Progressive fuzz, on ne saurait mieux trouver pour définir le trio instrumental lyonnais Fuzzcrafter. Artisans de la fuzz, créateurs d’un premier album studio et revendeur d’un live, ils viennent de détourer, polir et mettre sous écrin une nouvelle plaque sobrement intitulée C-D qui devrait confirmer leur étiquette. En revanche avec un titre pareil et des morceaux allant de “C1″à”D3” c’est à se demander si l’on n’aurait pas affaire plus à des ingénieurs qu’à des artisans.
Pour cette livraison, les Fuzzcrafter nous offrent sous une bonne couche grasse de fuzz des passages entre blues et jazz, où ils déroulent des gammes mine de rien et font passer le tout grâce à un tempo toujours très swing. La structuration des morceaux ne permet pas de qualifier le tout de Jam Session, mais avec deux morceaux de plus de 13 minutes, impossible de ne pas y penser.
Ce nouvel opus fait la part belle au prog dans un étalage bienséant de virtuosité. Fuzzcrafter n’enfonce jamais vraiment le clou d’une musique qui pourrait devenir trop pesante. C’est le cas avec “D2” qui joue un thème suranné avant de bifurquer vers des une basse et une guitare hyper funky, quasi pop. Le tout aboutit à quelque chose qui flottait déjà dans l’air avec certains passages sur “D1”, notamment quand la basse ultra fuzzée soutient les rythmiques hyper sèches de la gratte.
S’il est question de virtuosité tant du côté de la guitare que de la basse, le batteur qui est moins volubile que ses camarades sait cependant apporter sa touche de couleur aux composition grâce ses breaks et à de petites surprises comme avec l’utilisation d’une darbouka sur “C3”. Ce morceau reprend la recette la piste “A4” sur la plaque précédente, il est également assez central au sein de C-D, cette perle électro acoustique d’une finesse enthousiasmante confirme l’essai et Fuzzcrafter va pouvoir réitérer l’expérience acoustique sur “D3” pour une clôture qu’on aurait néanmoins souhaité plus longue. (Et là, je vous recommande d’aller jeter une oreille une fois de plus au premier opus dont la gémellité de structure est flagrante)
C-D est un album moins en recherche de fuzz et de puissance que le précédent et c’est sans renier son enseigne que le trio d’artisan intègre à son art de multiples courants au travers desquels il augmente sa capacité d’expression. Fuzzcrafter vient confirmer avec cette nouvelle galette qu’il a de l’or dans les doigts et des idées plein la tête. Une maison au savoir-faire rigoureux où l’on ne regrette pas d’être client.
Il y a la Grèce et il y a Chypre, une île à cheval entre deux cultures, partagée entre deux nations et melting pot culturel s’il en est. C’est de là que viennent les quatre rêveurs de Arcadian Child qui n’ont eu de cesse de démontrer leur pluralité culturelle avec une poignée de plaques. Ils reviennent pour la seconde fois chez Ripple Music et chez Rebel Waves records pour diffuser leurs bonnes vibrations au travers de leur dernière création Protopsycho.
“Snakecharm” la bien nommée introduit cet album où plane l’ombre d’un Naxatras. Avec cependant une recherche plus totale de l’intégration des thèmes orientaux dans la musique et c’est la voix qui vient le confirmer avec un chant qui passe sur les rives de la culture arabo-musulmane. Le style sur “Sour Grapes” rappelle le travail du guitariste de Forming The Void sur l’album Rift, qui posait les fondations d’un pont entre occident et orient. Ici l’expérience est plus aboutie notamment avec le chant qui confine par moment à l’appel du Muezzin. Voilà pour l’aspect expérimentation de Protopsycho qui dure jusqu’à la piste “Bitter Tea” et transporte l’auditeur dans des contrées que le Stoner explore de façons généralement trop imparfaite et surtout au travers d’un fantasme.
Passé ce point Arcadian Child entre dans une phase plus entendue, avec une section rythmique malicieuse sur Bodies of Men puis plus psychédélique avec les titres suivants. “Raising fire” et son chant finement lancinant appuyé par une batterie aux accents tribaux laisse une sensation de bien être derrière elle tant le morceau flirte avec le beau. Les titres qui encadrent ce dernier font le taf et accompagnent l’auditeur sans accroc, cependant on rentre là dans quelque chose de plus classique et en retrait par rapport aux premiers morceaux de l’album. Autant dire que tout l’intérêt de cette plaque ne réside pas dans cette conclusion qui cependant n’a à souffrir d’aucun défaut majeur.
Cet album est un peu à l’image de l’île qui l’a vu naître, Protopsycho est divisé en deux parties, une très orientale et l’autre très occidentale. C’est toujours un peu dommage de se retrouver en deux lieux là où l’on aurait aimé un plus de cohérence. Cependant cette production d’Aracadian Child reste un bel effort du genre et une œuvre singulière. Ce n’est pas perdre son temps que de s’y arrêter et d’y flâner pour entendre quelques sons rafraîchissants et qui s’accommodent à merveille avec le style stoner.
Gang : def : groupe d’individus partageant une culture et des valeurs communes, engendrées par leur association et le milieu social et urbain où ils vivent.
Déniché par Totem Cat Records puis subtilisé (un peu salement il est vrai) par Riding Easy, le gang (cf. définition) de Portland sort son troisième album, traçant, publication après publication, la petite histoire de leur street doom. Le street doom. Un genre dont ils sont les rois, puisque seuls sur le créneau. Pour résumer grossièrement le concept (“grossièrement” étant un mot parfait pour décrire R.I.P.) : le street doom consiste à suivre la voie ouverte pas Saint Vitus (attitude et rythmiques punk sur fondamentaux Sabbathiens) et de faire du doom (que R.I.P. a déclaré mort dès sa première démo en 2015) une musique de ruelles sombres. L’esthétique hip-hop, mélangée à une iconographie BDSM, avec tout ce qu’il faut de grand guignol et de Lucha Libre, voilà le ticket d’entrée de l’univers de Fuzz et de ses sbires. Et en deux albums R.I.P. aura divisé le monde en trois catégories : ceux qui les adulent, ceux qui les détestent et ceux qui s’en foutent royalement. Cette dernière catégorie étant bien évidemment de loin la plus fournie.
De retour de leur première tournée européenne (vous vous souvenez des concerts ? Quand on se retrouvait pour écouter de la musique en live ?) aussi jouissive que chaotique, le groupe se paye le luxe d’enregistrer avec Billy Anderson, et Dead End de prendre alors quelques pourtours d’album ambitieux. Et soyons clair, l’ambition est l’ennemi juré du second degré. Mais R.I.P. est un groupe malin. Derrière l’intro rappelant les ambiances de John Carpenter (dixit la bio), et les quelques moments de grandiloquence, l’essentiel est préservé. Cet album est complètement stupide. Délicieusement bête. 33 minutes de crétinerie, la faux au vent, avec pas moins de quatre fois le mot « Dead » dans les titres de ses 10 chansons. Le son est sale, l’ambiance décrépie et l’album rajoute pas moins de deux hits à la galerie des horreurs du groupe : « Dead End » et « Judgement Night » (et son solo qui convoque tant de choses). Bien sûr la tentative de mid tempo chanté de « Dead of The Night » est à prendre au millième degrés, bien sûr personne n’a l’intention de décerner au groupe un grammy pour avoir utilisé la suite de Fibonacci dans la structure d’un morceau (Fibonacci, c’était pas lui qui tenait la pizzeria à l’angle de Hawthorne et la 8ème ?) mais quel pied quand même ! Des riffs comme s’il en pleuvait, nu sur des galets, des cavalcades vulgaires et des refrains le poing américain en l’air, ou sur le nez du voisin, R.I.P. a encore réussi l’exploit de transformer de potentielles caries en dents en or. Respect gros, respect.
Point vinyle :
Un peu plus de mille vinyles pour le premier pressage de RIP. Du splatter à 100 exemplaires, du noir, du rouge et du blanc à 300 exemplaires à chaque fois. Le plus compliqué étant toujours de faire avec les frais de ports prohibitifs venant des USA. Reste à fureter du côté de vos courageux disquaires ou de regarder du côté de Clearspot (NL) ou Kozmik Artifactz (DE), habituels dealeurs de Riding Easy en Europe. Parce qu’une pochette pareille, ça vaut bien un vinyle.
En 2014, sous les brumes matinales de Börlange en Suède, naissait Laser Dracul. Le trio se connaissait depuis les années 90, chacun évoluant sur son propre sentier, mais patienta jusqu’à l’alignement des astres prévu pour 2016. De là, un premier EP de quatre titres intitulé Laser Dracul sortait sous le label Van Records. Quatre ans plus tard, soit le 25 septembre 2020, le label Majestic Mountain reprend la main et offre au groupe de produire leur premier album complet. Une galette sinistre de six pistes du doux nom d’Hagridden.
Ensemble, les gars proposent un mélange de lourd doom et d’un stoner dark et heavy. Michael Brander, armé d’une basse tantôt bourdonnante tantôt rugissante, déploie un chant monocorde et litanique, évoquant par moment celui de Candlemass. De son côté, Henrik Östensson habille les morceaux de ses motifs lents et traînants tandis qu’à la guitare, Lars Bergfäl fait hocher les têtes à des fréquences rien de moins bas, « Now you see » en étant l’exemple le plus probant.
Dans l’ensemble, Lasert Dracul ne réinvente pas un style. C’est lancinant, incantatoire, puissant et sans conteste très bien réalisé, mais sans rien apporter de plus que les voisins de palier. Parfait donc pour les fans du genre qui n’hésiteront pas à retourner se servir après la première écoute, se délectant des clins d’œil (bien qu’éculés) à Black Sabbath ou encore Pentagram. Un style empreint d’une estampe vintage, transpirant la superstition et qui si on lui laisse le temps d’évoluer promet d’offrir les éléments que son jeune âge dissimule encore.
Comme le souligne très justement leur biographie, voir émerger du bon stoner rock du pays probablement le moins désertique du monde, la Norvège, ne semble pas a priori le phénomène le plus probable, au milieu de la quantité de sorties vinyliques qui s’enchaînent chaque mois. Le jeune quatuor norvégien balance pourtant un premier album surprenant à plus d’un titre, dans le bon sens du terme.
L’aspect le plus immédiatement séduisant dans la musique de Slomosa est son son de guitare en particulier : ce fuzz croustillant, tellement emblématique des meilleures productions du début du siècle notamment, émoustillera immédiatement le fan de stoner pur jus. Ce doux mélange de sonorités rencontrées ici ou là chez des groupes comme Lowrider, Truckfighters ou 1000Mods par exemple, et évidemment jamais trop loin du Kyuss matriciel, est un authentique ravissement auditif pour l’esthète “d’une certaine idée du stoner”.
Autre caractéristique distinctive : ce sens du groove imparable, parfaitement assimilé, développé à l’envi sur toute la galette. A l’écoute des huit plages (pour 37 trop petites minutes), on headbangue, certes, mais on chaloupe aussi pas mal, de manière inconsciente beaucoup, et irrésistible surtout. Jetez une oreille sur les dévastateurs « There is Nothing New Under the Sun » ou « Just to Be » pour une indécente portion de groove fuzzé. Mélodies et riffs s’entremêlent sur chaque compo pour une réussite globale qui force le respect, en particulier pour un groupe formé il y a moins de trois ans. De fait, chaque compo développe sa propre identité, comme un éventail des capacités de Slomosa à embrasser plusieurs genres musicaux, sans jamais apparaître décalé ou hors propos : ils peuvent passer d’un stoner très classique (« Horses » et son riff ultra catchy, « Scavengers » et ses réminiscences Elder, ou encore « On and Beyond »…) à des titres plus nerveux (« Kevin » qui rappelle le côté punk rock des premiers Fu Manchu), en passant par des titres plus rock (« In my Mind’s Desert » et sa nonchalance emblématique des premiers QOTSA). On ne s’ennuie pas une seule minute, et on a bien du mal à lâcher ce disque.
On peut le tourner dans tous les sens, analyser chaque chanson ou chaque riff, mais au final, la qualité de cette galette s’impose d’elle-même. Dans le genre finalement assez étroit de « l’authentique» stoner rock, il est probable qu’en fin d’année on compte les bons albums sur les doigts de la main du Baron Empain… et on peut déjà probablement affirmer que Slomosa sera de ceux-là. Mettez-moi ce groupe dans un van pour venir faire vrombir les amplis hors de scandinavie !
Il y a peu j’ai entendu quelqu’un dire “Le stoner, c’est le blues du metal.” Je ne sais pas si la phrase fera date mais ce qui est certain c’est qu’il y a tout de même des cas où cela se vérifie. The Electric Mud tape en plein dans cette définition avec son second album, Burn The Ships malgré un titre qui passerait pour un hommage à Orange Goblin. Le quartette fait résonner les accents du blues depuis la Floride rien qu’avec son nom, rappel de l’album blues psyché de Muddy Waters daté de 1968. Avant même l’album on sait qu’on tient là quatre esthètes qui vont défendre les couleurs du blues.
Bien entendu tout n’est pas blues dans cet album sinon il n’aurait rien à faire dans nos pages, “The First Murder On Mars” ouvre l’album pleine balle et enchaine avec “Stone Hand”, morceau dans la pure tradition stoner, le titre ne ment pas. The Electric Mud sait travailler en agressivité et les grattes ne délaissent pas la saturation mais même si le groove chaleureux de la voix plonge l’auditeur dans une salle de pub fleurant la bière et le tabac, bien souvent les boucles lancinantes ne crachent pas sur leurs origines blues (“Good Monster”, sonnant comme si Popa Chubby s’était assagi). Les origines finissent par ne plus se cacher, l’album aboutissant sur un “Terrestrial Bird” qui n’a plus rien de stoner et offre à l’auditeur un pur moment d’extase blues. Il faut dire que c’est de là que vient The Electrical Mud quand on écoute leur précédent opus “Bull Gator”. Alors quoi ? S’agirait-il d’un accident qui nous a poussé la présente rondelle sur la seule base de sa production chez Small Stone Records et la faute à quelques titres assimilables à la famille du desert rock? Pas si sûr…
Il ne faut pas beaucoup d’efforts pour se raccrocher à “Reptile” et son chant proche de celui Neil Fallon pas tant sur la tessiture de voix que sur la qualité rythmique d’ailleurs. Le sel de l’album résidant indéniablement dans “Priestess” et son intro catchy à souhait. Les riffs coulent avec malice sur une batterie qui promet son heure de gloire. Une basse qui roule généreusement, une rondeur où une fois faite la jonction avec les guitares, prend naissance à nouveau un blues rock aux accents fermement metal. Le tout est très beau et enthousiasmant, le dernier tiers de la piste est un creuset où se fondent les instruments et les genres.
Rebelote sur “LedBelly” (encore une référence au blues?), The Electric Mud fait le hold-up, la compo astucieuse mine de rien assure l’avènement de la batterie avec un solo de près de 3’30 minutes où l’on assiste à la métamorphose du batteur en poulpe. Les camarades aux cordes servent la soupe au batteur avec l’intro et ne reprennent la main que pour la conclusion, cachant habilement une piste totalement dévolue au solo de percussions.
Dans cet album rien n’est ni trop paisible ni trop violent. Les floridiens jouent entre deux eaux sans faux pas. La galette navigue sans cesse entre blues rock et stoner pur sucre. Il semble peu probable au final que cette nouvelle signature de Small Stone Records ne soit que le fruit du hasard. Burn The Ships file malheureusement à une vitesse incroyable, c’est une grosse frustration quand l’album s’arrête abruptement à la fin de “Terrestrial Bird”. Moins de 45 minutes c’était trop peu pour être vraiment satisfait, on espère rapidement une autre production toujours aussi aguicheuse.
On avait bien kiffé jusqu’ici les productions du trio californien Mountain Tamer. Ils ont changé de crèmerie depuis Godfortune // Dark Matters (passés chez les italiens de Heavy Psych Sounds), mais n’ont pas changé d’inspiration musicale ! Impossibles à faire rentrer dans une case, aussi large soit-elle, les américains continuent sur ce bien nommé Psychosis Ritual leurs pérégrinations psychédéliques énervées et barrées.
On plonge en effet dans ce disque comme on saute dans le vide sans voir ce qui se trouve au fond. Les premières minutes avec le morceau-titre nous accompagnent sur des terrains plutôt confortables et prévisibles, sur des plans psych chargés en réverb et pédales wah-wah, où survolent ici ou là les lignes vocales de Andrew Hall. Montées en tension et séquences plus planantes s’enchaînent de manière efficace. Le psych de ces messieurs est mature, clairement – on pourrait kiffer jusqu’à la fin de la rondelle qu’on s’en plaindrait pas. Sauf qu’on se fait cueillir par le riff bien gras et énervé de “Warlock” et sa succession de plans doom hybridés avec des séquences psyche presque hypnotiques… Un peu plus loin c’est “Scortched Earth” qui nous fait grincer des dents de plaisir (!) avec ce gros riff nous rappelant un bon vieux Melvins à la sauce heavy stoner. Bref, on est en équilibre précaire tout du long, ne sachant jamais vraiment à quoi s’attendre…
Psychosis Ritual est encore une fois un bel exercice de psych rock original, qui à la fois maîtrise les codes à la perfection (superbe “Chained” et ses touches orientales) et en même temps se permet d’explorer des contrées musicales complémentaires. On sort de cette grosse demi-heure un peu tourne-boulé : ça défile très vite, et ça part dans tous les sens. L’album est tellement court et manque de repères qu’il est difficile d’y rentrer pleinement dedans en première approche. C’est au prix d’un peu d’abnégation qu’on parvient à cerner son potentiel et l’apprécier à sa juste valeur. Reste qu’on aurait apprécié une paire de morceau supplémentaires, sept morceaux, ça fait un peu léger.
Image surexposée et mise au point douteuse, fripes d’un autre âge, cinq chevelus à moustaches le regard dans le vague et à l’attitude faussement décontractée, voilà ce qu’on a entre les mains quand on découvre le premier album du groupe Texan White Dog. Donc on peut s’attendre à un parangon de psychédélisme dès que l’on aura foutu la plaque sur la platine vinyle (Car oui, si on acquiert un tel objet, il faut faire fi du CD). Selon sa propre légende le quintette aurait été cryogénisé dans le courant de l’année 77 dans les souterrains d’une installation secrète et réanimé à notre époque. On se demande d’ailleurs pourquoi les avoir décongelés…ah bah, si, pour sortir leur album, White Dog.
Avec ce premier album on assiste à la résurrection des vibrations de la fin sixties et du courant des seventies. Dès les premières notes le groupe nous plonge dans un univers à l’image de la pochette du disque. Les morceaux sont des patchworks de ce que ces années ont produit de meilleur. Les gars baladent l’auditeur le long des routes du rock progressif, s’égarent aux confins du psychédélisme et réveillent parfois les origines du métal ou effleurent encore la charnière jazz avec un swing bien balancé façon Tequila comme sur “Sawtooth” ou “Snapdragon”.
Aucun des morceaux n’échappe au rappel de références conscientes ou inconscientes toujours old school. C’est d’ailleurs ce qui fait probablement que les titres seraient de parfaits supports pour des films, “The Lantern” aurait pu être la bande son d’un Robert Altman ou “Pale Horse” d’un Quentin Tarantino.
Sans que le mix de cette pièce soit exceptionnel, sans qu’elle ne s’inscrive au panthéon des défricheurs de style, il faut admettre que White Dog arrive à implanter ses mélodies efficacement dans le crâne, le thème de “Black Powder” ou encore les crochets aguicheurs de “Crystal Panther” s’installent mine de rien et quelques jours après ils sont encore là au détour d’une pensée ou sur le chemin d’une rêverie quelconque.
White Dog n’a sans doute pas grande prétention si ce n’est celle de nous replonger dans ce que le rock psychédélique a fait de meilleur. Le quintette puise son inspiration d’une référence à l’autre pour construire un album équilibré et à la cool que je ne saurais que trop vous conseiller de découvrir malgré une sortie très confidentielle.
Plusieurs choses nous ont amené à nous pencher plus attentivement sur ce disque. D’abord, c’est un duo, ce qui n’est pas une garantie de qualité en tant que tel, mais toujours un concept intéressant, surtout quand on aime le gros son. Ensuite, c’est produit par Mike Dean, le bassiste de Corrosion of Conformity. Enfin, on retrouve au chant Brenna Leath, que l’on avait admiré dans la même fonction au sein de Ligtning Born, très intéressant groupe de Caroline du Nord, dont le bassiste est… Mike Dean ! Pas net tout ça, mais ça pique la curiosité… Surtout que la susmentionnée vocaliste assure aussi la basse en plus du chant, tandis que son collègue Tradd Yancey y est batteur.
Un configuration intéressante donc, pour le moins : pas de guitare… Dans les faits, il y en a parfois sur l’enregistrement (de même, le duo se fait épauler d’un gratteux sur ses presta en live) mais la basse y est vraiment prépondérante, et la plupart du temps seule, c’est un fait. Attention, on parle d’une basse “Lemmy-esque”, pas d’une simple basse rythmique qui gronde en fond sonore : tous les riffs les plus structurants du disque sortent de ces quatre cordes délicieusement saturées, à travers un ampli bien gras. Et des riffs, il y en a, et pas qu’un peu : du riff doomy (“Tigerlilly”, “Chronic Sick”), du punchy (“Molt”, “Cunhell”, “The Call”), du mid-tempo vicieux (“Gutter”, “Trapped”)… Vous l’aurez compris, derrière ces riffs (de basse) se cachent des morceaux tout aussi variés : Crystal Spiders n’hésite pas à se frotter à plusieurs versants de la montagne stoner, du gros doom old school au punk garage en passant par diverses vagues plutôt retro issues des différentes filiations en provenance du Black Sab séminal. Conséquence : on ne s’ennuie pas au fil de ces 9 morceaux, tout aussi variés que complémentaires.
Le petit facteur “catchy”, le bonus qui rend ce disque atypique et attachant tient beaucoup à la personnalité et au talent (ayé, le mot est jeté) de Leath, sa vocaliste. Comme dit plus haut, déjà, on découvre ici ses talents d’écriture et de véritable riff-mistress. Mais surtout, ses lignes de chant sont remarquables, au sens propre : elle éclabousse la plaque de sa classe, son timbre et son coffre puissant sont pour beaucoup dans la musique de Crystal Spiders. On connaît des chanteuses qui ont plus de succès avec la moitié de son talent…
Loin du groupe-gimmick “duo”, Crystal Spiders propose donc un très recommandable premier disque, efficace et mature, bien fourni en riffs. Il s’écoute en boucle sans jamais s’ennuyer, emporté par la voix chaude et puissante de Brenna Leath, une vocaliste à surveiller tant ses dernières productions ressemblent au sans-faute.
Les frères Keg sont de légendaires guerriers, prenant possession d’homme pour accomplir leurs exploits. Leur légende, aussi épique que fantasmée, reste cependant aujourd’hui oubliée de nos mémoires… transportés dans le corps de trois musicien anglais, les trois frères créent le groupe The Brothers Keg et viennent combler cet oubli de l’histoire avec un premier album, sobrement intitulé Folklore, Myths And Legends of the Brothers Keg.
L’artwork de Folklore,Myths And Legends of the Brothers Keg nous fait rentrer instantanément dans l’univers du groupe avec une imagerie mêlant science fiction et fantasy auquel vient s’ajouter une couche mystique, horrifique, rappelant en autre l’œuvre d’HP Lovecraft. The Brothers Keg assume d’ailleurs complètement cette orientation, expliquant en interview vouloir faire un album qui pourrait servir de bande son à des univers se rapprochant de Flash Gordon ou de La Guerre des Mondes. On sent de l’ambition derrière ce premier album notamment avec le clip des titres “Moorsmen” puis “No Erthly Form” qui, même s’ils restent relativement classiques, laisse présager que le groupe ne s’est pas trompé.
On retrouve dès l’ouverture de l’album “Moorsmen” avec son chant crié et son habile mélange de cavalcades heavy/doom et de riffs plus écrasants, arrivants en cassure au milieu du titre. On est directement plongé dans l’univers sombre de nos trois guerriers avant que “No Earthly Form” nous fasse basculer vers un doom psychédélique amenant un côté plus occulte. Folklore, Myths And Legends of the Brothers Keg sait aussi se faire plus violent avec les riffs acérés de “Castle Keg” donnant des visions de remparts embrumés pris d’assaut par des armées délirantes vouées à mourir sous la colère du chant du guitariste Tom Hobson. Ce chant crié, présent sur une bonne partie de l’album, apporte une épaisseur supplémentaire au propos du groupe mais s’adapte intelligemment aux changements de ton de l’album en se faisant plus aérien sur “Brahman” ou en devenant carrément fantomatique et inquiétant sur “No Earthly Form”. Folklore, Myths And Legends of the Brothers Keg va puiser dans diverses atmosphères heavy pour nous proposer un album puissant dans tous les secteurs, allant chopper les ambiances des morceaux les plus épais de King Buffalo jusqu’à se rapprocher d’un Domkraft sur le titre “Castle Keg”. Il faut mettre d’ailleurs en avant la qualité technique du trio, qui ne fait jamais dans la démonstration mais qui au contraire est en quête d’efficacité et de riffs à boucler à volonté. S’il y a deux relations à noter ce serait toutefois celles avec Elephant Tree et Spaceslug que l’on retrouve sur les morceaux orientés psych-doom comme “Introducing The Brother Keg”, la dernière partie de “No Earthly Form” ou encore sur le pachydermique “Brahman” et ses 13 minutes de pure lourdeur planante qui nous envoient valsés dans le cosmos.
Il n’y a pas grand chose à rapprocher à ce premier album des anglais à part peut être l’absence d’un ou deux morceaux plus agressifs qui auraient finis de nous rendre fou (surtout après écoute de leur démo, reprenant le nom de l’album, où on découvre une version plus crasseuse du groupe). Au final, on se retrouve face à un album solide, propageant immédiatement son energie et son monde chez l’auditeur. The Brother Keg apporte aussi un soin dans l’introduction de ses morceaux avec des passages plus ambiants et des interludes nous rappelant cette idée que l’on nous conte une légende, chaque accalmie faisant office d’ouverture à un nouveau chapitre. On vous conseille naturellement de jeter vos oreilles sur Folklore, Myths And Legends of the Brothers Keg mais attention… il n’est pas dit que ce ne soit pas l’album qui vous envoute pour vous engloutir dans son monde.
Dans sa série “Redux”, qui consiste à proposer des relectures d’albums cultes en mode “tribute” (traitement déjà appliqué à The Wall, Electric Ladyland, Meantime...), Magnetic Eye sort ici un album de reprises de Dirt, le classique de Alice In Chains. Second album du quatuor de Seattle, Dirt est sorti en 1992, dans l’aspiration du Nevermind de Nirvana et du déluge grunge qui fut si structurant pour le paysage musical US des années suivantes. Se retrouvant bombardé de fait dans le top 5 des groupes de grunge, Alice in Chains n’a depuis jamais dépassé en notoriété son statut de cette époque, largement incarnée par leur chanteur Layne Staley, interprète génial mais drug addict notoire, mort d’overdose de speedball 10 ans après la sortie de Dirt. Avec le recul, cette vague grunge aura influencé bon nombre de groupes de stoner essentiellement américains, et l’opportunité d’un tribute, à la réflexion, ne semble pas si saugrenue.
Les compos étant évidemment connues de tous (les 13 chansons de l’album sont toutes jouées, dans l’ordre), le principal intérêt repose donc sur le casting. N’étant jamais si bien servi que par soi-même, le label met largement à l’honneur les combos de son propre roster, normal : Low Flying Hawks, These Beasts, Black Electric, High Priest (à ne pas confondre avec High Priestess, oui je sais, c’est relou…), puis va faire sa pêche dans les rangs de formations en provenance d’autres horizons – tous américains (sauf un) néanmoins, hein, on déconne pas avec le patriotisme quand même.
On ne se mouillera pas trop en annonçant qu’il y a sur ce disque à boire et à manger. Au delà du lieu commun, les écoutes voient quand même se dessiner progressivement plusieurs tendances, dans les approches musicales proposées, l’interprétation, l’implication… Se distinguent aussi les prises de risque, à l’image de l’audacieuse relecture de “Dam that River” par Low Flying Hawks, lancinante plage étirant l’original en longueur – surprenant mais peu enthousiasmant – ou encore The Otolith (nouveau groupe formé de 4 membres sur 5 de Subrosa) qui sans surprise transforme “Would ?” en complainte chargée en violons et arrangements pompeux, option vocaux éthérés… Bof. Plus généralement, les “bons élèves” un peu appliqués et sans fantaisie ne sortent que rarement gagnants d’un tribute. C’est le cas de Forming the Void ici, ou pire, de Khemmis, qui se prend les pieds dans le tapis avec une reprise mièvre, insipide et peu inspirée de “Down in a Hole” – il faut dire que voir figurer le groupe de doom / heavy rock old school au casting nous avait fait froncer les sourcils. Il s’avère que la greffe – sans doute forcée – n’a pas pris. On passera sur la blague de la reprise de “Iron Gland”, instrumental approximatif de 43 secondes déjà sur l’original, qui incombe ici aux méconnus Black Electric (le groupe du fondateur du label, dont l’ego est sans doute plus facile à gérer…).
On trouve comme souvent une série d’interprétations plutôt bourrins, tendance “stoner metal” comme disent les ricains, voire bien sludge. Sans dénigrer l’approche, ici la réussite est moyenne : Thou fait du Thou, en blindant les vocaux d’harmonies avec les hurlements déchirants de Bryan Funck… Rigolo mais pas passionnant après une dizaine d’écoutes de leur “Them Bones”. (16) ne transforme pas non plus l’essai avec un “Hate to Feel” un peu poussif, comme Vokonis qui ne parvient pas à transcender “Angry Chair”. Mais les vraies réussites sont nombreuses à mettre en regard. “Rooster” par Howling Giant applique quelques arrangements de guitare et basse qui apportent un vrai plus. Somnuri incarne bien aussi le morceau titre de l’album. Quant à High Priest, leur “Rain when I Die”, pourtant plutôt fidèle, bien arrangée (avec notamment des plans de gratte un peu exubérants “à l’américaine”) et transpirant la passion, est l’une des meilleures reprises du disque. C’est aussi le cas de l’interprétation de “God Smack” par Backwoods Payback, bien emmenée par un son de gratte brutal au son remarquablement fat, une batterie de mule et des aménagements en rythmique bienvenus.
Concernant le principe même d’un tribute album, on renverra chacun vers ses critères qualitatifs personnels : on a tous une approche différente des albums de reprise. Certains évaluent la capacité à écouter l’album en boucle au même titre que l’original, d’autres chercheront les interprétations les plus décalées, d’autres au contraire privilégieront les hommages plus fidèles et appliqués… Globalement, ce Dirt [redux] propose de bonnes choses sur l’ensemble de ces critères. C’est un très bon point, car assez rare finalement dans cet exercice. Phénomène induit naturellement, il est aussi imparfait, car contenant son lot de morceaux moyens, peu inspirés et/ou peu inspirants. Mais fondamentalement, sa variété et quelques morceaux de très bon niveau font qu’on le réécoute plusieurs fois avec un réel intérêt. Reconnaissons que c’est rarement le cas des tribute albums, ce qui de fait place ce Dirt [Redux] dans la liste des bons exemples.
Il y a 5 ans le premier album des discrets Kind nous avait pris par surprise, avant de… ben rien. Rien ne s’est passé pour ce groupe dans l’intervalle, une poignée de concerts locaux, mais pas grand chose à se mettre sous la dent côté actu. C’est sans doute l’un des principaux inconvénients des (pseudo) super-groupes : les musiciens restent principalement attachés à leur groupe principal, et le projet commun passe en seconde priorité – peut-être une des causes de la faible activité du quatuor. Pour rappel, le groupe est composé de membres (anciens ou actuels) de Sasquatch, Black Pyramid, Milligram, Elder, Roadsaw, etc… Côté riffs et fuzz à la ‘ricaine, ça s’y connaît un peu.
Musicalement, Kind propose une sorte de stoner en mode heavy rock plombé, où se côtoient des plans doom et psyché. Une musique très hybridée, donc, où les années d’expérience de ces baroudeurs du rock gras bostonien font valoir leurs compétences en termes d’efficacité. La voix de Craig Riggs, mélodique, puissante et/ou même suave (!), colle parfaitement aux compos jamais monolithiques de Kind. La section rythmique s’avère pertinente dans tous les contextes : nerveuse et acérée sur des titres comme “Fast Number Two” ou “It’s your Head”, elle devient plus discrète en support de titres plus mélodiques comme “Mental Nudge”. Quant la guitare, Darryl Sheppard, discret mais besogneux artisan ayant œuvré derrière tout ce qui s’est fait de plus heavy dans le Nord-Est des USA (Black Pyramid, Roadsaw, The Scimitar, Milligram, Black Wolf Goat, Hackman, Test Meat…), il trouve ici encore une occasion de mettre au service du groupe l’étendue de son talent. Plus d’une fois on se demande si le gonze n’est pas accompagné d’un pote, tant il assure à la fois en rythmique et en leads – les soli trouvant plus d’une bonne fois une place de choix dans ces compos. Ses riffs impeccables sont pour beaucoup dans l’efficacité des chansons de ce Mental Nudge.
Puisqu’on parle des compos, on en trouve 7 pour occuper ces 45 minutes de musique, et on vous avoue que ça laisse quand même un petit goût de trop peu : elles sont si variées qu’on en aurait apprécié une ou deux supplémentaires pour faire émerger une plus franche ligne directrice au disque. D’un autre côté, s’il y avait eu des titres de remplissage, on se serait plaint… jamais contents ! On appréciera donc les plages proposées, en particulier le mélodique tout autant que puissant “Helms”, le nerveux “Fast Number Two” ou encore le bien heavy “It’s your Head”, emmené par un riff à décorner des bœufs. On notera aussi les incursions presque psych développées sur le morceau-titre, ou encore le doom absolu de “Trigger Happy” en clôture, qui déroule dans une lenteur quasi-hypnotique son refrain absolument entêtant sur plus de huit minutes.
Même s’il n’a aucune clé pour révolutionner un genre musical ni faire exploser le panorama musical de la décennie, Kind propose avec son second disque, encore une fois, une production qui n’est pas que honnête et intègre, mais un vrai disque intelligent et intéressant, parfaitement exécuté par une poignée de musiciens impliqués et talentueux. Un vrai bel effort, qu’il convient d’encourager comme mérité.
Il n’est pas courant que l’on se fende de quelques mots pour un EP en autoprod’, soyons honnêtes, mais il y a des fois où on tombe sur de petites perles et dans ces cas-là on a envie de le faire savoir. C’est le cas avec le présent album, Another Land de Stoned Harpies. Le groupe est Français, de Nantes plus précisément. Composé de quatre camarades venus d’horizons musicaux différents ils prétendent saisir le créneau de ce qu’ils appellent le Heavy Hypnotic Bluzz. Ne serait -ce pas un peu présomptueux des vouloir s’arroger un genre à soi tout seul? probablement mais qu’importe, il faut savoir être audacieux pour porter sa musique.
Derrière la pochette mélancolique et routière il y a quelque chose dans l’air du temps en France du point de vue des mélodies. “They Want Me To Meet You Up On The Shore” rappelle au bon souvenir des Stone From The Sky et consort. Le chant quant à lui ramène aux Dust Lovers sur “I Only Listen” ou Wizard Must Die sur “The Floater”. Probablement qu’il y a là dessous quelques concours de circonstances qui ne doivent rien au hasard, la faute à Christophe Hogommat et au studio Recording Service? Quoi qu’il en soit voilà une production soignée de plus pour ce dernier qui sert avec brio la musique des Stoned Harpies.
Dommage qu’il ne s’agisse que d’un EP car les Stoned Harpies mettent sur la table une plaque pleine de cœur et d’esprit. Ils font voyager l’auditeur sur un vaisseau aérien et apportent ce qu’il faut de lourdeur pour ancrer les mélodies dans l’encéphale. Le très rock “I Only Listen” flirte avec les accents d’une pop façon Black Keys, avec ce qu’il faut de sex appeal pour garantir l’engouement de l’auditeur et on vous laisse savourer “Dead Seagulls” en lien ci-dessous”. ….But I Rather Get Lost At Seas” voyage sur une mer calme et bluesy le titre fait retomber la pression et offre une belle conclusion à ce voyage vers Another Land.
Voilà une occasion de se caler la dent creuse ou le conduit auditif avec la promesse d’albums plus dense. Another Land à beau n’être qu’un demi album ce n’est pas une demi œuvre. Beau boulot Stoned Harpies, revenez nous vite avec un long format, tracez nous une route de plus vers d’autres contrées.
Formé par un collectif d’Autrichiens de Vienne et de Linz, Triptonus voit le jour au printemps 2012 pour nous abreuver de sa magie si singulière. L’histoire de ce groupe, comme les artworks sublimes d’Anderi Puica nous le suggèrent, c’est avant tout l’histoire d’un druide.
Au commencement, Sprout (2013), sa naissance et ses premières interactions avec le monde qui l’entoure. Lui qui vient d’une graine enfuie sous terre, derrière de multiples couches de savoir perdu, va chercher la branche la plus proche à laquelle s’accrocher et la transformer en une canne qui l’accompagnera durant son voyage. Le deuxième chapitre s’intitule Triptonus (2015) narre l’exploration par le druide d’un monde erratique, un monde en perpétuelle déconstruction. Témoin de tous ces phénomènes qui l’entourent, son esprit en proie à la folie, le druide juge alors que pour exister en paix, il lui faut embrasser le chaos du monde et vivre avec du mieux qu’il peut. Finalement, c’est en 2020 qu’il nous ait permis d’écouter le troisième volet de cette trilogie, Soundless Voice. On y découvre le moment sacré où le druide plante le « Varicellian Tree », un arbre curieux, dépourvu de feuilles ou de fleurs, et qui libère à maturité la myriade de sonorité accumulée en son sein depuis le début de son existence. Ceci afin de refaçonner le monde au travers d’un patron ouvrant le ciel sur de lointaines nébuleuses, d’oiseaux de lumière et d’équilibre cosmique.
Comme quoi, on peut ne point disposer d’un chanteur, mais quand même avoir pléthores de choses à raconter. Cela pourrait d’ailleurs cristalliser toute l’essence de Triptonus. Ce groupe composé de six membres insuffle une telle sensibilité et une telle profondeur à sa musique, que les lyrics nous apparaissent directement dans le cœur. Bon, ne vous y méprenez pas, il existe aussi un paquet de gros riffs bien musclés et de séquences à se démonter la nuque, mais toujours contrebalancés de délicats phrasés oniriques et surtout de poésie. On découvre là un savant mélange d’influences sonore, allant du jam session d’Earthless, aux lourds riffs de Karma to Burn, le tout structuré de manière très progressive et toujours teinté d’une estampe tribale indéniable.
En effet, en plus de l’immuable ossature guitares, basse, batterie, mise ici au service d’une sacrosainte l’instrumentalité, on compte aussi (en la personne de Max Mayer et de Wanja Bergmann) djembés, didgeridoos et autres Wavedrums, ces derniers y étant pour beaucoup dans l’ambiance mystique du collectif. Et tant sur scène qu’en studio, le tremplin vers leur univers est assuré.
La participation du public a d’ailleurs été mise à profil davantage que durant les Lives, car le troisième opus de cette saga psychédélique a vu le jour grâce à un financement participatif, via la plateforme WeMakeIt. Une opération amorcée en décembre dernier qui a rapidement porté ses fruits, puisqu’à la fin du printemps, les premières précommandes s’envolaient déjà pour toute l’Europe.
En conclusion, je ne saurai conseiller davantage l’écoute de ces trois pièces, Sprout, Triptonus et Soundless Voice, idéalement dans l’ordre, qui à mon goût représentent tant un trésor mésestimé du stoner qu’une perle musicale ayant largement sa place au firmament des productions psychédéliques de ces dernières années.
Le monde tel que nous le connaissons a débuté il y a un peu plus de 438 000 heures, lorsque, le vendredi 13 février 1970, un orage et des bruits de cloches ont changé la musique pour toujours. Black Sabbath, père de toutes choses, publie alors son premier long, bouleversant la musique populaire en créant sa frange la plus bruyante. C’est au film d’épouvante italien, “I Tre Volti Della Paura”, réalisé par Mario Bava en 1963 que le nom du groupe fait référence. Si le titre du film bénéficie d’une traduction littérale en France (“Les Trois Visages de la Peur”), pour sa sortie anglo-saxonne, il porte l’intriguant nom de Black Sabbath. Las des musiques classiques ou jazzys pour illustrer leurs moments d’angoisse sur pellicule, Tony Iommi, Bill Ward, Geezer Butler et Ozzy Osbourne décident de composer une musique qui collerait parfaitement aux lugubres ambiances de ces métrages. Quelque chose qui rappellerait également le ciel lourd de Birmingham, ville ouvrière qui les a vu naître et grandir. Mais c’est aussi et surtout un accident de presse, qui couta quelques phalanges à Iommi, qui est à l’origine du son du groupe. Privé de bouts du majeur et de l’auriculaire de sa main droite, Iommi désaccorde sa guitare afin de moins souffrir à chaque accord.
De cette envie, de cette ambiance et de cette contrainte va donc naître le heavy metal. Un Sabbath noir sur poudre blanche, la cocaïne et les choix de managements contestables ont amené Black Sabbath au sommet puis dans les bas fonds, le groupe ayant, depuis l’orée des années 2000, retrouvé sa place sur le trône du heavy metal.
50 ans plus tard il n’y a pas un groupe amplifié qui n’ait pas truandé un riff du maître Iommi, et le label Magnetic Eye Records – le label qui a ferré Elephant Tree – fait sa messe noire, publiant deux tributes pour le prix d’un (à paraître dans quelques semaines, on vous en reparlera) ainsi que l’album de Zakk Sabbath, tribute band all star de Zakk Wylde (en trio avec Blasko et Joey Castillo), reprenant ici la version US de l’album Black Sabbath en imitant la façon de chanter d’Ozzy. L’album s’appelle Vertigo, comme le mythique label. On retrouve d’ailleurs le logo en arrière plan sur la pochette, ainsi qu’une figure fantomatique dans le cimetière. Louisa serait-elle de retour ?
Quel intérêt allez vous me demander ? Honnêtement je n’en sais rien. Je cherche toujours.
Point vinyle :
L’enregistrement de cet album hommage s’est fait en une journée, comme Sabbath en son temps. Une session documentée pour le DVD est proposée dans la version Deluxe et c’est à mon sens le seul potentiel intérêt d’une telle démarche.