalle, les limougeauds ne se sont pas roulé les pouces : ils ont joué sur pas mal de scènes françaises et européennes, ont perdu leur second guitariste (mais ont gagné un claviériste), et ont signé un contrat sur le label qui a le vent en poupe, Klonosphere. On est donc bien chaud, en enfournant fébrilement le CD, pour se prendre une grosse claque, et pourquoi pas réévaluer le très mouvant « top 10 des meilleurs groupes de stoner français ».

Alors, cette claque ? Ben ouais. Pas de doute, on prend bien une grosse claque à l’écoute de l’album. Clairement, le niveau est monté. Le son d’abord, est énorme, une prod splendide, « à l’américaine », un bijou en soi. Niveau chansons, 10 morceaux bien foutus, jamais répétitifs, variés… Du gros metal avec « Bones & flowers », du presque-thrash avec « Acid rain », des titres à mi-chemin entre grunge et neo-metal, des titres percutants, dynamiques… Musicalement, les gars se la donnent : jamais on ne croirait que Florian est seul derrière cette armée de guitares, la basse de Julien est ronde et bien saturée, et Jérémy frappe ses fûts comme une mule (et sait jouer avec plus de subtilité lorsque nécessaire). Je suis plus réservé sur l’apport réel d’un clavier « full time » (exemples sur « Ghosts on the seaside road » ou « Diary – Day 7 », ses nappes de clavier donnent une tonalité old school un peu anachronique…). Bref, ça joue bien, très bien même, c’est porté par un son énorme, et si ce n’était cet accent anglais perfectible (sur des lignes vocales mixées bien trop en avant), on croirait avoir dans les mains une galette de pur metal américain, à mi-chemin entre grunge « modernisé », thrash et neo-metal rageur.

Et c’est bien là que le bât blesse. Car on aurait aimé dire que 7 Weeks reprenait un rôle majeur dans la scène stoner française… C’est en fait tout le contraire : même si le quatuor n’a jamais fait partie des groupes stoner purs et durs (on entendait dans sa musique des influences diffuses mais massives), il s’est aujourd’hui complètement affranchi du genre. Je défie d’ailleurs quiconque d’identifier un vrai passage relevant de près ou de loin du genre que nous affectionnons tous ici bas. On a en quelque sorte perdu un groupe pour « la cause », donc, mais on a gagné un grand groupe de hard rock français dans l’opération…
En résumé donc, « Carnivora » est un bon disque de metal, mais aussi en quelque sorte un acte de divorce « involontaire »avec le stoner : le groupe trace sa route avec assurance et dynamisme, et ne regarde pas dans le rétroviseur. C’est louable en soi, et il serait égoïste d’attendre autre chose ! Bonne route à eux.

Clutch – Earth Rocker

Clutch - Earth Rocker

Il leur aura fallu presque quatre ans à ces salauds pour le pondre, ce « Earth Rocker ». Quelques années passées à fignoler une petite poignée de titres (11 morceaux, pas plus), des titres efficaces, pas trop longs, juste ce qu’il faut (45 minutes au garot, old school style). Quand on demandait au groupe il y a quelques mois de nous décrire leur album, ils disaient qu’il serait plus rock, plus direct, plus basique… c’est ce que disent TOUS les groupes de rock pour répondre à une telle question, c’est rigolo… Sauf que eux, ils l’ont fait.

Preuve en est, le single éponyme joue un rôle fondateur d’introduction de la galette, il constitue une passerelle impeccable mêlant du Clutch typique (couplet scandé par Fallon, rythmique groovy) avec des bases rock déjà prégnantes (refrain aboyé comme jamais, riff vicieux). Et bim ! c’est parti. Pas plus tard que sur le titre suivant, le bien nommé « Crucial Velocity », on prend une claque dont on aura du mal à se relever dans la demi-heure suivante : on se demande d’ailleurs très légitimement si Tim Sult, en plus de 20 ans de carrière, a tout simplement déjà joué riff aussi féroce que sur ce refrain, ou que Dan Maines a déjà eu une attaque de cordes aussi véloce (on le sent serrer la mâchoire rien qu’en l’écoutant porter le superbe solo de Sult vers la fin du titre…). Et ensuite, ben on a beau chercher, ça débande pas. « Mr Freedom » avec ses airs de « Burning Beard » en plus groovy, « D.C. Sound attack » et son impeccable accompagnement d’harmonica (sans Oblander aux manœuvres) qui amène un refrain assez dantesque que l’on s’imagine déjà hurler en concert… Et dès que la tension feint de revenir à un niveau normal, ils enquillent un épileptique « Unto the breach », lui aussi doté d’un excellent solo de gratte avec un effet de pédale saccadé (putain, Tim Sult a le charisme d’une moule neurasthénique, mais quel joueur !).
Là où un groupe de rock normal aurait collé une balade « prétexte », un truc sirupeux, Clutch place en plein milieu de son disque un petit joyau électro-acoustique, « Stone cold », sobre, ambiancé, modeste, où chacun se met en retrait à l’exact opposé des autres titres. Le grand écart est réussi. « The face » remet les montres à l’heure, et permet de mettre en valeur le jeu de batterie de Gaster, qui sur ce titre alterne les styles de jeu : frappe de mule, envolées de charley, nappes de cymbales, le bonhomme joue sur tous les tableaux, toujours à bon escient, sans jamais dépasser ses prérogatives de modeste joueur rythmique.

Le dernier tiers de l’album n’est pas le plus percutant, mais peut-être le plus intéressant. « Book, Saddle, & Go », du Clutch pur jus, met la barre assez haut en termes d’efficacité. En dégainant ensuite « Cyborg Bette », même s’il n’y paraît pas, Clutch explore des territoires assez inédits : son riff de pur rock’n’roll porté par la caisse claire de Gaster, son couplet que Sult accompagne de licks de gratte aux frontières du bon vieux shredding (voir à ce titre son solo « en arrière plan » aux deux tiers du titre)… bref, ça décoiffe un peu. « Oh Isabella » offre lui aussi un écrin impeccable pour permettre à Tim Sult de montrer l’étendue de son spectre musical, et « The wolfman kindly requests… », lui, nous rappelle que Neil Fallon a survolé cette galette sans jamais faire de vagues, tout en la pierre angulaire du « genre Clutch ».

L’inconvénient de ces albums « plus rock », est que l’on s’en lasse plus rapidement. Après plusieurs semaines d’écoutes, je suis désormais assuré que ce n’est pas le cas de ce disque éblouissant, décidément une réussite sur tous les tableaux. Un sans faute que l’on n’osait attendre. Même l’artwork est réussi (ce à quoi le groupe ne nous avait pas forcément habitué). Ce retour aux basiques fait chaud au cœur, et à ce titre, « Earth Rocker » est un titre parfaitement adapté pour qualifier cet album. Enfin, personnellement j’avais une meilleure idée, mais on me souffle que le titre « Pure Rock Fury » était déjà pris, il aurait pourtant été parfaitement approprié…

Surtr – Pulvis et Umbra

Surtr – Pulvis et Umbra

Le trio doom hexagonal est de retour avec sept nouvelles compos massives. Je m’attendais à me retrouver comme enterré vivant sous une chape plombée de riffs aux tempi ralentis et incroyablement lourdingues suffocant sous les assauts de nos lascars dont la présentation de ce nouvel effort ventait des titres encore plus inspirés par le doom… Et bien non ! Ce nouvel opus – sombre – foutrement bien foutu m’entraîne plutôt du côté de la période Dio de Black Sabbath.
Déçu ? Absolument pas ! C’est un sacré panard que je prends en hochant de la tête entraîné par les riffs ensorceleurs déployés par ces français. Débutant en douceur par ‘Rise Again’, cette plaque fait partie de ces disques qui montent en puissance progressivement durant l’écoute. Cherchant d’abords à comprendre la démarche artistique qui voit une formation orientée doom teinter ses titres de plans épiques et de nappes synthétiques typées seventies, je me retrouve subjugué par l’enchaînement de trois titres absolument fabuleux : ‘Sonic Doom’, ‘The Call’ et ‘Rebellion’. Ces joyaux du style possèdent la totalité des ingrédients nécessaires à un bon titre de doom abordable par le commun des mortels et ne tapent pas du côté drone de la force.
Les riffs de Jeff Maurer, poutrement efficaces, se posent sur des structures rythmiques lentes et puissantes envoyées par Julien Kuhn à la basse ainsi que Régis Beck à la batterie. Les parties vocales sont presque déclamées ce qui me convainc nettement plus que – attention je vais être iconoclaste – certains plans de Lee Dorrian ou de Ronnie James Dio qui ont tendance à en faire trop comme tous les vocalistes orientés metal pur sucre ! Ces presque trois quart d’heure de gros sons s’achèvent avec ‘Fred Karno’s Army’ qui s’étire sur huit minutes. Cette dernière plage débute sur des rivages proches d’Heaven & Hell puis, à force de changements de rythme bien ordonnés, va s’aventurer dans un océan pas très éloignés des meilleures formations francophones de stoner psychédélique instrumental où la basse prend le lead avec brio.
Surtr nous balance là un putain d’album qui foutra la gaule aux fans du Grand Iommi !

Karma To Burn – Live In Brussel

Karma To Burn – Live In Brussel

J’ai souvent reproché à Karma To Burn de ne pas avoir sorti de réel album live audio vu la piètre qualité des titres présentés par le trio sur certaines de ses productions passées : les bonus de ‘Mountain Mama’s’ en sont la crasse illustration ! Me voilà comblé avec la sortie simultanée de cet album et de son alter ego ‘Live At Sidro Club’ qui fait l’objet d’une autre chronique sur ce site.
Ce live est une énigme en soit ! Je me suis rendu au concert de Genève en espérant trouver l’autre live au stand merch. L’objet convoité ne s’y trouvait pas, mais le CD ici chroniqué était mis en avant par le vendeur habituel : Rich Mullins. Comme c’est Karma To Burn, je l’ai acquis et suis satisfait de cet achat dont je n’avais jamais entendu parler.
Il faut dire que question promo, il y a à redire : enregistré à Bruxelles en octobre deux-mille-douze, ces onze titres ont été masterisés et sortis par une structure suisse qui n’a pas de site internet et seule l’enseigne de vente de musique virtuelle arborant la pomme croquée semble commercialiser cet objet en dehors des stands du groupe lors de ses concerts.
Passées ces considérations toutes marketing, qu’en est-il de ce live ? Il s’agit de morceaux capturés lors de la dernière tournée européenne des Ricains. Enfin la dernière avant celle du début d’année deux-mille-treize et de son retour durant l’été suivant. Il faut noter que la formation est omniprésente sur le Vieux-Continent depuis son retour aux affaires. Cette rondelle est aussi la première trace discographique avec Evan Devine qui a succédé à Rob Oswald derrière les fûts. Pièce-maîtresse du groupe, le batteur avait conquis de nombreux fans et c’est naturellement que l’on peut s’interroger sur la partie batterie de cet album. Et bien les enfants, c’est pas mal ! Certes, le touché de Rob manque côté cymbales, mais ça cogne juste et puissamment.
Hormis deux nouveaux titres ‘Unheard Before’ comme c’est écrit sur la couverture, le tracklist est très traditionnel et le groupe ne prend pas de gros risque en balançant des morceaux moult fois éprouvés sur scène : ça s’enchaîne naturellement et efficacement à tel point que ‘Fifty Three’ et ‘Fifty Four’ – les nouvelles compos – semblent figurer sur les setlist de KTB depuis la nuit des temps. ‘Nineteen’, ‘Twenty Eight’ et ‘Twenty’ (en bouquet final) font leur effet usuel sur l’auditeur addict que je suis.
Question son, ce live est de bonne qualité – voire très bonne pour les mecs qui comme moi ont bouffé durant des années du pirate pourri choppé sur un walkman depuis le public – on entend les quelques interactions de William Mecum avec le public et quelques sifflements de fans. Une belle surprise au rayon live pour un groupe qu’on ne présente plus.

Karma To Burn – Live At Sidro Club

Dwellers

Le trio US ne m’avait jamais réellement impressionné côté album live. Certes le dvd capturé lors de leur grand retour m’avait bien fait kiffer, mais au rayon audio je restais, comme tant d’autres, sur ma faim. Je me rabiboche sur le coup avec ce groupe génial dont deux productions live sortent simultanément : cette production et le ‘Live In Brussel’ dont la chronique figure aussi dans ces pages.
Nos potes italiens sortent ce live uniquement en vinyle et avec la manière s’il vous plait : une série du noir usuel pour ce format et une autre colorée en rouge ! Les collectionneurs peuvent bondir au ciel ! La spécificité de cet objet demeure dans le formatage des pistes à savoir une piste ‘One’ – qui n’a rien à voir avec le titre ‘One’ ni de Metallica ni de Karma To Burn d’ailleurs – et une piste ‘Two’ soit la face A et la face B sans coupure aucune. Envoyé d’un coup d’un seul soit de la même manière que le groupe balance ses shows. Pas de césure entre les pistes qui, à dix secondes près, totalisent le même temps : vingt-cinq minutes et des poussières de stoner rock instrumental du meilleur tonneau.
Techniquement cohérent, ce live a été capturé lors d’une énième incursion en terres européennes le vingt-six avril deux-mille-douze au Sidro Club de Savignano sul Rubicone dans le nord de l’Italie. Soit dans le lieu où le label Go Down a élu domicile. Bien qu’enregistré avant l’aventure belge, en sortant après coup, il s’agit de la seconde plaque avec le remplaçant de Rob Oswald : Evan Devine et il faut dire que la production a mis le paquet pour que l’on entende le nouveau résident de KTB. Contrairement à celui que nous qualifierons de l’autre live, nous entendons clairement les cymbales tout au long des deux faces. Ce petit plus au niveau du mastering nous rapproche du son de nos lascars sur scène y compris depuis l’arrivée du petit dernier qui se défend plutôt bien le bougre ! Cette galette arrive à brûle-pourpoint pour rabattre le caquet à certains sceptiques (qui feraient bien de prendre un antiseptique).
Les compositions inclues dans les deux plages tapent dans le registre usuel que Karma To Burn déploie lors de ses prestations scéniques toujours remarquables. Ca file frénétiquement en envoyant le gros bois pour se conclure en feu d’artifice sur un ‘Twenty’ trépidant qui ravit les inconditionnels dont je fais partie.
La qualité sonore restitue à merveille ce que ces zozos balancent sur scène : c’est carré, ça fait danser la nuque, on entend parfois le public répondre aux quelques échanges provoqués par le guitariste et ça sait être subtil au niveau des arrangements. Une bonne sortie dans le registre enregistrement public pour ce trio loin d’être un débutant de la scène stoner.

Sons Of Otis – Seismic

Sons Of Otis - Seismic

S’il y a bien un truc qu’on ne demandera jamais à Sons of Otis, c’est bien d’amener un peu de variété à ses rythmiques. D’ailleurs qui serions-nous pour oser demander quoi que ce soit aux fils d’Otis ? Non, plombés comme un wagon de marchandise, les riffs tracent inexorablement leur chemin d’un pas de pachyderme sous barbituriques, enfonçant, à chaque boucle, un peu plus le clou. “Nothing gonna change” clame Ken Baluke dès le premier titre de sa voix habitée noyée dans l’écho, entre colère et résignation hébétée, une voix hantée comme la plainte d’une masse de damnés portée par le vent.

Cette atmosphère de plaine glacée fouettée par le vent ne vous lâche pas. Parfois illuminée de quelques errements à la limite du psychédélisme le plus millésimé (“Lessons”), d’ambiances dronesques mais avec un plafond nuageux aussi bas que leurs incursions restent très discrètes (l’intro de “Alone”) avant que l’horizon ne finisse par se dégager un peu et que l’on se surprenne à prendre un peu de hauteur pendant plus de 9 minutes sur l’instrumental hawkwinien “PK”, pure merveille de space rock sévèrement défoncé. Puis, dans la seconde partie de l’album quelques grooves flirtant plus avec le stoner 70s que le doom, histoire de remonter peu à peu à la surface après une telle plongée en apnée(“Never in my life”, “Cosmic jam”).

Ce nouvel album de Sons of Otis prouve, une nouvelle fois, qu’avec plus de 20 ans d’expérience, les canadiens s’y connaissent comme personne quand il s’agit d’insuffler une sérieuse dose de stoner à leur doom historique. La concurrence (on pense notamment à Ufomammut) a encore du chemin à faire avant d’égaler l’inventivité des ainés.

Five Horse Johnson – The Taking Of Black Heart

Five Horse Johnson - The Taking Of Black Heart

Sitôt les premiers accords de « The job », son lick de gratte rond et galopant et son harmonica, j’avoue, j’ai eu le sourire. Five Horse Johnson, c’est un peu le petit plaisir coupable, le combo qui n’a jamais fait du pur stoner, mais qui, par le truchement de ses influences complètement 60s-70s, de ses partenaires réguliers de scène (Clutch, Halfway To Gone, Backdraft, etc…) ou de label (FHJ est l’un des plus anciens combos signés chez Small Stone), se retrouve naturellement (et avec plaisir) directement associé à la communauté stoner. Les voilà nous revenir après plus de six ans d’absence impardonnables, avec ce « The Taking Of Black Heart ».

Le blues rock chargé en grattes du quatuor (rappelons que le groupe n’a toujours pas de batteur attitré) n’a pas perdu en prestance après toutes ces années, et l’efficacité de leur formule est toujours intacte. Instrumentalement, déjà, FHJ est juste inattaquable : leur massif vocaliste Eric Oblander n’a pas uniquement une voix chaude, puissante et impeccablement déchirée, il est aussi un joueur d’harmonica émérite, un vrai (pas un de ceux qui dégainent leur harmonica de la poche arrière de leur jean pendant un solo de guitare « pour faire genre »), et il apporte à ce titre une spécificité remarquable et bienvenue à la musique du combo (pour mémoire, le bonhomme a joué sur plusieurs titres de Clutch, dont le merveilleux « Electric Worry » – allez voir le clip sur Youtube, vous verrez Oblander dans ses œuvres – chair de poule garantie). Le duo de gratteux (dont Phil Durr, qui jouait déjà sur l’album précédent mais a été incorporé en tant que membre officiel) abat des rondins sans temps mort sur les 45 minutes de cette galette, riffs bien tassés, soli acérés, passages de slide bien boogie… Côté rythmique, faute de batteur attitré pour épauler Smith à la basse, le groupe fait appel au vieux pote Jean-Paul Gaster de Clutch, ni plus ni moins. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de la subtilité de ce batteur magnifique, ce disque apporte encore un éclatant témoignage de la sobriété du jeu de Gaster, formidable générateur de groove sur chaque titre.

Ainsi doté d’excellents artisans, reste à FHJ à montrer que le fond vaut autant que la forme. Pas de faux-pas niveau compos non plus, c’est aussi un sans faute. Du groove, encore et toujours, des couplets cinglants, des refrains parfaits, des soli courts mais bien placés… Pour tout dire, on ne s’ennuie pas une seconde et le disque défile non stop en boucle sans que le pied ne s’arrête un instant de taper. « Keep On Diggin’ » en parfait exemple de boogie rock sautillant et infectieux, « Black Heart Baby » et son rock saturé tendance sudiste en version énervée, « Smash & grab » mid-tempo empreint de groove tranquille, « Hangin’ Tree » et son riff primaire décliné sur tout le titre… On ne sait plus où donner de la tête. Et lorsque le groupe se lance dans une reprise d’un titre méconnu de Rod Stewart (« You’re My Girl (I Don’t Want To Discuss It) »), il le transforme un hymne de rock sudiste naïf, et convie pour l’occasion le chanteur de Cheap Trick Robin Zander.

Bref, avec « The Taking Of Black Heart », Five Horse Johnson signe encore un excellent album. Un disque modeste, orienté sur le plaisir d’écoute (et manifestement aussi le plaisir de jouer, ça s’entend), un album qu’on écoute beaucoup, qu’on met de côté quelques jours et qu’on ré-écoute avec plaisir. On ne parle pas de groupe culte, on ne parle pas de disque « passionnel », « mythique » ou autres conneries prétentieuses. Juste un putain d’excellent groupe de gros rock qui nous pond aux premiers jours de 2013 rien moins que l’un des albums de l’année, sans se prendre la tête, juste comme ça.

Dwellers – Good Morning Harakiri

Dwellers - Good Morning Harakiri

Le « Tales » du groupe Iota, sorti lui aussi sur Small Stone, il y a quelques années, avait été une excellente découverte. Avec la disparition discrète du groupe, ne nous reste plus à nous mettre sous la dent que Dwellers, le nouveau combo de son leader, le chanteur-guitariste Joey Toscano. Il y a quelques mois sortait donc ce « Good morning Harakiri », premier LP de ce trio composé de Toscano et de deux potes issus d’un obscur combo de doom US. Evidemment, et c’est rassurant en soi, on retrouve bien la voix subtilement ravagée de Toscano tout au long de ce disque, même si elle ne se tire pas la part du lion, les parties chantées étant minoritaires par rapport aux nombreux passages instrus, soli, jams, etc… Concernant le genre musical, on est toujours bien en contrées stoner, avec des jams blues-psyche un peu plus développées que Iota (voir les 10 minutes du lancinant « Vultures » et sa clôture sous forme de jam instrumentale aérienne, ou encore de l’épique « Old honey »). Les autres titres sont virulents, rêches, colériques, fiévreux… Fait saillant, la production de l’ensemble propose un traitement du son assez couillu : probablement pour mettre en avant la qualité intrinsèque des compos, la mise en son est particulièrement homogène d’un titre à l’autre. Basse ronde et juste assez saturée, gratte fuzzée bien comme il faut sur les soli, chant un peu distant… Impeccable.

Au final, ce disque manque peut-être un peu de « coefficient catchy » pour sortir la tête de la mêlée : comparé à d’autres sorties 2012 (dont certaines de leurs confrères d’écurie, Small Stone), le groupe manque d’un élément marquant, de caractéristiques qui feront qu’on l’écoute en boucle inexorablement. Ne nous méprenons pas, ce disque s’écoute avec un plaisir non feint, ses compos sont efficaces et accrocheuses, mais au bout d’une demi-douzaine d’écoutes, on a le sentiment d’en avoir fait le tour. Néanmoins, la qualité du combo et son assertivité musicale me donnent envie d’entendre leurs futures productions, car on sent un très gros potentiel à travers ce, quand même, très bon disque.

Graveyard – Lights Out

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Un peu à la ramasse (comme d’hab’) sur Desert-Rock, on avait un peu zappé le phénomène Graveyard. On avait pourtant bien trippé sur « Hisingen Blues », leur précédent album sorti quelques mois seulement avant ce « Lights Out ». Faute avouée est à moitié pardonnée non ? Un peu échaudés avec le temps par le phénomène Wolfmother (difficile avec le recul de jauger le groupe, entre folle passion 70’s et parodie…), la déferlante Graveyard, elle, ne souffrait d’aucune ambigüité. Les deux premiers albums du quatuor scandinave ne laissaient pas planer le doute quant à leur intégrité ou leur intention musicale : Graveyard sortait des albums de rock authentiques, en faisant tout simplement abstraction de ce qui s’est passé ces 40 dernières années. C’est pas plus bête à comprendre, et c’est aussi bon à écouter !

Alors du coup, ben nos repères n’étant pas pléthoriques, forcément on entend du Deep Purple (il y a du Ian Gillian dans les cordes vocales de Nilsson sur « An industry of murder »), du Led Zep of course (« The suits… »), un peu de Doors (« Seven Seven »), quelques soli un peu patauds à la Sabbath, etc… Musicalement c’est carré, bien fait, sincère, et l’enveloppe musicale a tout pour nous séduire : un gros classic blues rock bien heavy… Tout bon.

Pour autant, je pondère mon enthousiasme : même si ce n’est pas l’actu, j’aurai préféré chroniquer ici « Hisingen Blues », car pour moi ce “Lights Out”, même s’il affirme haut et fort l’identité du groupe, ne dépasse pas son prédécesseur en terme de jouissance pure. Déjà, « Lights out » est un peu « light » (désolé du jeu de mot pourrave), dans le sens où il dure moins de 40 minutes pour 9 titres ; forcément on en voudrait plus. Ensuite, plus de la moitié des titres sont soit des mid-tempi, soit carrément des balades. Tout aussi splendides que soient ces dernières (ce qu’est « Slow motion countdown »), le coefficient headbanging descend un peu sous la moyenne. Je suis bien conscient que ce jugement est non seulement subjectif mais aussi conjoncturel : je pense sincèrement que dans un autre timing (après s’êtres repassé l’intégrale Slayer saupoudrée d’un peu de Meshuggah par exemple), la galette couleur d’ébène de Graveyard enverrait du rêve à revendre. Mais côté boogie, rythmiques galopantes, il y a un petit manque qui pénalise un peu l’équilibre de cet album. En revanche, la qualité du travail de composition laisse rêveur : rarement une telle intensité est apportée à des titres aussi diversifiés. Bref, un très gros potentiel, espérons juste que nos loustics feront un peut plus craquer les têtes d’ampli pour leur prochaine livraison.
A noter pour l’anecdote, derrière la pochette d’album la plus foutage-de-gueule de 2012, un vrai effort de packaging apporté par le groupe à l’objet CD (dans mon cas), avec goodies, digipack, CD imitation vinyl, etc…

The Company Band – Pros & Cons

The Company Band - Pros and Cons

On a pas coutume de chroniquer les EP, sur Desert-Rock. Une de ces règles gravées dans le marbre qu’il nous apparaît aujourd’hui crucial de contourner, au regard de la grosse mornifle récoltée à l’écoute de la sympathique nouvelle prod de The Company Band. TCB, mieux connu comme le side project de Neil Fallon, le velu vocaliste de Clutch, mais surtout comme une sorte de all-star band du stoner ricain, avec Brad Davis de Fu Manchu à la 4-cordes, le gratteux de Fireball Ministry et Jess Margera (CKY) derrière les fûts. Après 2 albums délicieux, le quartette magique nous a pondu il y a quelques mois un petit 5-titres assez remarquable.
Petit album = petite chronique (chiche !). « House of capricorn » introduit fièrement la galette avec un boogie très Clutchien, sur un up/mid-tempo très accrocheur porté par une batterie de mule. « Black Light Fever » démonte la cervelle avec son refrain chargé de groove à en dégueuler et ses grattes cinglantes. On accélère un peu tout ça avec le plus fiévreux « Kill screen », un titre qui déboîte bien, toujours affublé de la frappe sur-bourrine de Margera, et subtilement enrobé de discrètes nappes d’orgue. Le tempo ralentit avec le très accrocheur « Loc-Nar », lui aussi très marqué « Clutch », entre son refrain et le groovy break sur la fin du morceau. On finit à la cool avec « El Dorado », un morceau lent gracile et onctueux (?!!) qui traîne ses 5 minutes sans lasser, et notamment dans sa conclusion particulièrement aérienne.

Très bon, rien à dire. Un peu court, bien sûr, mais très bon. L’association de ces 4 fourbes fait toujours plaisir à entendre. Maintenant on se sort les doigts et on pond un LP.

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