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Franchement, plus de huit ans depuis leur album précédent, un nouvel album supposé en gestation depuis plusieurs années… on pouvait penser le trio californien moribond ! C’est par l’intermédiaire du dynamique label transalpin Heavy Psych que nous arrive la lueur d’espoir : HOBP est toujours vivant ! Avec un nouvel alb… Ah non, on me souffle à l’oreille que ce n’est qu’un EP…
Frustrés, on se plonge quand même vite fait dans la galette, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’on est en terrain connu… et que ça fait fichtrement plaisir ! Le trio formé par les fondateurs de Unida (Arthur Seay et Mike Cancino) et l’excellent bassiste/chanteur Joe Mora évolue toujours dans une sorte de gros hard rock qui tâche (pensez Unida sans Garcia), avec une grosse tendance au shred (quel six-cordiste remarquable !), ce qui ravira les amateurs trop souvent frustrés de soli parfois outranciers mais souvent jouissifs. A ce titre l’EP nous rappelle la palette typique du trio, à travers 7 titres assez variés.
Le plat d’honneur est servi en introduction, avec deux compos studio… Nouveautés ? Pas vraiment, car même si ces deux brulots sont rutilants et inédits sous cette forme studio, les deux titres étaient connus des aficionados qui les avaient déjà vus et entendus plusieurs fois joués sur les set live du groupe. Il n’empêche qu’ils dépotent bien en version studio (et accessoirement l’occase de valider le timbre parfois « Garcia-esque » de Mora sur le refrain de « Toranado »). Belles pièces.
La reprise de Billy Squier « The Stroke » ne surprendra pas vraiment non plus, le groupe ayant déjà proposé ce titre testostéroné en live. Toujours cool de l’avoir gravé sur disque. Plus intéressante est la reprise du « Lady Evil » de Black Sabbath : même si le titre est déjà connu sous cette forme (proposé sur un album tribute sorti il y a quelques années) il fonctionne bien, hommage respectueux aux anglais avec une sorte de Dio au timbre râpeux chargé au Jack Daniels… (note : sur le tribute album, c’était un chanteur invité qui mimait le grand petit chanteur, et pas Joe Mora)
Ce sont deux démos qui prennent la suite : deux enregistrements de qualité, mais… déjà connus aussi ! Dispos depuis longtemps sous cette même forme sur la plateforme de partage du groupe, ces deux titres ont par ailleurs eux aussi déjà été joués en live (notamment le heavy et catchy mid-tempo « Panzram »).
Pour clôturer, un titre live… extrait de leur album « Live Desertfest 2013 » ! Pas leur plus mauvais titre, mais quand même, ils se sont pas foulés, même si ce live n’a pas été largement distribué…
Cet EP laisse donc un goût doux-amer en bouche, en particulier pour celles et ceux qui suivent le groupe : bricolé à l’arrache (quelques chutes de studio par ci par là, quelques récups de morceaux par là…) il semble avoir pour objectif premier de signifier le retour aux affaires du trio et d’accompagner leur tournée européenne imminente. C’est déjà pas mal, mais c’est quand même bigrement frustrant. On attend plus ! Et que ça saute !
(Note : le nouvel album est annoncé pour début 2018…)
Monolord est un groupe indispensable. Un trio qui va vous sauver votre année musicale, rien de moins. Et le pire c’est qu’ils vont le faire en usant d’une recette aussi simple qu’imparable, celle que Nirvana avait imaginée, il y a plus de 25 ans déjà. Une méthode aussi bête qu’un riff répété en boucle, alternant son clair et distorsion, servi par un refrain qui ne quitte pas l’encéphale. Un scandale. Car si Monolord sort du lot des nombreux disciples du Sabbath, c’est bien grâce à ce son pachyderme, buriné à la fuzz, conférant au groupe une signature sonore claire et identifiable, comme Electric Wizard l’avait fait à l’orée des années 2000 et comme si peu de groupe sont capables de faire, finalement. On ne le dira pas assez, mais la signature sonore est essentielle, cela fait la différence entre un bon groupe heavy et un banal copycat. La formation de Gothenburg revient donc avec Rust, faisant suite à deux albums et quelques à-côtés et reprenant, note à note, les séculaires traditions du heavy doom, spatial et implacable tel que l’indispensable Empress Rising l’avait défini en 2014 déjà.
Il se trouvera bien sûr toujours des râleurs pour se plaindre du peu d’originalité. Il y en a toujours. N’attendez en effet pas ici une quelconque aération (ou plutôt attendez les dernières minutes d’« At Niceae », le dernier titre) ou une improbable innovation sonore. Mais si 40 minutes de fuzz obèse est quelque chose qui vous parle, alors vous évoluerez, avec Rust en terrain connu. La galette déborde de titres mémorables, tels « Where Death Meets The Sea » et son alternance, entre tempêtes et d’accalmies, « Rust » dont l’intro à l’orgue installe une bien sombre ambiance et « Dear Lucifer » pièce Sabbathienne au refrain imparable. Une trinité, quasi sainte, que l’on retrouvera à coup sûr incluse aux set-lists des suédois. La seconde partie du disque en revanche se veut moins immédiate, proposant plages instrumentales (« At Nicae », « Wormland » encore une fois extrêmement Sabbathien dans l’écriture), et quelques trouvailles de studio (Les violons à la fin de « Wormland », le solo acide de « Forgotten Lands » et le final de l’album), épaississant le propos du disque et faisant de Rust un candidat sérieux aux tops de fin d’année.
J’ajoute, pour relancer que la pochette de Rust est une des plus esthétiques de 2017. Non vraiment Monolord fait les choses bien.
Point Vinyle :
Outre les Test press et de géniales sorties « Die Hard » (portant des noms tel que « John McLane édition ou « The Hans Gruber ») toutes épuisées, il ne vous reste pour trouver votre bonheur que l’édition noir classique, une autre jaune (400ex), une bleue (300ex), une verte (300), une rouille vendue sur la tournée par le groupe (300) et une rouge pour les US (500). Choisis ta couleur en n’oubliant pas que le vinyle de Monolord côte toujours très bien par la suite.
La (assez) jeune formation originaire de l’artistiquement fort prolifique Dresde se rappelle à notre bon souvenir avec sa troisième production en moins de six ans d’activité. En effet, ce « Reap The Storm » fait suite à un – forcément – premier court et à un premier long format sorti il y a moins de deux piges. Si les rockeurs germaniques qui puisent leur inspiration dans le rock des seventies sont légion, ce quatuor se distingue de ses pairs en développant une personnalité des plus affirmée dans sa démarche créative hors des sentiers battus. Cette approche ainsi que le charisme de la front-pépée ont permis aux Allemands de se retrouver à l’affiche des gros raouts stoner ces dernières années et ils ont à tous les coups trouver leur public (nous avions déjà conseiller aux hippies qui nous suivent de s’intéresser à ce groupe). Si la charmante Francis Tobolsky et sa flûte sont à elles seules une bonne manière de se distinguer du reste de la scène, l’intérêt pour Wucan ne saurait se résumer au minois de cet être hybride entre Janis Joplin et Ian Anderson.
Les teutons pratiquent un krautrock hyper vintage qui tape tantôt dans le jam psychédélique alambiqué (où les plans ésotériques m’échappent quelque peu) tantôt dans le bon vieux hard rock des temps jadis et certains riffs ont carrément la classe du grand Maiden d’antan. En optant pour la langue de Goethe pour certains de ses titres nouveaux et en tapant dans un registre résolument non compatible avec la bande FM et ses déclinaisons virtuelles, Wucan n’emprunte pas forcément le chemin le plus aisé pour capter des auditeurs, mais ils proposent une plaque psyché de grande classe pour qui saura prendre le temps de s’y plonger en ne se contentant pas d’une seule écoute distraite pour accompagner la réalisation de ses nouveaux niveaux de Candy Cruche.
Il faut donc se verser un bon gros verre de sa boisson préférée et envoyer le son au volume qui va bien tout en regardant bien l’intérieur de ses paupières pour déguster convenablement la suite épique de « Sow The Wind » qui se décline en huit titres très homogènes sauf pour ce qui est de leur durée. Les ambiances déployées et la montée en puissance des digressions psychédélique – avec aussi des textes en français siouplé – saura envouter n’importe quel amateur de rock qui fleure bon les années septante. « The Rat Catcher » – qui a été sélectionné comme vidéo pour teaser les fans – ou « I’m Gonna Leave You » pourraient être une manière facile de se faire une idée au sujet de cette pièce en raison de leurs formats assez standard tournant autour des 5 minutes, mais ce serait couillon de ne pas prendre le temps d’aller se perdre dans les deux derniers titres : « Aging Ten Years In Two Seconds » (21 minutes) et « Cosmic Guilt » (18 minutes) qui sont de véritables réussites du genre ne lassant pas malgré leur format colossal !
Un disque pas facile à appréhender qui laissera les plus lourds d’entre vous (et je sais de quoi je cause) septiques, mais qui fera assurément le bonheur des amateurs de sensations d’un autre âge qui hantent les fests stoner avec leurs pattes d’eph, leurs patchs faisant l’apologie de la paix ainsi que de l’amour ou leurs décorations capillaires à la Björn Borg !
Radio Moscow revient après un Magical Dirt excellent sorti en 2014, qui leur a permis de tourner pendant 4 années à travers le monde et de nous offrir un très bon album live au passage. Toujours prêt à distribuer l’un des meilleurs son 70’s/psychédélique/rétro actuel, ce New Beginnings a fort à faire pour reprendre le flambeau.
On savait Parker Griggs adepte des soli généreux et maîtrisés, et force est de constater qu’il était difficile de le cacher tant l’attaque de ce sixième album expose son talent. On part à toute berzingue, guidés par des guitares virtuoses. Une énergie qui rappelle justement leurs prestations live.
Déjà à la sortie du Live in California, il semblai ardu de revenir à leurs productions précédentes car paraissant trop sages ou propres même si nous perdions en justesse. Ici, on prend le meilleur des deux mondes grâce à un enregistrement à l’ancienne, dans une seule pièce, au Lost Ark Studio de San Diego. En ressort un spectre sonore riche des rebonds naturels du son adjoint d’une spatialisation aux petits oignons.
Les deux morceaux instrumentaux « Woodrose Morning » et « New Skin » sont ainsi un régal et peut être les plus belles réussites de l’album. Sans oublier « Dreams », servant de clôture mais surtout d’apothéose avec ses 6 belles minutes.
Toutefois, on peut déplorer la parfois sur-utilisation de leurs gimmicks, tant guitares que voix, dont les résurgences successives « No One Knows Where They’ve Been » et « Last To Know » sont par trop fatigantes. Leur position au milieu de la tracklist est dès lors un réel point noir si l’on souhaite faire une écoute linéaire.
Mais l’avantage avec une discographie de cet acabit, c’est qu’il est possible d’aller y piocher ses préférences. Si la mienne ira encore au quatrième album Brain Cycles, ce New Beginnings est le bienvenu dans ma collection.
La carrière discographique du grand frisé a beau avoir eu des hauts et des bas, qualitativement parlant (ou, soyons plus honnêtes, des albums plus difficiles que d’autres), tout le monde peut convenir que son terrain de jeu est le live. A ce titre, sa production vinylique a généralement été le prétexte à composer quelques pépites pour alimenter des sets live souvent fiévreux. De là à émettre l’hypothèse que ses albums studio existent principalement pour justifier ses tournées, il n’y a qu’un pas. Quoi qu’il en soit, quel constat surprenant finalement qu’un artiste de cet acabit n’ait pas encore dans son escarcelle d’album live ! La chose est réparée par l’entremise de son label Napalm Records avec la sortie de ce Europe ’16 dont le titre laisse peu de place à l’imagination : on va donc trouver sur ce disque des morceaux live enregistrés plus précisément à Berlin en novembre dernier.
Alors, écouter un disque de Brant Bjork en live, ça donne quoi ? Ben à peu près exactement ce qu’on imagine. En gros, on est posté devant sa paire de haut-parleurs (ou entre deux écouteurs, on vous laisse vous projeter selon votre habitude d’écoute de disques) et on écoute le bonhomme et son Low Desert Punk band (qui n’ont pas les honneurs de la pochette, tiens…), et donc sans voir les volutes de fumée s’élever ici ou là du public, sans voir Dave Dinsmore et son jeu de basse sensationnel, Bubba Dupree et son jeu de scène anémique mais son doigté impeccable, Ryan Güt et ses sourires all brite, ou encore le grand ténébreux et son jeu de jambe improbable occasionnel, cet oscillement au niveau du genou qui est devenu le signe annonciateur sans faille d’une séquence au groove imparable. Donc oui, un set de Brant Bjork sans tout ça, ça fait un peu light.
On essaye de se rabattre sur les deux facteurs clés de réussite d’un live : le son et le choix de la set list. Côté son, c’est net et sans reproche. Propre, mixé sans fantaisie (la stéréo du pauvre : une guitare à gauche / une guitare à droite) mais avec efficacité, ou plutôt une plutôt bonne fidélité au mix habituel live du groupe (avec la basse toujours sous-mixée au goût de votre serviteur). On notera en revanche une mise en avant un peu surprenante des vocaux (on n’y est pas vraiment habitués) et quelques incursions du public un peu surprenante (trois cris de joie et fade out – pourquoi ne pas proposer le concert en intégralité ?).
Côté set list, on est un peu plus circonspect : les deux tiers du disque (8 titres sur 12) sont issus des deux derniers albums de Brant Bjork ! Autant pour les fans old school… Sur ces derniers, les titres sont bien choisis, et quelques interprétations ne sont pas dégueu, même si certaines laissent à désirer (c’est quoi ce plan jam anémique sur la fin de “Biker No.2” ? Et quid de “Dave’s War”, dont le groove jam déroulé sur presque 10 minutes n’est pas forcément meilleur que sur disque, alors qu’on pouvait légitimement espérer un plan impro de belle tenue…).
Au rayon des plutôt bonnes surprises, on notera un bon “Lazy Bones” (pas mal tarabiscotée) qui introduit comme d’habitude un bon “Automatic Fantastic”. “Low Desert Punk” rafle aussi la mise en version pêchue rallongée sur 10 min en impros de bonne tenue. probablement le meilleur titre de la galette, imparable. De même pour ce “Freaks of Nature” opportunément déterré ces dernières années, propice cette fois à une série de soli bien foutus – mais sans magie non plus cette fois. Mais quid de “Too Many Chiefs… Not Enough Indians” ? (que Ryan Güt n’a jamais réussi à transcender en live il est vrai) “73” ? “Hydraulicks” ? Des morceaux qui ont vécu, que le groupe pourrait vraiment transcender.
Bref, on peut se féliciter de voir le principe de l’album live revenir un peu sur le devant de la scène (jeu de mot. Humour.). A ce titre, nul doute que les fans du père Bjork ont déjà fait l’acquisition de la bestiole. Pour les autres, la réflexion est de mise : c’est un bon disque live, le son est très correct et il permet de valoriser la carrière de Brant Bjork. Reste que cette set list très discutable et une interprétation qui n’atteint jamais complètement les sommets rendent l’objet un peu aseptisé. Qui aime beaucoup châtie un peu (ou un truc comme ça…). On attendait vraiment une grosse claque, on a eu un bon album live. C’est déjà ça… ?
A l’instar de Triptykon, que je considère comme le tout meilleur projet musical de cette décennie, With The Dead avait su, avec son premier album, redessiner les contours d’un doom à la fois familier (en mélangeant les propriétés sonores d’Electric Wizard et Cathedral) et novateur (la noirceur et la puissance sonore du rendu définit un standard pour de nombreuses années à venir) pour un résultat d’une qualité indéniable et d’une élégance rare. L’association de vétérans de la chose heavy, Bagshaw/Grenning, la section rythmique originelle du Wizard, et Lee Dorrian, d’entre autres Cathedral, avait alors le pouvoir de transformer le moindre titre en un élixir doom aux incroyables vertus. Hélas, comme trop souvent, l’attitude de Mark Greening, génial batteur par ailleurs, ne lui aura pas permis de pérenniser sa place dans ce projet qu’il avait pourtant initié. Évincé et remplacé par Alex Thomas (ex Bolt Thrower), Greening voit ses anciens compagnons de route continuer l’aventure, With The Dead enregistrant également l’arrivée de Leo Smee (Cathedral, Chrome Hoof) à la basse (Bagshaw passant à la guitare).
Désormais quatuor, With The Dead investit de nouveau les studios Orgone. Ils reprennent ingrédient par ingrédient la recette précédemment brevetée, plongeant 7 nouveaux titres dans leur grosse marmite doom, celle-là même qui en 2015 aura offert au monde des pièces au potentiel d’asservissement auditif imparable, telles que “Living with the dead” ou “I am your virus”. Malheureusement, rien n’est plus ardu à réitérer que le génie et c’est précisément de ça que souffre Love From With The Dead : de la comparaison avec l’insurpassable aîné. Si la recette est suivie à la lettre, le rendu, lui, semble hélas agir à la manière d’un placebo. La faute à un manque de trouvailles peut être ou de riffs marquants qui auraient changé ce disque certes homogène et puissant, en quelque chose de profondément génial. Ce disque à la noirceur et la radicalité prononcée, passe finalement comme un nuage menaçant sans que jamais ne s’abatte sur nous ne serait-ce qu’une averse. Certes « CV1 » et sa fin d’apocalypse technoïde tonne dans le lointain, certes « Cocaine Phantoms » convoque quelques images spectrales dans un tourbillon de metal sombre et froid, mais rien ici ne supporte la comparaison avec le glorieux premier né qui avait tant enchanté notre année 2015. Il ne reste alors que les regrets et l’envie furieuse de se replonger dans cette aventure sonore que propose le premier album de With The Dead, un groupe qui a le défaut de sa qualité : il nous a appris à être très exigeant. Habitués que nous sommes à boire un breuvage aux multiples vertus, la nouvelle potion ici proposée semble malheureusement éventée. Pas étonnant que le charme soit rompu.
Point Vinyle :
Rise Above gâte ses acheteurs, même un peu trop. Pour le With The Dead, une première version Die Hard à 100 exemplaires, réservée aux membres du groupe et famille est pressée (Clear). S’en suivent deux autres version Die Hard à 200 exemplaires chacune (black et purple sparkle), puis 4 versions plus classiques : deux pour l’Europe (rosewood et Aztek gold, 1000 chacune) et deux pour les US (solid purple et silver color, respectivement 500 et 300 pressés). Voilà qui fait beaucoup de fioles pour un si peu efficace élixir.
Est-il encore besoin de présenter Kadavar ?! Certainement que oui, car une bonne piqûre de rappel fait toujours du bien. Déjà quatre albums pour le trio allemand et autant dire qu’il ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Alors que le groupe nous avait largement habitué à voyager dans les années 1970, que ce soit à travers sa musique, son style vestimentaire ou bien encore avec son visuel, il faut l’avouer, Rough Times nous transporte enfin vers une nouvelle époque.
Parlons déjà de la surface sonore de l’album. Dès les premières secondes, certains risquent de se demander si leur système d’écoute est bien réglé. On est face à une sorte d’innovation en ce qui concerne la projection des basses et cela pourrait en surprendre plus d’un. Puis on s’habitue très vite à ce son massif, lourd et croustillant. Kadavar entend nous montrer que la maturité musicale passe aussi par la maîtrise et l’authenticité sonore : défi réussi avec classe. Ensuite, il faut l’avouer, le groupe arrive à nous prouver que parfois, être seulement trois suffit largement pour envoyer du gros son bien baveux et ensorceleur : fuzz et autres ambiances psychédéliques sont au rendez-vous.
Mais pourquoi parler d’un nouveau bond en avant ? Tout simplement parce que les Allemands ont réussi à se renouveler. On commence avec une première partie d’album très surprenante où chaque morceau est lié à un autre tout en ayant sa propre identité. Prenons les deux chansons introductives de cet opus, « Rough Times » et le grandiose « Into The Wormhole » : nous sommes tout de suite plongés dans un nouvel univers mêlant une belle éducation aux sons vintages des années 1970 à la Black Sabbath avec un panoramique instrumental de lourdeur à la Truckfighters ou à la Fu Manchu. On croirait presque à une invasion de musique instrumentale à la Hans Zimmer synthétisée en un parfum Stoner, voire Doom à quelques occasions. Écoutez « Skeleton Blues », vous aurez presque envie de ressortir votre skate-board et vous la jouer Seigneurs de Dogtown : quel délice d’ingéniosité rythmique ce titre ! Puis on se laisse porter par des morceaux ovnis comme la charmante et sensuelle « Vampires » qui nous offre une diversité d’ambiances et de groove en moins de 5 minutes avec sa guitare légère et son clavier envoutant.
Kadavar ne rejette pas pour autant sa marque de fabrique vintage. Puisque vous aurez toujours le droit à des titres plus classiques mais avec du charme tels que « Die Baby Die », « Words Of Evil » ou bien encore la puissante en entêtante « Tribulation Nation ». Enfin, vous découvrirez des contrées musicales véritablement soignées et rafraichissantes avec ce final d’album se résumant en trois titres : « The Lost Child », « You Found The Best in Me » et la très française et ravissante « L’Ombre Du Temps ». Ici, il sera question d’emmener l’auditeur dans un nouveau monde jamais exploré, et, on s’y acclimate plutôt bien.
Rough Times a donc tout ce qu’il faut pour devenir culte : laissons le temps nous donner raison. Ce qui est évident, c’est que le quatrième opus de Kadavar est une pièce maîtresse à leur discographie, certainement leur meilleur album.
Ufomammut revient avec sous le bras rien moins que leur huitième opus, très judicieusement nommé « 8 ». Oui pour l’originalité on repassera (et ne me lancez pas sur la symbolique ras-des-pâquerettes de ce supposé signe « infini »…). La curiosité est entière avant d’enfourner ce disque : le trio transalpin n’a plus à démontrer ses compétences de songwriting, étalées avec magnificence et arrogance tout au long de Eve, et plus encore le bipède Oro. Avec son dernier album Ecate, comme aculé dans les cordes, il avait joué la carte de l’efficacité absolue, froide et brute, l’album faisant encore aujourd’hui, plus de deux ans après, l’impression de se retrouver dans un laminoir lancinant, une machine à broyer industrielle sans pitié. Difficile d’imaginer le groupe pousser plus loin sa musique dans cette voie. Obligés de se renouveler, encore ?…
Après plusieurs dizaines d’écoutes, force est de répondre par l’affirmative. Toujours aussi hermétique, la musique du groupe ne permet pas de se faire un avis très tranché dès les premières écoutes : il faut défricher, éviter les rafales d’obus, écouter encore, encaisser les coups de massue, appuyer sur « repeat », se relever des passages de rouleau compresseur, et repartir au front, encore et encore, pour mériter le Saint Graal. Ce n’est qu’au prix de ces itérations que se dessinent les traits saillants des nouvelles compositions du groupe, et surtout les finesses de sa production. Car la clé de ce « 8 » est double, et s’articule autour d’un songwriting redoutable et d’une production soignée.
Un trouble apparaît cependant dès l’écoute de « Babel », morceau introductif : on sait comme Ufomammut crée habituellement un lien entre ses albums, le premier titre de chacun de ses disques étant supposé faire écho au dernier morceau du précédent. Or là, même si le groupe confirme l’existence de ce lien, il est difficile à son écoute de rattacher ce titre inspiré de la célèbre séquence biblique au « Daemons » qui clôturait Ecate. Ce dernier, en quintessence de l’album, poussait dans ses retranchements cette volonté d’efficacité primale, simpliste et brutale. Or « Babel » est complexe, multiple, transpercé de nappes de claviers space et de chant presque clair (!!), s’appuyant sur une paire de riffs protéiformes tels que le groupe sait les façonner et les animer au fil d’un titre de plus de huit minutes, faisant évoluer sa rythmique en cours de route (quel formidable frappeur que ce Vita)… subtil ? N’exagérons pas. Quoi que… « Warsheep » confirme cette tendance, avec notamment un dernier tiers porté par une dynamique et une rythmique auxquelles le groupe nous a peu habitué. « Zodiac » qui embraye sans coupure pousse encore le bouchon plus loin. On entend des plans que ne renierait pas Mastodon, voire même par moments… Tool ! Trop tard, c’est dit. Car oui, Ufomammut est revenu à des tendances clairement plus organiques, et une production plus riche, le tout étayant des structures toujours aussi complexes, limite progressives. Alors qu’il poussait ses riffs et ses rythmiques jusqu’à l’étouffement sur Ecate, le groupe passe ici perpétuellement d’une séquence à l’autre, provoquant l’impression d’être sans arrêt déstabilisé, mais toujours intéressé et stimulé.
Bon, que les fans se rassurent néanmoins : le trio n’a pas complètement changé de braquet et sa musique est toujours reconnaissable entre mille. Rythmiques marteau-piqueur et riffs massue s’entendent dans une joyeuse atmosphère de doom industriel bien bourrin. Vous lardez tout ça de rares lignes vocales, de basse et guitare ultra-saturées, vous saupoudrez de quelques claviers et samples bien sentis, et vous vous sentirez en territoire finalement bien connu. Mais force est de reconnaître que tout en recyclant des éléments déjà maîtrisés, le groupe vise juste et propose, finalement, de l’inédit, à l’image de ce « Psyrcle » qui vient clore l’album de toute sa majesté : lancé sur une séquence typique (un riff asséné sur une rythmique lancinante sur plusieurs minutes), le titre est transpercé en son milieu d’une fulgurance guitariste fuzzée, puis retombe sur ses pattes pour finir sur une conclusion riche en émotion, aidé en cela par des samples qui rappelleront les grandes heures du Hans Zimmer de « The Thin Red Line ».
Il est bien difficile de se sortir de cet album riche et addictif. Ses 45 minutes en paraissent au moins le double tant l’album foisonne de plans variés, de sonorités, d’idées… Ufomammut ne trahit pas son ADN, capitalise sur ses points forts, et pour autant, sans se réinventer complètement, propose avec 8 une synthèse parfaite de son parcours. Il ne s’agit peut-être pas de son album le plus audacieux, ni le plus surprenant (ceux qui ont vu le groupe en live ces derniers temps avaient pu prendre la mesure de leur puissance : les italiens en avaient encore sous la pédale, c’était une évidence) ; pour autant, 8 se pose comme œuvre totale, synthèse et point culminant d’un genre musical dont eux seuls détiennent la recette. Et déjà, on attend de voir ce qu’ils nous réserveront la prochaine fois… mais en attendant, on appuie encore une fois sur « repeat ».
Les sorties du trio norvégien culte sont trop souvent passées sous nos radars. Faute à une distribution de disques souvent famélique, une promo inexistante, certains des symptômes d’un groupe dont la notoriété s’est construite en direct auprès de son public, album après album, ainsi que sur scène. Fortement honorable en soi. Pourtant le groupe ne peut pas être taxé de laxisme : après plus de 25 ans de carrière, le groupe a enregistré une vingtaine d’albums, une dizaine d’EP, et plein de singles, featurings, etc… Une carrière faste, riche, et très variée. Bon, y’a forcément une embrouille – pour être aussi productifs, ils doivent bâcler l’affaire et se répéter… Et là, boum ! Rien que pour nous faire mentir, les bougres nous pondent rien moins qu’un double album, presque 1h30, cash, et justement super diversifié et très différent du précédent…
On ne donnait pourtant pas cher de leur peau quand Kenneth Kapstad, leur batteur, les a quittés en juin 2016 après dix ans de bons et loyaux services. Hans Magnus Ryan et Bent Sæther, seuls restants, ont mis quelques mois à recruter son remplaçant, Tomas Järmyr, mais n’ont pas tardé à le mettre dans le bain, avec un nouveau disque ! Et pour ça, les scandinaves ont choisi la Californie – Los Angeles et le Rancho de la Luna. On a connu pire bizuthage.
Toutes ces infos dans un coin de la tête, on écoute l’album avec une oreille curieuse. Et on l’écoute encore. Et encore…Le premier constat se fait jour : difficile d’en faire émerger une tendance, un positionnement dans la carrière du groupe. le plus marquant est le tour plus “enjoué” pris par le disque au regard de son prédécesseur, le pourtant excellent Here be Monsters. Ce dernier était plus sérieux, plus intimiste aussi. The Tower n’est pas tant son contraire qu’une autre vision du groupe. En tout cas pas une suite logique, c’est assez intéressant à noter !
Plusieurs facettes sont explorées par le groupe, à l’image de “A.S.F.E.”, dont l’intro avec son riff fuzzé rappelle “Paranoid” par le grand Sab’, et qui se termine en rappelant l’aspect groovy lancinant répétitif krautrock perfectionné par des groupes comme Ecstatic Vision. Les atours plus prog et psyche typiques du groupe se font jour progressivement sur la suite du disque, comme sur “Intrepid Explorer” qui, même s’il commence comme un morceau folk un peu mou du genou, se transforme vite en jam grandiloquent avec des plans presque orientaux et des arrangements de cordes du meilleur effet. “Stardust” un peu plus tard fait baisser la pression, il reste pop folk mielleux tout du long, catchy, certes, et pas désagréable mais… bof quoi. “The Maypole” plus loin, dans la même veine, est plus réussi. En tout cas, ça contraste avec « In every dream home (there’s a dream of something else) », lancé par un gros riff et porté par un son de guitare(s) très fuzzé, mais qui se transforme en bluette folk très 60’s sur la fin, avec même des plans de flute !
Les choses deviennent plus sérieuses sur la fin “A Pacific Sonata”, titre de quinze minutes, porte bien son nom : le titre est lent, il commence en électro-acoustique avec un chant haut placé (sur des envolées, en harmonie), puis au milieu accueille des soli très blues (aux sonorités presque Gary Moore-iennes). Puis coup d’accélérateur, la rythmique part en vrille et devient carrément prog, avec plein de couches instrumentales et samples divers. Heureusement “The Cuckoo” remet au goût du jour des grattes plus électriques, mais cale quand même des breaks venus de nulle part, et finit sur des plans très prog (harmonies guitare/chant, segments acoustiques, piano et guitare…), encore. Le dernier morceau “Ship of Fools” (un petit quart d’heure lui aussi, hein…) commence léger avec (encore) force plans prog, puis se métamorphose tout en accélérant le rythme, et en calant des plans bariolés, arrangements WTF et chaos auditif à la clé, avant de se reprendre un peu sur la fin. Un vrai bordel organisé. Clap de fin.
Et bien finalement, l’album est à l’image de ces quelques exemples : riche, varié, baroque donc, jamais très loin des pans les plus progressifs de sa musique, il apporte une vision kaleidoscopique de la carrière de Motorpsycho : il se penche subtilement sur son passé (pour mieux se reposer sur ses compétences connues et reconnues) et donne quelques indices sur de nouveaux territoires possibles à explorer. Un disque audacieux, qui explose d’idées, super créatif, très contrasté. Trop ? Pas vraiment si on a l’esprit ouvert, et si l’on est fan du groupe (et donc un peu habitué…) – ces deux statuts étant souvent liés, soit dit en passant. The Tower se pose donc en (très) bon disque dans la carrière du groupe, qui nous laisse entrevoir encore de probable nombreuses années de carrière pour ce discret mais finalement très actif trio.
Qui a dit que la Belgique ne savait pas « doomer » ?! Il y a quelques mois, sortait le premier album de Bathsheba : Servus. Sorti chez Svart Records, la mère de Salomon (un petit tour dans le Livre des Rois et tout sera limpide) nous avait déjà concocté une première démo en 2014 (MMXIV) ainsi qu’un EP en 2015 (The Sleepless Gods). Maintenant, il est temps de prendre les choses en main avec six titres à la clef.
Ici, on est plongé dans une atmosphère clairement sombre, mystique et envoutante. Il suffit d’aller jeter une oreille et un œil (ou deux pour les plus chanceux) sur les deux clips-vidéo promotionnels : « Demon 13 » et « Ain Soph ». Deux titres très bien choisis puisqu’ils nous livrent la ligne directrice de l’album : un couple instrumental guitare-basse liant gros riffs et mélodies percutantes, le tout orchestré par une batterie simple mais efficace dans sa rythmique démoniaque. Et le titre éponyme « The Sleepless Gods » parle de lui-même en annonçant une double couleur musicale passant d’un rythme planant à une succession d’accélérations. C’est dans ce décor Doom-Metal que Michelle Nocon, chanteuse du groupe, peut s’exprimer à travers différents registres : voix mélo-dramatique possédée par des phases criées, hurlées voire aériennes.
Mais ces quarante-cinq minutes hypnotiques ne reposent pas seulement sur un registre Doom. Il faut reconnaitre la fibre Stoner et Sludge qui surgissent sur certains titres tels que « Ain Sophie », jouant d’originalité avec du saxophone, ou sur la chanson finale et ravageuse qu’est « At The End of Everything ». Cette volonté artistique empêche la répétition en offrant des changements de rythmiques et d’ambiances. Ensuite, côté ambiance, les pistes comme « Manifest » ou « Conjuration of Fire » s’insèrent dans un étonnant réquisitoire de lenteur et de mysticité démoniaque. Et bien que ces morceaux prennent le temps de vivre (entre 6 et 10 minutes par titre), tout passe très vite et on ne se lasse jamais. Il est même souhaitable de revenir sur l’album à plusieurs reprises : le temps de le digérer, de s’en emparer et d’être finalement envoûté.
Servus pourrait donc se résumer ainsi : un univers occulte et ensorceleur d’une musique lourde et planante. Un formidable voyage de riffs envoûtants et d’une voix magnifique.
Finalement lorsqu’on y repense, Rescue Rangers n’a jamais été autre chose qu’un groupe grunge tombé par (un relatif) hasard au sein des rangs du stoner français. Ce postulat était clair dès les premières notes de « Sounds of the Katana », ouvrant Guitars and Dust Dancing, le premier (vrai) album du groupe en 2008. Mais quelques concerts avec Nick Oliveri, Mondo Generator, Hermano et Red Fang plus tard, ainsi qu’« Hassan Sabbath », délicieuse pièce psychédélique (que l’on sait aujourd’hui tenir d’une obsession certaine pour Pink Floyd) ont eu vite fait de classer nos rangers du risque au sein de la communauté fuzz hexagonale, en pleine expansion en ce début des années 2010. Pourtant la publication de Manitoba en 2012 aurait dû nous (re)mettre sur la piste : malgré quelques titres quelques peu embrumés, l’album est direct, comme un bon coup de Converse sur la clenche d’une pédale Big Muff. Foisonnant de riff punkoïdes, ce qui reste – à mon sens – le meilleur effort du trio est en vérité un disque grunge qui ne dit qu’à moitié son nom.
Qu’à cela ne tienne. Incompris, en marge d’une scène qui s’est trouvée d’autres idoles à applaudir, Rescue Rangers se mue dans le silence. D’essais peu concluants de musiciens en concerts discrets, d’aucuns (et moi le premier) pensaient que le groupe avait jeté l’éponge. Mais voilà que la formation marseillaise revient avec Join Hate, troisième opus issu de sessions avec Page Hamilton à la production. Oui Page Hamilton, celui de Helmet (le groupe les prendra sur la route pour quelques concerts début 2017). Join Hate, un album garanti avec 0% de stoner dedans. 11 titres, jamais rien au dessus des 3 minutes (enfin si 3 minutes et 1 seconde, pour me faire mentir), du riff punk et du refrain oscillant entre grunge et hardcore. Entre Nirvana et Unsane. A la Helmet quoi. Le son est impeccable et l’album est pétri des qualités inhérentes à son compositeur et seul maitre à bord : Pascal Mascheroni. Bravo.
Il se dessine là la limite de votre serviteur quant à parler plus en détails d’une musique qui sort clairement du champ de sa compétence. Alors, tout en vous invitant à jeter une oreille au disque, je me permets de crier mon désespoir quant à la façon dont il a été publié. Page Hamilton est venu en personne à Marseille enregistrer Rescue à l’été 2015 et le résultat de ces sessions est publié deux ans plus tard, sur F200, un label qui n’existe pas (encore ?), juste assez tard pour que le trio ne l’ait pas en main lors de sa tournée en ouverture d’Helmet. Ajoutez à cela une communication inexistante (la page Facebook du groupe est très peu alimentée, parfois pendant 1 an, avec simplement une photo de… chat), une vraie instabilité du personnel et un nombre de dates famélique et vous obtiendrez la chronique d’un échec programmé. Je veux bien passer ma vie à crier au manque de reconnaissance des nombreux groupes de qualité émaillant la scène française, mais à ce niveau, Join Hate n’est rien d’autre qu’un météorite rock s’écrasant sur le corps d’un suicidé. Triste à pleurer.
Point vinyle:
Aucune info n’a filtré du label qui n’existe pas. Pour le moment la sortie est dématérialisée, en attendant le CD, annoncé au 8 septembre. Autant vous dire que je suis pessimiste quant à la publication d’un vinyle.
Le quatuor londonien Poseidon (des anciens de Light Bearer, pas des perdreaux de l’année) proposent leur premier disque, qui sort chez Ripple, un label globalement qualitatif mais décidément pas très sélectif en terme de style musical. Ce Prologue, puisque c’est de lui que l’on parle, justifie doublement son patronyme : il s’agit non seulement du premier disque du quatuor, mais aussi du premier opus d’une série de disques qui détailleront – je cite – « l’effondrement de la civilisation et sa reconstruction, le tout sous la forme d’un opéra de science-fiction post-apocalyptique ». Diantre… Un sacré programme en tout cas qui nous promet potentiellement un paquet d’albums derrière, s’ils veulent détailler le concept en long et en large… le sujet est porteur ! On entame cet ambitieux programme (plan de carrière ?) par une mise en bouche costaude, sous la forme de cette galette forte de quatre gros morceaux – c’est le cas de le dire…
L’album commence sous les meilleurs augures avec ce massif « The Beginning, the End, the Colony », un morceau de doom costaud et saturé, sorte de mix entre Hooded Menace (en moins hargneux), Monolord et le Pallbearer pré-2016… Le titre tourne bien, on ne s’ennuie pas, il vadrouille un peu en tous sens (le groupe n’a pas à justifier l’étiquette « progressive » qu’on accole souvent à son style musical…). Une bonne entame. Quand on propose un album de quatre chansons, on peut considérer plutôt couillue la décision d’en proposer une de huit minutes en électro-acoustique… « Mother mary Son of Scorn » est une balade sirupeuse et, reconnaissons-le, assez catchy. Malheureusement, enrobée de quelques arrangements assez convenus (quelques notes de piano, un solo électrique larmoyant en fond sonore…), elle n’apporte pas grand-chose à l’exercice, si ce n’est de démontrer la capacité du groupe à élargir son spectre sonore. Un peu léger, à tous égards. « Chainbreaker » lui emboîte le pas, un titre un peu bipolaire, avec une première section plutôt lente et quasi-doom, et une seconde tendance power-metal/thrash avec ses riffs tranchants et son chant beuglé avec conviction. Là encore, la chanson est propice à deux points de vue différents : on peut apprécier la démonstration d’une corde supplémentaire à l’arc du groupe, tout comme on peut encore une fois s’étonner du manque de fil conducteur sur cette galette… L’album se termine sur « Omega », un titre tortueux qui développe un doom fortement métallisé, protéiforme en tout cas, avec des accents gothiques parfois qui fonctionnent pas mal. Enfin, c’est quand même pas du Yob…
S’il est une cohérence à trouver tout du long, elle porte sur les pans les plus métalliques de la musique du groupe, qu’ils tendent alternativement vers le doom, le gothique, le heavy… Les fans de stoner les plus classiques seront vertement refroidis par les plans heavy les plus incisifs et le manque de « chaleur » d’une production qui aurait mérité un peu plus de nuance parfois. On sent un groupe ambitieux, qui veut beaucoup montrer sur son premier disque, au risque de se disperser…
Trois quarts d’heure de musique ont défilé finalement sans trop que l’on ne voie le temps passer : Poseidon charge ses compos de tant de matière, structures, sons, riffs, rythmes… que l’on est bien obligé de constater que même après de nombreuses écoutes, on ne s’ennuie pas. Pour autant, on n’est jamais subjugué par ses fulgurances, ni terrassé par la portée de ses riffs : l’album est intéressant mais ne propose pas de vrai moment de grâce. Prologue est toutefois un bon disque, prometteur pour un « nouveau » groupe, et en tout cas la première pierre d’un intéressant projet artistique musical, que l’on suivra avec intérêt sur la sortie de leurs prochains albums ; il est bien possible qu’en ajoutant des strates complémentaires, le prisme dans lequel s’inscrit ce Prologue ne prenne une toute autre dimension. Nous verrons…
Il faut bien l’avouer. En terme de stoner fiévreux et doomeux, l’Angleterre reste une valeur sûre, une terre qualitative où poussent nombre de combos dégueulasses et inventifs. Conan, bien sûr, Boss Keloïd, les lumineux Elephant Tree et Ohhms, qui, avec ce « The Fool » plonge avec classe dans un doom somme toute classique mais maîtrisé de bout en bout.
Concis en titres mais étiré en temps, l’objet fait dans le classicisme pur jus. Pourtant le doom d’Ohhms est loin de se complaire en une longue litanie monolithique. Chaque titre recèle sa part d’écriture et ressent en ses gênes cette mère-mélodie qu’est la perfide Albion. Le groupe peut hurler, marteler un riff comme un forgeron monomaniaque, il n’en reste pas moins marqué d’une réelle empreinte harmonique.
Les atmosphères développées, aériennes, survolent les chapes de plombs coulées par les guitares, le tout se mélangeant en un post-métal doomesque très plaisant.
On se retrouve tout de même face à ce qui pourrait être la limite de leur accointance avec la mélodie. Ohhms s’essaie avec « The Lovers » à un schéma plus chanson et ne transforme pas forcément l’essai. Malgré l’unité de la galette le titre tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. L’apport d’une voix féminine sur cet unique track de l’album dénote complètement. Non pas que le titre soit faux ou mauvais intrinsèquement mais il dénote. Trop. Quitte à sonner pop, ce qui pourrait s’avérer une voie un peu casse-gueule si le groupe décidait de l’emprunter plus souvent à l’avenir.
On est quand même sur un album extrêmement plaisant à écouter. Des titres comme « The Hanged Man » ou « The Hierophant » sont de véritables histoires à l’atmosphère immersive, aux gros riffs tout plaisants et la rythmique épaisse. Des plats de résistance aux goûts de « reviens-y » qui placent « The Fool » dans la catégorie des albums cool de 2017.
Les sorcières bienveillantes du stoner ont dû se pencher sur le berceau de The Necromancers et les couvrir de leur parrainage crochu tant l’histoire du quartet respire la belle affaire. Repéré puis signé par Ripple Music, intégré au roster de Sound of Liberation pour les futures tournées, le combo vit un début de conte de fée érectile, le tout sans véritable promo, ni marathon de concerts à son actif. Une heureuse anomalie en partie expliquée par le contenu de ce premier album « Servants of the salem girl ».
Les premières notes de « Salem Girl part 1 » indiquent le ton, un rock sombre et occulte, digne héritier d’un oncle acide, cousin musical des films d’horreur des années 60. Un stoner où un sang épais et visqueux coule sur le cuir des blousons et le bois des guitare. La force du premier essai des pictaviens réside dans l’ambiance générale qu’ils ont su distiller le long de la galette. Pas un seul instant on ne décroche du paysage malsain érigé par le combo.
Outre le premier titre, l’album se voit parcouru de titres chiadés tels que « Black Marble House » et « Grand Orbiter » où l’équilibre des compos fait mouche, articulant leurs différents riffs de manière logique et cohérente. L’alternance des voix claires et saturées guide naturellement l’oreille dans les histoires que nous raconte The Necromancers. L’album est suffisamment court pour ne pas tomber dans la redite.
Car les choses pourraient se compliquer sur un exercice plus long. Certains morceaux traînent en longueur quand le propos n’arrive pas à être exploiter. Sur « Lucifer’s kin » par exemple, la grâce d’un seul riff ne suffit pas à justifier la longueur du morceau. On aimerait aussi que les chants saturés soient tout aussi expressifs que la voix claire, que certaines réverbes sur les solos soient moins poussées. Un tas de petits détails qui permettraient aux morceaux un impact plus grand encore. Le diable s’y cachant, nul doute que ces fils de Lucifer sauront y remédier.
Reste que l’on comprend pourquoi les sorcières de la production et de l’organisation accompagnent ces jeunes artisans du vice. Le potentiel est là. The Necromancers doit mûrir bien sûr, acquérir une plus grande personnalité en s’affranchissant de l’influence de ces aînés assurément et peaufiner son caractère en live. « Servants of the Salem girl » est un bon premier effort, généreux mais un peu timide. Aux jeunes français maintenant de passer du statut de servant à celui de maître et d’imposer au public ses sombres desseins.
Bio télégramme : trio, Nantes (puis Paris), lancé en 2013, EP, quelques captations / jam dispo online et pouf ! Premier album, ce The Lord is Gone, avec l’aide des jeunes More Fuzz Records. Enfin “album”… Trois titres et une demi-heure de musique : leur premier EP était plus long et contenait plus de chansons, or c’était bien un “EP”… On m’aurait menti ?? Du coup inutile de maintenir un suspense intenable, autant l’avouer immédiatement : le format trouble la perception du disque. Ou dit autrement : il manque un titre et on avait un bel album. Jugement hâtif (et gratuit) : après quatre ans de carrière et – on va le voir ci-dessous – du talent à la pelle, le groupe ne pouvait-il pas proposer plus de trente minutes de musique inédite sur son premier disque, un marqueur clé dans la carrière d’un groupe ? Quoi qu’il en soit, plongeons-nous corps et âme dans l’objet pour voir ce qu’il a dans le ventre.
Les premières écoutes sont compliquées : la musique de Decasia ne s’inscrit pas dans la mouvance cool / sable chaud / pétard autour du feu de camps. Le son est rêche, pas chaleureux, plus travaillé. Les compos viennent ensuite perdre un peu plus l’auditeur : loin de jams décérébrées, sans fil conducteur, les titres de Decasia sont construits, étriqués, tracent chacun plusieurs chemins, faits de points de recoupement paisibles puis de fuites et jaillissements… Au bout de plusieurs dizaines d’écoutes, il reste difficile de retracer la ligne directrice et la structure de chacun des titres. C’est très fort. Enfin, c’est pas du Meshuggah non plus, côté structure, il y a des plans lancinants et jammés ici ou là, comme semblent l’être le tronçon médian de “Eden” et de “The Ancient” par exemple, ou la seconde moitié de “Sun Kingdom”… Mais globalement, reste cette richesse de structures et d’écriture qui rend l’écoute du disque appréciable sur la longueur, et pas forcément dans l’immédiateté. Ça change et ça fait plaisir…
Côté son et genre musical, bon courage pour cerner la bête : ça commence par des plans de gros metal très “années 2000” sur les premières mesures de “Eden” mais ça diverge vite dans des environnements qui empruntent ici au noise, là au grunge, avec des plans jam bands fuzzés, etc… On se surprend même à ré-entendre les meilleurs groupes de la scène scandinave de la fin du siècle dernier (notamment le chant, typique). Des lignes de chant un peu perturbantes au début, d’ailleurs, car plutôt éloignées des “standards stoner” en vigueur, par la tessiture du vocaliste mais aussi par sa place dans le mix, atypique : de point rédhibitoire lors des premières écoutes, le chant devient petit à petit un point fort du disque. A l’image de ces quelques lignes de basse complètement essentielles qui ponctuent le disque sur ses meilleurs breaks et distinguent encore un peu le disque du “tout venant”.
Avec The Lord is Gone, Decasia fait montre d’une maturité remarquable, discrète jusqu’ici faute d’un disque à la hauteur. Ce triptyque permet de remettre les pendules à l’heure : il va falloir compter avec eux désormais. Reste ce délicat problème de la durée du disque, que certains jugeront anecdotique, mais qui reste perturbant, voire regrettable dans un environnement si concurrentiel. Mais en passant outre, ce disque est un très bel objet, et la trace vinylique qui manquait au trio.
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