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Parfois la violence a du bon, surtout quand elle est exprimée à travers la musique. C’est ce que Rhin entend nous faire partager avec son dernier opus Passenger. Originaire de Virginie Occidentale aux Etats-Unis, le power-trio n’est pas vraiment un groupe standard, on peut même parler d’un sacré bel OVNI.
Amis de la belle mélodie et de la structure basique, vous risquez de ne pas vous y retrouver. Par contre, si vous êtes de ceux qui aiment tenter des expériences enrichissantes, là on peut commencer à parler. Car en effet, il est très difficile de placer Rhin dans une catégorie plutôt qu’une autre. Tantôt Noise/Stoner, parfois même à la limite du Sludge, il est évident que le groupe nous offre un large panel stylistique flirtant tout autant avec le Punk que l’Indus, voire le Hardcore. Et c’est exactement ce qui permet de constater qu’on a affaire à une musique des plus originales. Essayez d’écouter ne serait-ce qu’un morceau et vous aurez déjà cité de nombreuses références musicales.
Niveau ambiance, on se retrouve très vite plongé dans un univers carrément sadique, torturé et ravageur. Ne serait-ce qu’en décortiquant la base rythmique, on découvre une batterie très subtile et à des milliers de kilomètres d’un groupe de rock classique. Tout est expérimenté pour vous surprendre et vous rendre fou. Mais une douce et saine folie que le duo basse-guitare sait mettre en scène. Vocalement parlant, c’est là qu’on comprend que nos tympans vont être rongés par une énergique et grinçante rage à vous faire palpiter tous les organes. Vous l’avez compris, Passenger prend aux tripes, et, c’est juste jouissif.
Il serait d’ailleurs impossible de citer un meilleur morceau plutôt qu’un autre tant les sept titres de la galette sont inséparables et parfaitement biens agencés. Mais prenons tout de même le risque de citer « Uncle Tuck », « Basement » ou encore « Unwell » qui jouent dans la fureur schizophrène, comme une sorte d’accouplement entre Will Haven et RATM avec un soupçon de Bad Brains. Puis vous avez aussi le droit à du pur bonheur Indus/Punk/Hardcore avec « Drag My Feet », « Clay » et «Bad Timing ». Et avec « Snivlem », titre le plus lourd et le plus impressionnant de l’album, on se croirait plongé en pleine fin des années 1990 comme si ressuscitait Antichrist Superstar de Marilyn Manson. Que du bonheur !!!
Passenger est donc un pur bijou à se mettre sous la dent d’urgence, surtout si vous avez le cœur solide et la folie des grandeurs musicales.

Fans de Ghinzu, passez votre chemin : le combo belge de rock alternatif n’a en effet pas sa place dans nos colonnes. Et c’est de Gozu que nous allons parler dans cette chronique. Gozu, avec un « Go » comme dans « Gonades ». Cela tombe bien car le gang de Boston fait dans la musique couillue.
Fraichement signés chez Ripple Music (qui réalise ici une très belle opération), Mark Gaffney et sa bande s’attaquent à un sacré défi : celui du troisième album tant redouté. Album d’autant plus redouté ici qu’il a la lourde tâche de succéder à l’excellent The Fury of A patient Man qui a installé le groupe comme une valeur montante de la scène stoner.
C’est ainsi que déboule sur nos platines le très attendu Revival. Premier constat : la formule reste à peu près la même. Après s’être attaqué à une célèbre pornstar ou à Supercopter, le groupe continue ses hommages appuyés aux années 80 et 90 avec « Dee Dee McCall » et « Lorenzo Llamas ».
Le premier, dans la veine de ce que l’on a pu entendre sur The Fury of a Patient Man, capture en seulement 2’15 l’urgence, le sens du riff, et cette voix nasillarde qui font l’essence de Gozu. Un morceau bien plus sexy que la coéquipière de Rick Hunter.
Le second, dont l’intro sonne comme une reprise du célèbre « War Pigs » des non moins célèbres Black Sabbath, répand une ambiance doomesque que Gaffney, par ses lignes vocales mélodieuses, s’applique à prendre à contre-pieds.
Mais si les titres des morceaux de Gozu flirtent généralement avec le ridicule, les chansons en elles-mêmes empruntent la trajectoire diamétralement opposée. « By Mennen » par exemple qui, contrairement à son nom, est tout sauf nauséabond : construit autour d’un beat basse/batterie ciselé à la perfection par la paire Grotto/Hubbard, le titre prend du volume et de l’épaisseur avec l’entrée en scène de la guitare de Sherman et de la voix matinée de soul de Gaffney qui viendra clore a capella cette tuerie longue 5 minutes.
Comme mentionné un peu plus haut : la formule reste à peu près la même. Sauf que Gozu repousse les limites de la qualité et de la diversité avec ce Revival un peu moins facile d’accès que son prédécesseur. Le fossé séparant « Nature Boy », titre d’ouverture abrasif comme du papier de verre, et le final « Tin Chicken », doux comme la caresse d’une plume, ressemble en effet plus à l’océan Atlantique qu’au canal de Suez.
Plusieurs écoutes seront donc nécessaires pour apprécier la quintessence du tortueux « Big Casino », titre qui débute sur du fuzz « old-school » que n’aurait pas renié un Fu Manchu avant de redescendre lentement, au rythme des frappes de Hubbard, pour se poser en douceur sur la voix étouffée de Gaffney.
La formule reste à peu près la même donc, mais l’arrivée de la paire Grotto/Hubbard après des déboires de batteur et de bassiste (Grotto était crédité sur The Fury of a Patient Man sans avoir posé une seule ligne de basse sur le skeud) semble avoir renforcé la cohésion du groupe et donne à cette version de Gozu des allures de line-up définitif pour lequel le champ des possibles semble infini. Entre la brutale simplicité d’un « Oldie », ou bien ce solo sorti de nulle part qui amène « Bubble Time » sur un final incroyable, les choix proposés par le groupe sont variés. Ils font néanmoins mouche à chaque fois.
En ces temps modernes où Twitter est roi, ce Revival pas passéiste pour deux sous peut donc se résumer par #groove #riff #heavy # kickass #rocknroll. L’excellent album d’un très grand groupe.

Authentique association de malfaiteurs, The Disease Concept rassemblait en son sein quelques fins limiers transfuges, le temps d’une parenthèse tout sauf enchantée, de groupes aussi délicats que Solace, Blood Farmers, Accept Death ou Fistula. De cette rencontre, deux albums verront le jour, publiées sur de vulgaires CDr chez Goat Skull Records. Heureusement pour nous, Totem Cat – le plus breton des labels français ou l’inverse – a pris le risque de nous proposer une version vinyle du second album du gang : Your Destroyer.
Tout dans cet album sonne comme une ode aux comportements addictifs. Les titres des morceaux à eux seuls soulignent l’état d’esprit des musiciens « Life is Shit », « Bad Credits & Dead Friends », « High on Amphetamines & Love (But Mostly Amphetamines) » ou mon préféré : « Living At Home & Hiding From The Government ». Comme perpétuellement à la recherche de la Brown Note, celle qui touche avant tout ton intestin, Disease Concept travaille l’influx électrique à la lisière d’un doom/sludge poisseux, matraquant de ça de là ses convictions hardcore à grand coups de guitares à l’unisson, Thin Lizzy style. Si la finesse brille par son absence, le poisseux, l’humour (brun donc) et la puissance du disque, couplé à l’encéphalogramme plat de ce groupe qui n’en a finalement jamais vraiment été un, font de Your Destroyer un disque à part, que l’on met un temps infini à poser sur la platine mais qui finit pas la squatter durablement.
Point vinyle :
Il n’existe que 300 exemplaires de cet objet du mal, en bleu tacheté de rouge et numéroté. Par chance nous sommes pas (encore) 300 à en avoir entendu parler…

Est-il encore nécessaire de présenter Wo Fat, les chantres d’un groove-southern-rock aussi heavy que psychédélique ? Aujourd’hui 6 albums au compteur (on ne tiendra pas compte des splits et lives) et toujours cette même aisance dans un style que le groupe aujourd’hui représente à la perfection. Dans la parfaite continuité de Black Code et The Conjuring, Midnight Cometh ancre plus profondément encore la main-mise de Wo Fat sur la susbstantifique moelle du stoner. Tous les codes du style – qui porte un nom uniquement pour justifier une classification hâtive d’une scène plus riche que son étiquette n’indique – se retrouvent avec ces petits gars là. Longues plages instrumentales, du lent, du rapide, du fuzz, du groove et tutti quanti, l’album est plus exhaustif que cette liste. Mais depuis 3 albums maintenant le groupe va plus loin que juste rassembler toutes ses idées, ses plans, ses jams : ils ont maîtrisé la pierre philosophale qui transforme l’excellence en hit.
Redoutable à chaque détour de riff, efficace dans chaque placement rythmique, l’aisance texane dépasse l’entendement du quidam de passage. Aussi prenants que riches les 6 titres qui émaillent ce nouvel opus frisent l’indécence. Chaque écoute permettant de relever le degré d’affinage qu’arrive à proposer les maîtres crémiers Stump et Walter. Les deux faisant la paire, on ne peut que rester admiratif devant la constante progression en terme de composition (on ne saurait remettre en question leurs talents d’instrumentistes). Un nouveau palier est atteint aujourd’hui en ce sens. Les jams s’intégrant sans sourciller au sein de passages aux constructions plus classiques, les morceaux déroulent chacun inlassablement des moments de bravoure et de jouissance. Tant et si bien qu’avec des compteurs flirtant toujours au delà des standards, quelque soit la longueur, le temps est suspendu. Les minutes paraissent secondes et bien trop vite passent les 48 minutes de Midnight Cometh. D’une régularité presque métronomique dans ses sorties d’album, le pilier à deux têtes ne s’endort donc pas sur ses lauriers, offrant un panel houblonné de ce que le rock a de plus précieux : son esprit.
Wo Fat suinte le rock. En voilà encore qui n’ont pas bien écouté leurs mamans et qui ont préféré, aux cinq fruits et légumes recommandés, prendre des tartines de groovela et des bouillons d’orge brassé. Que ce soit pied au plancher avec le velu “Riffborn” ou dans ses ondulances massives avec “There’s something sinister in the Wind”, le trio (oui parce qu’il y a bien une basse dans l’histoire) déboite les nuques aussi facilement qu’il développe une accointance avec nos pieds désormais guinchant frénétiquement. Sachant se faire plus aérien et posé sur le mid-tempo de “Of Smoke and Fog”, osant les percusions vaudou sur “Three minutes to midnight”, Wo Fat invoque les esprits décharnés de la nuit pour venir jouir comme de leur vivant de la beauté d’une mélodie, d’un solo, d’une voix justement en retrait, d’un break au feeling outrageusement sensuel de complicité.
En un mot comme en cent, l’usine à riffs bat son plein. Et sans prendre des airs de donneurs de leçon, Wo Fat renvoie à leurs études nombre de suiveurs. Une pièce d’orfèvrerie avec du groove addictif comme sur “Le Dilemme de Detenu”, du final délié/maîtrisé sur “Nightcomer”, le tout dans une ambiance et dans une tension tenues et maintenues de bout en bout. Plus qu’une valeur sûre ce Midnight Cometh est une gourmandise de luxe supplémentaire à la pièce montée qu’est l’œuvre des texans.

Instant Boner est un groupe de Stoner/Rock qui donne dans le Psychédélisme. Originaire de Thessalonique en Grèce, le groupe propose ainsi son deuxième EP 5 titres: Outburst, disponible depuis janvier 2016.
S’il n’y avait que deux mots à retenir de cet EP, il prendrait ce genre de ton : « original et subtil ». Tout d’abord parce que la configuration instrumentale ne peut pas laisser indifférent aux premières sonorités d’un saxophone dégageant tant d’agrément artistique. Ensuite, l’ensemble rythmique et mélodique offrent un réel voyage cosmique et désaltérant. A cela s’ajoute une prestance vocale des plus justes aux tons très crooner, vous obtenez un EP très humain et bien plus Blues qu’il n’y parait.
Côté ambiance, cet EP réussit à proposer en cinq titres tout le potentiel du groupe : gros son qui tâche et qui se répète dans la tête avec « The Messiah » ou encore la très bonne reprise de « Foxy Lady » (Jimi Hendrix), ambiance américaine et musique tamisée d’un lounge bar avec « Falling Stars » et enfin volupté Blues domptée par « Lady Sin ».
Pour les amateurs de nouvelles vagues musicales qui apprécient aussi bien Fu Manchu que B.B King, Cet EP est donc pour vous. A découvrir d’urgence !!!

Un bon live, c’est toujours quelque chose à prendre et à apprécier. Un bon live sur CD, c’est déjà une autre paire de manche. Alors à quoi bon imaginer un Live qui suinte la fuzz à plein nez ? Surtout que Truckfighters n’est pas le dernier à faire dans la dentelle sonore. Pourtant, à notre grande surprise, et peut-être parce que la magie a opéré, le power trio envoie la sauce suédoise.
Enregistré le 14 novembre 2014 et en direct de Islington Academy à Londres, le groupe a su opter pour un live d’excellente qualité. Et ça, on le ressent de suite quant à la justesse vocale, instrumentale et rythmique : aucun faux pas ou de fausses notes, que du bon. Le concert offre une set list des plus classiques mais efficace (pour les habitués) pour la tournée de Universe avec une intro focalisée sur « Mind Control ». C’est d’ailleurs certainement le seul titre qui a du mal à passer en ce qui concerne le son. Mais on imagine que l’ingénieur du son venait d’entrer dans la danse un peu précipitamment. Parce que sinon, c’est du très bon : la guitare de Django pétarde à mort la Russian Big Muff (sa principale pédale de fuzz); Ozo, le chanteur/bassiste, groove à mort et semble moins renfermé que d’habitude ; puis Enzo (à l’époque) tabasse méchamment sa batterie comme pendant la subtile et non moins magnifique « The Chairman ».
Vous l’aurez compris, ce concert vous fait presque oublier que le « show » se passe dans votre salon ou dans votre voiture. Car le trio a véritablement réussi à transposer le ronronnement de leurs camions. On en vient même à rire et à se prendre dans l’ambiance des commentaires du public ou du groupe, manque juste la bière sur le tee-shirt. Puis, c’est aussi le moment de découvrir ou de redécouvrir les gros titres de l’album Mania comme « Last Curfew » ou la féroce « Monte Garnano » . On en vient même à jalouser le public ayant eu la chance d’assister à ce concert tant la merveilleuse « Get Lifted » ne peut que mettre tout le monde d’accord. N’oublions pas non plus que le groupe a plus d’une corde à son arc à nous envoyer de multiples claques auditives avec « Manhattan Project » et surtout « Traffic », qui pointent l’atout majeur du groupe : le son massif de la guitare. Et ainsi en retraçant toute la discographie des Suédois, même du split album fait avec Firestone (Fuzzsplit on the century) avec « Helium 28 », on ne s’étonne pas que le concert s’achève avec la très culte « Desert Cruiser », devenue un véritable hymne Stoner. Il serait acceptable que l’énergie se soit un peu dissipée mais c’est mal connaître le groupe, rétorquant un assez fougueux : “Qu’est-ce que vous voulez entendre ?” Et le ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta démarre pour donner une impression de gouache sans fin. Le public est possédé, et, nous aussi.
Il est donc bien aimable de la part de Truckfighters de nous offrir cette cerise sur le gâteau d’une discographie déjà des plus honorables. Car enfin, on peut emporter un concert du power trio dans sa poche, et le consommer à toute heure de la journée : qualité suédoise pour sûr.
Point collector :
A noter qu’au delà de la musique, c’est un véritable coffret collector que Truckfighters propose avec ce “Live in London”, constitué de 2 vinyls “splatter”, 1 CD, 1 download code pour l’album, et un accès vidéo bonus (vidéo à laquelle nous n’avons pas pu avoir accès à l’heure où vous lirez ces lignes).
(2015)
Neurococcyx est un trio né en 2012 en région nantaise. C’est à peu de choses près tout ce qu’on sait de ce combo, discret et peu affable. C’est dans ces cas que le gratte-papier au rabais (que nous savons être dans nos moments de faiblesse) opte pour la figure de style traditionnelle, en dégainant le fameux « ces mecs-là préfèrent faire parler la musique »… Dont acte, on se plonge dans la salle d’écoute virtuelle mise à disposition par le groupe et on lance l’enchaînement des morceaux de ce « Friches et bestioles », album autoproduit sorti fin 2015.
Les premières écoutes sont distraites, et la musique du groupe semble distante. Pourtant c’est de l’instrumental, c’est donc pas de la musique d’ambiance ?! Et bien non, sinistre erreur : les compos de Neurococcyx sont chiadées, élaborées et… efficaces ! En effet, dès que l’on daigne y prêter l’oreille, on se laisse vite convaincre et embarquer. Le groupe décrit lui-même sa musique comme « metal instrumental progressif »… Forfanterie ? Aveuglement ? Méthode Coué ? Or ils nous signalent qu’on leur dit parfois que leur musique sonne comme du desert rock… Diantre oui ! Il se trouve que les gars font du stoner sans le savoir (ni le vouloir) ! Alors pas du stoner « Fu Manchu meets Truckfighters » hein, c’est sûr… En revanche, les titres qui défilent rappellent de manière assez vive certains grands noms de la scène stoner : certains breaks de « Back to the Prelude » s’appuient sur des riffs à la Karma To Burn, et le morceau peut sonner parfois comme les premiers Glowsun ; « Dead Tong », lui, rappelle furieusement Fatso Jetson dans ses parties les moins saturées ; « La Décolleuse » convoque immédiatement My Sleeping Karma, sans la moindre hésitation, sur les trois quarts du morceau ; « Lapin-Tigre » et « Beach Corpse », eux, sonnent plus comme du Yawning Man… Et à chaque fois on croit de bonne foi le groupe qui ne semble pas nourrir d’influence de ce côté-là du prisme musical. Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Quoi qu’il en soit, on ne gâchera pas l’authentique plaisir rencontré à l’écoute de cet album prometteur, œuvre d’un groupe jamais très loin du troisième degré (« Dead Tong » ? « La Décolleuse » ? Leurs clips 100% décalés ?…) mais apparemment bien doué. Dans quelques années, avec un travail de synthèse plus abouti (on est quand même dans des montagnes russes stylistiques au fil de l’album…) et un même soin apporté au travail de composition, on pourrait bien voir le combo prendre du galon… A suivre (de près).

La triplette de frenchies expatriés à Londres nous avait gratifié d’un premier effort (chroniqué dans cette gazette virtuelle) en 2012 et nous en avions pensé le plus grand bien. Après quelques tournées, les réfugiés – bienvenus – en Grande-Bretagne nous livrèrent Shaman l’an passé. Ce deux titres dématérialisé est toujours disponible en téléchargement sans délier bourse (sauf si vous désirez passer par le site marchand de la pomme) pour ceux que ça intéresse et qui auraient loupé cet épisode. Le trio nous déballe aujourd’hui le grand jeu avec le long format Before The Shore qui sort ce printemps.
Ce fameux long format, longtemps attendu, débarque en grande pompe (voir le point vinyle plus bas) sur le label HeviSike. Produit par le groupe ainsi que JB Pilon, les sept titres de cet opus mature tapent dans un registre stoner apaisé tirant parfois sur le doom classieux d’une manière fort agréable. Les rythmiques, assurées par Max Ternebring (le petit dernier à avoir rejoint l’aventure) à la basse et Zacharie Mizzi à la batterie, abattent leur boulot tels des métronomes et laissent pas mal de champ au frontman du trio Romain Daut. Le type en charge des guitares et des parties vocales profite plutôt bien de cet espace à sa pleine et entière disposition pour placer des petits soli bien sentis et surtout mettre à profit ses compétences de vocalistes. Ca change de certaines formations estampillées stoner qu’on imagine presque tirer au sort lequel des membres se collera derrière le micro. Les aptitudes au chant du garçon s’avèrent un élément central des compos de ces citoyens de la Grande Europe et lui permettent de varier les styles tout en restant pertinent. J’en vois sourciller dans l’assistance et je les rassure : Bright Curse ne fait pas que dans la vocalise. Loin s’en faut.
Bright Curse pratique un savant mélange de doom à l’américaine (pas un truc visqueux et glauque pour bourrin donc) et de jams psychédéliques tournant parfois à quelques encablures du blues. Certains titres, comme “Northern Sky” nous rabibochent avec les compos calmes en flirtant avec l’héritage de Deep Purple. La présence d’un orgue sur ce titre renforce d’ailleurs ce rendu et la montée en puissance qui intervient au milieu du morceau vient saisir l’auditeur avant une redescente tout en douceur ponctuée en version feu de camp avec guitare acoustique. D’autres, comme “Lady Freedom” – qui est une excellente entrée en matière pour ouvrir l’album – sont nettement plus pugnaces avec des riffs aussi simples qu’efficace. Un petit je-ne-sais-quoi sympathique me rappelle agréablement Dozer sur ce titre furieux qui s’annonce comme étant une véritable boucherie en live.
Ma préférence va clairement à “Walking in a Graveyard (Bloody Witch)” qui, une fois passée l’intro groovie, est une compo lourde juste comme il faut pour les inconditionnels des deux premiers Kadavar. Très représentative de ce disque, cette plage a le curseur juste bien placé entre lourdeur overdrivée et jam psyché. Une livraison d’excellente facture qui devrait aider ce groupe à se retrouver en première division du stoner européen : une place qu’ils méritent amplement !
Point Vinyle :
C’est compliqué : une édition ambassador (pas celui qui distribue des chocolats) en crystal clear limitée à 50 copies doté d’un artwork différent numéroté à la mimine avec un médiator et une photo retro du trio, 50 copies du même tonneau sans extra et 200 copies bone white ; chacune de ces trois éditions étant accompagnée d’une version CD pour les gens modernes.

On s’excuse d’avance. C’est une certitude, tous ceux qui ont déjà lu quelque chose concernant Witchthroat Serpent ont nécessairement eu affaire aux lettres suivantes : Electric Wizard. On s’excuse alors de vous rabattre une nouvelle fois les oreilles avec cette comparaison, mais rien n’y fait, elle est inévitable. Alors, à toi, lecteur désabusé face à un tel manque d’originalité qui s’apprête à cliquer sur la croix de cet onglet pour aller plutôt lorgner une énième fois sur ton maigre fil d’actualité Facebook, préférant le reflet d’une vie sociale à un discours maintes fois ressassé, je dis STOP ! Promis, la bande de Jus Osborn sera proscrite de cette chronique. Enfin, le plus possible. Et puis tu verras, comme on dit en Italie, Sang-Dragon en vaut la penne.
Deux ans après leur premier album, les toulousains de Witchthroat Serpent rebranchent les amplis et ressortent les baguettes pour ce nouveau Sang-Dragon. Le Sang-Dragon est un encens très puissant utilisé pour combattre les énergies négatives, et qui peut s’avérer légèrement psychotrope si employé en grande quantité. Simplement placé sous l’oreiller, il combat aussi l’impuissance. Mais c’est seulement en tant qu’encens que Witchthroat Serpent en a fait l’usage, du moins à notre connaissance, puisque leur album a été entièrement enregistré sous l’influence de ces émanations hallucinogènes, en une journée s’ il vous plaît.
Seules quelques secondes d’écoute suffisent pour comprendre que l’encens en question ne joue pas dans la même catégorie que la bougie parfumée à la vanille de Madagascar. Le premier titre « Hydra’s Bewitchment », avec sa wah-wah hypnotique sur fond de discret larsen, nous plonge sous un clair de lune obscurci par les nuages, et on ne serait presque pas surpris si de la fumée venait à jaillir de nos enceintes, peaufinant ainsi une atmosphère parfaitement sinistre. Puis vient le riff, le gros riff qui dégouline tellement de graisse que l’on ne sait plus trop si il est joué par la basse, la guitare ou les deux. « A Caw Rises from My Guts » ou « Lady Sally » sont de beaux exemples en la matière, véritables uppercuts de sumotori façon Isio 4. Sang-Dragon oblige, l’album est teinté d’un psychédélisme qui ensorcelle. Après une implacable intro à la basse sur « Siberian Mist », des volutes de guitares viennent habiller délicatement le morceau et baignent l’auditeur dans une ivresse suave. De même avec « Behind Green Eyes » (clin d’oeil aux Who?) et son long passage solo est digne des meilleurs charmeurs de serpent.
Si la formule reste la même que son prédécesseur, Sang-Dragon est bien mieux produit. La voix très plaintive qui était auparavant un peu étouffée sous un tel amas de gras est maintenant mise en avant grâce à une légère reverb, la rendant à la fois plus présente et plus lointaine. Côté instru, la batterie est d’une précision assommante, et le duo guitare/basse est affûté à la perfection, pouvant trancher une côte de bœuf de la main gauche sans effort. Tout est donc plus propre, jusqu’à la pochette de l’album, où les gribouillis violets (suis-je le seul à voir un cheval au centre?) ont disparu au profit d’une impeccable esthétique entre les pulps magazines, les vieux slashers des années 80 et la filmographie de Gerard Damiano version cobra.
Certes, nos trois toulousains n’ont pas inventé la machine à défriser le persil : tout chez eux rappelle leurs ainés anglais. Si vous avez l’occasion de les voir en live, vous verrez également que la ressemblance va au delà de la musique, et que le chanteur et guitariste Fredrik Bolzann, Gibson SG bordeaux au niveau du nombril, fait indéniablement penser à vous-savez-qui. Pourtant, il serait idiot de bouder notre plaisir puisque Sang-Dragon est une vraie réussite, pour toutes les raisons évoquées plus haut.
Sur leur premier album subsistait l’amer constat que n’était pas Electric Wizard qui voulait. Cette fois-ci, nous sommes bien obligé de revoir notre jugement.

L’écurie Ripple s’agrandit de jour en jour. En véritable nouveau cœur battant de notre (nos) genre(s) de prédilection, le label rassemble sous ses ailes bienfaitrices pour nos esgourdes des pointures comme des jeunes loups assoiffés de riffailler nos entrailles. Et la meute peut s’enorgueillir aujourd’hui de compter parmi ses nouveaux membres BoneHawk. Nous tairons la bio longue comme… un bras… qui en synthèse vous ferait comprendre qu’il y a eu des hauts et des bas, des allers et venues, des trios et des quatuors, mais une envie toujours intacte d’invoquer les Anciens par d’enchanteresses mélopées développées par une paire de guitares.
BoneHawk ça peut être un faucon avec en lieu et place de sa tête son crâne à nu. Ou en argot le fait de reluquer avec plus ou moins d’insistance les parties intimes d’un môssieur, et ce pour différentes raisons : la beauté de la science comparative aux pissotières ou pour faire comprendre que les intentions de la soirée ne se limitent pas à prendre un… verre… Et des duels de manches ils ont dû en mater les petits. Outre la section rythmique qui donne envie de se lover dans son confort ouateux de groove tout en rondeur, c’est bien à une débauche de six-cordistes à laquelle on a affaire. Pas d’exhibition sans queue ni tête, mais un juste enchevêtrement de parties en harmonies ou en contrepoints qui donne toute la saveur aux dix titres de ce premier album.
Les américains ne réécrivent pas de nouvelles pages au kamasutra guitaristique mais font une juste relecture des premières orgies des années 70 où, de Thin Lizzy à Judas Priest en passant par Led Zep, le Sab (of course) et autres Iron Maiden, foisonnaient d’épiques mais non moins torrides passes de licks et autres gimmicks. Si le risque était de faire l’amour comme Papa et Môman, BoneHawk a eu la pertinence de lubrifier tout cela d’une huile toute stonerienne avec son grassouillet et voix en retrait détaché. Si les premiers ébats peinent à emporter l’adhésion aux premiers coups, la deuxième partie déroule très vite une débauche de plans jouissifs. Les premiers minutes de chaque morceaux sont comme autant de préliminaires parfois redondants et déjà vus. Presque obligatoire mais que l’on aimerait abréger quand seul nous intéresse les échanges plus coquins.
Parce qu’il y a de la coquinerie dans ces passes d’armes complices entre les membres du groupe. BoneHawk se délecte à parcourir de leurs doigts agiles toutes les touches de leurs instruments, faisant ainsi tressaillir de plaisir les auditeurs pourtant aguerris que nous sommes. Comme un petit plaisir inavouable avec quatre hommes, ce Albino Rhino ne vous fera pas virer votre cuti musical mais vous prendrez sagement votre pied. L’écouter ce n’est pas se tromper.

Telstar Sound Drone, groupe originaire de Copenhague, se propose de nous fournir quelques solutions magiques pour en finir avec nos tracas quotidiens. Avec une intention pareille, on ne va pas faire les farouches et on va de suite essayer de comprendre de quoi il retourne.
Le premier contact avec la musique du groupe n’est pas celui qu’on pourrait croire. On se rend vite compte que la pochette se veut le prologue physique de la musique. L’artwork représente une sorte de labyrinthe géométrique créé à l’aide de droites blanches ou noires. On pourrait déjà proposer quelques interprétations évidentes et y discerner des indices quant à ce que réservera l’écoute ; le fait que regarder la pochette plus de quelques secondes soit impossible, sous peine d’émettre des litres de baves, et de voir ses yeux se révulser, n’étant pas la dernière. Si toutefois vous êtes bien accrochés, alors vous discernerez le titre de l’album, camouflé du premier regard par une illusion d’optique. Autant de mots clés que je pourrais plus ou moins directement réutiliser pour parler de la musique du groupe. Car leur nom n’est pas trompeur et l’atmosphère oppressante et psychédélique est bien définie par un minimum de variations harmoniques et un maximum d’expérimentations. Au premier abord, une sorte de marasme sonore, pour autant construit sur des pans indéboulonnables pendant que d’autres, en superpositions, semblent aller et venir à leur guise selon une logique macroscopique qui nous échappe. L’oppression palpable est rendue possible par des sur-ajouts de sonorités électroniques, des enregistrements originaux (la rotation d’un disque dur sur « Dark Kashmir »), des guitares aux effets ingérables, mais ce qui m’a frappé, c’est l’utilisation du spectre sonore. Il paraît amputé dans le haut et le bas, alors les basses sont faussement absentes et les aigus claquants, mais aussi légèrement lointains, accentuant la claustrophobie générée par les instruments. Ce qui est remarquable néanmoins, c’est qu’avec tous ces éléments, l’ensemble reste suffisamment lisible pour ne pas perdre l’auditeur, certains passages étant d’ailleurs relativement accessibles. Une prouesse surement due au temps de travail accordé au projet avec quatre mois d’enfermement nocturne. Autre élément qui finit de définir le son du groupe, la voix de Sean Jardenbᴂk, nonchalante à l’extrême avec des mots qui ne finissent pas, parfois plaintive, parfois agressive, et finalement le prolongement évident de l’instrumentale.
Cette cohérence que l’on ressent dans le traitement physique et sonore du projet est en fait aussi son principal défaut. Car si chaque morceau est bien unique, l’homogénéité est telle qu’il est difficile de ressortir des éléments particuliers à postériori. Pas un tube, pas même un riff, juste une impression de lancinance globale, paranoïaque et tordue. Un parti pris plus qu’un défaut pour être exact, mais ce sera à vous de décider en fin de compte et le score risque d’être partagé.
Ce qui est certain, c’est qu’aidé par une remarquable cohérence artistique jouant sur les illusions d’optiques et sonores, la paranoïa, la claustrophobie et avec une forte identité musicale, TSD propose une expérience originale sans compromis. Et qui sait, peut-être encore une solution magique aux problèmes quotidiens qui s’avérera addictive !

Et si le Stoner Rock était né non pas dans le chaud désert californien mais dans la péninsule ibérique ? C’est ce que Miss Lava entend nous faire croire en revenant fraichement avec un troisième opus portant le nom de Sonic Debris.
Sur son aspect général, cet album propose plusieurs étiquettes sonores : grosse phase massive d’une lourdeur et d’une lenteur appréciable, ambiance moderne et vintage parfaitement bien entremêlées, des morceaux plus solennels et quelques titres plus classiques. Si on résume, on obtient une grosse omniprésence de mélodies envoutantes menées par une production très efficace. Le côté moderne/vintage apporte ainsi beaucoup de stimuli, mais refroidit un peu trop souvent la lourdeur et la massivité du son. Néanmoins, le groupe offre des riffs très riches, accompagnés d’une base rythmique très solide et d’une voix aux petits oignons (mais sans l’odeur). Un chant clair tout en puissance qui sait pousser la distorsion vocale au bon moment.
Sonic Debris propose des titres sans trop d’artifice, juste ce qu’il faut quand il faut. On y retrouve des influences très diverses et la volonté de s’ouvrir plus largement: un côté un peu Orgy (pour les connaisseurs), parfois un peu à la Korn, mais surtout de la grosse ambiance à la Alice in Chain. C’est parfois quasi cinématographique avec une première partie d’album plus intense que la deuxième, apportant tout de même un certain charme.
Si vous recherchez la sensation forte, avec du pont qui sent bon l’olive et la paëlla psychédélique qu’on se resservira avec appétit, vous vous laisserez donc bien tenter par les titres « Another beast is born » et « At the end of the light ». Par contre, si vous cherchez quelque chose de plus neuf tout en aimant le style rythmique des années 1970, alors vos oreilles opteront pour « The Silent ghost of doom » et « In the Arms of the freaks » (morceau rythmiquement excellent mais qui manque de gras). « Pilgrims of Deacay » n’est pas mal dans son genre, mais sera moins mémorisable, sauf à partir du pont bien rentre dedans. Puis « Planet Darkness » rentrera dans le tas des fans de Sludge/Stoner. Après on découvre quelques morceaux moins touchants comme « Symptomatic » par exemple, ce qui sera vite oublié avec la ribambelle de titres affichant une véritable personnalité. C’est le cas de « I’m a Asteroid » et de « I’m a sonic we shall we burn » : genre Iggy Pop en phase rock’n’roll acoustique à la western. Tout cela montre ainsi beaucoup de maturité comme l’atteste notamment « Fangs of Venom » avec son caractère à double facette : entre ambiance posée et psychédélique, rappelant parfois quelques influences à la Fu Manchu.
On peut donc affirmer sans peur que le nouvel album de Miss Lava est un condensé de très bonnes choses avec une véritable prise de risque en terme de son, et, c’est plutôt appréciable.

Il y a 4 ans, Verdun nous contait les aventures d’un astronaute japonais halluciné et perdu dans l’immensité effrayante de l’espace. Intitulé The Cosmic Escape Of Admiral Masuka, cette toute première pierre à l’édifice discographique des montpelliérains posait les bases des différentes planètes sonores visitées par le groupe, avec, en vrac, du doom, du sludge et du hardcore. Sur le magnifique artwork de leur premier album The Eternal Drift’s Canticles (œuvre de David Sadok, chanteur et parolier de l’époque, ayant quitté le groupe très récemment et maintenant remplacé par Paulo Rui), l’Univers semble être sous la domination de demi-Dieux brandissant d’étranges sceptres et ayant transformé l’espace en un sanglant terrain de jeu. Ces figures mystiques évoquant une Inquisition spatiale nous interrogent : après s’y être perdu, Verdun aurait-il finalement appris à dominer l’espace ? Une chose est certaine, le frêle et misérable Masuka n’est plus, et l’être humain a cédé sa place à des créatures bien plus fabuleuses et colossales.
Comme c’est souvent le cas avec les groupes qui en valent la peine, il est difficile de poser une étiquette sur le genre de Verdun, tant il se plait à brouiller les frontières qu’on voudrait lui imposer. Il tient du doom la lourdeur répétitive et l’inclination pour le riff le plus génialement rudimentaire, favorisant la puissance sonore et tout ce qu’elle peut évoquer plutôt que la complexité mélodique. Le chant est lui clairement hardcore, et se mêle parfois à une autre voix plus assagie et sereine. À cela, il faut ajouter une bonne accointance post-metal, faite d’accords à l’harmonie discutable et de passages atmosphériques côtoyant d’autres bien plus violents.
Sur cette base résumée succinctement, j’en conviens, The Eternal Drift’s Canticles livre une épopée sidérale d’où la noirceur ne démord pas une seconde sur les 54 minutes des 5 titres. Oui, oui, 54 minutes et cinq titres. On vous laisse calculer la longueur moyenne d’un morceau. Sur le premier, « Mankind Seppuku », un lugubre passage à l’harmonium glaçant le sang précède un déferlement de puissance sonore, qui va finalement s’éteindre et laisser la place à des arpèges cristallins et à un solo déchirant de mélancolie. On l’aura compris, Verdun a décidé de ne pas faire les choses comme tout le monde et compte bien nous le prouver. Sur tout l’album, le spectre de YOB plane, comme en atteste le poignant « Glowing Shadows », à l’écoute duquel il est impossible de ne pas penser à la bande de Mike Scheidt et à son post-doom du futur. D’autres morceaux, comme « Self-Inflected Mutalitation », au titre plutôt évocateur, ou encore « Dark Matter Crisis » nous assènent de grosses gifles plus directs et brutales.
L’apothéose est sans doute atteinte sur « Jupiter’s Coven », véritable summum de langueur et de tristesse qu’une guitare aux contours tranchants vient transpercer sans scrupule, et preuve sonore que Verdun excelle aussi bien dans la bestialité que dans l’humanité.
Mixé par Tad Doyle, il est inutile de dire que l’ensemble bénéficie d’un son monumental. Les guitares sont lourdes, la basse et la batterie sont très présentes, et l’ensemble est doté d’une légère résonance qui apporte une grande profondeur et sert ainsi parfaitement la dimension épique recherchée par le groupe, nous plongeant sans effort dans le vide et la solitude de l’espace.
La litanie « I was dead, Now I’m Alive / I was cold, I’ll surely die » est répétée plusieurs fois avant de clôturer l’album. La mort, la résurrection, la grâce, puis la mort à nouveau. C’est en somme l’effet que procure l’écoute de The Eternal Drift’s Canticles : à bord des montagnes russes du Sacré, vous côtoierez tour à tour le Divin et le Malin. Et on vous garantit que vous n’aurez pas une seule fois envie de descendre en marche.

Depuis 2005 les danois de Causa Sui développent patiemment un stoner instrumental coincé entre le prog psychédélique et de fulgurantes baffes de fuzz gorgées de soleil cuisant. L’identité du combo est forte, chaleureuse, reconnaissable entre mille et ne déroge pas à la règle sur la nouvelle galette à l’indice UV élevé, Return To Sky.
« Return to Sky Valley » serait-on même tenté de glisser, tant le nouvel opus fait la part belle à ces guitares fuzzées, grasses et typiques de la scène desert-rockienne. Non pas que les Danois abandonnent leurs circonvolutions progressives, mais ils continuent à tracer un sillon plus direct, à l’écriture plus linéaire, entrevue déjà sur le précédent opus « Euporie Tide ». On pourrait même s’amuser à une petite étude du champs lexical de la set-list pour s’en convaincre. « Sky », « Dust », « Source », « Mondo », autant de termes renvoyant plus à de la session désertique qu’au label Blue Note. C’est avec une émotion particulière que l’on sent même poindre le groove de Sungrazer par moment, sur « The Source » notamment, et l’on ne peut s’empêcher d’y entendre un hommage appuyé au regretté et génial Rutger Smeets, feu guitariste du feu combo.
Causa Sui n’oublie cependant pas ses fondamentaux et l’on retrouve tout de même les ingrédients qui lui sont propres ; ses aspirations jazz, son groove acide, ses instru/mentaux et étirés, mais parcimonieusement distillés le long des 45 minutes de la galette.
Ce nouvel album ne sera pas une pierre marquante de l’édifice Causa Sui mais il est certain qu’il ne se dépréciera jamais avec le temps. Les 5 titres passent, un sourire se colle forcément au visage, on s’imagine dans la bagnole, à bouffer du kilomètre ou sur une plage à contempler les grains de sable courir sur les courbes voluptueuses de naïades inconnues. Si un album doit accompagner votre été, nul doute que « Return to Sky » sera celui-ci.
Nourri au sein de notre doom-mère à tous, élevé au grain enrichi en proto-metal, et maintenant offert à tous par le (nouveau) grand pourvoyeur qu’est devenu Ripple Music, voici le dernier rejeton de la famille: Red Wizard. 5 garnements qui en 2010 ont décidé de laisser parler leur amour pour une musique non actuelle et de le faire avec passion. Animés par cette flamme obscure, les voilà à écumer les bars et les divers scènes de San Diego pour marche après marche gravir l’échelle d’une reconnaissance non déméritée. Un premier EP en 2014 les vit s’affranchir des barrières régionales et ce premier album va de fait leur ouvrir les portes vers l’infini et l’au-delà. Il est grand temps de laisser les oiseaux quitter leur nid et les voir s’envoler sous l’apparence de ces funestes sorciers rouges.
Si toi aussi tu aurais souhaité entendre les premières reprises de Black Sabbath par l’un des big four du thrash au temps choyé des débuts des années 80, ton rêve pourrait se concrétiser avec cette album. La parenté avec les géniteurs de la scène est évident dès les premières chatoyances de la basse de “Tides of War” mais très vite on sent que Red Wizard n’a pas laissé la deloreane en 70, et a su adjoindre à cette influence (majeure) les épices des générations suivantes de défenseurs du riff lourd. La production bien léchée évite également l’écueil du groupe revival et propose un son rond et puissant à pouvoir décoller les tympans de tes voisins. Le groupe n’œuvre donc pas dans la simple copie (déjà difficile à maîtriser) mais par son culot et sa générosité arrive à creuser son sillon dans ces terres maintes fois labourées par des bucherons pourtant avisés.
Musicalement l’assise est solide. Prodiguée par une efficace paire basse/batterie qui, sans transpirer de facilité, défend massivement son bout de gras face au duo de guitares qui se révèle, au fil des riffs, charpentée pour tenir la route d’envolées solistes de première bourre. Tout ce petit monde offrant une literie king size avec renfort des lombaires pour la grosse voix du sorcier prédicateur. La messe (noire) ne saurait être dite et entendue au milieu des légions de doomeux/proto-metalleux sans les grasses cordes vocales légèrement râpées qui clairement distinguent Red Wizard. Les années feront certainement mûrir ce chant qui ne demande qu’à biberonner plus de jack que raison ne veut, pour en faire un vocaliste de renom. Mais déjà sur des titres comme “Temples of Tennitus” et “Blinded”, l’ombre des Grands se fait sentir et pas qu’instrumentalement.
Les californiens avec leurs trois premiers titres marquent leur territoire et démontrent leurs intentions: ils ne sont pas là pour faire de la figuration et préparent le terrain pour la conquête finale que sont “Cosmosis”, pièce maitresse de plus de 10 minutes avec son passage psychédélique qui laisse envisager des heures prometteuses de jams enfumés, et le triptyque “The Red Wizard Suite” qui sans lien fort entre les différents volets ouvrent également son champ de perspectives. Quand les mélodies bluesy rencontrent le matraquage de nuque, se révèle alors tout le potentiel du quintet. Car sans être un album essentiel ce “Cosmosis” de Red Wizard est un très bel acte de naissance. Groupe à suivre assurément le temps de prendre un peu de bouteille et à déguster dès maintenant sans modération.
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