Dead Lord – Surrender

En général, quand le nouvel album d’un groupe qu’on apprécie sort, on a peur d’une seule chose: la déception. En effet, rien de pire que d’attendre fébrilement pendant des semaines la nouveauté d’un groupe que l’on suit depuis des années et de se retrouver avec un album qui nous fera dire: “eux, c’est terminé, plus jamais!”… avant de se raviser souvent après plusieurs écoutes parce que, même si on est déçu sur le moment, un coup de coeur d’il y a quelques années reste ancré dans notre subconscient et on aime y revenir. Un peu comme un premier amour qui ne s’efface jamais…

Du coup, quoi de mieux pour ne pas décevoir son auditoire que la stabilité musicale. Continuer inlassablement à composer une musique qui rassurera les fans, qui leur assurera une continuité dans la discographie et qui, si elle se refusera à ceux qui n’ont pas accroché aux précédents albums, prendra soin de la frange de fans de la première heure. Dead Lord est de ceux-là. Depuis 2012, nos amis suédois sont restés bloqués dans les années 70, période bénie des dieux et source intarissable d’influences pour nos contemporains. Du “classic rock”, comme on dit entre nous, un “truc de vieux” selon les détracteurs. A ceux-là, je ne conseille pas d’écouter la nouvelle offrande de la bande d’Hakim Krim, à moins d’avoir besoin de viande fraîche à descendre sur les réseaux sociaux.

Car oui, ceux qui n’aimaient pas Dead Lord avant Surrender n’aimeront toujours pas Dead Lord. Mélodies ciselées aux petits oignons, relents de seventies fortement prononcés et dégaines de hippies des musiciens achèveront les plus réfractaires. Mais pour ceux qui aiment le genre (et qui ont aimé les albums précédents), Surrender sera un bonheur de chaque seconde avec un jeu de guitare toujours aussi démentiel du sieur Krim (je vous conseille d’ailleurs d’assister à l’un de leurs shows, le frontman est tout simplement bluffant) et des compositions rappelant les grandes heures de Thin Lizzy, dont Dead Lord a si souvent été comparé.

Le “classic rock” vous laisse de marbre? Passez votre chemin… Vous avez aimé Heads Held High et In Ignorance we Trust ? Alors vous allez adorer Surrender… L’équation est assez simple et il n’y a pas de juste milieu… A vous de choisir votre camp…

Black Elephant – Seven swords

On avait laissé Black Elephant en 2018 sur un Cosmic blues franchement excitant pour qui aimait le stoner infusé au rock psychédélique, au heavy rock et, comme son nom le suggérait, au blues cosmique. Les italiens dégainent aujourd’hui leur nouvel opus intitulé Seven swords. Avec un tel patronyme qui fleure bon les films de samouraïs, les yakuzas et le thé au jasmin, on imagine aisément nos amis transalpins revisiter la bande originale du Kill Bill de Tarantino.

Pourtant, dès les premières notes de « Berta’s flame », c’est du côté de Savona, fief du groupe, qu’on est transporté grâce au chant (en italien) d’une violente douceur d’Alessio Caravelli surmontant une guitare délicatement puissante d’un Max Satana visiblement en état de grâce et en osmose totale avec ses amplis. Le son est ample, aérien et en même temps d’une rugosité telle qu’on imagine aisément ce titre ouvrir les concerts futurs des éléphants noirs (croisons les doigts pour que cela puisse se faire rapidement). Et quel final! Çà commence donc très fort…

La suite? Elle s’intitule « The last march of Yokozuna » (le rang le plus élevé pour un sumo, merci Wiki…) et elle tranche radicalement. C’est lancinant, très pur (et instrumental) et c’est le genre de titre à écouter les yeux fermés en se laissant aller à d’interminables basculements latéraux avec vos voisins de fosse. « Yayoi Kusama » (du nom d’une artiste japonaise avant-gardiste) continue sur la lancée avec, cette fois-ci, un jeu de guitare très funky qui n’est pas sans rappeler les meilleures années des Red Hot Chili Peppers. Difficile de trouver un lien entre les trois premiers titres qui, s’ils s’enchainent assez bien, cassent un peu la cohérence qu’on avait l’habitude de retrouver chez Black Elephant.

« Mihara » (ville voisine d’Hiroshima) continue de nous faire voyager mais on finit par se perdre et ne plus avoir de points de repère avec des titres trop différents les uns des autres. On a l’impression que les italiens ont trop joué au Boggle: ils ont mis tout ce qu’ils ont trouvé bien dans un petit sac et, après avoir remué énergiquement, ont déterminé l’ordre des titres. Ne vous méprenez pas, l’album est excellent dans son ensemble mais ce manque de logique dans l’enchaînement des titres casse un peu le plaisir d’un album qui aurait été encore meilleur avec un autre agencement. Ce n’est qu’un avis personnel…

L’instrumental « Red sun and blues sun », suivi d’un « Seppuku » (l’autre nom du Hara-kiri) très bluesy nous emmène tranquillement vers le titre final de près de 9 minutes, intitulé « Govinda » (un des nombreux noms du dieu Krishna dans la religion hindouiste), qui conclut Seven swords avec un sentiment mitigé: dans son ensemble, Black Elephant nous a pondu une galette enthousiasmante, à la production léchée avec des compositions de grande qualité. Mais comme dit plus haut, l’enchaînement des titres sans queue ni tête peuvent perdre l’auditeur. Mention très bien malgré tout.


Sound of Origin – The All Seeing Eye

Il y a parfois des discours promotionnels qui attirent plus la suspicion que l’appétit, étonnamment. Celui proposé par APF records pour cette galette est de ceux là, qui commence par conseiller l’écoute de l’album « pour les fans de Alice In Chains, Goatsnake, Soundgarden, Led Zeppelin, Black Sabbath ». Ils posent ça là, à nous d’en faire ce qu’on veut… Rajoutez à cela un patronyme de groupe un peu pompeux, selon l’interprétation qui pourra en être faite (« le son de l’origine »), et il y a fort à parier que le commun des mortels aura passé son chemin devant pareille outrecuidance… Tant pis pour eux ! Car – et votre serviteur en est le premier surpris – la description musicale à travers cette coquette liste de groupes n’est pas complètement mensongère (en tous les cas concernant le genre musical pratiqué – car en ce qui concerne la qualité, il faut savoir raison garder pour l’instant, le temps d’apprivoiser un peu la bête pour mieux l’évaluer…). Rajoutez à ça la curiosité naturelle qui nous incite forcément à questionner le bien-être mental d’un jeune groupe issu d’une des régions les plus glauques de la perfide Albion (délimité par le trinome terrible : Leeds, Manchester et Sheffield, trois hauts lieux de la joie de vivre), et on se retrouve avec une galette qu’on a forcément envie de goûter…

Ça commence par un instrumental doom très-très classique, “Not Dead yet”, une bluette légère comme un sac de goudron, construite autour d’un riff que n’aurait pas renié Electric Wizard. La suite (“The All Seeing Eye”) a beau partir sur un gros riff tout aussi lourd, tout ne se dessine finalement pas comme on pourrait imaginer la continuité de la galette, et en particulier du fait du chant de Joel Bulsara qui (d)étonne : on s’attendait à entendre un gros lourd gueulard débarquer au coin du bois, avec force beuglements et quelques growls sous le bras, mais on se retrouve avec un “vrai” chanteur, qui, le reste de la galette en attestera, est à l’aise tout autant en chant clair qu’en hurlements hargneux, le tout sans jamais se départir d’une puissance qui fait l’une des marques de fabrique du groupe. Voir aussi la hargne développée sur “Lockjaw” où le gars enchaîne des couplets où il paraît se découper les cordes vocales aux tessons de verre, avec un refrain où il alterne les cris et un chant clair tout à fait délicat (si si). Un bon choix de casting pour le groupe, dont il a rejoint les rangs il y a moins de deux ans.

Le fil rouge musical est à chercher autour d’un gros doom et sludge metal énervé, assez moderne dans son approche et son son : on retrouve pas mal d’éléments de la filiation doom de la dernière décennie (au delà d’EW, Monolord, Conan, Dopelord…), du sludge, du stoner, le tout baigné par de très prégnantes rasades de High on Fire pour ce talent dans l’agression du riff. Que du fun et du léger – pour lequel le quatuor a choisi Chris Fielding à la production (le bassiste de Conan) et James Plotkin (le bassiste de Khanate) pour le mastering. Deux artisans délicats… Un choix payant au vu du son développé par la galette, pour le moins massif.

Mais au delà de ces quelques éléments caractéristiques disparates, ce disque est une pièce difficile à complètement cerner : en piochant dans un tel spectre musical, avec une combinatoire de lignes vocales tout aussi diversifiées, il est difficile de rentrer dedans. Sa digestion est lente, très lente. Pour tout dire, elle n’est permise que par la curiosité et l’étonnement de l’auditeur, qui, inéluctablement, incitent à écouter le disque encore et encore, pour qu’enfin on en vienne à en détourer la teneur. Et c’est alors, petit à petit, que les meilleurs titres se démarquent : le groovy sludge “Stoned Messiah Blues”, “Dim Carcosa” et son final, “Into the Vile” et ses réminiscences Type O Negative, et le doomy et complexe “Tempest Dunes” qui vient clôturer en 9 minutes cette riche rondelle.

Le disque se révèle donc, finalement, d’une qualité tout à fait remarquable pour un combo actif depuis moins de 4 ans (même si ça correspond à l’équivalent de 28 ans en années Mancuniennes) : carrés, créatifs, le quatuor propose une poignée de superbes compos (et 2 ou 3 plus moyennes, sans être inintéressantes). Gageons en revanche qu’ils auront du mal à trouver facilement un public, tant leur spectre musical et sonore balaye large, et exige a minima une certaine appétence pour les tendances les plus agressives des combos fuzzés. Espérons que ce public de niche saura aller à leur rencontre.

 

Primitive Man – Immersion

Le trio de Denver nous revient avec leur troisième album, fidèles à leur maison Relapse. Caustic avait (im)posé les bases musicales de la troupe de Ethan Lee McCarthy, proposant une telle violence dans le sordide musical, qu’on avait du mal à imaginer sa suite. Ils nous reviennent donc avec ce Immersion très bien nommé, et autant le dire maintenant : musicalement, la révolution n’a pas lieu. En tous les cas, les lois de la physique ne s’appliquent manifestement pas à la musique du trio : l’album est court (35 min – moins de la moitié de son prédécesseur Caustic) mais il est lourd comme un char d’assaut. Pas sûr qu’on aurait pu en digérer plus toutefois, la galette est bien assez dense et riche, et son écoute est déjà bien éprouvante de bout en bout.

Musicalement, le lourd combo développe toujours un sludge lent et lourd, froid et glauque à la fois, avec des gros penchants doom très lents, aux portes du funeral doom – la dimension “occulte” en moins. On retrouve la marque de fabrique des américains, avec une instrumentation massive, étouffante, avec notamment une prépondérance des lignes vocales… mais une rareté de paroles ! Des paroles, ou plutôt des mots et bouts de phrases scandés et growlés, quasiment inintelligibles, où Mc Carthy développe des thèmes plutôt primesautiers (fatalisme, désillusion, spirale négative, dépression, oppression de la société de consommation, etc…). Les vocaux sont un véritable 4ème instrument pour étoffer le spectre sonore étouffant de Primitive Man. Sur des titres comme “Consumption”, Mc Carthy s’emballe parfois derrière son micro sur des embardées moins contrôlées qui le rapprochent du death metal dont le groupe se revendique parfois, même si ce lien n’est pas évident au global. Nos gaillards occupent tout le spectre sonore avec finalement un minimalisme d’instruments, mais avec toujours l’objectif de ne pas laisser le champs à la distraction : impossible d’écouter Immersion en fond sonore, sans s’y dédier totalement. Enfin dans tous les cas, on ne peut pas dire que l’ambiance musicale soit distrayante et se prête à un environnement sonore sympathique et léger…

Niveau compos, là aussi le groupe se concentre sur l’essentiel de ce qu’il sait faire, avec un petit échantillon réduit à l’essentiel : cinq morceaux (plus un court instru) qui déroulent et prennent leur place… et leur temps ! Paradoxalement pour un album aussi court, le groupe ne densifie pas ses titres et ses structures, et prend quand même le temps d’installer des ambiances, de faire tourner des séquences bruitistes sur plusieurs minutes. Bref, ils font ce qu’ils ont à faire, sans contrainte. On retiendra en particulier “The Lifer” en intro, et son riff lentissime et lancinant, qui déroule sur presque 8min, ne construisant ses variations que sur les modulations vocales du massif vocaliste, de discrets leads de guitare dissonants lointains, ou des subtils changements dans la frappe de mule de Joe Linden. Ce dernier apporte tout du long sa touche de relief à l’album, évoluant entre des frappes rares et maîtrisées et des salves de blast beats dévastateurs, comme sur l’excellent “Menacing”.

Faire la synthèse de ce véritable déferlement sensoriel n’est donc pas tâche aisée, et il s’avère un peu vain de le comparer à Caustic par exemple. Immersion est un très bon cru de Primitive Man, même s’il n’est pas parfait (on sent le trio se frotter un peu aux limite de leur démarche musicale, comme sur “Foul” par exemple, dont les 7 minutes s’avèrent un peu trop répétitives). Mais ça ne les empêche pas de lâcher une nouvelle belle série de déflagrations, et, en terme d’efficacité, de proposer encore une belle démonstration, encore plus mature. Du fort bel ouvrage. A déconseiller aux dépressifs.

1968 – Fortuna Havana

 

1968 a poussé cette année une réédition de deux E.P au sein d’une même plaque qui ne prend même pas la peine de s’offrir un nouvel artwork ni un nouveau titre, gardant le Fortuna Havana du second EP de 1997. Ça sent donc la naphtaline  pour 1968 qui avait pourtant eu le talent de sortir un bon Balads of The Godess en 2018. Les gars ont au moins l’originalité de sortir leur production sur le label croate No Profit Recording et on se demande si finalement tout ceci n’était pas fait  juste pour offrir au monde un beau vinyle tout vert. Quoi qu’il en soit-il ne fera aucun mal de revenir sur les débuts du quartette anglais qui ne démérite en rien sa place sur la scène stoner ne serait ce en premier lieu que parce qu’ils avaient laissé les potards de la console d’enregistrement à Chris Fielding de Conan chez Skyhammer Studio.

Les Thèmes guerriers ( “Vorpal”, “War Dogs”) mais pas dénués humour (“HMS Conan”) jouent dans la catégorie des classiques gras de la corde et lourds de la percussion sous l’opercule d’un chant ni trop haut ni trop bas . Le tout est rondement mené si on en juge par la jeunesse du groupe lors des enregistrement. Certes parfois cela montre un peu de faiblesse, exploitant les phrases musicales les plus aguicheuses avec trop de zèle ou portant le chant vers des zones hasardeuses. ( gâchant un peu du coup la blague du titre “HMS Conan”) Cependant 1968 est un train de ligne efficace tracté par une locomotive rythmique réjouissante, chaque morceau tirant sa puissance du moteur basse/batterie .

Fortuna Havana est composé de morceaux aux boucles aguicheuses déclinées sur différents tons et enrichies au fur et à mesure. Pleins de cet aspect “HMS Conan” ou “Vorpal” ne subissent pas d’usure prématurée au fil des auditions, signe de compositions bien ajustées et s’arc-boutant sur les classiques, comme le démontre “War Dogs” qui pioche allègrement dans le répertoire des années 60-70. Le pur stoner nerveux de “Duchess” qui se pose en parangon du style pourrait être l’emblème de l’album. Il va caresser au passage un peu de psych annonciateur de ce que fera 1968 par la suite. Néanmoins il faut attendre “Fortuna Havana” pour en prendre plein les esgourdes et goûter totalement aux atouts de la plaque (et ce avant même que l’ours derrière les fûts n’use de son aguicheuse cowbell annihilant toute tentative d’objectivité de la pat de l’auditeur qui se demande alors s’il n’y en a jamais assez).

Que s’est-il donc passé en ressortant les fringues de papa du placard? Fortuna Havana a eu au moins le mérite de synthétiser les débuts de 1968. Et vu qu’il s’agit d’un album sur les débuts, on ne saurait que trop vous recommander d’aller écouter ce qui s’était fait sur Balads of the godess et pourquoi pas attendre que 1968 daigne sortir un nouvel album fait cette fois de pistes originales.

Bleeding Eyes – Golgotha

 

J’avoue à ma courte honte que je n’étais jamais tombé sur Bleeding Eyes et sans doute y aurais-je trempé une esgourde avant ce jour je l’eus classé parmi ces groupes capables de faire du bon sans marquer cependant mon esprit au fer rouge. Rattrapant mon retard je suis monté dans la tour renfermant les saintes archives de Desert-Rock.com.

Ouvrant de de poussiéreux compendiums (Tel le sulfureux Demonium In Flaux Clunis dorminetum que vous pourrez compulser ici.), j’ai pu constater que ce quintette italien poussait dans la langue de Dante un stoner doom aux accents sludge qui ne demandaient qu’à trouver une voie un peu plus fascinante. Et si je suis allé chercher c’est bien parce qu’il y avait des choses dignes d’interpeller l’auditeur sur cette nouvelle plaque depuis six ans, Golgotha.

Les officiant plongent l’auditeur d’entrée dans leur nouvel univers. Quelque chose de sombre et de froid, un monde peuplé de sons fantomatiques, de plaintes lancinantes et d’horrifiques imprécations. Il aurait pu s’agir de doom mais le fait est qu’une fois passé les quatre premières minutes d’”El Principio” on sombre dans un sludge non pas crasseux mais oppressant et vicieux.

Sabir d’anglais et d’Italien, le chant est tenu par une sorte de moine dément tel le personnage de Salvatore dans Le Nom de la Rose. Cette voix des enfers tranche avec le style sludge, bien souvent enrobé d’une astucieuse distorsion, il se pose avec naturel sur le poisseux des guitares et de la batterie.

Je parlais de Salvatore, le “sauveur”, et il pourrait en être question.  Si Golgotha est déconseillé aux cœurs légers, en revanche pour qui se trouve en peine et cherchant quelque exutoire il se peut qu’il en ressente quelque contentement.

Les morceaux se jouent au bord de l’abîme. Au confluent du Styx et des rivières du métal. Il se mêle au sein de Golgotha hargne et sludge (“In Principio”; “1418”; “Inferno”…) mais aussi puissance du death mélodique, lyrisme du post (“La Chiavi Del Pozzo”) et classicisme de divers genres heavy (“In Principio”; voire prog (solo d’outro de “La Verità”). Le tout est passablement torturé et tourné sans surprise vers une Apocalypse biblique dont le titre de l’album n’est qu’un préambule.

Au bord du Styx nous y sommes mais puisqu’il est question de salvation, passé une bonne première moitié d’album plein de la noirceur du groupe, je ne peux m’empêcher de ressentir la lumière contenue dans “Confesso” et “La Verita” et me dire qu’il y a après tout un salut possible (On a dû fréquenter les mêmes curés au catéchisme, des jésuites de la pire espèce à priori). Ce Salut tout relatif cependant car ne se reniant pas, Bleeding Eyes clôture sur un “Inferno” dévorant de lourdeur et pessimiste à souhait. Notons tout de même le peu de soin porté à l’outro, fait désolant pour un album jusque-là plutôt réussi.

Au final ce qu’il faudra retenir de Golgotha, c’est que loin d’enfoncer le clou du repentir Bleeding Eyes réussi un album entier tout en progression et donc loin d’être monomaniaque du genre. Il fait passer des émotions au travers de sa musique et reussi à entamer le dialogue avec l’auditeur. Prés 50 minutes de réflexion mystique efficaces et sans lourdeur dialectique, c’est bien plus efficace qu’un moralisateur ecclésiastique en chaire.

 

Volcanova – Radical Waves

Tout est surprenant chez Volcanova : leur origine géographique, leur genre musical… et la qualité de leur album ! Contrairement à ce que laisse supposer cette pochette un peu clichée mais sympa, le groupe ne vient pas d’une région richement dotée en plages tropicales ou spots de surf : le trio vient d’Islande, une patrie-île aussi fertile en groupes de stoner qu’en palmiers – c’est tout dire. Formés en 2014 autour du chanteur-guitariste-compositeur Samúel Ásgeirsson, le line up s’est stabilisé ces dernières années, sans toutefois parvenir à s’exporter en concerts au-delà de leur (petite) île, si ce n’est à travers quelques dates écossaises.

La seconde vraie surprise au sujet de ce Radical Waves tient donc au style musical qui soutient cette belle galette (10 pistes pour exactement 45 minutes de musique) : Volcanova est un groupe de stoner ! Un vrai, comme on en voit peu de nouveaux finalement ces dernières années. Mais pas forcément un stoner classique, bas-du-front, binaire et rébarbatif. Le stoner chez Volcanova est le fil rouge ténu, qui donne son liant à 10 compos variées, où l’hybridation musicale tient une large place. On en prend conscience dès l’intro, l’éloquent « Welcome », un instrumental de moins de 2 minutes de pur stoner-doom cliché, riffu et lent comme on aime, qui est enchaîné sans rupture avec le brillant « Where’s the Time », un titre punchy et enjoué, dont la ligne de basse sautillante fait lever les sourcils avant d’entendre l’incisif riffing 6-cordes prendre part au débat. Un peu plus loin, le groupe développe un refrain en chœur (une technique qui peut vite franchir la limite du ridicule, mais bien maîtrisée ici, ainsi que sur d’autres passages du disque, à l’image du refrain de « Super Duper van » ou de celui de « Stoneman »), puis un petit solo de fort bonne tenue vient joliment clôturer le titre, finalement bien représentatif de la production du groupe – même si c’est réducteur, un paquet de plate-bandes musicales étant foulées par nos sympathiques nordiques au fil de ces compos hautes en couleur.

L’ensemble est solidement renforcé par une armada de riffs, tous plus heavy et catchy les uns que les autres, clés de voutes de compos qui n’en demandaient pas tant : « I’m Off », « Stoneman », « M.O.O.D. »… Tout cela dépote proprement, sur des rythmiques tout aussi variées, allant du plus excité (« Sushi Sam », qui aurait pu trouver sa place sur un vieux Fu Manchu, période insouciante) au plus lent (« M.O.O.D. » dont certains plans sont une belle démonstration doom). Cerise sur le gâteau, un vrai travail est proposé sur les guitares, qui donne un vrai relief aux morceaux : soli en pagaille (plusieurs techniques), plans en harmonie, travail sur les sons…

Comble de l’audace, le combo n’hésite pas à utiliser des artifices aussi saugrenus (!) que le « tapage de mains » ou la mythique cowbell, et va orner ses titres de plans jazzy ou prog, sans qu’on n’ait, jamais, rien à y redire.

Bref, penchez-vous sérieusement sur ce combo, dont le disque, sur un petit label, ne devrait malheureusement pas faire parler autant qu’il le mériterait. Vous ferez non seulement œuvre utile, mais aussi du bien à vos cages à miel – garanti sur facture.

Psychlona – Venus Skytrip

 

Avec de cradingues oripeaux Desert Rock à souhait, signant un parcours fait d’errances rythmiques, de rencontres hasardeuses dans des Kebabs douteux et de passages individuels de groupes en groupes, Psychlona était à la tête d’une précédente production foutrement Stoner qui nous avait convaincue avec un je ne sais quoi de pas assez. (Chronique disponible ici) Le quartet anglais de Bradford revient à bord d’une plaque intitulée Venus Skytrip et toujours propulsée par un Ripple Music gage de qualité.

Les quatre comparses ne gardent pas bien longtemps le déguisement de l’ivrogne bon à rien qu’ils se sont taillés (En fait, pas plus loin que leur autobiographie). Leur musique n’est pas une tâche de picole faite au hasard sur le plastron de la scène stoner, il y a de la maîtrise, de l’expérience et du travail.

La galette part fort sur fond de samples de poste de commande : “Blast Off” livre un chant scandé comme une Check List poussant l’engin musical au décollage. Il s’égrène alors que le morceau prend de la hauteur. Une mécanique gracieuse et puissante aux sonorités grasses de cardes et de batterie pétaradante. Une fois la mise en orbite réalisée, c’est très logiquement que déboule en apesanteur “10000 Volts”. Le voyage vers Vénus peut réellement débuter, la lenteur des mesures est régulièrement corrigée par la puissante mise à feu d’un duo basse guitare. Il faut bien cela pour naviguer à bord de ce lourd vaisseau.”Resin” en est un autre bel exemple.

La puissance calme que sait distiller Psychlona une fois perdu toute gravité lui permet de produire un psych planant et émaillé de contrepoints percutants ne laissant jamais l’auditeur s’endormir aux commandes de la navette. “Star” ou “Edge of the Universe” ponctuent le voyage de mirages entre Fu Manchu et Truckfighters proprement enthousiasmant sans diluer l’identité du quartette.

La rentrée dans l’atmosphère sur “Tijuana” accélère et secoue l’auditeur en miroir de la piste d’introduction, puis c’est la sortie extra véhiculaire sur “The Owl”. Il n’y a quasiment pas d’atmosphère et le corps musical flotte, éthéré, rebondissant de temps en temps sur le sol poussiéreux et désertique. Le goût de déjà vu que l’on ressent tout au long de l’album ne s’estompe pas ici, il est à penser que plutôt qu’un Venus Skytrip nos sens auraient été le jouet de quelque psychotrope. Peut-être bien, mais quoi qu’il en soit l’illusion est convaincante et il faut admettre une correction massive du son depuis la dernière rondelle. Le passage du DIY au mixage pro change sacrément la donne. La qualité de l’enregistrement sur cette seconde plaque donne un cachet bien plus grand à la musique de Psychlona qui peut ici enfin exprimer pleinement tout son talent.

Si Venus Skytrip démarre comme un Kyusslike et lève parfois le lièvre de références trop évidentes, on en vient très vite à dire: “Rien à foutre! Roh la belle Fuzz! Roh la belle rythmique ! Waawww cette ligne de basse! Hannn la batterie !” Un feu d’artifice c’est toujours un peu pareil mais tout en étant jamais la même chose. S’attaquer à Venus Skytrip garantit de revenir souvent sur l’objet car il est jouissif, que demander de plus?

The Obsessed – Live at Big Dipper


Live at Big Dipper est un album live (duh !) de The Obsessed. Mais le son est dégueulasse. Voilà, tout est dit, et les éléments de décision sont entre vos mains !

Tous les speech promo autour de cette sortie, citant Wino en long et en large, mettent en avant la valeur exceptionnelle de témoignage de cet enregistrement : enregistré en 1983, le concert est supposément le dernier du “presque” premier line up du groupe (le line-up préféré de Wino, dit-il – même si l’on peut présumer qu’il dirait probablement la même chose de son line up actuel si la question lui était posée), avec Dave “The Slave” Flood à la batterie et Mark “Professor Dark” Laue à la basse (Wino avait déja fait table rase de son second guitariste, superflu). A ce moment-là, The Obsessed était un obscur groupe underground, trop sabbathien pour son époque. Bref, rien n’a changé de ce côté-là (triste constat)… Ils n’avaient pas encore sorti le moindre album (leur premier LP datant de 1990), et s’apprêtaient à sortir leur premier 7″ avec trois morceaux uniquement (dont un seul interprété lors de ce concert : les gars étaient déjà champions de l’auto-promo). On retrouve sur ce Live at Big Dipper 9 titres captés live pour une petite demi-heure de concert. Des titres hétérogènes dans leur qualité, dont certains n’ont même jamais fait l’objet d’enregistrement studio ultérieur (pas un bon signe en terme de sélection naturelle musicale…), et d’autres que l’on retrouvera ici ou là à travers divers disques, captations live, EP… Un vrai foutoir, à l’image de la discographie et de la carrière de ce groupe pourtant ô combien méritant. A ce titre, l’existence de cet enregistrement vaut pour témoignage de la base musicale de The Obsessed dès ses débuts, dans ses fondations : un groupe déjà atypique, qui prend des risques, jusqu’à injecter des rasades de punk garage dans son heavy metal sabbathien. Ça n’est pas rien. Sauf que si on connaît le groupe et Wino, on savait déjà tout cela.

Pour ajouter à la confusion, on retrouve à la fin du disque quatre démos enregistrées deux ans plus tard, d’un intérêt historique discutable (car la plupart figuraient déjà en bonus sur des rééditions par exemple), bénéficiant ici d’une prise de son plus mauvaise que sur les autres versions déjà disponibles depuis plusieurs années…

Puisqu’on aborde le sujet, le temps est venu de se pencher sur l’autre aspect caractéristique du disque : le son. Il est infâme. Même les amateurs (dont votre serviteur) de captations live obscures du XXème siècle n’y trouveront pas leur compte. Le son “fluctue” et flotte dans les haut-parleurs, les bandes sont usées et fatiguées, la captation sature (même sur les coups de grosse caisse), la basse se résume à un ronflement en fond, chaque coup de cymbale crash irrite les tympans… Les seuls moments d’illusion durent quelques secondes, et ne s’entendent que lorsque Wino chante seul à la guitare durant des breaks ici ou là. Le reste est une succession de malaises auditifs de différentes natures, enchaînés les uns aux autres sans interruption. Ne parlons pas du public, quasi inexistant. Bref : abject. A la limite de l’écoutable.

L’élément déclencheur de l’acquisition de ce disque dépendra donc de l’effet de seuil de fanatisme de chacun – et la question peut donc se résumer à : “combien reste-t-il de vrais fans de The Obsessed aujourd’hui, assez extrêmes pour acheter n’importe quel produit portant le nom du groupe ?”. On imagine que le département marketing du label a mené une solide étude de marché avant de sortir cette galette… D’autant plus que ce n’est pas le premier live du groupe, et que les autres étaient plutôt pas mal…

Vous avez les principaux éléments de décision entre les mains avant de cliquer sur le bouton “buy”, à vous de voir !

 

Point vinyle : hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha attendons d’entendre les arguments habituels des pro-vinyles qui louent la qualité inégalable du son de ce support par rapport aux autres…

Foot – The balance of nature shifted

On vous a déjà parlé de la qualité de la scène stoner australienne, non ? Sur l’île-continent, située « down under » comme on dit, se cache une multitude de petites pépites stoner qui ne demandent qu’à voyager dans le monde entier à la rencontre d’oreilles attentives, connaisseuses et qui réclament du bon son. Du coup, quand le premier EP éponyme de Foot est apparu sur nos radars en 2016, on s’est immédiatement rendus compte du potentiel du quatuor originaire de Melbourne. Impression confirmée par un premier LP (Buffalo, 2018) franchement enthousiasmant et qui a ravi public et critique. La nouvelle fournée se nomme The balance of Nature shifted et, croyez-moi, vous allez… prendre votre pied.

Car oui, les garçons ont travaillé… d’arrache-pied pour nous offrir une galette encore meilleure que la précédente. Le son est rugueux, massif et puissant tout en étant assez mélodique et entraînant pour ne pas faire fuir la ménagère. Dès les premières mesures, on se prend à hocher de la tête sur un riff simple mais efficace, comme on dit souvent. Sauf que là, le riff ne fait pas tout, il y a un réel talent de composition dans ces petites saynètes stoner à la rythmique enlevée, dominée par un chant à la fois lointain et assez proche de vous pour vous mettre un… coup de pied là où je pense. A chaque nouveau titre, on change d’univers, naviguant d’un mid-tempo pur jus (« Despair on hope street ») à un monolithique riff lourd comme une vanne de Cyril Hanouna (l’élephantesque « Green embers ») en passant par un heavy rock débridé (« Investment »). Bref, de quoi vous donner envie de vous offrir un… pied à terre du côté de Melbourne.

Pour couronner le tout, et comme les garçons sont loin d’être… bêtes comme leurs pieds, ils se sont attachés les services de l’excellent Jo Riou (qui, comme chacun sait, ne dessine pas… comme un pied) pour l’artwork représentant une vague engloutissant une ville tout entière, métaphore à peine déguisée de la musique que contient ce packaging somptueux qui vous engloutira tout entier par la grâce d’une musique enveloppante, d’une douceur granitique et d’une puissance délicate. Car la mission des 4 gaillards est simple : ne jamais lâcher la pression, ne jamais… lever le pied et attraper l’auditeur pour l’emmener loin de tout pendant 40 minutes. Contrat amplement rempli.

Bref, avec The balance of nature shifted, Foot a gagné le droit d’apparaître dans les classements de fin d’année avec un opus maîtrisé, une petite friandise sucrée et poivrée à la fois et il ne vous reste plus qu’une seule chose à faire : faire des pieds et des mains pour acquérir cette galette, plaisir garanti!

The Balance of Nature Shifted by Foot

Battalions – Pure Humber Sludge

 

Quand tu habites dans une ville portuaire anglaise gavées d’habitats sociaux mais que ta commune fait tout pour promouvoir la culture et se sortir de sa piètre image, il est un peu normal que tu te tournes vers les arts et quoi de plus normal encore que de te mettre au sludge? (Ceci devrait prévaloir pour tous les groupes issus des zones industrielles déclassées sauf ceux de Birmingham qui ont déjà fait main basse sur tout le reste). Donc, Battalions, quartet anglais venu de Hull, fait crisser sa hargne sur galettes numériques depuis dix ans tout juste et sort son Pure Humber Sludge, soit 15 titres de graisse à ouïr pur jus.

15 titres… Mazette, ça fait beaucoup, non? et bien il a une petite subtilité, Battalions offre en fait pour ses dix ans une compilation remaster de ses deux premiers albums, Nothing to Lose et Moonburn, avec respectivement les 8 premiers titres et les 7 suivants. Donc si tu connaissais déjà le groupe, tu peux passer ton chemin, à moins d’être un fan absolu souhaitant jouir d’une meilleure qualité acoustique. Pour les autres, voici ce qui compose le groupe : Le chant est un hommage au papier de verre, sous toutes ses formes. (Sauf le papier de 1000 car tous les puristes vous le diront, “ça caresse bien trop, c’est pas un grain acceptable!”). Les mélodies sont aguicheuses et franches, parsemées d’un metal sudiste qui rend les compositions très enthousiasmantes. Battalions fait mouche à chaque titre prouvant ainsi qu’il connait son affaire.

Les descentes de la batterie sur “Hoods Up, Knives out” soulignent la gratte dont les riffs marquent l’oreille au fer rouge pendant que la voix te griffe le cerveau. A peine le temps de reprendre haleine avec trois morceaux que “Bog Faced Roy” vient foutre des coups de talon sur ce qu’il reste d’encéphale (Et à ce stade tu n’as pas encore épuisé la moitié de l’album). Le quartet s’adonne à des recettes musicales éprouvées mais au sein de morceaux distribués comme des rafales de coups dans les dents, à l’instar du grassouillet “Skin Job”.

Le son remasterisé pour l’occasion ne fait qu’ajouter au plaisir de l’écoute et les anglais ont donc redébarqué dans leurs plus belles hardes pour leur anniversaire. Afin de parfaire la sauterie, les gars ont convié Chris Fielding, frappeur de cordes basses chez Conan pour remixer le tout.

Battalions c’est un sludge humble (c’est marqué sur la boîte) qui ne cherche pas à foncer dans l’excès à tous les coups, juste une musique tantôt défouloir (“Moonburn”, “Betrayal and delusion”) tantôt ronde et dedelinante juste ce qu’il faut (“Shitstorm Trooper”, “God Century”). Des morceaux comme “Lotion Basket” aux frontières du thrash démontrent une polyvalence constante qui ne laisse pourtant jamais apparaître de faille entre les styles explorés. Pure Humber Sludge se comporte comme une galette pensée d’un trait. Battalions a eu de la suite dans les idées avec ses deux premières productions et a su maintenir de la cohérence entre ses compositions cet album en est la preuve.

Pour les amateurs de coups de poing dans le ventre, de musique bien faite et de subtilité grasse, Battalions est le groupe qu’ils vous faut. Ça se passe volontiers de commentaire et ça s’écoute en toute relaxation (ou pas). Battalions est un 4×4 sludge qu’on remercie de nous avoir convié à son dixième anniversaire car Pure Humber Sludge est une sacrée fête.

Ten Foot Wizard – Get Out Of Your Mind

 

Ten Foot Wizard est de ce type de groupe jouant d’une musique qui ne colle pas vraiment à son environnement. Alors qu’ils auraient pu devenir une énième copie séduisante de Black Sabbath, les anglais ont préféré prendre le large pour modeler leur stoner rock à l’image d’artistes comme Brant Bjork, Karma to Burn ou encore Queen of the Stone Age. Après un premier album prometteur (Return to Infinite) doté d’un artwork inoubliable et d’un Sleeping Volcanoes, sorti il y a déjà 5 ans, mieux produit et plus complet, le sorcier aux grand pieds est de retour avec Get Out Of Your Mind.

Pas le temps de s’affaler dans un fauteuil que Ten Foot Wizard affole déjà nos hanches avec les riffs clutch-esques de “Namaste Dickhead” et les ambiances desert rock, quasi punk, de “Broken Man” faisant inévitablement penser au shaman de Palm Desert. Les ambitions musicales du groupe n’ont pas changé avec Get Out Of Your Mind. L’idée principale reste de masser la nuque de l’auditeur avec un groove globalement southern rock et de la claquer le plus souvent possible en allant piocher dans le punk, le doom ou des ambiances stoner plus musclées. Le morceau éponyme “Get Out Of Your Mind” représente bien cette volonté de nous faire réagir en permanence avec cette association de couplets groovy à souhait, de refrains stoner puissants et de breaks aussi costauds qu’un pilier de bar anglais. Le tout est complété par un pont tout en descente de gamme et un solo bien classique venant surfer sur le riff du refrain, qui se plaît alors à varier de tempo. Le dernier morceau “King Shit Of Fuck Mountain” en impose tout autant avec son virage epic doom clôturant l’album d’une façon assez inattendue.

Mais si Get Out Of Your Mind est aussi efficace et entrainant, c’est en grande partie grâce au chant de Gary Harkin. Toujours en pleine maitrise de la palette du chanteur de stoner, le chant de Gary vient aussi se superposer comme un caméléon aux différents styles empruntés par le groupe. On le retrouve notamment en sosie de Josh Homme sur le très influencé “Noble Lie”. Sur “Working Towards a Bitter Future” il emprunte un chant crié éraillé, donnant la sensation d’écouter un split avec Dopethrone, et poursuit dans ce type de chant plus extrême sur la fin de “How Low Can You Get” ainsi que sur “King Shit Of Fuck Mountain”.

Avec Get Out Of Your Mind, Ten Foot Wizard confirme les qualités que l’on avait déjà pu constater sur leurs précédents albums. On retrouve même la face plus amusante du groupe avec le titre stéréotypé “King Shit Of Fuck Mountain” ou avec “How Low Can You Get” sur lequel le groupe s’amuse à étirer en lenteur la fin du morceau (Sans oublier cette nouvelle façon de saluer son voisin que l’on aime moins… “Namaste Dickhead”).  Avec un son encore plus étoffé que sur Sleeping Volcanoes, les mancuniens montrent qu’ils peuvent embrasser tout les styles affiliés à la scène stoner et réussissent à conserver une cohérence permettant de ne pas transformer le disque en un melting pot de références balancées aléatoirement. Efficace, sans prise de tête et diversifié, voilà un très bon album de saison pour se la couler douce et profiter de l’été les pieds dans la Mersey.

Red Mesa – The Path to the Deathless

Red Mesa est un groupe cruellement méconnu : le trio américain est implanté au nouveau mexique, un état dont le principal fait d’arme est d’avoir servi de décor à Breaking Bad, mais un peu moins connu pour sa scène rock vibrante, c’est un euphémisme. Être signé sur un label pour le moins discret n’aide pas non plus à sa visibilité sur le vieux continent. Et pourtant, ils ont produit un disque remarquable avec ce The Path to the Deathless, leur troisième album déjà.

Mais autant vous prévenir : diantre que cet album est difficile ! Le cerner complètement prend des jours et des jours… Pourtant, ce n’est pas un gros bébé : 40 minutes, 7 chansons… Mais finalement 7 reflets différents d’une même musique, complémentaires, qui ne se marchent jamais sur le pied. Du coup, l’album est plus le fruit d’une collection de chansons que d’un genre bien défini, même si le groupe ne se détache jamais trop de son corpus musical : un gros stoner fuzzé chargé au metal US 90’s nerveux, picorant ici ou là des plans doom, psyché ou autres joyeusetés. Bref, la trame est assez large pour se faire plaisir.

Et le groupe s’en donne à cœur joie, en enquillant des compos taquinant chaque fois l’excellence (en terme d’efficacité d’abord). Pour tout dire, après des dizaines d’écoutes, on ne sait toujours plus où donner de la tête : le doom-duo “Ghost Bell” / “The Path to the Deathless”, deux excellents mid-tempo enchaînés, riffs fats à souhaits sur lit de fuzz, et chant éructant option gravier. On enchaîne avec une curiosité, “Desert Moon”, un titre co-écrit (et chanté) par Dave Sherman (Earthride, Spirit Caravan, etc…), encore un mid tempo parfaitement servi par le chant bien malaisant de Sherman, qui se voit transcendé au milieu du morceau par un break parfaitement bienvenu. Autre guest de luxe un peu plus loin : c’est Wino qui vient éclabousser “Disharmonious Unlife” de son chant profond et inspiré. Là aussi, le titre est riche et varié : après son intro plutôt lente, les guitares se font plus électriques et viennent pousser un peu Wino aux fesses, le grand monsieur délivrant au final une excellente interprétation (en particulier sur le break préparant la conclusion du titre, amenant notamment un long, superbe solo). Histoire d’aérer une galette un peu dense, le groupe cale 2 petites pépites aux vertus bien différentes : “Death I Am” en milieu de rondelle propose une balade électro-acoustique ultra-catchy (votre serviteur est le 1er surpris, pas vraiment amateur du genre habituellement), tandis que “Revelation” plus loin apporte le parfait revers de la médaille, avec un pur glaviot metal-punk de 2min30, nerveux et efficace. De manière audacieuse, Red Mesa clôture sa rondelle avec son titre le plus long et progressif, “Swallowed by the Sea”, un titre à la fois heavy et enlevé, porté par des sonorités orientales originales (superbes arrangements de violons notamment, largement mis en avant).

Le disque n’est pas parfait toutefois : ce dernier titre se cherche un peu trop, “Death I Am” est un peu trop long… Mais plus globalement ce qui le rend perfectible est aussi ce qui le rend complexe et attachant : en 7 titres (dont un “presque-intro” et deux autres très marqués par leur chanteur-invité), on a parfois l’impression de voir portfolio, un échantillon… Il nous manque un ou deux titres pour apporter le peu de densité qui rendrait ce disque plus cohérent et plus lisible.

Mais la critique est superficielle, car la démonstration est éloquente en soi : ce disque de stoner-doom US a tous les atouts en main pour amener Red Mesa à un niveau de notoriété un peu plus conforme à leur talent.

 


Druids of The Gué Charette – Talking To The Moon

 

Avec un pédigrée de Rennais et un nom qui fleure le particularisme ultra local on pourrait s’attendre à une farce heureuse et riche musicalement lorsque l’on découvre Druids of The Gué Charette et leur album Talking To The Moon.

Il suffit d’aller voir leur biographie Facebook ou Bancamp pour apprendre notamment qu’ils sont “les porte-parole d’une secte païenne polythéiste bretonne prônant la consommation hallucinogène de Suze dans les bars-tabacs, l’instauration d’un empire communiste galactique par la force des armes, ainsi que la béatification des tortues ninjas.”  Et figure toi qu’il y a un peu de ça. Druids of Gué Charette c’est une bande de potes qui invoquent leur Bretagne natale vêtus de robes de druides,mais il y a du sérieux là dessous. On comprend vite que sous le capuchon de bure les gars doivent porter veste en cuir et casquette à clous.

Il est compliqué de définir les druides, ces êtres étranges et polymorphe sont bien prompts à se transformer et c’est exactement ce que fait le présent groupe en jouant sur tous les tableaux du rock. Avec son chant chuinté tel qu’on n’en avait pas entendu depuis Besnehard et Akhenaton, ça part dans tous les sens, on retrouve des bouts de Stooges, de Doors, de Joy Division, de Black Sab’ des sons inspirés d’éléctro et d’un tas d’autres trucs pop désuets. Les pistes sont des brûlots ne dépassant qu’occasionnellement les quatre minutes, soit un condensé de rock et de psyché efficace

Il s’en serait fallu de peu pour que ce groupe ne figure même pas chez nous la filiation avec lnotre ligne éditoriale n’étant pas si évidente que la promo du groupe voudrait le laisser croire.Il y a bien le rocailleux de la voie, le groove de la basse, les effets psyché qui ponctuent la galette, mais on est aux limites du monde connu pour l’auditeur puriste et borné qui n’aura plus qu’a se tourner vers des groupes comme Ecstatic Vision et à se pencher de toute urgence sur la piste “It’s Alright To Fail Sometimes”

Mais voilà dans notre télescope on a regardé la lune où danse un monde post rockabilly totalement allumé à l’infusion de racine de gentiane. Ce monde danse au son de “Talking To The Moon” comme il aurait pu danser il y a encore quelques temps au son de The Texas Chainsaw Dust Lovers, autre enfant d’un monde musical riche et sans limite.

Lorsque sur “Parasite” la basse donne le tempo et que  la batterie vient la doubler, la montée en puissance se fait par pallier, jusqu’à ce que le chant retrouve sa constante swingue et que la gratte étrille l’auditeur et il y a indéniablement un fond de ce qui fait notre orientation chez Desert-Rock, mais le groupe brouille si bien les pistes qu’on a du mal à déceler systématiquement quoi .

On pourrait chercher à justifier une audition répétée et ces quelques lignes quasi hors sujet et je n’en trouve pas d’autre que le plaisir d’avoir eu entre les oreilles une plaque bien foutue et hors norme, l’œuvre d’une assemblée qui se définit comme anti super groupe et ne ment pas sur ce point ni sur le reste d’ailleurs. Talking to the moon est un album franc du collier et il danse nu dans la nuit faisant prendre l’air à une musique psychédélique bien trop souvent ralentie dans sa progression.

Curse The Son – Excruciation

 

On avait presque oublié leur discrète existence mais voilà que Curse The Son refait surface après trois ans d’absence et un Isolator que j’avais trouvé plutôt plaisant.  Avec une rondelle du nom de Excruciation sous le bras, le trio du Connecticut ( Devenant sur cet album quartet à l’occasion de quelques tours de passe-passe vocaux et instrumentaux ) vient défendre sa vision d’un monde fait de Stoner et de Doom.

Navigant toujours sur des eaux troubles mal genrées, Excuciation est un album qu’il faudra aborder avec circonspection Plutôt inégal, il ne faut pas beaucoup d’écoutes pour se convaincre que cette plaque n’est pas fastoche à poncer.  Les premiers morceaux laissent présager un bel ouvrage, avec une entrée en matière pêchue sur un “Suicide by Drummer” qui fait le pont entre une Stoner vif et un poisseux Doom incantatoire. Il faut relever l’enchainement avec “Disaster in Denial”, une piste certes Sabbathesque mais néanmoins actuelle. “Black Box Warning” en seconde partie d’album vaut le coup d’être rejouée et avoine autant que le très Heavy dernier titre, “Phoenix Risin”.

Une fois cela dit, un virage existe en plein milieu du disque. Allez jeter une oreille sur le grandiloquent “November”, ses mélodies et chants en chœur auront tôt fait de vous mettre en tête que quelque chose cloche, surtout lorsque la piste s’arrête nette pour faire place à “Worry Garden” dont l’outro est à peine plus léchée.

L’auditeur patient pourra s’arrêter sur la mélopée du titre éponyme qui laisse tout de même la place à de rondes sonorités de basse qui calment le doute brièvement tout en tirant l’auditeur vers “Devil Doctor Blues” quelques pistes plus loin, une balade pour bagnard sous le soleil de Louisiane.

Tout ceci fait que pris individuellement les morceaux de l’album se défendent bien globalement, mais  une fois le tout articulé autour de deux piste hiatus, Excruciation reste bancal et transpire la gène. Je ne vais pas te mentir ami lecteur, si j’ai un peu sauté sur cet album avec le plaisant souvenir du précédent, j’ai eu pas mal de difficultés à aborder dans sa globalité le travail fourni cette fois-ci par Curse The Son.

Le groupe ne manque pas de talent, ni d’idées mais il ressort de ce disque un travail hybride et curieusement assemblé. Le vrai problème d’Excuciation réside sans doute dans une approche musicalement maîtrisé mais trop riche du point de vue des atmosphères. En conséquence on ressort de l’audition étourdi et ce sans trop savoir pourquoi.

 

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