God Damn – Old Days

God Damn – Old Days

Comme l’annonce la bio du groupe : ‘Nous faisons du Stoner et ça va avoir sacrément des couilles !’, la formation hexagonale fait du gros stoner bien puissant avec des baloches que les torros des arènes ibériques leur envient ! Ca ne plaisante pas une seule seconde tout au long des dix plages proposées sur cette plaque dopée aux amphétamines et ces gars assurent furieusement question technique.
Comme cela s’est déjà vu au rayon lourd de la galaxie stoner, la formation hexagonale a débuté comme un side project de lascars venus de la scène metal (Biffins, Butchery et Sinker). C’est en deux-mille quatre que ces types se sont réunis pour balancer un southern rock puissant dans la droite ligne de Down et Crowbar. Après une première demo en deux-mille-sept, God Damn s’est dépensé sans compter sur les scènes hexagonales dont celle du Hellfest puis a rejoint le collectif Redneck Metal qui ne laisse planer aucun doute sur les inspirations de la formation qui met bien en avant le t-shirt de Superjoint Ritual d’un de ses membres sur la photo officielle insérée dans le livret de cette plaque qui envoie le bois.
Enregistrées au Studio Cartellier sur le sol français et masterisées au Nomad Studio sous le soleil texan, ces quarante minutes de riffs plombés et de débauche rythmique cartonnent ! L’auditeur n’a droit à aucun répit et sitôt une plage achevée il se reprend une grosse dose de décibels en pleine tronche sauf en fin d’album où le groupe lâche un peu de pression pour balancer ‘Here Stands Serenity’. Cette composition nettement plus calme que ses neufs consoeurs et une balade dans la plus pure tradition de ce que la Black Label Society de Zakk Wylde propose au rayon calme.
Très cohérente dans son ensemble, cette plaque recèle quelques bijoux qui sortent du lot comme ‘Hangover’ qui ne dépareillerait pas sur un album de Down ou ‘Lies’ et ses arrangements plus subtiles qui lorgnent vers les Spiritual Beggars avec une touche synthétique bien sentie qui habille un peu la trame de base sur laquelle hurlements contenus et guitares saturées se déchaînent. Au final, j’ai un gros faible pour ‘Dying In A Hole’ qui conjugue des vocaux scandés tels des déclarations de guerre, des riffs belliqueux et un groove brillant au tempo ralenti agrémenté de quelques lignes de keyboards.
Les ricains ont intérêts à bien s’accrocher à leurs sièges : la relève est prête !

Valient Thorr – Stranger

Valient Thorr - Stranger

Moins de deux ans après leur dernière saillie, les redoutables Valient Thorr repartent à l’assaut de nos platines disques, et ils sont prêts à en découdre ! Probablement dotés d’un cerveau unique pour cinq, ils n’ont manifestement pas fomenté un concept d’album très élaboré, ni une profonde remise en question de leur identité musicale. Nan! Valient Thorr, c’est le groupe de bikers qui débarque dans le pire rade de campagne en défonçant la porte, te prend par les couilles et te hurle pendant une heure dans les oreilles sans te lâcher le fut’. Amateurs de musique de chambre, il est encore temps pour cliquer « Page précédente » dans votre navigateur internet.

Faisant à nouveau confiance à Jack Endino pour produire leur avorton, le zélé quintette a choisi un artwork qui en dit plus sur son contenu que mille mots : leurs 5 sales trognes barbues au naturel (et donc effrayantes) au recto, et une superbe vue champêtre au verso, où nos 5 freluquets prennent la pose de dos, au dessous d’une magnifique ligne à haute tension qui traverse la végétation. Crasse, électricité, nature, vestes à patch, colère. Tout est là.

Dans le cas où ça ne vous suffirait pas pour vous jeter chez votre disquaire la bave aux lèvres, essayons de décrire simplement l’amas de glaviots que constitue cette rondelle plastique acérée comme une lame de rasoir. Si l’on devait comparer Valient Thorr, on serait bien emmerdés. Il s’agirait d’une sorte de mélange mal dégrossi de Motörhead, de Black Label Society (pour l’amour de la veste en jean sans manches, l’attitude, et les soli indécents qui larvent chaque titre), et même des Ramones (pour l’esprit « communautaire » et l’attitude punk). Chaque titre évolue dans la même veine musicale, et chaque plage enfonce plus profondément le clou rouillé dans la plaie béante de votre bonheur auditif (si si !) : grosses grattes avant tout (rythmiques et solo, je le rappelle, ce qui donne des relents metal tout à fait bienvenus), chant gueulé non stop (et accompagné de chœurs si nécessaire pour mieux porter des refrains que l’on chante à tue-tête), batterie qui allie la joie du binaire avec des plans hard rock. Autant d’hymnes au houblon frelaté que l’on se prend à entonner dès les premières écoutes (« Doublecrossed », « Sleeper Awakes », « Visionquest », etc.). Le tout donne un genre musical complètement hors du temps, mixant le meilleur des 4 décennies précédentes, avec un son impeccablement moderne.

Il faut de tout pour faire un monde, et dans une société un peu trop propre et policée, Valient Thorr, un combo plus intelligent qu’il n’y paraît, nous balance une rondelle direct à l’estomac, mixant joyeusement premier degré musical et second degré comportemental. Le résultat est de manière surprenante très digeste, et devrait permettre aux ricains de gravir encore une marche vers le statut culte auxquels ils se destinent. A découvrir AVANT.

Asteroid – II

Asteroid - II

Le trio d’Örebro balance son deuxième long format éponyme après sept ans d’existence. Cette formation m’avait surtout marqué lors de la sortie de son split avec Blowback et c’est avec plaisir que je me suis mis au travail pour cette chronique de rock psychédélique scandinave ; un genre dont je suis plutôt preneur.
La première écoute de ce nouveau cd ne m’a pas franchement surpris, on tape dans le fuzz très traditionnel empreint d’influences seventies planantes et ça se laisse écouter avec plaisir. Les suédois, à l’instar de leurs compatriotes actifs dans ce registre, font preuve d’une maîtrise incontestable dans ce créneau qui fleure bon les seventies. ‘Lady’, titre à qui va nettement ma préférence, est un excellent compromis entre les doux délires alambiqués de Pink Floyd et l’efficacité heavy de Dozer : ça la fait toujours aussi bien. Les neuf compos alignées sur ce second opus sont plutôt bien ficelées et aucun gimmick des mythiques années septante ne semble avoir été épargné par Asteroid puisqu’on se tape le plan bluesy, le plan orientalisant et le plan de slide durant les quarante-quatre minutes que durent ce cd.
La surprise n’est pas franchement au rendez-vous sur cette galette de bonne facture dont la qualité est irréprochable, mais sur laquelle une prise de risque aurait été bienvenue. Ceci dit, ceux d’entre vous qui affectionnent les sonorités d’il y a bientôt quarante ans, les ambiances aériennes et les compos juste alambiquées ce qu’il faut, mais pas tordues, peuvent sans autre jeter une oreille sur cet opus pas bourrin pour un centime d’euro qui est la bande son toute idéale pour une soirée Woodstock ! Fais tourner !

Alabama Thunderpussy – Fulton Hill

Alabama Thunderpussy - Fulton Hill

Ca m’arrache le coeur de le dire, mais je me dois d’être honnête : cet album est une grosse déception… J’adore Alabama Thunderpussy, c’est un groupe superbe, superbement sous-estimé et méconnu aussi, doté de musiciens doués et inspirés, un groupe que l’on voyait progresser d’album en album, se renouvelant sans arrêt, sans jamais perdre leur “fil conducteur”…
Ils ne l’ont toujours pas perdu, ce fil conducteur, on le retrouve bien sur cet album : le son des guitares est aussi tranchant, et ce morceau d’intro, le superbe instrumental “Such a life”, fait chaud au coeur : guitares crasseuses et acérées, rythmique lancinante, mélodie accrocheuse, composition épique, relents sudistes affirmés… C’est du ATP pur jus, pas de problème !
Mais tout se gâte dès la première seconde du deuxième morceau ! Le chant ! Johnny Throckmorton s’en est allé, et a laissé la place à un certain John Weills, plus “hurleur” que chanteur ! Le chant est devenu “extrême”… Alors qu’auparavant, ATP évoluait sur le fil du rasoir, le chant fait franchement basculer le groupe du côté “violent” du ravin, et ceci n’aide pas le groupe à mettre en avant ses super compos (ce même morceau, “R.R.C.C.”, sans le chant, est excellent) : des morceaux comme “Sociopath Shitlist” ou “Infested” deviennent bien trop difficiles à appréhender, comme “gâchés”…
Attention toutefois, la déception est certes grande, mais ceci n’enlève en rien au fait que ce disque est excellent, la tête et les épaules au dessus des productions que l’on a l’habitude d’écouter.
Et puis des morceaux comme le somptueux “Three Stars” nous font garder la foi : ce chanteur a du potentiel… Mais on a l’impression qu’il lui faudra encore un ou deux albums pour atteindre son meilleur niveau (alors que Throckmorton avait atteint un niveau d’excellence sur “Staring…” qui nous laissait augurer du meilleur pour l’avenir !).
Bref, un très bon disque, un excellent disque même, gâché par des vocaux qui ont tendance à induire l’auditeur en erreur : la musique d’ATP n’est pas violente, elle est délectable de bout en bout. Cet album nécessite seulement un peu plus d’efforts, c’est dommage…

T.H.U.M.B. – Primordial Echoes For Modern Bigfoots

T.H.U.M.B. - Primordial Echoes For Modern Bigfoots

Venise, ses canaux sinueux, ses petites rues calmes, ses gondoles, ses flots de touristes… et son groupe de stoner « maison », T.H.U.M.B. ! Forcément, à première vue, le contraste rebute un peu. Pour autant, le trio vénitien s’inscrit franchement dans la droite lignée des meilleurs groupes de stoner transalpins, aussi étonnant que cela puisse paraître. Huit années après sa précédente sortie vinylique (soyons honnêtes… on avait oublié jusqu’à leur existence) ils déboulent avec une nouvelle rondelle chez les excellents Go Down Records.

Le premier constat est que la prod est un peu sommaire, parfois rêche, les bords sont mal ébarbés : la saturation croustille un peu, le fuzz crépite, clairement les potards sont tous sur 11. Au final, le souffle sourd qui sort des enceintes est chaud et rauque, brut de décoffrage certes, mais globalement plutôt séduisant. Le genre musical pratiqué ici ne chamboulera pas grand monde : le stoner très classique du groupe se compose pour l’essentiel de morceaux lancinants, parfois plus punchy, de riffs lourds, le tout accompagné d’une basse ronde et grasse bien saturée (hmmm, l’intro de « Reaching the afterglow »), et d’une batterie qui met le paquet sur les rondelles cuivrées, les roulements et la frappe de mulard dès qu’il s’agit de susciter le headbang (« Road song », « Pietrosaurus »). Petit point faible : les vocaux, même s’ils remplissent leur modeste office (plutôt second rôle, voire même figurant au casting), ne cassent pas trois pattes à un canard cul de jatte. Pour le reste, franchement, cherchez pas trop loin : c’est la musique idéale à enfourner dans le lecteur de CD de sa voiture, le bras dehors contre la portière, à tracer la route sous le cagnard… Ca groove, ça dépote, et pour autant ça se permet de coller quelques passages ambiancés plus psyche voire space-rock (en recourant notamment à quelques insertions de claviers ou d’harmonica).

Ne vous laissez pas décourager par l’assez médiocre artwork qui orne cette galette : même si l’on n’est pas face au disque le plus excitant de la décennie, cet album plutôt sexy devrait sans problème satisfaire pleinement la plupart des fans de stoner traditionnel. Un disque modeste par ses ambitions mais plaisant par son attitude. Un positionnement marketing pas si stupide au final…

Glowsun – Eternal Season

Glowsun - Eternal Season

Presque quatre ans d’attente balayés en un peu plus de cinquante minutes ou comment Glowsun réussit un coup de maitre en nous balançant un album à la hauteur des espoirs.

Digne successeur de l’excellent The Sundering, Eternal Season réussit avec une facilité déconcertante l’épreuve au combien difficile du « ok le premier album était génial, mais le second hein ? Ça ne pourra jamais être aussi bien ». Vous connaissez tous cette petite déception que l’on a parfois sur le second album d’un groupe qu’on aime vraiment. Et bien ici, point de mauvaise surprise. C’est la claque ! Le retour de l’aller qu’on s’est joyeusement pris en 2008.

Sans faire une chronique morceau par morceau, attardons nous un peu sur les trois premiers, histoire de vos donner envie et laissons le reste de l’album vous surprendre.
Death’s Face, le morceau qui ouvre cet album est déjà un vrai plaisir de fan. Pour celles et ceux qui ont vu le groupe lillois en concert ces dernières années, ce titre ne leurs sera pas inconnu. On sent que le titre a muri au fil des interprétations et qu’il trouve ici sa version définitive, aboutie et brillante. Sur un tempo assez lent, la petite intro à la basse suivie de quelques effets de guitare avant que la batterie ne se mêle à l’ensemble pour véritablement lancer le titre, on voit déjà que c’est de la belle œuvre. Un peu à l’image de Inside my Head sur le premier album, le changement de rythme sur la dernière partie du titre est parfaitement amené, ça commence bien !
Dragon Witch confirme cette impression avec une richesse, une variété dans les rythmes et les sons. Bref, 6 minutes 40 denses et riches. Le groupe y place plein d’idées avec une cohérence évidente et franchement pas simple à trouver (ça résume d’ailleurs assez bien l’album, riche et cohérent). Un excellent titre qui a le bon gout de se laisser appréhender au bout de plusieurs écoutes.
Lost Soul, rien que pour son envolée dans le dernier tiers mérite à elle seule l’achat de l’album. Johan Jaccob nous balance un pur solo comme il en a le secret. Là encore, ça fourmille d’effets, de petites variations par-ci par-là rendant l’ensemble encore une fois, au risque de me répéter, très riche.
L’une des grandes forces de cet album, c’est qu’il se découvre, se dévoile petit à petit. La première écoute pour la claque, la seconde pour se dire « ok, ils l’ont vraiment fait, ils ont confirmé ces bougres là ». La troisième écoute pour se dire « ah punaise, je ne l’avais pas entendu cet effet là, qu’il est bien trouvé ! ». Cela fait trois semaines que l’album tourne chez moi, je le découvre encore.
Sauf que voilà, il sort là, on y est, il faut la publier la chronique. Ah misère !
Alors si, quand même un petit mot sur la production. Tout comme pour le premier album, la prod est excellente. Le son a une identité stoner évidente. L’équilibre entre basse, batterie et guitare est un des atouts majeurs du « son Glowsun ». Car oui, je pense qu’on peu parler de « son Glowsun ».
Alors du coup, je me suis dit que non, je n’allais pas faire la chronique hyper référencée remplies de comparaisons avec d’autres groupes instrumentaux (ou presque puisque Glowsun nous place ici encore quelques parties chantées) de la scène allemande en particulier et dont personne n’a entendus parler sauf ceux à l’érudition stoner bien plus poussée que la mienne.

Personnellement, je ne vois pas de défaut à cet album et très certainement pas le magnifique artwork dont je n’ai pas parlé car il se suffit à lui-même. Et comme il m’arrive parfois de conclure, je peux simplement vous dire que si vous avez aimé le premier album, ce second effort ne vous décevra pas.

My Sleeping Karma – Soma

My Sleeping Karma - Soma

Un peu plus de deux ans après un troisième album (le bien nommé « Tri ») qui nous avait pas mal chamboulé, le quartette instrumental allemand, via sa nouvelle maison Napalm Records, nous balance un nouveau disque, et affirmons-le tout de go : il est tout simplement excellent. Pas de changement radical dans le concept du groupe : toujours constitué d’un trio guitare / basse / batterie, My Sleeping Karma accueille aussi un claviériste, Norman. Toutefois, ne vous attendez pas à des passages de clavier Hammond bluesy ou groovy, ni encore à des mélopées sirupeuses à la Vangelis… En réalité, l’usage du clavier chez MSK relève de la volonté absolue de tisser des ambiances, de cumuler des strates musicales cohérentes, de proposer des arrangements subtils, discrets, et parfaitement assimilés. Musicalement, les 3 autres instrumentistes, en revanche, se tirent la bourre dans une osmose qui fait plaisir à entendre : même si Seppi à la guitare est à première vue le principal artisan de l’édifice, son pote à 4 cordes Matte lui tresse des lignes de basse rondes, ronflantes, qui viennent enrober ses riffs, et leur dressent un tapis rouge en direction de vos plus insondables connexions neuronales. Team work at its best ! Ne diminuons pas le rôle du batteur : même si, dans les faits, MSK n’est pas un power trio à la Karma To Burn, le rôle de la batterie dans sa musique est de premier ordre. Steffen est en tout point impeccable, que ce soit par ses percussions discrètes sur les passages les plus ambiancés, par son jeu de cymbales enlevé sur les passages aériens, par ses coups de caisse claire secs et nets pour les breaks et couplets, ou par sa frappe de mulet pour appuyer des refrains sur-heavy. Au risque de me répéter, l’osmose entre ces bonhommes est tout simplement la pierre angulaire de leur musique, une composante de base.

Ce postulat justifié, vient le temps de se pencher sur musique de ce « SOMA ». Le premier avis après une à deux écoutes est presque ambivalent : d’un côté, on reconnaît dès les premières notes le genre musical du groupe, d’un autre côté, on ne détecte pas d’évolution fulgurante. Ce n’est qu’au fil de plusieurs écoutes plus attentives que la maturité et la maîtrise (instrumentale et stylistique) du quatuor germanique deviennent prégnantes, puis éclatantes. On sent leur musique et leur genre musical complètement maîtrisé et assumé, tramé toujours à partir des mêmes composantes, peu ou prou : des titres assez longs (entre 6 et 8 minutes, en gros), chacun construit autour d’un riff (ou groupe de riffs) super mélodique et atrocement catchy, un riff qui à chaque fois est introduit progressivement, monté en tension au fil du morceau, pour ensuite tourner un peu dans tous les sens, dans des variations imprévisibles mais profondément cohérentes. Les morceaux sont inventifs, bien construits, empruntant pour cela au rock progressif sans jamais devenir démonstratif (on pense plus aux premiers Dredg qu’à King Crimson, si vous voulez…). Ces compos épiques sont assemblées en un parcours de presque une heure en tout, tous associés à des interludes subtils qui finissent de construire et lier l’ensemble. Dans ce cadre, difficile d’identifier des titres plus marquants que d’autres, tant le tout est indissociable. Pour l’exercice, on notera quand même la beauté de la rythmique de basse de « Ephedra » et le lick de guitare infectieux qui l’accompagne tout du long, la lourdeur du refrain de « Saumya » avec sa basse ronflante, ou encore le très space rock « Psilocybe » et son jeu de batterie remarquable.

My Sleeping Karma propose avec ce « Soma » un disque aux vertus multiples. Déjà, c’est un disque que vous pourrez, selon votre volonté ou votre état d’esprit, laisser traîner en boucle pendant des heures en menant d’autres activités, ou bien écouter avec attention de nombreuses fois, tant il recèle de détails, d’arrangements élaborés, et de chemins sinueux. Ensuite, c’est un disque que vous pourrez faire écouter à des gens qui ne sont pas forcément fans de stoner (soyons honnêtes, c’est moins évident avec des combos comme High On Fire, Weedeater ou Valient Thorr…), tant il peut afficher une relative « universalité » musicale, et ce (c’est notable) sans jamais perdre une once de puissance. Mais plus généralement, c’est avant tout un sacré bon album, comme on aimerait en entendre plus souvent.

Red Fang – Murder The Mountains

Red Fang - Murder The Mountains

Toujours sur la brèche, Desert-Rock ! Précurseurs, on va vous faire découvrir un petit groupe de ricains qui n’en veulent et qui devraient se faire connaître sous peu… Ah, on me dit dans l’oreillette que Red Fang enquille sa 13ème tournée européenne cette année, a déjà ravagé 99% des salles françaises ces derniers mois, et a été couvert de louanges par tout ce que le territoire francophone et européen compte de magazines, fanzines, webzines…. Ah… Jamais trop tard pour bien faire, on va quand même parler un peu de ce quatuor fort intéressant.

Deuxième album pour Red Fang, donc, sorti chez Relapse. Ce label (un peu en perte de vitesse) a souvent été prompt à héberger quelques groupes dans la marge la plus « bourrine » du petit monde stoner (Alabama Thunderpussy, High On Fire, les premiers Mastodon, etc…), ce qui ici nous aura mis la puce à l’oreille. Dans ce repère de sauvages, Red Fang défend une musique un peu plus subtile que la plupart de leurs collègues de labels. La musique du combo est assez difficile à décrire, car très peu référencée, un peu comme un groupe sous le feu d’innombrables influences musicales assez cohérentes, indiscernables, complètement digérées. Leur son est à ce titre assez classique à première vue, mais le mix absolument cristallin des différentes strates sonores rend l’écoute limpide, donne l’impression d’un groupe qui clairement n’a rien à cacher sous une foire d’effets stériles. Les compos avant tout.

« Malverde » installe la machine par une intro presque « grandiloquente » suivie d’un riff costaud, sec et saccadé (qui s’avèrera un élément récurrent du disque) et des beuglements crasseux de Aaron Beam. Pim Pam Poum, l’affaire est emballée. Le riff lancinant de « Wires », et son solo/break sont une bonne illustration de la raison pour laquelle on affilie Red Fang de près ou de loin au mouvement stoner… Le vivifiant « Hank is dead » et ses vocaux dédoublés comme en chœur nous rappelleront la pèche de Disengage. En 3 titres, Red Fang pose la barre très haut. Les quelques titres suivants sont moins percutants, mais ne manquent pas de relief ou d’intérêt. Plus loin « Number thirteen » se démarque par son riff enjoué, et son refrain parfaitement arrangé pour mettre en avant la batterie de John Sherman et la paire de gratteux (pour successivement le riff de refrain et les soli). Riche. L’album se termine par le planant « The undertow », un presque-instrumental echaîné à l’infectieux « Human herd », où Beam nous amène via un couplet en chant clair sur un refrain malin, vicieux et catchy.

Le manque de prétention de ce groupe est manifestement inversement proportionnel à son talent, et la proposition musicale qu’ils nous font apporte une réelle nouveauté dans le paysage rock / stoner actuel. Une sorte de bouffée d’air frais, qui démontre s’il en était besoin la possibilité de faire neuf et original sans se lancer de manière hasardeuse dans des genres musicaux exotiques ou des compositions tordues… En s’appuyant sur les basiques rock / metal / stoner, Red Fang déploie son talent de compo et construit un disque chargé de hits en puissance. On salive en imaginant le potentiel de ce groupe (inévitablement on pense au parcours d’un Mastodon, dans un genre musical différent…).

Backwoods Payback – Momantha

Backwoods Payback - Momantha

Small Stone nous a encore sorti de derrière les fagots un combo atypique comme on les aime. Tout droit issus de Pennsylvanie, ce quatuor de gros rednecks mal défraîchis (dont une charmante bassiste que, par galanterie au moins, on ne fera pas rentrer sous ce qualificatif) propose un disque franchement original. Globalement, le groupe trouve sans peine sa place au sein du catalogue Small Stone : gros riffs qui défouraillent, cordes vocales houblonnées, murs de grattes éhontément saturées… Le canevas de départ est bien là. On aurait pu s’en tenir là qu’on aurait déjà été content. Mais Backwoods Payback va plus loin et larve ses titres d’arrangements tout à fait surprenants. Prenez l’excellent « Flight Pony », construit sur un riff bien groovy, il part dans le refrain sur des accents qui rappelleront aux initiés le hardcore typique de Life Of Agony période « River Runs Red », idem pour le son de gratte du couplet de « Knock wood » ou « Velcro ». Bluffant ! Quelques souvenirs du début de carrière hardcore de Mike Cummings, probablement, subtilement incorporés à sa production actuelle. Les titres s’enchaînent et ont tous un petit quelque chose qui les fait rester en mémoire, ce petit truc que cherchent bon nombre de groupes… Sur « Timegrinder » c’est l’alternance couplet « thrash metal » / refrain mélodique (faut oser) qui amène à une fin de morceau de pur doom. Sur « Parting words » c’est une seconde moitié du morceau qui l’emmène de touches heavy vers des passages plus ambiancés limite doom. Sur « Lord Chesterfield », c’est un refrain bien rentre-dedans qui vient bousculer un couplet lent et groovy. Sur « Poncho » c’est un couplet complètement étrange, décalé, enivrant.

Même si le descriptif ci-dessus laisse penser que l’on se trouve devant un combo qui se cherche musicalement, il n’en est rien : le groupe évolue dans un cadre de gros metal stoner, blindé de passages alternant gentiment entre le gros stoner un peu gras, le sludge pas trop crade, et le doom… Ce disque, qui peut sonner un peu « rêche » au premier abord, se révèle finalement très intéressant, pour qui garde un esprit ouvert.

El Thule – Zenit

El Thule - Zenit

« Green Magic », leur précédente livraison, nous avait pas mal emballé, et montrait une évolution assez fulgurante pour le trio italien. Leur versant stoner rock était enfin assumé et explosait au grand jour sur les sillons vinyliques. Il leur aura fallu presque 5 ans pour qu’ils se décident à lui donner une suite… mais il ne m’aura fallu que 5 minutes pour arracher le cellophane du disque et jeter la galette dans le lecteur CD !

Première surprise : le chant… en italien ! Niveau exotisme et originalité, ça le fait bien ! Après ce premier sourire, on entame une écoute plus attentive de la galette. Passées quelques écoutes, le constat général est sans équivoque : les chiens ne font pas des chats… et à ce titre, « Zenit » s’inscrit désormais dans la droite lignée tracée par bon nombre de groupes de stoner italiens, notamment dans les grandes heures du début du XXIème siècle. On pense à Colt 38, à OJM bien sûr, à l’époque où cette scène était foisonnante, fraîche et excitante. Ben nous y revoilà ! Car cet album d’El Thule, sans rien inventer, reprend à son compte tout ce qui s’est fait de mieux dans le stoner old school, en y injectant cet esprit frondeur du stoner italien qui nous réchauffait tant les cages à miel. Du tout bon !

En dégainant son titre le plus catchy en intro (« Pulsar »), le groupe tente un pari audacieux qui consiste à maintenir l’attention (la tension ?) de l’auditeur sur la durée de l’album. En pariant sur des compos variées, le groupe y parvient sans trop de difficultés : dès le bourrin « Nova muscae » ou le musclé « Sedna », El Thule rappelle qu’ils ne sont pas qu’un groupe de psyche rock juste bons à écouter en planant ; une sérieuse dose de bois est envoyée. Pour autant, le trio n’est pas ennemi du mid tempo, et les très heavy « Quaoar » ou « Deimos » sont là pour le prouver. Au final, 13 titres qui ne laissent pas leur part de groove, qui devraient contenter n’importe quel authentique fan de stoner « classique » : de celui qui sent le sable chaud, qui chérit le riff tout puissant… Un disque rafraîchissant.

Torche – Harmonicraft

Torche - Harmonicraft

D’aucuns prédisaient déjà la fin du « phénomène Torche », basant ces sordides prédictions sur un EP assez moyen et un split plutôt faiblard. Leur départ du label couillu Hydrahead pour le sexy mais plus policé Volcom pouvait étayer ces propos. Heureusement pour nous, la situation est toute autre, car oui, affichons-le tout haut : « Harmonicraft » est une réussite.

Musicalement, la base de travail a repris après « Meanderthal », leur « breakthrough album », pour réaffirmer leur identité musicale, développer leur style musical dans la même veine. Pas plus « pop » comme certains le craignaient, pas plus bourrin non plus. Le créneau musical du quatuor floridien est assez exclusif pour ne pas avoir à broder autour. Difficile à décrire d’ailleurs : les bios du groupe qualifient la musique de « thunder pop »… On pourra plutôt parler d’un stoner rock heavy mais propre sur lui, une sorte de sludge pop, un truc où les mélodies punky occupent le premier rang musical, bien plombées par des grattes saturées bien pêchues. On peut alterner sur un même titre entre riffs répétés à l’envie et refrain enjoué… Une musicalité travaillée, un sens de la composition complexe, des structures de morceaux atypiques… Là où le pur stoner est organique et chaud, la musique de Torche peut apparaître plus froide dans son approche, plus corticale que viscérale… Une fois dressé ce tableau assez complexe (écoutez une bonne fois, vous verrez bien de quoi il retourne !), il est temps de s’attarder sur ces chansons, 13 power hits bien tassés (moins de 40 minutes en tout) : pas un seul bouche-trou, le groupe vise l’efficacité sur toute la durée du skeud. La tension ne baisse jamais. Tandis que l’introductif « Letting go » replace l’album dans son contexte de continuité musicale, le single « Kicking » est là pour rappeler que le groupe sait aussi coller de beaux coups de pieds musicaux dans les baloches. Si ce n’était ce break psyché un peu décalé, le morceau serait juste impeccable. La minute et demi de « Walk it off » vient clôturer ce carnage en venant nous tabasser au sol. S’enchaînent ensuite des morceaux aux tempi variés, aux structures soit complexes soit ultra simplistes, aux sonorités contrastées (voir le couplet rapide de « Sky trials », porté par un lick de guitare aigu, et contrebalancé par un refrain au son de gratte sur-saturé ; voir aussi l’instrumental éponyme, plutôt bien foutu dans sa veine quasi « électronisante »).

Titres catchy, compos enthousiasmantes voire joviales (« Kiss me dudely »), ce disque a tous les atouts pour plaire au plus grand nombre, sans pour autant verser un seul instant dans le mainstream. Joli geste. Ce n’est pas le disque de la décennie, mais c’est un disque qui fonctionne très bien, bien exécuté, bien écrit, honnête et original. Avouez qu’on ne peut pas dire ça souvent sur les sorties récentes… Vivement conseillé.

Dixie Witch – Let It Roll

Dixie Witch - Let It Roll

Une nouvelle ration de Dixie Witch c’est un peu le contrat garanti : on est sûr d’en avoir pour son argent. Ce “Let it roll” ne fait pas exception. Malheureusement les texans sont plutôt du genre feignants (ou perfectionnistes, c’est selon…), il leur aura d’ailleurs fallu 5 ans pour donner un successeur à “Smoke & Mirrors”. Dans l’intervalle, le groupe aura remplacé son guitariste. Ne minimisons pas l’impact de ce petit événement : dans un power trio aussi puissant, resserré, quasi-symbiotique, remplacer l’un de ses membres fondateurs, avec lequel on jouait depuis 10 ans, n’est pas chose aisée. Mais on peut affirmer sans hésitation que le petit nouveau, JT Smith, s’en tire avec brio, qu’il s’agisse de rythmiques ou de leads. Ses soli sont somptueux, et la robustesse de ses rythmiques est remarquable. Mais dans tous les cas, toutes les oreilles sont tournées vers le vrai leader du groupe, Trinidad : ses vocaux délicieux (subtilement hurlés, gentiment rauques, chaleureux, puissants…) font mouche sur tous les titres, et son jeu de batterie épate encore une fois. Une grosse part du groove intrinsèque du trio vient de sa trame rythmique inébranlable : frappe de mule, subtil jeu de cymbale, trames de grosse caisse ici ou là, son registre est infini…

La musicalité des bonhommes n’est donc plus à prouver, c’est un fait. Il serait donc tentant de les challenger sur leurs talent de composition. Peine perdue ! Encore une fois ils proposent un album sans faute, une galette chargée de petites pépites de boogie sablonneux, du gros stoner chaleureux et joyeux tendance sudiste, le tout dans une cohérence stylistique sans faille. A la base, le groupe charpente ses titres sur la base de riffs menhirs – pas le choix en réalité, c’est à la fois la contrainte et le bonheur induit par les power trios : de la qualité directe du riff dépend la qualité intrinsèque de la chanson, c’est un postulat de base, une équation musicale qui ne souffre aucune contradiction (dans des genres différents : Karma To Burn, ZZ Top, Acid King, etc…). Joie, ils sont ici au rendez-vous. Pour le reste, est-il vraiment nécessaire de vous refaire le même sermon ? Son de gratte grassouillet comme il faut, soli remarquables en alternance, rythmiques alliant avec bonheur groove intensif et puissance rageuse, bla bla bla… Je vais pas vous faire l’article, vous citer des titres plutôt que d’autres, mettre en avant tel break remarquable ou tel solo spectaculaire… Tout est impeccable. Ce qui me ramène à mon introduction : en ces temps tourmentés où un sou est un sou, où le plaisir est rare, où le tri entre 40 groupes médiocres pour trouver une perle devient compliqué, l’achat d’un disque de Dixie Witch est une garantie à moindre risque, on n’est jamais déçu par la générosité et le talent de ce groupe.

Gideon Smith & the Dixie Damned – 30 Weight

Gideon Smith & the Dixie Damned - 30 Weight

Gideon Smith est de retour ! Il a beau avoir complètement changé son combo de mercenaires de la route, ses “Dixie Damned”, sa musique, elle, n’a pas foncièrement changé. Dès les premiers accords, c’est avec un certain plaisir que l’on retrouve la recette typique du rocker barbu, que l’on pourrait résumer en quelques ingrédients très simples : un riff par chanson, un son de gratte puissant et subtilement fuzzé, une production impeccable et … la voix de Gideon ! Parce que c’est bien ça qui marque le plus l’identité du skeud, à tel point que l’on pourrait presque taxer le bonhomme d’une certaine mégalomanie… Le chant est mixé très très au dessus, avec très peu d’effet. Heureusement la technique vocale du gaillard est impeccable, et son coffre lui autorise cette immodestie.

Au-delà donc de cette qualité de production tout à fait typique, les gros hits de stoner-americana-sudistes sont bien présents, chiadés comme il faut. Le grassouillet “Black fire” en intro, le très crunchy et heavy “Ride with me” (ze riff…), le catchy “Do me wrong”, ça n’arrête pas… Le bonhomme sort quelque peu de ses propres sentiers battus pour reprendre le “I Bleed Black” de St Vitus, respectueusement, sans le travestir. Même si le titre perd de ses relents mystiques au passage, il garde sa haute teneur doomy, et l’ancrage “gros rock” assure l’essentiel. Dans un genre bien différent, Smith se lance plus loin dans une doublette un peu mollassonne, avec “Shining star” enchaîné avec une reprise inattendue, “When I Die”, du punk gonzo extrême G.G. Allin… sauf que même si Allin est plutôt connu pour ses médiocres performances punk, il s’est aussi illustré sur quelques productions (relativement médiocres aussi) de country, dont cette balade. Mouaip. Heureusement, l’album se clôture sur un très sympa boogie avec “Come and howl”, sans prétention, mais bougrement efficace.

Frontman à la personnalité très affirmée, Gideon Smith ne fera pas dans la demi-mesure… et on peut attendre la même chose des personnes qui écoutent ses albums : soit ils n’aimeront pas la main mise du bonhomme sur son groupe et son répertoire, son chant prépondérant, soit ils adoreront l’authenticité du bonhomme, son talent de composition évident, son sens du riff et du groove typiques des contrées sudistes. Pour ma part, je penche pour la seconde catégorie, assez franchement. Le gars fait la musique qu’il aime, avec passion, et il le fait bien. Je n’attends rien de plus d’un musicien.

Freedom Hawk – Holding On

Freedom Hawk - Holding On

Notre période est assez trouble concernant le stoner en général. Le marché du disque est morose, le rock est annoncé comme moribond depuis 50 ans, et pourtant de plus en plus de groupes sont fiers d’étaler leurs “couleurs” stoner, à se réclamer du stoner même si le lien avec le genre est pour le moins ténu… Dans ce contexte paradoxal, il est parfois difficile de trier le bon grain de l’ivraie. Ben pour vous la faire courte : avec Freedom Hawk, aucun doute à l’horizon. Et ça fait un bien fou… On se prend pas la tête, on monte un peu le niveau de volume habituel, et on se laisse porter…

Pour vous faire imaginer à quoi ressemble Freedom Hawk, ne cherchez pas trop loin : imaginez un Black Sabbath modernisé (TR Morton sonne d’ailleurs pas mal comme le jeune Ozzy) qui aurait versé vers le desert-rock tendance Fu Manchu. C’est pas plus compliqué. Un riff bien torché, genre qui tourne bien dans les amplis, on construit une rythmique robuste sur le tempo qui va bien, et on cale quelques vocaux bien efficaces. Mais tout ça ne suffit pas à faire un bon disque, nos lascars ont donc aussi pris soin de soigner leur travail d’écriture. Et les titres s’enchaînent, symptomatiques du même mode opératoire. Tiens, prenez “Thunderfoot” : intro lente pour faire monter le “master riff”, on fait rentrer les grattes petit à petit, on fait tourner le couplet lancinant, et à la moitié du titre, on emballe la machine, prétexte à faire rugir les soli de gratte. L’enchaînement avec “Living for days” donne la pêche : le titre COMMENCE par un solo de guitare ! Rare… et délectable. Ca fait plaisir de voir un combo dans lequel il y a un vrai rôle de gratteux soliste, assumé. Et même si Matt Cave n’est pas Steve Vai, ses leads sont gracieux, cinglants, aériens, modestes, juste comme il faut, quand il faut. Bon, et puis on va pas tous vous les décrire, ce disque regorge de titres tous aussi efficaces : “Holding on” et son riff matriciel (et quel solo, encore !), “Nomad” et sa structure épique, “Magic lady” et son refrain redoutable (limite radio-friendly), “Standing in line” et son riff ingénieux…

C’est une évidence, même si Freedom Hawk n’a pas la force de frappe nécessaire pour laisser une marque dans les charts mondiaux, son stoner rock quintessenciel devrait ravir 95% des visiteurs de Desert-Rock.com. Dans un trip old school énergique, le groupe a des arguments à défendre, et ne demande qu’à ce qu’on lui laisse sa chance.

Abrahma – Through The Dusty Paths Of Our Lives

Abrahma - Through The Dusty Paths Of Our Lives

Voir un groupe français rejoindre les rangs élitistes de l’un des principaux labels stoner mondiaux, Small Stone Records, nous aura rendu heureux et fiers. Que de chemin parcouru en quelques petites années, depuis le sympathique combo Alcohsonic qui arpentait les clubs avec son album sous le bras, jusqu’à ce Abrahma “adulte”, sûr de lui… Quoi qu’il en soit, quelques mois après l’effet d’annonce, la galette tombe enfin dans notre platine, et il est temps de trancher : désillusion ou essai transformé ?…

Difficile en premier lieu de synthétiser cet album, de le résumer à une trame unique, linéaire. L’album commence par une série de morceaux assez “catchy”, aux structures efficaces et robustes. “Neptune of sorrow” en intro donne le ton, porté par un refrain remarquable, pas trop loin d’un Dozer des grands jours. L’enchaînement avec “tears of the sun”, morceau un peu plus aérien mais toujours plombé par cette chape guitaristique étouffante (quel son…) est réussi. Plus léger encore (ouais, tout est relatif, hein…), “Dandelion dust” abat un refrain impeccable, porté par un lick de guitare cristallin qui donne au titre toute son évidence : sans cet arrangement superbement trouvé, le morceau aurait-il eu cette identité ? Le reste de l’album est à l’avenant : le diable est dans les détails, dit-on, rien de plus vrai ici, avec un soin apporté aux arrangements et gimmicks sonores tout à fait cruciaux. Une qualité rarement mise en avant par les groupes hexagonaux… Illustration encore sur le refrain en choeur de “Honkin’ water roof”, refrain encore porté par une ligne de guitare aérienne en fond, qui transcende le riff pachydermique du morceau. A noter, autre denrée rare dans la production “contemporaine”, que le morceau se termine par un instru de space rock qui vire au solo de gratte sélénite… Miam !

Après un petit intermède instru, l’album prend un tournant plus “grave”, plus mûr en tout cas (ce qui ne faisait pourtant pas défaut aux premiers morceaux !). Ainsi “Vodun Pt.1…” dont les couplets feront penser aux œuvres de Dave Angstrom (Supafuzz en tête) tourne vite au refrain le plus accrocheur de l’album. Et toujours cette guitare aérienne juste derrière dans le mix qui vient apporter relief et subtilité à cette armée de cordes accordées trop bas… Et encore un soli anti-démonstratif impeccable… Arrive “Big Black Cloud”, morceau hypé depuis plusieurs mois, lorsque l’on a su qu’il accueillait les talents du space guitariste ultime Ed Mundell. Un Mundell qui vient effectivement coller quelques soli sur-fuzzés sur des passages taillés sur mesure… “Headless Horse”, comme son nom le laisse présager, nous amène en terrain lugubre, pour un titre de “space-doom” dont le son de basse nous rappelle avec nostalgie celui de Peter Steele.
Encore un intermède presque instru, à la slide cette fois, du Ry Cooder dans le texte… Au moment où arrive “Vodun Pt. 3”, on a déjà mangé 50 minutes de décibels bien gras dans la face, et on ne s’attend plus à une nouvelle déflagration… Le morceau est varié, rythmé, tout à la fois rapeux et cristalin. Mais rien à côté du tortueux “The maze”, le bien nommé : cette pièce de bravoure de 10 minutes, construit une ambiance ténébreuse et froide, un peu à la manière d’un Year Of No Light. Même s’il aurait pu perdre quelques minutes, ce titre ambitieux tient ses promesses. J’ai plus de réserve sur le quelque peu chaotique “Omega” qui vient clôturer de manière un peu brouillonne plus d’1h10 de musique.

Pour préparer cette chronique, je me suis rendu compte que j’ai dû écouter cet album une bonne vingtaine de fois. Au moins deux fois plus que n’importe quel album que je suis amené à chroniquer généralement. Au début, j’ai pensé que j’avais juste du mal à le “cerner”, à définir son périmètre, sa “matrice”. Ensuite, j’ai remarqué que ce qui me faisait écouter l’album à nouveau à chaque fois est ce sentiment de “nouveauté” qui restait bien présent, alimenté par cette production somptueuse, ces gimmicks, ces compos aventureuses, ces surprises entendues à chaque écoute. Je ne m’en lasse toujours pas. Mais au final, je réalise que si je l’ai tant écouté, c’est avant tout parce que c’est un foutrement bon album, et que chaque écoute me le fait apprécier un peu plus. Et j’en ai pas encore fini.

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