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Deux ans que la dodge nous attend ici. Dans la pénombre du couloir qui nous mène à elle se dessine sa silhouette à la lumière du soleil passant sous la porte du garage. Les pilotes sont déjà installés, le duo (qui œuvre en trio) Valley of the Sun n’a plus qu’à lancer le moteur. Quelques cliquetis se font entendre et enfin la bête est lâchée sur la piste. “Eternal Forever” permet à la mécanique de se mettre en branle sereinement, le riff est bien huilé. Quelques tours de groove rutilant suffisent à rôder les nouvelles pièces. A l’image de la pochette l’aiguille du compteur est déjà dans le rouge, on ne conduit pas avec les petits doigts ici. La prise est ferme dans les breaks et la dodge démontre toute sa reprise et sa souplesse au détour de l’imparable refrain. La gomme des pneus marque le bitume du matraquage incessant de la batterie, le circuit gardera des traces du passage de la dodge… il est temps de s’échapper. “BTV” nous enfonce dans des routes plus sablonneuses. Sur cette longue autoroute traversant le désert, le lick de guitare double les trucks(fighters?) à leur propre jeu. Redoutable dans chaque virage que prennent les morceaux, les solos nous collent au cuir des fauteuils.
Mais Valley of the Sun n’est pas revenu de son excellent précédent album, au volant du même engin, pour emprunter des chemins identiques. “Speaketh” s’engouffre sur un terrain plus lourd. Conduite plus appuyée, le vrai potentiel de la dodge se fait sentir pleinement. D’une qualité constante, ces nouveaux horizons font vrombir la carlingue à l’unisson dans ce mid-tempo puissant. “Land of Fools” finira pas mettre tout le monde d’accord. Si les paysages traversés ont été déjà vus (et revus), c’est avec une classe certaine, que les américains nous mènent. Ici encore les suiveurs n’auront que l’émanation des gaz d’échappements de riff/groove/efficacité dans leurs narines pour pleurer. Avec Volume Rock, Valley of the Sun va plus loin, plus vite et sans accroche.
Si la musique ronronne sévère, le chant propulse l’ensemble au delà d’une énième odyssée rock. “Breathe the Earth” ralentit un peu plus la cadence. Sur sable mouillée, les couches de grattes évitent tout enlisement. 2min24 d’un rock conduit toutes fenêtres ouvertes, “The Hunt” permet de lâcher les chevaux. Si dans ces moments d’accélération le groupe démontre un savoir faire tout assumé, il fait néanmoins plus mouche quand il lève le pied et joue plus sur la richesse de sa conduite plutôt que sur sa nervosité. “Wants and Needs” nous mène toujours plus loin dans ces horizons fait de fuzz, de rock, de grunge. Impression confirmée avec “Tour”, splendide de rouille toute soundgardienne. La dodge avale les kilomètres comme d’autres avalent les hot-dogs. Ca glisse, sans sourciller, et à ce petit concours Valley of the Sun vient de remporter un nouveau titre.
On pourrait craindre la panne sèche, le souci technique, à ce niveau de notre périple. Mais la dodge a été bichonnée, préparée, tunnée, pour ses routes sinueuses et variées. Porté par une production impeccable et avec au volant deux instrumentistes (et vocaliste) de talent, l’album défile à toute vitesse. “Noodle” en est encore un exemple flagrant. Ce même mélange parfait avec les mêmes ingrédients qu’Unida mais avec un vrai avenir devant eux. “Solstice” ne signifie le retour au garage que pour peu de temps, tellement une fois arrêté on n’a qu’une envie: repartir en virée avec ces gars là au volant de cette voiture là. Ne cherchez plus un concessionnaire de Rock digne de ce nom, il est tout trouvé avec Valley of the Sun.

Étrange projet que celui de Philiac. Le trio, « actif » depuis 2007 semble s’être formé sur les collines de San Carlos, dans l’arrière pays d’Ibiza. Un endroit qui, convenons-en, n’est pas forcement réputé pour la qualité de sa musique. Décidé à verser dans l’aridité stoner kyussienne, Sawn, Derrick et Nricco s’exportent et s’envolent pour la Californie et le Rancho De La Luna afin d’y mettre en boite This Appallin Ocean, leur premier album. Il y a, à mon avis, deux façons de comprendre Philiac : soit le groupe joue la carte de l’énigme la plus opaque, soit il fait preuve d’un handicap certain lorsqu’il s’agit de parler de sa musique. Jugez plutôt : S’il est impossible de trouver une quelconque information sur le combo via leur site ou leur… Myspace, même avoir le LP entre les mains ne suffit pas à comprendre ce qu’il s’y passe. Des musiciens cachés sous des pseudonymes ? C’est désormais chose courante. Des pochettes où s’entremêlent les crédits au milieu de l’artwork ? On n’est pas contre, mais lorsque les titres des chansons sont eux-mêmes illisibles, surement pour faire de l’album une entité indivisible et unique, comme le suggère la présence des mentions « Act One » et « Act Two » sur le disque, autant vous dire qu’il faut derrière que la musique soit d’une rare qualité. Et ce n’est malheureusement ici pas le cas.
D’inspiration clairement désertique, reprenant les thèmes psychédéliques de Fatso Jetson et le son plombé de Kyuss, Philiac vit le rêve Californien à fond. Avec Mathias Von Schneeberger aux manettes et Paul Powell (Masters Of Reality) en invité d’honneur, le groupe joue à fond la carte de la crédibilité stoner. Malheureusement le résultat manque d’originalité et voit ses morceaux les plus intéressants plombés par la voix de Nricco, manquant terriblement de relief.
Il est toujours difficile d’enfoncer le disque d’un groupe inconnu (m’ayant en sus généreusement envoyé un véritable LP), mais force est de constater que Philiac, suffixe anglophone signifiant « ayant une attraction anormale pour » (coprophiliac, etc.) en français n’est malheureusement qu’un mot incompréhensible, pas loin de rimer avec foutraque.
Point Vinyle :
Le LP existe en trois versions : Clear, Hot Pink et Black in Blue même s’il m’est impossible de vous donner le volume de tirage, que l’on suppose aisément réduit, autoproduit oblige. Doté d’un artwork soigné et livré avec toutes les options (180g, Download Cart, Vitre teintées…), il aura de quoi ravir les collectionneurs, surtout de bizarreries.
Infos : http://www.philiacband.com/propaganda.html

En voilà un nom obscur qui échappe à mes capacités d’analyse étymologique. Pygmate donc, est un groupe originaire de Saguenay – Lac-Saint-Jean au Québec. Après un premier EP en 2014, ils sortent fin 2015 l’EP « Le cœur poilu » avec l’aide d’un nouveau chanteur. Et oui jeunes gens, vous l’aurez compris, on est ici confronté à un chant francophone.
Il est assez saisissant de s’apercevoir cependant, que l’on est tout de suite conquis par la voix de Jeff Ménard et par les paroles écrites en partie par Matt Cook, le guitariste et ex-chanteur. Les textes sont remplis d’ironies, malins, restent en tête à l’instant où ils vous pénètrent (lorsque vous avez ingérez l’accent certes), et prodigueraient même des messages dans « Le Continent en plastique ».
Côté instrumentale, il suffit d’entendre le premier riff du « Cœur poilu » pour savoir qu’on ne va pas s’emmerder. La popote est nette, du rock classique avec des touches de stoner et de grunge pour un résultat simple et efficace mais qui distille un petit truc en plus. Avec ça, on est confronté à une bonne production sans chichi qui met bien la voix en valeur, mais où il manque tout de même un peu de puissance générale. Alors avec ces trois morceaux comme bonne base, il faut maintenant s’essayer au long format.

Le revival seventies compte un nombre croissant d’adeptes – ce qui, au passage, aide passablement notre scène de prédilection – et les formations nourrissant ces (néo-) convertis se sont engouffrées dans la brèche que les Graveyard et autres Kadavar avaient rouverte. Brutus, qui n’est pas le dernier venu dans cette galaxie, propose la suite – assez logique – de « Behind The Mountains » sa production précédente déjà sortie chez Svart Records. Sous influence totale des années septante, les Scandinaves se sont donné pas mal de longueur de champs (de cannabis) pour étaler leur noble art et les neuf pièces qui constituent cet opus sont déroulée sans inhibition.
Le quinté (plus) occupe les trois quarts d’heure que dure cette plaque de manière brillante. Le travail de production est de l’orfèvrerie de haut vol : c’est hyper limpide, hyper en place et du coup je me demande si je n’aurais pas aimé quelques larsens ou un rendu davantage grailleux sur certains riffs ; par exemple sur le véloce « Axe Man », qui sera une tuerie sur scène lorsque qu’on connaît ces gaillards, mais qui du coup sonne un poil trop propret. A vrai dire, c’est pas d’une gravité extrême, mais l’exercice est tellement bien réalisé qu’il faut bien y retrouver quelque chose à dire d’autre que se plaindre de la pochette qui est moche comme trente-six culs !
En débutant cette album sur le titre éponyme, cette bande de jeunes propose un zapping des forces de cette pièce : rythmiques entêtantes, riffs overdrivés efficaces, basse ronronnante confortablement mise en avant, chants clairs et groove d’enfer sur un tempo assez rapide pour la formation. Le tempo est certainement un des éléments clé de cette production qui oscille entre titres rapides suintant le hard rock de dessous les aisselles – « The Killer » : un titre parfait que j’aurai rendu inécoutable à force d’user la bande de ma cassette dans mon baladeur s’il était sorti à l’époque – et titres beaucoup plus lent à l’instar de « My Lonely Room » qui devrait rapidement devenir un standard des pièces enfumées par les cigarettes rendent nigaud.
Deux compositions sortent très clairement du lot et elles sont toutes deux disponible au rayon calme. Il y a tout d’abords le torride « Whirlwind Of Madness » – les fadas de Led Zep vont kiffer la chose – qui dépasse les six minutes de jeu langoureux ; c’est clairement un titre qui pue la baise et c’est monstre bien foutu ! Ensuite, il y a « Blind Village », une réussite du genre vintage avec une longue progression autour d’un riff central qui envoie un peu à mi-morceau avec soli et tout ce qui va bien ; cette plage est tirée du même tonneau que le premier extrait « Drowning » dont le clip est tout foufou. Une confirmation de la part d’acteurs dans la place depuis un paquet d’année à qui devrait profiter l’aura dont bénéficie le trio allemand à la mode depuis quelques années.
Point Vinyle :
Les gars ont bien fait les choses pour les adeptes du microsillon avec 500 exemplaires noir, 350 speak orange et surtout 150 splatter rouge et blanc dispo uniquement auprès du groupe ou du label. Il n’y en aura pas pour tout le monde !

Originaire de Lyon, Fuzzcrafter, groupe de Fuzz-Rock instrumental, nous livre son premier album studio sorti en 2015 avec huit titres bien ficelés.
Le premier constat est de féliciter le groupe pour sa prestation studio puisqu’en effet il a réussi à transposer son énergie en optant pour un enregistrement « live studio sessions ». Comme il l’est indiqué sur la pochette arrière de l’album : « l’imperfection fait également partie de la musique ». Il est quand même difficile de trouver une certaine imperfection tant la bande lyonnaise envoie les watts, et, surtout nous fait découvrir des artistes d’un très bon niveau à travers une musique de qualité. Les huit titres de cet album éponyme entendent ainsi proposer des ambiances bien riches : du stoner bien lourd au morceau plus acide folk&fuzz. Les fanas de démonstrations rythmiques et instrumentales en auront pour leur argent.
En soit, Fuzzcrafter est donc un très bon album qui mérite qu’on s’y arrête un instant, voire même deux !

Troisième album de Beastwars, The Death of All Things est la conclusion de la trilogie post-apocalyptique entamée en 2011 par les néo-zélandais avec leur premier effort éponyme. La patte velue de la bête se dévoilait alors à l’époque aux oreilles de tous avec ce stoner-metal empruntant aussi bien à Mastodon et Soundgarden, qu’à Unsane et Kyuss. Blood becomes Fire avait suivi en 2013 et avait inscrit plus profondément dans nos chairs les marques des griffes acérées du quatuor. Bien que passé quelque peu inaperçu de ce côté du globe, dans l’hémisphère sud le groupe jouit d’une certaine renommée. La réédition en 2014 des deux albums suscités avait offert une exposition plus large (et méritée) mais les contraintes du quotidien liées à celles de la géographie ont toujours freiné Beastwars dans sa conquête de nos espaces vierges de son passage. Si 10 ans après sa genèse le groupe annonce clore cette trilogie avec ce nouvel opus, il fait également planer le doute sur la conclusion pure et simple de leurs aventures, un des membres déménageant pour la capitale britannique. Chacun tâche d’y voir l’opportunité de pouvoir soumettre l’Europe à leur massive musique, c’est tout le mal que nous nous souhaitons.
The Death of All Things, s’il ne finit donc pas par être l’épilogue d’une carrière, a déjà la lourde tache de passer derrière deux pièces de premiers choix. Autant tuer le suspense dès maintenant, ce troisième effort remporte ce défi et avec manière. S’est-elle sentie acculée aux parois de sa caverne, que la Bête a poussé ses limites pour cet (ultime) assaut. Beastwars c’est d’abord un son, marqué, personnel, qui l’identifie presque d’une traite. La section rythmique porte les morceaux (logique vous dirons certains) sur ses robustes épaules, charnues et poilues. Le son de la basse s’assimile à un moteur de tracteur tirant 15 tonnes de bourbon en côte et sa place plus que prépondérante dans l’architecture des titres, la situe dans un rôle entre guitare rythmique et basse. La six-cordes ayant à proprement parler principalement une approche faite de nappes, d’arpèges, d’appuis sur les parties les plus riffus. Évidemment les mélodies (et elles sont aussi nombreuses qu’entêtantes) ne seraient rien sans le travail d’arrangement et de production effectué par la gratte mais l’édifice sans le gras saturé de la basse ne saurait supporter la pierre angulaire qu’est le chant. Toujours au bord de la rupture, les parties vocales rapprochent l’ensemble d’un concept album où toutes les émotions contées seraient tantôt hurlées, tantôt susurrées.
Ainsi les titres vont chercher toute la rage-mélancolique contenue dans vos tripes. Une colère contenue parce que désabusée de se sentir bien vaine face à ce monde dans lequel nous subsistons. Beastwars n’a jamais été un groupe pour vous coller la banane et son écoute nécessite d’être dans l’humeur adéquat. Ouvrant sur “Call to the Mountain” et son intro aux portes du rock n’ roll, très vite le morceau évolue vers les bas fonds de la montagne où résonne la voix arrachée écrasée par le poids du monde instrumental qui s’abat autour d’elle. Car la force de “The Death of All Things” réside dans la capacité qu’à eu le groupe à varier ses morceaux et à créer de la variation en leurs seins même (“Devils of Last Night”, “Holy Man”). Instants plus posés se retrouvant souvent poutrés sans faillir, riffs pêchus évoluant vers gimmicks délicats. Beastwars est une Bête aux abois qui face à l’inéluctable fin transgresse les genres, rageant de la douceur, pleurant de la violence. Effets décuplés par la richesse des lignes de chant, par cette façon si particulière de les poser aussi bien en relai qu’en contrepoint de l’émotion développée par les instruments. “Black Days” pourrait ainsi presque paraître guillerette et “The Devil took Her” tout en acoustique et en flûte sonne comme une dictée de l’épitaphe de l’être aimé.
Si vous n’avez jamais posé une oreille sur Beastwars, un conseil déjà: posez les deux et laissez vous porter par ces troubadours désenchantés, ces bardes déchirés, ces conteurs de l’apocalypse. Pour bien appréhender la Bête il vous faudrait l’attaquer par son début mais même si commencer une trilogie par la fin n’est jamais souhaitable, vous ne serez pas déçu pour autant. The Death of All Things est un immanquable de l’année.

(2016)
En passant par la Lorraine avec ses poteaux, William Mecum a certainement égaré un peu de sa verve ; celle-ci a fortement influencé le jeune duo originaire de Lunéville. Articulé autour de deux instruments seulement (guitare et batterie), 96|12 est actif dans un registre sans chant, simple et poutrement efficace.
« La Grange » est la deuxième trace tangible (en cd pour les ceusses qui refusent de consommer de la musique virtuelle ; pour les autres y a qu’à aller faire un tour dans le cyberespace) laissée à la postérité par les français. Enregistrée avec les moyens du bord, cette grange contient quatre titres bien inspirés qui n’ont rien à voir avec l’hymne de ZZ Top si ce n’est un putain de groove ! Fab envoie des riffs teigneux avec sa six cordes sur lesquels Nico apporte sa contribution rythmique en tapant tel le métronome. L’absence de basse ne se fait pas sentir malgré les conditions quelque peu amateurs dans lesquels la mise en boîte a eu lieu. Une certaine rondeur se dégage même des plages – au format standard pour ce genre d’exercice de style – et la production brute de cette plaque est presque un atout sur ce coup !
Bien sûr, l’ombre de Karma To Burn plane globalement sur cette (auto)production, en particulier sur le titre de fin : « Ebola River » qui ne se contente pas de son statut de pâle copie, mais est une vraie bombe ! La recette de base est assimilée, digérée et perfectionnée : chapeau les garçons ! Deux compos plus lentes : « Dog’s Fault » et « Breaking News » constituent la partie centrale du second jet de ces mecs ; elles se laissent agréablement écouter, mais sont légèrement en-deçà des deux autres malgré un exercice de style des plus intéressants à la batterie sur le flash info.
En attaquant ce premier effort par « Lost Soul », le groupe place la barre très haut et devrait rapidement s’attirer la sympathie des nombreux quidams estimant que le grand Karma To Burn a – depuis belle lurette – perdu son inspiration. Qu’ils ne s’inquiètent pas : deux gars l’ont récupérée du côté de Nancy et viennent apporter une pierre supplémentaire à l’édifice stoner francophone qui a franchement une bien belle gueule !

Les ex-locataires de la régie Svart effectuent leur retour sur les devants de la scène moins de deux piges après leur méfait précédent : « Death By Burning ». Désormais hébergés par l’importante structure teutonne Nuclear Blast Records, laquelle n’a pas son pareil pour mettre le grappin sur tout ce qui se fait d’intéressant dans toutes les catégories gravitant autour de la scène metal, les Hamburgers nous délivrent un florilège de violence aux influences diverses qui s’avère au final d’une brutalité qui tend à la perfection.
La structure de Donzdorf avait – comme à l’accoutumé – bien teasé la production à venir de ses poulains et ça faisait quelques temps que les puristes qui suivent le duo trépignaient d’impatience : celle-ci n’aura pas été veine mes cadets ! « Ode To The Flame » tient bien plus que ses promesses : c’est un véritable carnage de presque quarante-cinq minutes. Hanno Klaenhardt, aux cris et à la guitare ainsi que son acolyte Erinc Sakarya, aux baguettes et aux hurlements, ont clairement élevé leur musique à un niveau supérieur en ce qui concerne sa brutalité. C’est magique !
Les vocalises, déjà peu susceptible d’intégrer un télé-crochet, ont gagné quelques degrés sur l’échelle de la folie malsaine et les tempi gagné en urgence. Si j’ose, nous avons affaire, avec cette nouvelle livraison, à un produit expurgé de tout ce qui pouvait encore paraître soft sur leur plaque précédente ; cette dernière s’adressant par ailleurs plutôt à un public de puristes bourrins pas tout à fait nets.
Ce saccage presque ultime figurera en bonne position parmi les productions qui vont marquer cette année et ce n’est pas le fruit du hasard que de rencontrer le binôme perturbé sur les plus grandes scènes des festivités metal et stoner qui jalonnent la belle saison. Les ajouts, peu retenus, de dissonances stridentes sur certaines compos dont « I Omen » ou « Carnal Rising » – qui ouvre le sabbat – enrobent un style qui rassemble grosso merdo la plupart des grandes tendances DIY que sont le crust punk, le doom ou le metal extrême. Capable de fédérer les fans d’Eyehategod ou d’Hypocrisy, Mantar s’est laissé aller dans le martial sur des plages comme « Schwanenstein » ou « Born Reversed » avec une classe certaine. Ils ont surtout déployé une énergie de brute épaisse pour scotcher l’auditeur de bout en bout de cette ode à la Flammenküche sans lui laisser le moindre répit, mais surtout sans jamais le lasser malgré l’outrage fait à ses fabriques de cérumen.
Là où on atteint le summum avec cette bande-son idoine pour pratiquer un peu d’automutilation à grands coups de tessons de bouteille c’est quand on se plonge dans le marigot que sont le barré « Praise The Plague », qui une digression de quatre minute au tempo évolutif, et surtout « Sundowning », une longue litanie ralentie et l’ultime ogive de la plaque.
Bravo les Teutons : vous avez conçu sur ce coup le skeud de dégénéré ultime qui donne envie des se frapper la tête contre du parpaing jusqu’à y répandre le contenu de sa boîte crânienne. Les épicuriens vont adorer !

Sourvein fait partie des vieux de la vieille. Cette formation américaine de Caroline du Nord exerce son courroux depuis 1993. 23 ans au service d’une musique poisseuse à l’accent du Bayou (bien qu’elle ne vienne pas de Louisiane, donc). Cette longévité est due à la ténacité d’un seul homme, T-Roy, frontman et unique membre permanent depuis la création du groupe. Oui, Sourvein est toujours debout, et ce Aquatic Occult en est la preuve vivante, et flottante.
La région du Cape Fear qui a vu grandir T-Roy est assez éloignée de l’image des villes côtières américaines qu’ont voulu nous imposer David Hasselhoff et son moule-burnes.
Le bronzage et le surf n’est pas ce qui a marqué l’enfant et qui a construit l’identité de son futur groupe, Sourvein. Loin de ce bonheur édulcoré, il retient la misère de Carolina Beach, une plage où le célèbre pirate anglais Barbe Noire se planquait il y a deux siècles et qui a maintenant laissé la place aux dealers et au port du cran d’arrêt.
Sourvein, c’est donc ça, un sludge rustre, vigoureux, et ne laissant filtrer aucun rayon de soleil. Avec une grosse discographie (3 albums, 8 splits et 3 EP) et un nombre incalculable de tournées aux États Unis et ailleurs aux côtés de Saint Vitus, High On Fire ou Bongzilla pour ne citer qu’eux, Sourvein s’est taillé une solide réputation dans le milieu. Malgré tout, la reconnaissance n’a jamais été à la hauteur de son talent, et la persévérance de T-Roy a de nombreuses fois failli s’éteindre.
Enfin, mes années de dur travail ont payé, nous dit T-Roy concernant son petit dernier, Aquatic Occult, sur lequel il a convié certains des ses amis, comme Randall Blythe (Lamb Of God) ou encore Mike Dean (Corrosion Of Conformity), producteur de l’album. En 2011, alors qu’il erre entre les hôtels miteux et le sable pernicieux de Carolina Beach, il commence l’ébauche de Aquatic Occult. Mais le cœur endolori par la perte récente de sa mère, il donnera naissance au sauvage Black Fangs, incapable de taire ses maux. Aujourd’hui, le calme est revenu et Aquatic Occult a profité de cette éclaircie pour voir le jour. C’est en partie grâce à Metal Blade Records, son nouveau label, qui, n’ignorant pas le potentiel du bonhomme, est allé chercher T-Roy pour lui tirer les notes des mains. Des labels, il en a vu défiler, mais celui là semble le bon. Gageons que cela soit vrai. Toujours est-il que Aquatic Occult marque une volonté de changement évidente dans la carrière du groupe.
D’abord, T-Roy n’a jamais autant utilisé sa voix claire. Ce choix change complètement l’ambiance de chacun des titres et éclaire le groupe d’une lumière nouvelle. L’eau a lavé une bonne partie de la crasse ambiante et montre un groupe plus frais. Des titres comme « Avian Dawn » ou « Capsized » pourraient presque faire penser à du Fu Manchu, c’est dire. Évidemment, la noirceur n’a pas disparu mais demeure cette fois-ci dans un style plus léger et romanesque. Le groove, lui, est là du début à la fin. C’est que l’homme brille magnifiquement dans la composition de riffs entêtants et captivants. « Aquanaut », « Urchins » ou encore « In The Wind » sont de purs bijoux de mélodie, en plus d’être de belles déclarations d’allégeance au grand Sabbath. Le plus déroutant reste la présence de trois titres courts parsemant l’album : « Mermaids » et sa guitare suraiguë et maladroite, sonnant comme un hymne entonné par les dockers du port qui ne pensent qu’à boire. « Cape Fearian », où T-Roy, porté par le bruit des vagues, nous récite un poème. Enfin, « Bermuda Sundown », une ballade à la basse accompagnée d’une voix passée dans les pales d’un ventilateur. Le dernier morceau, « Oceanic Procession », a même l’audace d’intégrer quelques claviers.
T-Roy souffle sur son habituel sinistre sludge une légère bise qui gonfle la voile et porte le vaisseau Sourvein sur de nouveaux rivages. Ajoutant une certaine désinvolture à une lourdeur toujours présente, il donne naissance à son album le plus dynamique, mais surtout le plus riche et abouti musicalement, regorgeant de surprises et de virages inattendus, sans jamais se prendre un iceberg. Au cours de ce voyage de 14 titres, dont le plus long titre à 4 minutes 20, vous croiserez entre autres des sirènes, le trident de Poséidon, le Cape Fear, et vous oublierez rapidement la terre ferme.
Le témoignage d’un marin enfin au sec après une longue et pénible traversée en mer, d’un marin battu par les flots, mais qui ne sombre pas.
À déguster avec : des oursins (aux pointes acérées mais au cœur moelleux)

Les français de Domadora ne font décidément rien comme les autres. Plutôt « low profile » en termes de promo ou de présence médiatique au sens large, le trio apporte le même soucis de parcimonie et de sélection dès lors qu’il s’agit des expériences live qu’il promulgue ici ou là. La qualité plutôt que la quantité, en gros. Leur second album sort environ deux ans après leur remarquable Tibetan Monk et devrait produire le même effet. Enregistré pour moitié en studio et pour moitié… à l’Auditorium du Louvre (!!), cet album atypique, difficile à dompter, s’avère séduisant à plus d’un titre.
La surprise nous attend au coin des premiers titres de la galette, en fait, et en particulier sous les contours trappus du binôme « Hypnosis » / « Rocking Crash Hero » : les atours jam-esques et psyche emblématiques du groupe sont presque écrasés par la présence d’une paire de monstre-riffs qui nous ferait presque croire à une résurgence, dans l’ombre, d’un Karma To Burn du début de millénaire. Revenus à quelque chose de plus brut, de plus direct, nos parisiens ? Naaaan… ou pas que. En fait le dernier tronçon du disque, et même les segments plus discrets (moins frondeurs) des deux titres sus-mentionnés viennent moduler tout raccourci trop hâtif. Il faut dire que le premier, à titre d’exemple, se complaît dans de roboratives sections de jams impeccablement contrôlées, de breaks somptueux de dynamisme venus de nulle part, comme autant de larmes de joie dans les yeux du fan transi de jam bands en tous genres. Un morceau colossal de douze minutes qui ne mettra pas longtemps à convaincre. Un peu plus loin, « Rocking Crash Hero » joue un peu le même rôle qu’un « Chased and Caught » sur leur galette précédente : un titre carré, droit dans ses boots, tout entier embarqué sous la bienveillance d’un riff quintessentiel parfumé au bitume encore chaud. Le contraste est bien maitrisé tandis que le titre suivant, « Solarium », propose une nouvelle orgie de jams sur plus de seize minutes sans relâche. Puis les deux derniers titres s’engouffrent dans la même brèche de jams échevelées, à rallonges certes, mais qui ne se perdent jamais en court de route.
A l’évidence, l’intérêt intrinsèque de ces compos vaut surtout par le talent des musiciens qui composent le trio. Parce que trio, d’abord : à trois, pas le droit à l’erreur. Et puis parce qu’osmose, tout simplement : même si tous les plans sont calés pour dérouler un tapis rouge à Belwill, guitariste de son état, qui répand sa science du solo pendant des pans entiers, la section rythmique, en phase parfaite, porte la musique du combo dans d’autres sphères. A noter aussi : les timides sections vocales, rares, tombent toujours à point. Petite réserve instrumentale : les tunnels de ride qui défilent pendant de longues minutes non stop viennent un peu piquer dans les aigus quand on n’est pas un afficionado de la cymbale… Mais en même temps il faut bien combler le spectre sonore… En tous les cas, le son aussi a la patate, et l’on met au défi quiconque de distinguer les titres enregistrés dans l’un ou l’autre des lieux pré-cités (un mastering-parpaing effectué dans les studios texans de Wo Fat n’est probablement pas étranger à l’affaire).
A l’heure des bilans, et après des dizaines d’écoutes, le plaisir est toujours au rendez-vous pour tout amateur de musique « libre », tour à tour carrée puis en pur délitement structurel. Evidemment, les mélomanes amateurs de jams sont déjà sur le site web du groupe pour commander la galette. L’album n’a pas la fraîcheur de la découverte (le premier disque nous aura déniaisé) mais son approche musicale (qui ne tombe jamais très loin des illustres Tia Carrera) finira de convaincre les autres : The Violent Mystical Sukuma n’est pas uniquement un prétexte à porter leur musique sur scène : il apporte un plaisir vinylique authentique, qui devrait laisser peu de place aux autres groupes sur votre platine dans les prochaines semaines.
(Note : artwork “Après Jacques Villon, Marcel Duchamp; Léger, Kupka et les autres” – Figure Solaire, série Les Grandes Têtes. Peinture de René Pradez (1933-2013) – Soutien gracieux)

“Nouveau” venu sur la scène londonienne, Elephant Tree débarque de son pas chaloupé avec son premier album sous le bras. De sa genèse en 2014 qui a très vite mené à l’enregistrement d’un EP “Theia” paru chez Magnetic Eye Records, les voilà aujourd’hui toujours dans la même crémerie avec 8 titres sobrement réunis sous l’intitulé “Elephant Tree”. Le premier EP en n’avait pas laissé de marbre plus d’un, avec ses arrangements qui recouraient à la cithare et ses voix tantôt hurlées. Déroutant dès lors à la première écoute de cet album de ne pas retrouver ce qui avaient fait la “signature” Elephant Tree. Exit la cythare et bienvenue aux harmonies vocales tout en délicatesse.
Là se trouve la nouvelle patte pachydermique du groupe, si les riffs naviguent sur les eaux d’un stoner-doom somme toute classique, les voix subliment l’ensemble et catapulte ce premier “vrai” effort vers des moments de grâce qui ne sont pas sans rappeler toute la beauté qu’arrivait à atteindre le duo Staley-Cantrell. Sur le ouateux matelas de groove sirupeux que forment les instrus se reposent ainsi les lignes de chant qui subliment les sept titres à venir. L’intelligence du quatuor est de justement doser leur force. La maîtrise vocale ne prenant jamais le pas sur la qualité instrumentale sur laquelle il se pose. En variant les compositions le groupe démontre une aisance dans différentes approches de la sphère stoner. Si “Wither” fait des clins d’œil au doom des St Vitus/Obsessed et consorts, “Dawn” élève (légèrement) le tempo pour balancer le gras de la fuzz. Ainsi chaque morceau explore une nouvelle facette du genre, s’offrant même des instants acoustiques (“Circles”) ou des moments plus chauds et relaxés où le soleil de Palm Desert caresse de ses rayons naissants notre visage (“Echoes”).
Aucune méprise néanmoins, un Elephant (Tree) ça trompe énormément et le cœur de la bête est bien plus massif que les exemples pré-cités. “Aphotic Blues” en tête, pièce maîtresse de l’album qui réunit le pop-doom de Floor à la déflagration d’Ufomammut en fin de chanson. “Wither” avait déjà démontré l’efficacité de ce doom bluesy-mastodonte sublimé par les voix, “Fracture” et “Surma” enfoncent dès lors un peu plus profondément les défenses de l’animal dans nos tympans. Pas étonnant de les retrouver en première partie de la tournée prochaine en terre britannique de Mars Red Sky. Cette science de la poutre ciselée, du mur porteur mouluré, de la bûche sculptée, dont savent faire preuve ces groupes apporte un renouveau dans la scène plus que salutaire. Les anglais ont bâti un très bel album, équilibré entre le velu du riff et la clarté de la production.
La maturité dont fait preuve Elephant Tree étonne pour un groupe qui n’a que deux ans d’existence. Tel un jeune diamantaire de génie taillant dans le brut de la roche une pièce finement travaillée. Mature dans son approche sereine des différentes facettes de leurs compositions, mature dans le placement de ces harmonies vocales, mature dans l’efficacité mesurée des riffs qui se répètent avec justesse créant l’envie de plus sans ne jamais flirter avec le trop. Elephant Tree par Elephant Tree s’écoute en boucle sans risque d’overdose et on attend la suite avec impatience.

Dire de « Stellar Prophecy », le nouvel opus des transalpins de Black Rainbows, qu’il reprend là où le précédent « Hawkdope » s’est terminé est un euphémisme. Il en est même troublant de prolongement. Et sortir cet album à peine un an après son prédécesseur ne fait que renforcer cette impression. A croire que toutes les compositions et les enregistrements sont issus des mêmes sessions. Alors en bien ou en mal ? On ne va pas tourner autour du pot cent sept ans, « Hawkdope » était excellent, « Stellar Prophecy », lui, est jouissif.
Refaire étal des influences serait superflu. Mais donc, oui, Black Rainbows fait honneur à la fuzz comme peu de groupes à l’heure actuelle et par là même, honneur à ces illustres aînés (Hawkind en tête de file). Goûtez-donc le titre introductif « Electrify » symptomatique de la formule italienne : fuzz partout, justice nulle part, section rythmique roborative, psychédélisme et léger retrait des voix, guitare solo virevoltante. On bascule ensuite sur le disque parfait pour se laisser aller à des ébats charnels, sensuels et langoureux, des étreintes érotiques passionnées et intenses. Car, oui, ce disque renvoie à toute la libération et l’insouciance sexuelle des 70s et l’on y plonge, ma foi, avec délectation.
De ce « Woman », déclaration passionnée et sincère à ce « Golden Window » progressif, immersif et psychédélique ; de ces petites pépites rock que sont « Evil Snake » et « Time to Die » à « The Travel », final lancinant à écouter et à vivre les yeux dans les yeux de son/sa partenaire, tout concourt à la recherche de l’extase.
« Stellar Prophecy » et « Hawkdope » feraient un fier et solide double album s’ils étaient sortis en même temps. Entendons-nous bien, Black Rainbows n’a pas pour ambition de révolutionner le genre mais bel et bien de lui rendre hommage avec sincérité, passion et qualité. Et là où certains essaient (suivez mon regard), d’autres y arrivent. Pour la peine, ce nouvel opus prétend à une sérieuse place dans le top 10 cette année.
Achetez ce disque, une bouteille de vin et Black Rainbows vous garantit une nuit que vous n’êtes pas prêt d’oublier.

Les bordelais proposent avec « Persona » une quête d’identité sur 8 titres à l’instar du personnage de Salinger dans “L’attrape-coeur” et de ses trois jours d’errance dans New-York. Pour le coup c’est plus Seattle qui est visité par le quartet tant l’influence du grunge des 90s est présente tout au long de l’essai. Le travail de composition est bien maîtrisé c’est une évidence, et les influences assimilées.
Cependant pour que le combo puisse nous surprendre à l’avenir il va falloir s’en démarquer et peut-être laisser plus le champs à ses divagations psychédéliques, de les laisser prendre plus d’espace, et d’affirmer cette voix, de la rendre plus simple dans son positionnement mélodique. « Habeas Mentem » tutoie déjà cette orientation et c’est très plaisant. On ne serait pas contre de plus grosses guitares non plus, mais là on est plus sur des questions d’enregistrement puisque les riffs du combo contiennent suffisamment de kérosène pour faire de grosses traces sur l’asphalte.
Un premier ouvrage encourageant pour les bordelais qui, s’il n’affirme pas encore un style propre, dégage déjà de belles lignes directrices. La quête d’identité n’a donc pas encore atteint son but, il reste encore un jour d’errance à Salinger’s Trip pour se révéler. Affaire à suivre…

Palm Desert nous viennent de Pologne mais avec un nom pareil, on devine de suite leur influence géographique principale. Le groupe, actif depuis 2009, a pondu Adayoff en 2013, mais le ressort dans une version augmentée de quatre morceaux pour un total de dix. L’occasion de découvrir ce groupe qui possède des atouts conséquents. Pour commencer, le recours à un studio pro et de toute évidence, à de bons ingé son, génère une qualité de production dans le haut du panier, pas d’inquiétude de ce côté-là. Quelques partis pris, sur la voix notamment, sont d’ailleurs très bien sentis, avec une saturation plus ou moins prégnante mais très juste dans son dosage. Ensuite, nous sommes clairement en face de musiciens accomplis, avec une rythmique connaissant quelques moments de grâce et des saillies de guitares qui sont, sans être originales, parfaitement maîtrisées. D’après la légende, avec deux morceaux, quelques riffs et une journée de studio, le groupe est ressorti avec la première version de cet EP, soit six morceaux. Autant dire que les jams font parties de leur quotidien.
Alors certes, « End of The Certain » est plus un interlude qu’autre chose, mais il reste des morceaux de choix. L’ouverture faite par « Leave Me Alone » tromperait presque son monde tant l’influence de Kyuss est palpable. En ce sens, c’est peut-être le morceau à la fois le plus direct et le plus faible de l’album. On sait de quoi il retourne. Pour le reste des influences, citons simplement Monster Magnet, qui nourrit notamment de très bonnes lignes de chant. Un chant principalement masculin d’ailleurs mais féminin sur « Overload », qui est soit dit en passant la pièce la plus originale et la plus entêtante. L’EP se termine sur un jam de neuf minutes qui exprime de la maîtrise, du sens dans la construction et est pourvu d’un très bon final. Quid des quatre suppléments ? Le premier est un interlude parlé qui permet la jonction vers un titre catchy, classique mais aussi l’un des plus efficaces. Suivent « Shoutstone » qui semble être la combinaison de tout ce qu’il y avait de bon avant, et qui devient dès lors le morceau que je retiens pour les années à venir, et « Rise Above (Root Version) » une fin très typée Monster Magnet. En somme, le groupe ne se sépare à aucun moment de ses influences et en cela leur nom est définitivement révélateur. Au-delà de quelques morceaux peu marquants, il en reste de très bons. Le groupe propose ses productions au format vinyle et vient de sortir un tout nouvel EP, issu de jams, que la curiosité devrait vous amener à écouter.

Le Shujaa fut. Mais la perte du courage suffixe n’empêche pas Blaak Heat de tracer sa route et de creuser un sillon post-stoner, à la génétique orientaliste et la dynamique constante. A l’instar de The Atomic Bitchwax en 2015, les franco-américains balancent avec « Shifting Mirrors » une bombinette à singles marquée par l’inventivité et la science du riff, par ce savant dosage entre épices raffinées et ketchup grassouillet.
10 titres au compteur et des vraies envies de désert, du Ponant au Levant. Les bougres ne tapinent pas pour quelques gammes histoire de styliser leur stoner. Que non. L’armada est complète et du violon à la darbouka, du oud au clavier, toutes les adjonctions présentent un réel intérêt, apportent une touche de coloration nécessaire. Avec plus ou moins de réussite certes. Car là où un « Sword of Akim » vous casse les pattes arrière sans une once de remords, « The Approach to Al-Mut’asim », lui, se perd dans la ritournelle et réduit son intérêt au gré des mesures. L’album n’est pas inégal mais souffre dans sa construction.
On touche cependant à la lumière avec le quatuor « Taksim – Ballad Of Zeta Brown – Black Hawk – Mola Mamad Djan », un enchaînement de premier ordre entre ouverture et fermeture traditionnelles, évolution lancinante de desert-rock, riff destructeur typique au stoner et chants maîtrisés et acidulés.
Il est assez plaisant de ne pas se fader une énième copie d’un groupe phare, de ces monstres ayant posé les jalons d’un genre ô combien multiple mais bien trop scolaire et appliqué ces derniers temps. Blaak Heat suit ses propres règles et tant pis si parfois il s’y perd. Le résultat à tellement de personnalité qu’il serait bien stupide de ne pas y pencher une oreille, ou deux (tout le monde n’est pas Van Gogh).
Et le groupe de finir sur « Danse Nomade » à la rythmique détachée, à la guitare solo ironique, histoire de nous expliquer qu’ils y sont bien dans leur bulle et qu’on aurait tort de les en déloger.
« Shifting Mirrors » ne sera peut-être pas l’album de l’année mais il aura assurément une place dans mon top 10, tant la richesse et l’intelligence qu’il contient fait défaut à un paquet d’autres groupes. Blaak Heat joue une musique chaleureuse, tricote de véritables ambiances, affirme une identité propre dès les premières notes. On en ressort avec du miel dans les oreilles, un peu de sable entre les dents et du cambouis tout plein les orteils. Smooth Criminals.
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