Kinch vs. Shard – Kinch vs. Shard

Kinch vs. Shard - Kinch vs. Shard

Kinch et Shard nous viennent d’Allemagne. Les premiers nous proposent six titres contre quatre pour les seconds. Le combat est d’emblée inégal. Kinch assène le premier coup. Les choses sont claires : ils sont dopés au Kyuss, substance qui fait actuellement fureur Outre-Rhin. Soit du groove rock bien exécuté, avec le son et tout. Vraiment agréable. Leur point fort : le chant. Loin de l’amigo Garcia, le freund Haris dispose d’un organe vocal réellement intéressant. Une voix de tête (de nez ?) assez particulière, mélodique et puissante qui confère sa part d’originalité à l’ensemble. Pourtant c’est « Cadu », morceau instrumental que je préfère. Allez comprendre. Mais déjà Shard entre en scène et frappe. A la basse on retrouve un certain Sascha. Est-ce le même qui officia il y a quelques années dans un groupe fabuleux du nom de Nonoyesno ? Auquel cas le combat redevient plus équilibré au privilège de l’expérience. Mais bon sang. Eux aussi sont dopés. Au Fu Manchu pour ce qui les concerne. Au troisième morceau, changement de produit, ils optent pour du Hellacopters. Ça frappe vite. Kinch est à leur portée. Ils essaient de les achever par une manchette rock’n’roll mid-tempo. Le coup part, mais non, Kinch se relève. La timbale retentit, le combat est fini. Les adversaires se regardent dans les yeux en attendant le verdict de l’arbitre : ex-aequo. Un vrai Jacques Martin cet arbitre.

Danko Jones – Never Too Loud

Danko Jones - Never Too Loud

2008 commence à peine, et déjà on prédit que le coup de bluff de l’année sera cet album de Danko Jones. Après 2 albums furieux, deux mollards nerveux crachés à 3 ans d’intervalle, Danko ne franchit pas seulement une marche avec son nouveau disque, “Never Too Loud” – il franchit un ravin, escalade une falaise à mains nues, et plante un drapeau “rock’n’roll” en haut de l’Everest !!

Alors qu’à l’instar d’un AC/DC, le trio canadien pratiquait peu ou prou le même genre musical depuis quelques années (un gros hard rock / punk-rock-isant, essentiellement composé d’hymnes dégoulinants de sueur et de riffs nerveux), avec une réussite remarquable et sans jamais la moindre lassitude (de la part de l’auditeur), personne ne pouvait prédire une telle évolution.

L’album commence par un “Code of the road” finalement pas dépaysant. Mais dès “City streets”, on croît entendre… “Thin Lizzy” ! Tant le chant que les harmonies de guitare nous rappellent les géniaux irlandais… Voilà une influence que l’on ne pensait pas retrouver chez Danko Jones ! On retrouvera ces sonorités fortement Lizzy-esques dans “Ravenous” quelques plages plus tard, avec une intro pompée sur celles de “Jailbreak” ou de “The boys are back in town”, et des envolées de guitare qui, si elles n’étaient pas si jouissives, frôleraient le plagiat !

Evidemment, on retrouve une belle série d’hymnes parfaitement dans la lignée du Danko que l’on a appris à adorer : le lancinant “Still in High School”, l’impeccable “Let’s get undressed” ou “Something better” n’auraient pas détonné sur l’une des 2 galettes précédentes du canadien. “King of magazines” sort aussi son épingle du jeu : même si elle ne détonne pas de la part de Danko Jones, la prouesse au chant du bonhomme et l’efficacité de la compo sont remarquables. Plus loin, “Your tears, my smile” emporte le ponpon : sur un riff sec et saccadé (qui nous rappelle de bons souvenirs), Danko signe l’une des meilleures compos de l’album.

Ensuite, le morceau que l’on attendait tous était évidemment “Forest for the trees”, que la rumeur annonçait déja comme “le morceau stoner composé par Danko Jones”. Gagné, il s’agit d’un pur morceau stoner. Même si on lui reprochera d’être un peu trop propre derrière les oreilles pour être honnête, la gratte 100% sabbathienne et la rythmique pachydermique (jetez une oreile au duo basse-batterie de ce titre, et vous aurez l’impression de ré-écouter “Volume 4”) fonctionnent impeccablement. Et lorsqu’à mi-morceau, Pete Stahl apporte son timbre chevrotant suave si particulier à la seconde partie des couplets/refrain, soutenu par ni plus ni moins que John garcia en “choeur de luxe” sur le refrain, forcément, ça le fait. Ca sent l’hommage, c’est honnête, et ça fonctionne. Rien à dire.

Au rayon des “too much”, on aurait pu se passer en revanche du folk “Take me home”, qui n’apporte pas grand chose d’autre que l’info que, oui, Danko Jones peut aussi jouer du folk à la gratte acoustique, et bien le faire.

Au niveau de la prod, Raskulinecz (une grosse machine de la prod hard rock US qui pond du single) accomplit un travail redoutable, si bien que l’on en vient parfois à se demander comment, sous forme de trio, le groupe parviendra à rejouer tout ça sur scène.

Pour conclure, difficile d’appréhender ce disque pour un fan hardcore de Danko Jones : il serait quelque peu frustré par les premières écoutes (ce fut mon cas). Mais au gré des écoutes suivantes, la qualité remarquable de l’objet l’emporte sans ambigüité. Jamais Danko Jones n’a pondu d’album si ambitieux et couillu. Jamais non plus il n’a “ratissé si large”. Mais ce n’est pas forcément péjoratif. Ou en tout cas, de la part du passionné de hard rock qu’il est, c’est un gage de sincérité, et de réussite. Sans effacer la qualité de ses productions précédentes, “Never Too Loud” marque une évolution hallucinante dans la carrière du trio canadien. Bluffé. On attend de voir sur scène.

Totimoshi – Mysterioso

Totimoshi - Mysterioso

Amis de la poésie lyrique et du psychédélisme seventies passez votre chemin ! Le trio d’Oakland est de retour pour un second album de heavy rock incisif et explosif. Enregistré en collaboration avec Alex Newport, qui a déjà collaboré avec At The Drive In ou les Melvins, et Billy Anderson, qui a travaillé avec Fantomas, Mr. Bungle, Sleep ou Neurosis, ces huit nouveaux titres exploitent aussi bien les influences hispaniques que le gros heavy metal hypnotique et sont parfois teintés d’une touche de relents hispaniques à l’image de ‘Float’ qui ouvre les hostilités.
Résolument sombre, cette production sans concession ravira les inconditionnels des productions plombée sorties par le passé par les hôtes de Relapse. C’est bruyant, malsain et brutal à la fois, un peu comme si on mixait High On Fire et Isis, pour vous convaincre des évidents attraits de cette formation, vous pouvez sans autre écouter ‘Cellophane’ ou ‘Oblivian’, compos auxquelles va ma préférence.
La nouvelle version de cet objet contient une piste cd-rom avec un clip de tournée et la vidéo de glauque ‘Cellophane’.

Dixie Witch – Smoke & Mirrors

Dixie Witch - Smoke and Mirrors

Après leur remarquable 1er effort “Into the sun”, leur deuxième album était un peu une transformation sans risque : pareil, mais mieux. Un peu comme le Evil Dead 2 de Sam Raimi par rapport à Evil Dead : voyez comment j’aurais fait mon 1er film avec plus de moyens, plus d’assurance, et un peu moins “d’urgence” dans la réalisation. Car oui, “One Bird, Two Stones” est un album brillant, mais il manquait globalement un peu de remise en cause, de mise en danger en général, en fait.

Voilà donc le 3ème album parfait à une discographie déjà parfaitement construite : après avoir fait la preuve évidente de leur maîtrise et de leur savoir faire, le trio texan reprend brillamment tous ces éléments, les jette en pâture à un producteur remarquable (Joel Hamilton donne une sacrée patate au son !), et se concentre sur les bases de sa musique, à savoir la qualité d’écriture, et l’interprétation.

Au niveau interprétation, Dixie Witch fait honneur à sa qualité de trio texan (remember ZZ Top) : ça joue monstrueusement bien, ça groove, les duels gratte / basse sont somptueux de feeling, un régal. Mention spéciale pour l’instru “Last Call”, une ballade épique d’une dizaine de minutes, fourrée de soli hendrixiens superbement sublimés par une section basse/batterie subtile et suave : pas une seconde d’ennui. Mais le MVP est encore et toujours ce putain de Trinidad : la batterie est encore une fois monumentale, autant en rythmique pure qu’en “texture” ajoutée aux morceaux (voir le jeu de cymbales, remarquable), et le pire, c’est que le bonhomme est aussi chanteur du combo ! Et le voir jouer le poulpe jazzy-hard-rock derrière sa batterie tout en crachant ses poumons dans le micro est une expérience dont on ne peut sortir qu’éberlué. Surtout que le bonhomme signe ici une performance vocale de haute volée, avec encore des vocaux en directe provenance des trippes du loustic, et des intonations qu’on en lui soupçonnait pas ! Voir des morceaux comme “S.O.L.” ou “Thursday” où l’animal sonne comme le sosie parfait de Lemmy de Motörhead ! Bluffant.

Au niveau compos, là encore, c’est le sans faute, avec les traditionnels morceaux hard-boogie texans (le superbe “Out in the cold”, “Getaway”, “What you want”), mais aussi des variantes quasi-inédites chez DW, avec des penchants assez sévères du côté du heavy (“Shoot the moon”, l’intro très hard-rock de “Thursday”), du doom, presque (“Ballinger cross”), et même du vieux garage-punk-metal (l’intro et la rythmique de “S.O.L.”).

L’ensemble est d’une tenue impeccable, et DW s’affirme avec ce disque non plus comme simplement les dignes héritiers des groupes de rock sudiste des dernières décennies, mais désormais comme l’unique fer de lance du renouveau du genre, plus excitant que jamais, comme a pu l’être Raging Slab il y a quelques années. La sorcière sudiste est de retour, plus énervée que jamais, et ça fait plaisir à voir !

Solarized – Driven

Solarized - Driven

OK, pas d’esbroufe, ne surtout pas tourner autour du pot, tout est là, dans ce ‘Dig the ride’ qui ouvre le bal : en trois secondes chrono, c’est un mur de grattes qui nous assaille, sur lequel déboule une lead guitar imparable, relayée par un chant qui, s’il n’est pas techniquement transcendant, fait vraiment chaud aux oreilles. Alors tout est dit ? Oui et non. D’abord, il y a cette section rythmique qui déborde de groove (‘Meanspirit’, ‘Box full of dirt’) et cette machine à riffs énorme qui apporte une teneur bien heavy à l’ensemble (‘Stab your back’, ‘Firefight’), mais l’ajout de cette merveilleuse guitare lead, ces soli aériens distillés avec grâce (si si !), ajoutent vraiment une texture originale et vraiment heureuse à l’ensemble, alternant ses apparitions avec des lignes vocales qui savent donc aussi se rendre discrètes parfois pour mieux laisser parler la poudre, bref, un principe d’alternance chant/guitare qu’on retrouve (dans le principe au moins) chez les plus grands blues men. Du grand art en tout cas. Mais point trop de subtilité non plus, ne vous méprenez pas, les bougres n’hésitent pas à se ruer dans des morceaux tendance punk-rock plombé de Motörhead quand le cœur leur en dit, pour la plus grande joie des petits et des grands.

Calamus – The same old demons

Calamus - The same old demons

Qu’est-ce que peut bien venir foutre ce groupe de gros heavy allemand sur les pages virtuelles de Desert-Rock ? Après un bon paquet d’écoutes, le doute n’est plus permis : si le résultat est une sorte de crossover metal-hard-heavy bien velu, il est évident que les germaniques Calamus ont beaucoup écouté les grands maîtres du stoner avant de composer ces 9 titres. Ecoutez par exemple l’intro à la basse et le break central de “Once more”, ou encore l’intro de “Make you cry” pour vous en persuader : on attend presque John Garcia pousser la voix sur une chanson égarée de Kyuss !Mais ne vous y trompez pas : en fait de clone de Kyuss, les allemands se distinguent par un son plus “hard rock” (en gros un mélange de Kyuss et de Hermano ??!), mais aussi par des compos bien plus originales que ne pourrait le laissait penser ce préjugé de “copiage” éhonté. Car de plagiat, il n’est jamais question, et des compos aussi accrocheuses que “Make you cry”, le très calme (avant la tempête) “Sunshine” ou “Speed queen” (“sold my soul to rock’n’rooooooll”) sauront montrer la réelle originalité de ce combo. Malgré cela, on entend toujours ici ou là des sonorités plus ou moins prononcées qui nous rappellent qui Monster Magnet (dernière version), qui Ozzy en solo, qui le vieux Sabbath. Mais le morceau de bravoure de cet album en est aussi sa conclusion : un instrumental remarquablement enlevé, “Devil’s Run”, incisif, riffu au delà du raisonnable, charpenté par un groove ultra heavy et efficace.Un album redoutable, donc, que je conseille vivement à tous les amateurs de stoner qui savent apprécier une bonne galette metal de temps en temps ! Un excellent mélange.

Boris – Boris at last – feedbacker

 

Tiens, un album de Boris… On sait jamais trop à quoi s’attendre avec les japonais ! En fait on sait juste à quoi ne PAs s’attendre : du hard rock racé et épique, rapide, 23 riffs par chanson, des chansons de 2 minutes avec couplet – refrain – couplet – refrain – break – refrain… Naaaan… Boris ne fait rien comme les autres. Pas par principe, plutôt par conviction. Parce qu’ils ne savent pas faire autrement, ils sont nés pour ça, taillés pour jouer “du Boris”.

Première illustration dès l’insertion du CD dans la platine : 5 plages seulement en tout… qui se révèlent être les 5 passages d’une même chanson, 5 étapes nécessaires à la construction de l’édifice “Boris at last – feedbacker”.

Première étape : une larmoyante, lancinante complainte exclusivement guitaristique de plus de 9 minutes, donne le ton. Pas vraiment une succession de notes, on a plus l’impression que les pédales sont plus utilisées que la main gauche, et que le larsen joue à cache cache pendant plusieurs minutes… Spécial…

Seconde “chanson”, une marche de plus vers la “chanson” est franchie, avec l’ajout de quelques coups de cymbales et caisse claire, sur des nappes de gratte/basse aériennes, lascives. Ca tourne à 2 à l’heure, et un semblant de mélodie commence à se détacher ! Heureusement, car c’est quand même une plage d’un quart d’heure ! Dès le milieu du morceau, des chants de guitare commencent à s’élever et à prendre le devant, pour quelques soli illuminés, en tout cas de fort bon aloi. Le chant vient même s’ajouter pour ajouter un relief bienvenu… Et là, surprise ! On ne s’ennuie pas, finalement !

On est donc arrivé à une certain “rythme de croisière” (étrange d’employer cette expression pour un album de Boris !!) lorsqu’arrive la plage 3, sans doute la plus variée de la galette, puisque même si elle prend la suite de la “grande chanson”, propose le plus de variété, que ce soit dans le chant ou les parties de batterie par exemple, notamment sur des parties où Takeshi et Atsuo chantent en choeur sur fond de grattes saturées.

Si la plage 3 était le point culminant en terme d’intensité musicale, la 4 est finalement le début de la “redéscente”. On a l’impression que les instruments sont posés là, par terre, encore essouflés par cette montée de pression, émettant des sons improbables, distants, poussifs, des dissonnances grésillantes qui pourtant ne heurtent pas les tympans. Toujours, d’ailleurs, les japonais garderont en tête cette priorité “physiologique” : chaque son émis par Boris ne doit pas blesser l’oreille ! Les larsens sont donc maîtrisés, les aigus pas trop aigus…

La plage 5 vient cloturer l’ensemble en reprenant la lente mélodie déja entamée sur la plage 2, qui devient vu le contexte presque “rassurante”. Ouf, quelque chose de “concret” auquel se rattacher, un vrai bout de chanson presque “normal”…

Et puis l’expérience s’achève ainsi. Et puis finalement on le ré-écoute, parce que l’on a forcément oublié quelque chose… Et puis ce solo là il était pas mal, mais on se souvient plus comment il a été amené… Et puis cette partie de batterie juste avant la plage 3, elle était un peu décalée quand même… Et puis la basse, on l’entendait bien plus sur la plage 3, mais le son me semblait différent…

C’est ça Boris, finalement : d’abord, un mouvement viscéral de recul, un réflexe instinctif de sécurité. Et puis on essaye d’analyser, vu que ça ne semble pas très rationnel, on va essayer de comprendre. Mais même ça, ça n’apporte qu’un piètre “confort” : la musique de Boris n’est pas rationnelle, elle se vit, et par étapes. Elle génère d’abord du recul, puis de la curiosité.

Recommander Boris à n’importe qui n’est pas une bonne idée. Suggérer à un ami ou un aventurier de tenter l’expérience est plus excitant. Qui sait, lui aussi pourrait aimer !…

El Caco – Viva

El Caco - Viva

Un nom hispanisant, un album qui s’appelle ‘Viva’, un toreador/squelette en sombrero sur la pochette. Pourquoi est-ce que les norvégiens d’El Caco essayent-ils de se faire passer pour espagnols à tout prix ? Peut-être qu’il est devenu difficile d’être l’un des centaines d’excellents groupes rock scandinaves ? Une fois oubliées ces questions existentielles, il est temps d’enfourner la galette dans le lecteur CD, et de se manger une baffe de folie ! Ben oui, parce que ça tarde pas, dès le ‘I’ll play’ d’ouverture, c’est un riff énorme qui lamine nos tympans, bien enrobé par le chant rocailleux et mélodique de Øyvind Osa. La rythmique, ultra heavy, mais aussi groovy et carrée, ainsi que le son de guitare bien lourd, nous guident alors tout naturellement vers l’étiquette ‘stoner’. Mais dès le troisième morceau, ‘Oh you’, une simili-ballade pop-rock au refrain bien plombé, on se pose des questions ! El Caco ne serait donc pas uniquement un ‘pur’ groupe stoner, on nous aurait menti ? Ben on dirait bien, parce même après plusieurs dizaines d’écoutes de ‘Viva’, on arrive toujours pas à trouver une étiquette commune à toutes les chansons. En tout cas, elles ont des points communs : la qualité de la composition, le don de l’arrangement idéal et du gros son (ils se sont produits eux-mêmes, les bougres !), un chant tour à tour hurlé, susurré, rocailleux, chaleureux, et j’en passe. Les ‘Oh yeah’ et autres ‘She-man’ et ‘High on a low’ nous confortent dans l’idée qu’on a bien un groupe largement influencé par le stoner rock en général, mais El Caco est tellement plus que ça, que tout amateur de bonne musique plombée, tous genres confondus, est forcé d’adorer.

Ten East – Extraterrestrial Highway

Ten East - Extraterrestrial Highway

Cette formation qui a tiré son nom de la bande de goudron qui mène de la Cité des Anges au désert confine à être la dream team du stoner californien et les fans des groupes de la région de Palm Spring salivent rien qu’à l’évocation des membres qui la compose. Jugez plutôt : Gary Arce, à la guitare, a participé à Yawning Man et The Sort Of Quartet, son homologue Mario Lalli a gratté pour Fatso Jetson, Orquesta Del Desierto et Yawning Man, le batteur Bill Stinson a oeuvré pour d’obscurs combos dont Chuck Dukowski Sextet, Greg Ginn, Fastgato HOR et Dessau, et son bassiste de luxe a carrément collaboré au mythe qu’est Kyuss ainsi qu’à Fu Manchu, The Bros et une quantité non négligeable de projets gravitant autour de la scène stoner.
A chaque fois qu’une sortie de ce type est sur le point de débarquer sur ma platine, je rêve en secret que je vais me retrouver en possession d’un chef-d’oeuvre dans la droite ligne de Kyuss. A chaque fois je me prends une bonne claque au travers de la gueule l’histoire de me rappeler que ce groupe a cessé toutes ses activités depuis une tapée d’année et qu’il faudrait peut-être cesser de croire au père Noël à mon âge avancé. Quand bien même je ne peux qu’être un peu dépité par cette nouvelle production, il faut bien avouer qu’elle n’a pas que des défauts et que je ne vais pas utiliser le cd comme dessous de bière pour la prochaine visite d’un membre de l’équipe de Desert-Rock dans ma tanière helvète.
Ten East sort huit plages fleurant bon le désert dans un registre planant dont les guitares me rappellent Yawning Man (la moitié du groupe en a fait partie). Se concentrant uniquement sur leurs instruments, ces quatre vétérans de la scène nous emmènent pour une petite heure de jam instrumental planant et halluciné. Les amateurs de gros sons vont donc détester et ceux qui cherchaient Kyuss derrière ce projet vont déchanter. Pour ma part, je me laisse bercer tranquillement par ses notes dispensées avec passion de manière envoûtante et continue à nourrir le rêve que Kyuss nous balance à nouveau de nouvelles compositions dans la veine de leurs pièces maîtresses des temps jadis. Nostalgie quand tu nous tiens…

Monster Magnet – Monolithic Baby

Monster Magnet - Monolithic Baby

Monster Magnet signe avec ‘Monolithic Baby !’ un des meilleurs albums de sa déjà longue carrière. Toujours inspiré par Black Sabbath et tout ce qui gravitait dans l’univers rock des années septante, le quatuor aligne sur sa nouvelle production douze compositions de rock pur jus sans fioritures inutiles. Les riffs simples sont d’une efficacité terrible et du premier accord de ‘Slut Machine’ au final apocalyptique de ‘CNN War Theme’ cet album groove sans jamais lasser. Puisque tous les ingrédients d’un excellent album de rock sont réunis, y compris la superbe et langoureuse ballade habituelle, en l’occurrence une reprise de ‘There’s No Way Out Of Here’ de David Gilmour (Pink Floyd), cet achat s’avère indispensable pour tout amateur rock qui se respecte.

Cowboys & Aliens – Love Sex Volume

Cowboys and Aliens - Love Sex Volume

On ne peut pas dire que la scène stoner belge ait beaucoup fait parler d’elle ces derniers temps. Ce manque est réparé avec panache avec le nouveau CD de Cowboys & Aliens, qui dépote pas mal dans son genre ! Son genre, puisqu’on en parle, c’est clairement du stoner rock, bien groovy dans les angles, mélange heureux de stoner “à l’américaine” (Fu Manchu) et de groupes européens (Spoiler, Demon Cleaner). Rien de révolutionnaire, mais bon sang, c’est sacrément bien gaulé ! A noter aussi une super version du “Sharp Dressed Man” de ZZTop. Contrairement à ce qui se dit ici ou là, l’analogie avec Kyuss n’est pas si évidente, les belges se prenant moins la tête qu’il n’y paraît, privilégiant des sonorités heavy rock, des structures claires, et alignant les riffs francs du collier. Et finalement, pourquoi leur demander autre chose ? Vraiment, on n’a pas de quoi rougir vis à vis de nos collègues d’outre-atlantique.

Pentagram – Review Your Choices

Pentagram - Review Your Choices

Voilà un groupe qui a commencé à jouer en 71 et qui est toujours actif. Vous me direz que les Black Sabbath sont toujours là eux-aussi. Ok, mais pour moi, Sabbath sans Ozzy c’est un peu comme un couteau sans manche, tout le reste n’est qu’anecdotes. Les gars de Pentagram ont ceci de supérieur à Black Sabbath qu’ils continuent envers et contre tout à faire de la musique qui tue. De la soupe progressive ? Non merci. Donc voici un superbe album de heavy doom comme les anciens savaient le faire, fait par des anciens qui savent le faire. Le travail de « Review your choices » est d’autant plus remarquable qu’il a été réalisé par deux bonhommes de premier plan : Joe Hasselvander (tous les instruments, chapeau !) et Bobby Liebling (toutes les parties vocales, brillant !, écoutez les chœurs de « Downhill slope », cela vous donnera une idée de l’étendue de son registre). Ce disque devrait ravir les fans de St Vitus, de Serpent, des premiers Black Sabbath, de Wytchfinder General et de Cathedral. Tous les ingrédients sont présents. Les riffs lourds, les solos aériens, les rythmes méga-lents, les tempos plus rapides, l’agressivité, la sensibilité. Le tout servi sur fond de satanisme bon enfant qui n’effraie même plus ma mère. Nous sommes donc en présence du quatrième album de Pentagram (seulement !) après cinq années de silence. Le groupe n’a manifestement jamais été pressé, alternant congés sabbathiques et périodes d’activités plus intenses. Nous sommes donc en pleine phase dynamique. La bête vient de se réveiller, histoire de démontrer à la nouvelle garde, qui sont les patrons.

Mark Lanegan – Whiskey For The Holy Ghost

Mark Lanegan - Whiskey For The Holy Ghost

Avec ce deuxième album solo, Mark Lanegan frappe très fort.Car, contrairement à ce qui s’était produit avec The Winding Sheet, ce n’est plus au chanteur des Screaming Trees que l’on pense à la première écoute de cette galette, c’est à un Mark Lanegan, artiste à part entière, nous offrant SA vision des choses. Plus mature que son prédécesseur, ce Whiskey For The Holy Ghost est empreint d’une atmosphère à la fois reposante et sombre, tellement prenante qu’elle laisserait presque à penser que le blues a été inventé du côté de Seattle. Le magnifique “Sunrise” avec ses parties de Saxophone ou encore le très émouvant “House a Home” et ses violons plaintifs en sont les parfaits exemples.Le titre phare de cet album est sans conteste “Borracho”. Servi par des guitares dissonantes et ce timbre si particulier, façonné par un régime draconien whisky/cigarettes, le morceau véhicule une émotion forte et étonnement familière à tout un chacun à tel point que l’on a envie de crier sa rage en même temps que Lanegan. Cette voix, que dis-je cet instrument, fait également mouche sur le subtil “Dead On You”. Quant à “Kingdoms of Rain” (et ses voix féminines), il fait parfois penser à la beauté simple d’un “If It Be Your Will” de Leonard Cohen. Bref, grâce à Whiskey For The Holy Ghost, Lanegan rejoint le club très fermé des très très grands. Les années auront beau passer, ce disque, que je ne saurais trop vous conseiller, reviendra toujours sur vos platines tant il peut être le parfait reflet de ce que l’on peut ressentir un jour où tout semble aller de travers.

Drunk Horse – In Tongues

Drunk Horse - In Tongues

Le premier album de Drunk Horse, “Adult Situations”, m’avait bien calmé. je l’avais acheté par hasard, le nom du groupe me disait quelque chose, la pochette était hilarante, et l’album s’était révélé jouissif, énervé, enjoué… Ben c’est pareil ici ! A savoir, en gros, que si vous connaissiez pas Drunk Horse, In Tongues est un bon album pour commencer.

Alors comment décrire la musique de Drunk Horse ?… Vaste, une appropriation du rock sous de multiples coutures, le tout mastiqué dans tout les sens et recraché par les enceintes de votre chaîne hi-fi sous la forme de chansons aux touches délicieusement rétro… Et pourtant tout est très original, pas de repompe : c’est bien ancré dans les années 2000, et les influences sont bien digérées.

Témoin cette slide guitar sur “Strange transgressors”, que l’on pourrait juger quelque peu désuette si elle ne tenait pas toute la chanson de bout en bout ! Et que dire de cette avalanche de riffs que l’on croirait directement écrits et joués par Phil Lynott – ce qui en dit long sur la qualité des mélodies déployées sur cette rondelle ! Voyez “Nice Hooves”, son son de gratte, ses riffs, sa rythmique “cavalière”, le refrain “sautillant” de “Priestmaker”ou encore les soli harmonisés de “Howard Phillips” : du véritable Thin Lizzy dans le texte !!

Le reste est à l’avenant : du gros rock bien plombé, des riffs en pagaille, des envolées de grattes, une basse qui balance du groove par caisses entières, un chanteur très très intéressant (un timbre très accrocheur et des intonations proches de Scott Hill parfois), et des compos “fun” ! Pas de balade, pas de morceaux sur-heavy tendance doom, que du hard rock pied au plancher, tendance seventies certes, mais avec l’attitude “surf” californienne qui rend l’ensemble en apparence insouciant. Témoins les titres des chansons, peu enclins à dénoncer les affres de la société de consommation ou les dernières crises politiques guadémaltèques (“Reformed asshole”, “Vatican Shuffle”,…). Des passages instrumentaux rajoutent en originalité et en “altitude” à l’ensemble, et ça joue bien (voir “Skydog” par exemple) !

De la musique pour ce qu’elle devrait toujours faire : mettre tout le monde de bonne humeur, avec talent et intelligence. Une vraie bouffée d’air frais.

T.H.U.M.B – Lunar Flight EP

T.H.U.M.B - Lunar Flight EP

Ce vol lunaire fait suite au cinq titres ‘Overloaded Rock’n’roll’ sorti en deux mille trois par ce trio italien. Dans un registre très lourd à la limite du doom, c’est le titre éponyme qui ouvre ce simple porté par ses vocaux sonnant très extra-terrestre avec la masse de reverb qui les accompagne. Très plaisant avec ses riffs très heavy et sa rythmique volontairement monotone à en devenir obsédante, ce morceau est un peu gâché par la présence inutile de notes spatiales émises par un synthé pas très rock’n’roll. On enchaîne avec ‘Wasted Words’, composition plus incisive et cohérente qui se laisse agréablement écouter. Au-delà du second morceau nous pénétrons dans la quatrième dimension avec un interlude doomesque uniquement parlé qui n’est pas sans me rappeler mes vertes années lorsque je faisais tourner les lp de Venom à l’envers sur la platine du salon de mes parents (pas con le mec j’allais pas niquer la mienne). Meilleure plage à mon humble avis, ‘Magic Drug’ termine la montée en puissance et en vitesse de cet album. Les incursions synthétiques collent parfaitement aux riffs lourds et à la basse vrombissante. Entêtant à l’extrême, ce morceau est une véritable pépite rock et son titre m’explique un peu comment ces transalpins ont pu mettre la plage numéro trois sur ce cd. Plus qu’un disque, ce voyage intergalactique malgré ses inégalités a de la peine à quitter ma platine ces jours.

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