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Finalement lorsqu’on y repense, Rescue Rangers n’a jamais été autre chose qu’un groupe grunge tombé par (un relatif) hasard au sein des rangs du stoner français. Ce postulat était clair dès les premières notes de « Sounds of the Katana », ouvrant Guitars and Dust Dancing, le premier (vrai) album du groupe en 2008. Mais quelques concerts avec Nick Oliveri, Mondo Generator, Hermano et Red Fang plus tard, ainsi qu’« Hassan Sabbath », délicieuse pièce psychédélique (que l’on sait aujourd’hui tenir d’une obsession certaine pour Pink Floyd) ont eu vite fait de classer nos rangers du risque au sein de la communauté fuzz hexagonale, en pleine expansion en ce début des années 2010. Pourtant la publication de Manitoba en 2012 aurait dû nous (re)mettre sur la piste : malgré quelques titres quelques peu embrumés, l’album est direct, comme un bon coup de Converse sur la clenche d’une pédale Big Muff. Foisonnant de riff punkoïdes, ce qui reste – à mon sens – le meilleur effort du trio est en vérité un disque grunge qui ne dit qu’à moitié son nom.
Qu’à cela ne tienne. Incompris, en marge d’une scène qui s’est trouvée d’autres idoles à applaudir, Rescue Rangers se mue dans le silence. D’essais peu concluants de musiciens en concerts discrets, d’aucuns (et moi le premier) pensaient que le groupe avait jeté l’éponge. Mais voilà que la formation marseillaise revient avec Join Hate, troisième opus issu de sessions avec Page Hamilton à la production. Oui Page Hamilton, celui de Helmet (le groupe les prendra sur la route pour quelques concerts début 2017). Join Hate, un album garanti avec 0% de stoner dedans. 11 titres, jamais rien au dessus des 3 minutes (enfin si 3 minutes et 1 seconde, pour me faire mentir), du riff punk et du refrain oscillant entre grunge et hardcore. Entre Nirvana et Unsane. A la Helmet quoi. Le son est impeccable et l’album est pétri des qualités inhérentes à son compositeur et seul maitre à bord : Pascal Mascheroni. Bravo.
Il se dessine là la limite de votre serviteur quant à parler plus en détails d’une musique qui sort clairement du champ de sa compétence. Alors, tout en vous invitant à jeter une oreille au disque, je me permets de crier mon désespoir quant à la façon dont il a été publié. Page Hamilton est venu en personne à Marseille enregistrer Rescue à l’été 2015 et le résultat de ces sessions est publié deux ans plus tard, sur F200, un label qui n’existe pas (encore ?), juste assez tard pour que le trio ne l’ait pas en main lors de sa tournée en ouverture d’Helmet. Ajoutez à cela une communication inexistante (la page Facebook du groupe est très peu alimentée, parfois pendant 1 an, avec simplement une photo de… chat), une vraie instabilité du personnel et un nombre de dates famélique et vous obtiendrez la chronique d’un échec programmé. Je veux bien passer ma vie à crier au manque de reconnaissance des nombreux groupes de qualité émaillant la scène française, mais à ce niveau, Join Hate n’est rien d’autre qu’un météorite rock s’écrasant sur le corps d’un suicidé. Triste à pleurer.
Point vinyle:
Aucune info n’a filtré du label qui n’existe pas. Pour le moment la sortie est dématérialisée, en attendant le CD, annoncé au 8 septembre. Autant vous dire que je suis pessimiste quant à la publication d’un vinyle.
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Le quatuor londonien Poseidon (des anciens de Light Bearer, pas des perdreaux de l’année) proposent leur premier disque, qui sort chez Ripple, un label globalement qualitatif mais décidément pas très sélectif en terme de style musical. Ce Prologue, puisque c’est de lui que l’on parle, justifie doublement son patronyme : il s’agit non seulement du premier disque du quatuor, mais aussi du premier opus d’une série de disques qui détailleront – je cite – « l’effondrement de la civilisation et sa reconstruction, le tout sous la forme d’un opéra de science-fiction post-apocalyptique ». Diantre… Un sacré programme en tout cas qui nous promet potentiellement un paquet d’albums derrière, s’ils veulent détailler le concept en long et en large… le sujet est porteur ! On entame cet ambitieux programme (plan de carrière ?) par une mise en bouche costaude, sous la forme de cette galette forte de quatre gros morceaux – c’est le cas de le dire…
L’album commence sous les meilleurs augures avec ce massif « The Beginning, the End, the Colony », un morceau de doom costaud et saturé, sorte de mix entre Hooded Menace (en moins hargneux), Monolord et le Pallbearer pré-2016… Le titre tourne bien, on ne s’ennuie pas, il vadrouille un peu en tous sens (le groupe n’a pas à justifier l’étiquette « progressive » qu’on accole souvent à son style musical…). Une bonne entame. Quand on propose un album de quatre chansons, on peut considérer plutôt couillue la décision d’en proposer une de huit minutes en électro-acoustique… « Mother mary Son of Scorn » est une balade sirupeuse et, reconnaissons-le, assez catchy. Malheureusement, enrobée de quelques arrangements assez convenus (quelques notes de piano, un solo électrique larmoyant en fond sonore…), elle n’apporte pas grand-chose à l’exercice, si ce n’est de démontrer la capacité du groupe à élargir son spectre sonore. Un peu léger, à tous égards. « Chainbreaker » lui emboîte le pas, un titre un peu bipolaire, avec une première section plutôt lente et quasi-doom, et une seconde tendance power-metal/thrash avec ses riffs tranchants et son chant beuglé avec conviction. Là encore, la chanson est propice à deux points de vue différents : on peut apprécier la démonstration d’une corde supplémentaire à l’arc du groupe, tout comme on peut encore une fois s’étonner du manque de fil conducteur sur cette galette… L’album se termine sur « Omega », un titre tortueux qui développe un doom fortement métallisé, protéiforme en tout cas, avec des accents gothiques parfois qui fonctionnent pas mal. Enfin, c’est quand même pas du Yob…
S’il est une cohérence à trouver tout du long, elle porte sur les pans les plus métalliques de la musique du groupe, qu’ils tendent alternativement vers le doom, le gothique, le heavy… Les fans de stoner les plus classiques seront vertement refroidis par les plans heavy les plus incisifs et le manque de « chaleur » d’une production qui aurait mérité un peu plus de nuance parfois. On sent un groupe ambitieux, qui veut beaucoup montrer sur son premier disque, au risque de se disperser…
Trois quarts d’heure de musique ont défilé finalement sans trop que l’on ne voie le temps passer : Poseidon charge ses compos de tant de matière, structures, sons, riffs, rythmes… que l’on est bien obligé de constater que même après de nombreuses écoutes, on ne s’ennuie pas. Pour autant, on n’est jamais subjugué par ses fulgurances, ni terrassé par la portée de ses riffs : l’album est intéressant mais ne propose pas de vrai moment de grâce. Prologue est toutefois un bon disque, prometteur pour un « nouveau » groupe, et en tout cas la première pierre d’un intéressant projet artistique musical, que l’on suivra avec intérêt sur la sortie de leurs prochains albums ; il est bien possible qu’en ajoutant des strates complémentaires, le prisme dans lequel s’inscrit ce Prologue ne prenne une toute autre dimension. Nous verrons…
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Il faut bien l’avouer. En terme de stoner fiévreux et doomeux, l’Angleterre reste une valeur sûre, une terre qualitative où poussent nombre de combos dégueulasses et inventifs. Conan, bien sûr, Boss Keloïd, les lumineux Elephant Tree et Ohhms, qui, avec ce « The Fool » plonge avec classe dans un doom somme toute classique mais maîtrisé de bout en bout.
Concis en titres mais étiré en temps, l’objet fait dans le classicisme pur jus. Pourtant le doom d’Ohhms est loin de se complaire en une longue litanie monolithique. Chaque titre recèle sa part d’écriture et ressent en ses gênes cette mère-mélodie qu’est la perfide Albion. Le groupe peut hurler, marteler un riff comme un forgeron monomaniaque, il n’en reste pas moins marqué d’une réelle empreinte harmonique.
Les atmosphères développées, aériennes, survolent les chapes de plombs coulées par les guitares, le tout se mélangeant en un post-métal doomesque très plaisant.
On se retrouve tout de même face à ce qui pourrait être la limite de leur accointance avec la mélodie. Ohhms s’essaie avec « The Lovers » à un schéma plus chanson et ne transforme pas forcément l’essai. Malgré l’unité de la galette le titre tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. L’apport d’une voix féminine sur cet unique track de l’album dénote complètement. Non pas que le titre soit faux ou mauvais intrinsèquement mais il dénote. Trop. Quitte à sonner pop, ce qui pourrait s’avérer une voie un peu casse-gueule si le groupe décidait de l’emprunter plus souvent à l’avenir.
On est quand même sur un album extrêmement plaisant à écouter. Des titres comme « The Hanged Man » ou « The Hierophant » sont de véritables histoires à l’atmosphère immersive, aux gros riffs tout plaisants et la rythmique épaisse. Des plats de résistance aux goûts de « reviens-y » qui placent « The Fool » dans la catégorie des albums cool de 2017.
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Les sorcières bienveillantes du stoner ont dû se pencher sur le berceau de The Necromancers et les couvrir de leur parrainage crochu tant l’histoire du quartet respire la belle affaire. Repéré puis signé par Ripple Music, intégré au roster de Sound of Liberation pour les futures tournées, le combo vit un début de conte de fée érectile, le tout sans véritable promo, ni marathon de concerts à son actif. Une heureuse anomalie en partie expliquée par le contenu de ce premier album « Servants of the salem girl ».
Les premières notes de « Salem Girl part 1 » indiquent le ton, un rock sombre et occulte, digne héritier d’un oncle acide, cousin musical des films d’horreur des années 60. Un stoner où un sang épais et visqueux coule sur le cuir des blousons et le bois des guitare. La force du premier essai des pictaviens réside dans l’ambiance générale qu’ils ont su distiller le long de la galette. Pas un seul instant on ne décroche du paysage malsain érigé par le combo.
Outre le premier titre, l’album se voit parcouru de titres chiadés tels que « Black Marble House » et « Grand Orbiter » où l’équilibre des compos fait mouche, articulant leurs différents riffs de manière logique et cohérente. L’alternance des voix claires et saturées guide naturellement l’oreille dans les histoires que nous raconte The Necromancers. L’album est suffisamment court pour ne pas tomber dans la redite.
Car les choses pourraient se compliquer sur un exercice plus long. Certains morceaux traînent en longueur quand le propos n’arrive pas à être exploiter. Sur « Lucifer’s kin » par exemple, la grâce d’un seul riff ne suffit pas à justifier la longueur du morceau. On aimerait aussi que les chants saturés soient tout aussi expressifs que la voix claire, que certaines réverbes sur les solos soient moins poussées. Un tas de petits détails qui permettraient aux morceaux un impact plus grand encore. Le diable s’y cachant, nul doute que ces fils de Lucifer sauront y remédier.
Reste que l’on comprend pourquoi les sorcières de la production et de l’organisation accompagnent ces jeunes artisans du vice. Le potentiel est là. The Necromancers doit mûrir bien sûr, acquérir une plus grande personnalité en s’affranchissant de l’influence de ces aînés assurément et peaufiner son caractère en live. « Servants of the Salem girl » est un bon premier effort, généreux mais un peu timide. Aux jeunes français maintenant de passer du statut de servant à celui de maître et d’imposer au public ses sombres desseins.
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Bio télégramme : trio, Nantes (puis Paris), lancé en 2013, EP, quelques captations / jam dispo online et pouf ! Premier album, ce The Lord is Gone, avec l’aide des jeunes More Fuzz Records. Enfin “album”… Trois titres et une demi-heure de musique : leur premier EP était plus long et contenait plus de chansons, or c’était bien un “EP”… On m’aurait menti ?? Du coup inutile de maintenir un suspense intenable, autant l’avouer immédiatement : le format trouble la perception du disque. Ou dit autrement : il manque un titre et on avait un bel album. Jugement hâtif (et gratuit) : après quatre ans de carrière et – on va le voir ci-dessous – du talent à la pelle, le groupe ne pouvait-il pas proposer plus de trente minutes de musique inédite sur son premier disque, un marqueur clé dans la carrière d’un groupe ? Quoi qu’il en soit, plongeons-nous corps et âme dans l’objet pour voir ce qu’il a dans le ventre.
Les premières écoutes sont compliquées : la musique de Decasia ne s’inscrit pas dans la mouvance cool / sable chaud / pétard autour du feu de camps. Le son est rêche, pas chaleureux, plus travaillé. Les compos viennent ensuite perdre un peu plus l’auditeur : loin de jams décérébrées, sans fil conducteur, les titres de Decasia sont construits, étriqués, tracent chacun plusieurs chemins, faits de points de recoupement paisibles puis de fuites et jaillissements… Au bout de plusieurs dizaines d’écoutes, il reste difficile de retracer la ligne directrice et la structure de chacun des titres. C’est très fort. Enfin, c’est pas du Meshuggah non plus, côté structure, il y a des plans lancinants et jammés ici ou là, comme semblent l’être le tronçon médian de “Eden” et de “The Ancient” par exemple, ou la seconde moitié de “Sun Kingdom”… Mais globalement, reste cette richesse de structures et d’écriture qui rend l’écoute du disque appréciable sur la longueur, et pas forcément dans l’immédiateté. Ça change et ça fait plaisir…
Côté son et genre musical, bon courage pour cerner la bête : ça commence par des plans de gros metal très “années 2000” sur les premières mesures de “Eden” mais ça diverge vite dans des environnements qui empruntent ici au noise, là au grunge, avec des plans jam bands fuzzés, etc… On se surprend même à ré-entendre les meilleurs groupes de la scène scandinave de la fin du siècle dernier (notamment le chant, typique). Des lignes de chant un peu perturbantes au début, d’ailleurs, car plutôt éloignées des “standards stoner” en vigueur, par la tessiture du vocaliste mais aussi par sa place dans le mix, atypique : de point rédhibitoire lors des premières écoutes, le chant devient petit à petit un point fort du disque. A l’image de ces quelques lignes de basse complètement essentielles qui ponctuent le disque sur ses meilleurs breaks et distinguent encore un peu le disque du “tout venant”.
Avec The Lord is Gone, Decasia fait montre d’une maturité remarquable, discrète jusqu’ici faute d’un disque à la hauteur. Ce triptyque permet de remettre les pendules à l’heure : il va falloir compter avec eux désormais. Reste ce délicat problème de la durée du disque, que certains jugeront anecdotique, mais qui reste perturbant, voire regrettable dans un environnement si concurrentiel. Mais en passant outre, ce disque est un très bel objet, et la trace vinylique qui manquait au trio.
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Il n’aura pas fallu longtemps au trio californien pour sortir sa seconde galette – à peine un an, en gros, ce qui de nos jours est remarquable. Le trio, préférant vraisemblablement battre le fer tant qu’il était chaud, s’est mis rapidement et intensivement à la tâche pour donner un successeur à Lusus Naturae, leur précédent et premier effort, paru lui aussi chez Rise Above, la maison hôte parfaite pour leur hard rock doomeux vintage typique, tendance occult.
En tous les cas, le premier constat est rapidement fait : le groupe n’a pas beaucoup fait évoluer sa formule. Toujours fondamentalement baigné d’influences doom old school (Pentagram, les premiers Cathedral, St Vitus,…), Beastmaker y apporte un son de guitare plus vert, plus moderne et plus heavy. Pas d’anachronisme, toutefois : la production remarquable de l’album ne vient jamais pervertir l’ambiance des morceaux ou leur déférence vis-à-vis de leurs aînés. Plus que le plagiat, c’est le respect permanent pour leurs aînés qui baigne cette galette. Du coup, il y a matière à se régaler avec les larges rasades de riffs lancinants et de lignes vocales rampantes, sans que l’on ne soit jamais ennuyé par des tempi trop lents ou patauds. Perpétuellement sur le fil du rasoir, le trio joue sa partition à la perfection, ciselant des compos impeccables, efficaces, et ne se perdant jamais en route (10 morceaux pour environ 40 minutes : on est pile poil dans le format référentiel du genre). Plus remarquable encore, aucun raté, morceau bouche-trou ou déchet : tout fonctionne. Bon, l’ensemble est un peu mastoc néanmoins, assez homogène, mais on ne peut pas décemment reprocher au groupe sa cohérence formelle… En conséquence, peu de titres se distinguent vraiment du lot, même si on orientera l’auditeur curieux sur l’épique morceau-titre, le catchy « Sick Sick Demon », le très Uncle Acid « Psychic Visions » ou encore l’entêtant « Heaven To Hell »…
A vouloir faire trop vite, Beastmaker est passé près de confondre vitesse et précipitation. Heureusement, Inside The Skull est exempt de reproches majeurs, et confirme le bien que l’on pensait de Beastmaker. Le groupe nous ressert une lampée de la même cuvée et ça fonctionne toujours… mais jusqu’à quand ? Le manque de variété dans la discographie d’un groupe était chose commune dans le paysage musical il y a quatre ou cinq décennies de cela, mais de nos jours c’est une autre histoire. Mais pour le moment ça passe, et on s’en contente bien volontiers : on ne va pas non plus se faire de nœuds au cerveau, et on continue de se délecter de cette excellente galette.
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On peut prendre le problème dans tous les sens, ce disque est, et restera, bâtard. Pas clair dans l’intention (sortie “entre deux” ?… Sortie chez Kozmik / Artifactz alors que le groupe était jusqu’ici chez Ripple ?…) , pas clair dans la destination (vinyl only ?… EP ou véritable quatrième LP ?), ce Psychoriffadelia aurait pourtant dû (pu ?) mettre toutes les cartes de son côté : Geezer, à coups d’albums aboutis et de prestations scéniques ébouriffantes, est sur la pente ascendante depuis quelques années. Clairement on attendait l’album de la consécration. Et on se retrouve avec… ce truc un peu difforme d’à peine plus d’une demi-heure, pour 5 morceaux.
Le trio a voulu coûte que coûte graver sur sillons ces instants passés en studio l’été dernier, où il aurait interprété ces titres en conditions live, avec un batteur vacataire apparemment. La promesse est séduisante : on s’imagine le groupe en format jam band débridé… Et finalement, l’album souffle le chaud et le froid. Et il commence mal, avec cette reprise convenue du sempiternel “Hair of the Dog” de Nazareth, déjà rebattue et usée par Guns N’Roses en son temps. Autant prévenir : titre le moins intéressant de l’album. Plus classique des productions du groupe, le gras et groovy “Stressknots” nous remet gentiment sur les rails de l’espoir et nous mène gentiment, enfin, à “Psychoriffadelia”, la chanson-titre, qui apporte tout ce qu’on pouvait espérer d’une séance de jam par un power trio comme Geezer : ça commence par un lancinant groove basse-batterie sur lequel Pat Harrington vient faire couler quelques riffs et soli bien sentis, pour au final un full instru épique qui réchauffe. Le titre n’est pas parfait, mais on aimera croire que le groupe nous a sorti une prise live sans overdubs, et on privilégiera donc (volontiers) dans cette hypothèse une démarche musicale louable plutôt qu’un titre mieux structuré mais dépourvu d’âme. Le ramollo “Red Hook” ensuite fait couler son space rock over-psyche sur 6 minutes agréables mais un peu redondantes… Et on arrive à l’autre titre clé, le protéiforme “Dirty Penny” de presque un quart d’heure, avec sur son premier gros tiers une compo Geezer-ienne très classique et bien punchy, qui dégénère à mi-morceau en un nouveau morceau complet, succession de jams sans queues ni têtes qui suscite chez votre serviteur la même servile adhésion que sur “Psychoriffadelia”, pour les mêmes raisons. Impros, soli, prises de risque… On y est ! Sauf que c’est déjà fini.
Bref, sur une grosse demi-heure, Geezer effleure plusieurs fois le sublime absolu, dans un registre où on ne l’attendait pas forcément. Malheureusement il larve sa production de plans bouche-trous qui ne sont pas de son niveau. Mais en même temps ce n’est pas un vrai album… Ou bien si ?? Bref, Geezer est confusant dans le fond et la forme ; on a autant adoré Pychoriffadelia qu’il ne nous a déçu. On attend donc la suite, et on continuera d’écouter ce disque en le considérant comme une parenthèse.
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Cinq ans… Il aura fallu quasiment cinq ans à Five Horse Johnson pour pondre ce délicieux Jake Leg Boogie. Sachant qu’il en avait fallu quasiment six à son prédécesseur pour voir le jour lui aussi, il y a matière à grincer des dents… Surtout qu’on ne parle pas de Tool ici : on est dans du bon gros blues rock graisseux, production punchy-miel-graisse naturelle pas trop compliquée, et enregistrement live avec simple option sueur et vannes crasseuses en studio. Rien d’extraordinaire qui pourrait justifier cinq ans de jus de cervelle et de tergiversation sans fin. Sans doute parce que ce ne fut pas le cas, soit dit en passant ! Simplement on ne peut pas dire que FHJ soit le groupe le plus actif qui soit, de manière générale, à l’image de ses prestations live, qui peuvent se compter chaque année sur les mains du baron Empain – sans même parler de leur éventuelle venue sur le vieux continent.
Mais trêve de scrogneugneus, on enfile vite la galette pour se mettre notre dose. Première impression : on est bien, confortables, en terrain connu. Et soit dit en passant, on n’en attendait pas moins de la petite merveille de Toledo (oui, on les appelle comme on veut, si vous êtes pas contents cliquez ailleurs !) : le heavy rock à forte teneur en blues du combo baigne dans cette suave mélasse liquoreuse bourbon-bitume-huile de vidange qui a toujours fait son charme discret. Et que dire du groove chaleureux qui enrobe le tout, meilleure illustration possible que l’on peut habiter dans les austères et froids états du Nord des USA et pourtant revendiquer les aspects les plus intéressants du southern rock.
S’appuyant sur le même socle de musicos depuis des années, on sera heureux d’apprendre que le groupe a enfin remédié à son problème endémique de batteur : depuis une quinzaine d’années, le tabouret du cinquième homme restait vacant, accueillant plusieurs batteurs invités, jamais pérennes (on se rappellera notamment que le groupe, très potes avec Clutch, avait vu le grand JP Gaster s’occuper des batteries sur leurs derniers albums). Enter Tim Gahagan, donc… leur ancien batteur ! Le bonhomme officiait déjà dans le combo à l’époque de Fat Black Pussy Cat, à la fin des années 90. Presque vingt ans plus tard, le revoilou ! Bon choix a priori si l’on en juge par les rythmiques de cet album. Pour le reste, la plus large part du spectre musical s’appuie sur les talents de riffeurs et solistes des deux bretteurs en chef, of course, même si encore et toujours le MVP est monseigneur Eric Oblander, frontman formidable, vocaliste impeccable (bel organe majestueux, belle caisse de résonance et superbe tessiture graveleuse juste comme il faut) doublé d’un harmoniciste toujours aussi pertinent, usant avec parcimonie de son instrument à lamelles, avec toujours une efficacité absolument déterminante dans le son du groupe. Enchaînant les soli et les plans plus proches de « riffs » d’harmonica (!!) le géant de l’Ohio maîtrise ses bends grassouillets comme personne et apporte une valeur ajoutée absolument remarquable, toujours aussi jouissive.
Vient au bout de quelques écoutes l’heure du juge de paix, à savoir la capacité à jauger de la qualité des compos et en particulier de leur « tenue dans le temps » (on continue à écouter en mode repeat ou bien ?). Là-dessus, le terrain est un peu inégal avec quelques titres plus basiques que d’autres. C’est le cas du morceau titre, ce « Jake Leg Boogie » qui constitue un blues tout à fait basique, propice aux jams entre potes mais qui n’apporte pas grand-chose à la machine au final (et en particulier des vocaux pas très aboutis), ainsi que « Magic Man » ou « Cryin’ Shame » qui lui emboîtent le pas, tous deux titres très corrects dans l’ensemble mais dotés de refrains aux limites de l’indigence. Clairement pas l’entame flamboyante qu’on aurait espéré. Mais la patience est payante, car le reste de la galette est juste sans accro. A commencer par ce très intéressant « Ropes and Chains » très électrique et un peu acoustique. La suite est du FHJ basique, avec ses passages orgasmiques (l’irrésistible « Smoke Show », un sans-faute chargé en harmonica et en multiples soli de grattes), mais aussi avec ses frénésies et ses baisses de régime suaves et torrides (ce « Daddy Was a Gun » qui se traîne de manière lancinante avec une rythmique bien calée au fond du temps…).
Jake Leg Boogie est un bon album de FHJ. Pas leur meilleur, peut-être, mais contenant certaines de leurs meilleures compos pour autant, mûres et efficaces. Dit autrement, Jake Leg Boogie est l’album que l’on attendait… il y a trois ans de cela ! Quel tas de branleurs quand même… Sa qualité est-elle suffisante pour nous faire patienter encore cinq ans ? Non, clairement pas, il nous faudra notre dose avant. Si le groupe lit ces lignes, qu’il en prenne acte et se remette au boulot fissa !
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Après une très longue période d’absence sur nos écrans-radars, TMGT (pour les intimes dont nous pouvons nous targuer d’être), la créature de Steve Moss, fait son comeback avec son deuxième album sur Napalm. S’il s’est fait rare sur les planches depuis les ennuis de santé de son frontman, le trio a passablement communiqué avec ses suiveurs via les réseaux. Nul n’ignore donc que le chanteur-guitariste a troqué sa crinière et son air underground contre un look de jeune premier, que c’est un nouveau tourneur qui est en charge de les faire se balader dans nos contrées et que, l’album terminé, le bassiste – Mike – n’est plus embarqué dans cette aventure. Avec ce genre de signaux, même anodins, il était peu probable que nous allions avoir droit à une suite logique – ou une redite – de « Cold Was The Ground », leur dernière production sortie en 2015 qui reçut un accueil très positif.
On ne va pas se mentir : avec cette avenue, les Étasuniens nous emmènent sous d’autres horizons et c’est franchement très loin d’être mauvais. Ça, on s’y attendait quand-même la moindre vu l’affection que nous portons à cette fine équipe et certaines choses demeurent. Parmi celles-ci, on notera avec satisfaction que le sens du groove, les voix burinées par les excès desquels elle est revenue, ainsi que les riffs saturés lorgnant vers les influences dites sudistes répondent présent à ce rendez-vous pour mélomanes avertis.
Ce qui évolue avec cette nouvelle pièce, c’est principalement la voie plus mélancolique et intimiste que le groupe emprunte avec une légèreté ainsi qu’une fluidité impressionnantes. Ceux qui, parmi vous, suivent ces Ricains depuis longtemps se remémoreront avec délice les prémices de cette production qu’étaient « Tom’s Trip » sur leur deuxième long format « Buffalo » et plus globalement l’étonnante première trace que le groupe laissa en 2008 avec le fameux court « The Johnny Boy EP » sorti sur les réseaux indépendants. Allez donc vous repasser « Do You Feel » ou « Stranger » vous comprendrez que cette attirance pour le côté moins obscur de la force n’est pas en soi une nouveauté.
Forte d’une certaine dose de courage – ou mue par des ambitions suicidaires c’est selon – la formation nous propose un disque neuf à la fois déroutant et incroyablement prenant. Impossible de rester insensible à ces 51 minutes ! C’est simple : soit vous prenez cette chose, la refoutez ipso facto dans son emballage et la tirez loin, soit vous vous laissez porter par cette longue descente introspective en n’ayant de cesse que de presser sur repeat. Construite de manière à ne pas trop déstabiliser l’auditeur, cette production nous renvoie aux prémices du rock, lorsque les artistes élaboraient des prods pour que les mélomanes les écoutent en entier et à la suite (ça fait bizarre hein, bande de sales zappeurs !). Nous débutons donc avec quatre titres qui puent de dessous les aisselles et nous rappellent direct l’ambiance déployée live par TMGT : l’incroyable « Tonight » et son groove implacable, « Red Eyed Junkie Queen » qui fait l’objet de la première vidéo sortie pour cet album ainsi que « Glenn’s Promise » et « Bury Me Deep » qui sont des poutreries programmées en live. S’en suit une transition aux faux airs de champs de fraises pour toujours intitulée « The Watchers Nest » qui nous propose carrément un subtil mélange d’émotions burnées et d’ingrédients propices au pelotage dans un cinoche drive-in.
Si nous avions pu être déconcertés par l’attirance du groupe pour cette grande dame qu’est Nina Simone, nous ne le sommes plus désormais en se passant le blues intimiste « Break My Love » qui entame la deuxième partie du disque. C’est acoustique et grailleux à la fois, ça sent le feu de camp, les haricots rouges et les topettes de Jack (voire la bière chaude) qui passent de mains-en-mains. C’est du blues originel et ça ne va pas plaire aux sectaires de la communauté stoner, mais putain que c’est bien foutu ! Toujours dans cette phase de la production, « Lemon Trees » fait office de pont apaisé avant un véritable ovni, mais cette espèce de balade molle du genou mérite tout de même de s’y attarder car sa puissante attaque finale renvoie au meilleur de ce que la bande de Steve nous livre depuis sa création. Ça passe ou ça casse avec « The Boogie down » qui voit débarquer Sonny Cheeba au micro ainsi que tout un tintamarre dispensé par une section cuivre ; je n’accroche pas et préfère exercer une pression légère sur skip afin d’attaquer le trio final.
Au sommaire de cette arrivée en douceur : trois titres, trois ambiances, trois fois plus de 5 minutes au compteur et trois réussites dans des styles fort différents. D’abord « Black Wave » qui s’égare, avec volupté, dans un registre très proche de l’acoustique où le leader de la formation est presque seul à la manœuvre ; la section rythmique assurant l’indispensable minimum permettant de ne pas se noyer dans une balade acoustique chiante à en crever, même si j’aurais apprécié de voir ce titre se conclure plus rapidement (franchement aucun intérêt de l’étirer en longueur ainsi). En dernière position pour les versions exemptes du titre bonus : « The Echo » qui conserve quelques séquelles de la tournée de ces garçons avec Greenleaf en proposant un groove mortel qui alterne phases propices au sommeil et grosse démonstration de guitare ; et merde que c’est efficace ! Tout a une fin, même les bonnes choses, et pour « Cypress Ave. », la fin c’est « I Can’t Let You Go » qui est estampillée bonus et qui demeure soft, mais avec ce qu’il faut de couilles pour ne pas être mièvre ; une juste combinaison de l’approche calme clairement privilégiée sur la fin de cette production et de l’approche scénique déployée à l’accoutumé par The Midnight Ghost Train.
Alors quoi ? On achète ou on n’achète pas ? On achète, mais on n’achète clairement pas un album de stoner ! On achète une pièce incohérente avec les livraisons du groupe du Kansas, mais incroyablement cohérente avec les premiers jalons posés originellement à Buffalo dans l’État de New York. On achète la rupture avec la facilité qui aurait été de commettre une imbécile répétition de « Cold Was the Ground ». On achète surtout si on est capable de s’enfiler presqu’une heure de musique qui n’est pas propice à se secouer les pellicules sur le col de sa veste à patches ; si tel n’est pas le cas : on n’achète pas, on ferme son claque-merde et on garde son pognon pour boire, se droguer ou acheter des plaques au rayon bourrin.
Point vinyle :
Une belle brochette de déclinaisons au programme pour cette en dehors des habituels rondelles argentées et versions insaisissables physiquement : 100 pièces vinyles dorées, 200 exemplaires clairs ainsi que l’usuel noir originel aux saveurs du temps jadis. Remuez vos arrière-trains flasques : il n’y en aura pas pour tout le monde..
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Sévissant de leur Allemagne natale depuis le début des années 2000 avec force assiduité, Vibravoid prône le rock psychédélique de papa. Pink Floyd avant toute autre chose, érigé comme groupe somme de la musique électrique. Une paternité qui bourgeonne en permanence dans leurs compos comme nous le rappelle très vite la formidable intégration de sonorités orientales de «Hole In My Shoe» ou «Raga Baya».
Là où Vibravoid se démarque du tout venant, c’est de par leur maîtrise évidente des règles évoluant dans le carcan initié par leurs pairs. Plus clairement, certains morceaux apparaîtraient facilement comme des classiques originaux retrouvés. Néanmoins, avec une oreille quelque peu attentive on décèlera ici où là des influences plus tardives, qui enrichissent un peu plus un album bien complet.
Enfin, si le ton est globalement gai, c’est dans les quelques ruptures mélancoliques, et en particulier les derniers morceaux de chaque face, que l’album révèle son envergure, sa justesse et donc sa pertinence. Et maintenant il ne vous reste plus qu’à dépenser un peu d’énergie pour aller fouiller avec plaisir leur large discographie.
Point Vinyle :
Cette “Black Edition” de leur album sorti en 2016 est disponible uniquement au format vinyle noir, avec un nouvel artwork ainsi que, tenez vous bien, de vraies graines pour plantez de vraies fleurs et une pyramide psychédélique pour apportez un peu d’amour en ce monde.
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Et si les trios sauvaient une bonne fois pour toute le rock dur de toute idée absurde de sophistication ? Et pourquoi pas. Dans cette configuration minimale, où chaque instrument capte le maximum du spectre qui lui est imparti, le rock, le stoner, le doom, ou peu importe comment on l’appelle se joue des affres de l’intellectualisation et demeure tel qu’on l’attend : brutal et séminal. Ce concept semble t’il, Wounded Giant l’a bien intégré. Bobby James, Alex Bytnar et Dylan A. Rogers, trois rejetons de la cité perdue du grunge, font clairement dans le rock qui tape fort, sans fioriture. Depuis Lightning Medicine, leur premier et hautement recommandable autoproduit publié en 2013, rien ne semble pouvoir les faire dévier de leur route, celle qui consiste à faire s’entrechoquer les corps et tournoyer les nuques. Dans un style sauvage, que l’on peut aisément déclarer sous l’influence d’High On Fire, Wounded Giant croise le riff, la fuzz et le saint patern. Repéré par STB Records, le trio de Seattle partage un split avec Goya, autre enfant du label, en 2015, avant de publier son second et attendu disque en 2017.
Produit par Billy Anderson, que l’on ne fera pas l’affront de présenter, Vae Victis sonne puissant, et plus que tout il sonne juste. Dès « Vae Victis », morceau d’ouverture aux 9 minutes trente de pur heavy doom, le ton est donné. Le trio n’a pas perdu une seule seconde de sa verve et fait toujours la part belle aux mid-tempi pesants et aux envolées de guitares sauvages, lacérées de fuzz. Fait rare dans un style souvent loin des préoccupations de son temps – derrière la pochette représentant Rasputine (une pensée à Type O Negative) au milieu de ruines envahies par les champignons – Wounded Giant déroule un propos teinté de prérogatives sociales (« Scum Of The Earth », « Green Scar », et même le morceau titre, s’ouvrant sur la phrase « I Love Corruption »). Côté musique, outre High On Fire et Sleep, deux références sonores pour lesquelles le travail avec Billy Anderson sert de lien heavydent, on pense à Zoroaster un peu, aux Melvins, bien sûr, Seattle oblige. Mais on se rappelle surtout à quel point Lightning Medicine, le premier album de Wounded Giant était marquant, appréciant alors à sa juste valeur ce second effort, produit de l’efficacité d’un trio dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Veni, Vidi, Vici.
Point Vinyle :
Outre les 15 copies du Test Press, introuvables ou hors de prix, STB Records propose ses trois versions habituelles pour son premier pressage :
- 100 Die Hard copies : tricolores, avec splatter et housse sur la pochette, numérotés.
- 150 Obi Séries : clear, avec gouttes blanches et splatter rouge et jaune. Numérotés sur un insert.
- 250 Not so Standard Edition : rouge et blanche, plus classique, cette édition est bien sûr la plus aisée à trouver.
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La Grèce nouvel eldorado du stoner ? Possible. Entre les festivals qui se montent là bas, trouvant leur place au milieu des DesertFest d’avril, et les quelques formations qui ont traversé les frontières (Nightstalkers, Planet Of Zeus, 1000 Mods ou Tuber par exemple), le grec se déguste désormais sauce fuzzée. Est-ce le soleil, l’aridité des paysage, ou simplement, comme pour le Pologne, la Russie et de nombreux autres pays, la mondialisation du rock par internet, reste que la révolution musicale grecque s’est amorcée. Dans cette tumultueuse avalanche de nouveaux noms, retenez donc Dendrites, trio venu de Volos, cité portuaire qui n’aura finalement pas beaucoup fait parler d’elle, sauf peut-être pour être la ville de naissance de Vangelis. Mais point de clavier ni d’élucubrations prog chez nos trois gaillards, mais bien un heavy rock aux inflexions southern qui ne sont pas sans rappeler Down, Corrosion of Conformity voire KoRn par moment (« How Many Times »). Leur premier EP, éponyme contient 10 titres et, au milieu de quelques approximations et morceaux dispensables, se cachent quelques discrètes raisons de croire en l’avenir du trio. Citons ici « Breath » ou « Devilshead ».
Nous ne saurons que fortement leur conseiller de s’affranchir de leurs trop évidentes influences et d’abandonner le chant clair au plus vite. Gardons tout de même un œil à demi ouvert sur la formation, sait-on jamais.
Pour écouter l’album : https://dendritesband.bandcamp.com/releases
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Les parisiens d’Electric Jaguar Baby en sont rendus au rythme honorable de quasiment un EP par année de carrière. Bon, sachant que le duo ne s’est formé qu’en 2015, on relativise un peu, même si du coup, l’écoute des deux EP d’affilée donne une idée de l’évolution du groupe.
Electric Jaguar Baby évolue en duo, donc, guitare – batterie comme on se l’imagine, ce qui comme souvent propose une approche musicale un peu différente, voire – osons – originale. C’est plutôt le cas ici, avec une bande son saturée, épaisse et riche en fuzz, mais qui s’incarne sur une trame mélodique qui ratisse très, très large : Frank et Antonio développent un genre musical intéressant, fait évidemment de trames stoner, avec des résurgences rythmiques très QOTSA, mais surtout, et c’est plus original, des plans garage et sonorités presque noise parfois, qui rappelleront les grandes heures des White Stripes, voire même des plans très Cramps, en version pied au plancher. Bon, tout ça en seulement trois titres, ça fait quand même pas mal, surtout que les trois morceaux sont assez homogènes. Avantage : une vraie cohérence “stylistique” et une carte de visite qui annonce la couleur en terme d’énergie live, qu’on attend de constater de visu pour confirmer. Crainte : que sur une plus grande quantité de compos (osons le mot : un album) l’on ne se lasse un peu. Espérons que le groupe saura creuser un peu plus encore ce sillon en trouvant les leviers créatifs pour composer des titres accrocheurs sans se perdre en route ou ratisser plus large encore (c’est un piège à éviter). Très encourageant en tout cas.
Heureuse initiative que celle-ci : proposer l’intégralité du set que les Helvètes ont délivré lors de l’édition 2015 du festival allemand. Ce genre chose de bonne chose, en vogue ces dernières années sur les festivals européens (Roadburn et Freak Valley en tête), est une véritable bénédiction pour les mélomanes que nous sommes et, avant même d’avoir entendu la moindre note, j’aurai volontiers mis en jeu mon service trois pièce qu’il s’agirait d’une production énorme. Heureusement pour moi, c’est clairement le cas !
Mon traditionnel acolyte et moi-même vous avions déjà rendu compte de la performance de nos amis et vous pouvez sans autre aller jeter un coup d’œil par ici : https://desert-rock.com/dr/chrolive/freak-valley-jour-2-orchid-monkey-3-horisont-5-mai-2015-netphen-allemagne.html pour vous faire une idée de notre ressenti quelques jours après ce show car : oui, nous y étions ! A titre perso, ça fait toujours monstre plaiz (comme on dit de nos jours) de pouvoir acquérir le témoignage d’un concert qui nous a plu autrement que via un bootleg tout pourri que nous sommes les seuls à apprécier durant une écoute en plénum. Autre réjouissance : c’est l’artwork originel de ce show qui a été conservé pour servir d’écrin à ces deux galettes et c’est le fait de notre pote Jo.
Ces considérations d’ordre non musicales passées, nous pouvons nous immerger dans ces 60 minutes de psychédélisme instrumental qui débutent par l’habituel introduction du speaker du festoche teuton annonçant à ‘ses amis’ le groupe du joli pays qu’est la Suisse (si jamais vous l’ignoriez). Ce préliminaire passé, nous entamons l’ascension de ce set qui se déploie en intensité au fur et à mesure que le temps s’écoule. C’est « Last Gamuzao » qui entame les hostilités, solidarisé sur la face A à « Pintao » que nous avions filmé pour notre plus grand bonheur et que vous pouvez aller mater par ici https://www.youtube.com/watch?v=MU90JnrgS0E pour augmenter les vues scandaleusement basses de cette vidéo. Après avoir retourné la plaque sur la platine, on découvre un deuxième extrait de la première production du groupe suisse : « Bimbo ». Ces deux extraits à eux seuls illustrent la spécificité de ce témoignage énorme (donc carrément indispensable) qui relate une performance durant laquelle le groupe a misé sur la puissance des titres qui les ont fait sortir de l’anonymat et devenir clairement un pionnier du genre, avec Colour Haze ou 35007 entre autres, alors que la plupart des membres des formations en vogue à l’heure actuelle jouaient encore avec leurs excréments.
La face C de ce joyau pour mélomane averti est intégralement consacrée à la masterpiece du quatuor : « 39 Laps ». C’est « Jack » et « Driver » qui s’enchaînent pour presque 17 minutes de bonheur fonctionnant comme un bain de jouvence pour les quidams qui ont eu la joie – ou la chance – d’assister aux prestations d’antan du groupe alors qu’il sortait leur incroyable deuxième effort. Cette seconde partie du disque déroule, comme la première, la maîtrise du quatuor qui est foutrement bien en place avec une mention particulière à la section rythmique qui envoie du lourd. Elle permet aussi un petit lifting aux compositions de Monkey, sans toutefois les altérer, avec quelques captations du ressenti du public qui donne à ce type de productions le petit plus plaisant des albums live tant appréciés dans toutes les catégories de la planète rock.
L’ultime face de ce live au Freak Valley est constituée du deuxième extrait de « The 5th Sun » qui était alors leur dernière sortie ainsi que d’une furie psychédélique habituelle. Sans surprise, c’est le single « Birth Of Venus » qui représente ce quatrième opus et qui constitue la dernière ligne droite avant le final en apothéose de ce show. Pour clore leur concert, les Suisses ont opté pour le seul morceau du fameux « Beyond The Black Sky » : « Through The Desert » qui est un grand classique des conclusions de set de cette sympathique équipe. Même éprouvée, cette formule – qui se décline sur plus de dix minutes – demeure incroyablement efficace. Elle fait office de sommet pour une montée en puissance de soixante minutes avec un énorme boulevard laissé libre pour que les guitares et les claviers s’expriment. Les bandes interlopes balancées durant cet exercice fonctionnent comme à leur habitude et l’ovation du public qui est retranscrite dans le sillon à son terme – et au terme de cet effort – prouve, s’il le fallait, que c’est un show de toute grande classe qui a été proposé au public du Freak Valley ce jour-là.
Les amateurs de cette formation ne rechigneront donc pas à délier leur bourse pour procéder à l’acquisition de cette trace – indispensable à leur discothèque – et les néophytes pourront découvrir les trésors du temps jadis que Monkey 3 balançait sur scène (et que j’aimerai bien entendre plus souvent si jamais ils me lisent). Un futur grand classique de toutes collections de vinyle orientées stoner est donc mis en circulation et il intéressera pas mal de quidams au-delà du cercle contraint des spectateurs ayant assisté à ce set d’anthologie.
Point vinyle :
Les fans du quatuor aiment bien l’odeur du napalm au petit matin et c’est leur tirelire qui prendra cher à nouveau. La chose est déclinée en 4 versions : un double (agent) orange tiré à 190 exemplaires commercialisé lors de l’édition 2017 du Freak Valley, un double bleu ainsi qu’une double tournée de rouge (qui tache) limités à 100 pièces disponibles via Napalm Records et finalement le duo noir traditionnel. Toute ces jolies pièces, futiles pour les uns et indispensables pour les garçons comme moi, sont toutefois dépourvue du lien permettant de télécharger le son afin de l’emporter avec soi dans son téléphone intelligent ; c’est dommage, mais les plateformes de téléchargement légal comblent ce manque.
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Oyez, oyez, le Sasquatch vient de nouveau d’être repéré ! Nous ne parlons bien évidemment pas ici du légendaire homme-singe mais du trio californien, pourvoyeur de fuzz depuis maintenant plus de 13 ans, qui nous revient avec un cinquième album.
Premier changement : à l’instar d’un Led Zeppelin, le groupe abandonne l’incrémentation en guise de nom d’album. Exit donc le V ou le 5 : place à Maneuvers.
Deuxième changement : bye bye Rick Ferrante, batteur originel du combo. Et place à Craig Riggs, plus connu pour ses exploits vocaux au sein de Roadsaw que pour frapper des fûts ou des cymbales…
Troisième changement : fini Small Stone, label renommé et connu de tout stonerhead qui se respecte. C’est chez Mad Oak Records que sort ce cinquième opus. Mad Oak, label du Massachussetts lié au studio du même nom et appartenant à… Craig Riggs.
C’est donc un peu l’heure des grandes manœuvres (OK, je sors) pour un groupe crédité d’une solide réputation underground mais toujours resté un brin méconnu dans nos contrées (la faute à un manque cruel de tournées de ce côté-ci de l’Atlantique).
Le tonitruant « Rational Woman », qui ouvre ce Maneuvers, rassure immédiatement puisque, malgré tous les changements, Sasquatch conserve toujours un sens aiguisé du riff et déborde toujours autant de fuzz. Sans prétention, le trio enquille les bûches. Qu’ils soient baignés de fuzz (« Destroyer »), plus orientés hard rock (« Bringing me Down»), ou agrémentés d’un Hammond (« Just Couldn’t Stand the weather »), chacun des huit titres de cet album (je ne compte pas « Lude » et sa poignée de secondes) démontre que les californiens sont de réelles pointures et mériteraient un succès plus franc.
D’autant que ce Maneuvers, contrairement à ses prédécesseurs, sort volontiers des sentiers “sasquatchiens” traditionnels pour s’aventurer vers des contrées un peu plus mélodiques, voire bluesy. « Just Couldn’t Stand The Weather » et « Drown All The Evidence », les deux titres “phares” de cet opus (et véritable colonne vertébrale du skeud) démontrent que Sasquatch parvient à se renouveler, à muter, à séduire, tout en restant fidèle au son Sasquatch tel que défini par le premier album du groupe. Le trio élargit donc son horizon, le même que tient en point de mire le pilote qui orne la pochette de l’abum.
L’air de rien, Sasquatch est au sommet de son art et accouche d’un album parfait… ou presque : la durée inférieure à 40 minutes laisse un arrière goût de trop peu.
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