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Ce jeune trio new yorkais propose son second album déjà. Largement méconnu jusqu’ici, leur biographie officielle met en avant une expérience scénique significative, qui aurait façonné leur approche musicale, et en particulier une certaine propension au jam. Inutile de tergiverser, ce dernier point se confirme très rapidement, au détour de l’ensemble des chansons pour être clair : on entend poindre quasi-systématiquement les séquences où le groupe pourrait partir en vrille et lancer des séquences jam débridées. Ces digressions restent mesurées sur disque, prenant la forme de quelques passages de jams contenues (souvent à peine un petit solo), mais on les imagine sans peine potentiellement démultipliées sur scène.
Plus généralement, Sun Voyager propose un psych rock nerveux, qui se distingue un peu de la masse de groupes évoluant dans ce genre en deux points principalement : leur son chaud, souvent garage (qui rappellera plus qu’à son tour les excellents Ecstatic Vision) et leur capacité à glisser quelques plans stoner punchy bien construits, qui les détachent du cliché des chansons psych rock répétitives et hypnotiques. En revanche, dès lors que la question psych entre en jeu, le talent du trio est assez évident : les gars ont bien compris et assimilé la recette. Rythmiques lancinantes empruntant largement au kraut rock (voir « Run for You » et son pattern de batterie qui ne dérive quasiment pas sur presque quatre minutes de long), torrents de wah fuzzées ( le refrain de « Some Strange », « The Vision » dès l’intro…), plans de claviers aux sonorités space rock, chant rare et planant… et, comme dit précédemment, ces breaks disséminés ici ou là, qui montrent la place qui pourrait être occupée par des jams dantesques dont on se prend à rêver sur scène (aux deux tiers de « Rip the Sky » en préparation de l’outro, « To Hell with Ride » en remplacement du trop discret solo, le final de « feeling Alright »…).
On pourra chouiner un peu sur la durée de l’album (à peine plus de trente minutes) en se disant que, à défaut de compos supplémentaires, le groupe aurait pu pousser quelques jams pour gonfler un peu sa galette… mais globalement, l’album, ainsi ramassé, est exempt de reproches. Il présente le visage d’un groupe séduisant, plus qu’agréable sur disque, mais encore plus prometteur en live… où on espère avoir la chance de les voir dès que possible !
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On avait déjà causé des italiens de Tons dans une précédente chronique, ce trio avait sorti en 2018 un album doom-sludge qui avait ravi les amateurs et l’avait catapulté sur le devant de scènes qu’ils ont partagé alors avec Bongzilla, profitant ainsi de l’occasion pour enrichir leurs discographies respectives d’un split, Doom Sessions Vol.4. Mais fini la gaudriole, cette fois il s’agit de revenir en son propre nom avec une galette au libellé pas très surprenant de Hasension qui dit à lui seul ce qui se passe autour de Tons.
Avant même de déballer le paquet, il convient de s’arrêter sur un artwork savamment choisi. Tons sait se résumer, si le titre “Hashension” correspond aux lumières des spots qui éclairent nos quatre mecs depuis quelques temps, autant qu’à leur amour immodéré de la beuh. L’artwork quant à lui est une pochette surprise ironique tirée de l’imaginaire cartoon des années 50 avec une dimension diabolique et fumasse correspondant donc bien au produit que l’on est censé trouver derrière cet emballage. Coup de génie ou pur marketing, au fil des auditions on serait tenté de dire: “aucun de deux mon capitaine”. Tons n’est pas le groupe qui fera se pâmer d’émoi toute la scène doom et sludge tant il est vrai que la voix de Paolo entre le sludge et le black à de quoi dérouter. Cependant les aficionados de Bongzilla se sentiront clairement comme à la maison. Les riffs sont puissants, lourds, ça joue la boucle sans fin et hypnotise sur “Slowly We Pot”, les montées épiques et grandiloquentes de “Hempathy For The Devil” ou de “Ummagummo” (et son solo de conclusion pas piqué des vers) gagnent l’auditeur à la cause du groupe. Cependant ce dernier ne trouvera pas grande raison de s’extasier, c’est bien fait, c’est agréable et ça écrase comme une tonne de plomb sur la coin de la gueule, certes! Mais ce n’est pas l’extase la plus folle. Exit donc le génie pur et bienvenu, le bon boulot défouloir de “A Hash Day Night” et les riffs lancinants de “Hashended”.
Reste la question du marketing, est ce que le groupe travaille à se rendre plus bankable? Ce n’est là qu’une hypothèse probablement un peu hasardeuse, cependant il est clair que Tons apporte un grand soin à cultiver son image de fumeur invétéré, comme bon nombre de groupes avant lui, de Belzebong à Bongzilla sauf que le bong étant déjà pris, il a fallu trouver quelque chose d’autre. L’incrustation d’extrait de films annonçant la couleur au début de “Hasended” ou sur l’horrifique (et très qualitatif) “Hempathy For The Devil”, comme le running gag des titres; déformations herbeuses de titres des Stones, Obituary ou des Floyd placent Hashension dans la continuité du précédent album, Une production sans doute bien plus potache et rigolarde que définitivement marketing.
Tons fait le taf avec ce Hashension qui vient gonfler la petite cohorte des albums doom sludge qui tiennent l’étendard de la fumette crado bien fièrement. La plaque trouvera son lot d’amateurs à coup sûr parmi les headbangers les moins vifs et les carpettes de fond de fumoir. Il est même presque certain que par accident certains non fumeurs pourraient y prendre goût, ou je l’admet j’y ai pris du plaisir.
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Depuis 2015 Wizzerd publie régulièrement ses frasques stoner au sein de démo, singles et autres EP. Il faut croire que l’abondance de ces productions régulières, même si passant pour mineures, auront su résonner des States jusqu’en Suède puisque notre quartet signe son album Space‽: Issue No.001 sur le label qu’on ne présente plus, Fuzzorama Records. C’est parti pour près de 45 minutes d’une plaque délicieusement illustrée par un artwork convoquant les classiques du genre : bagnole et fond intersidéral.
Le label a eu le nez creux et déniché une jolie pépite stoner ou s’entremêlent avec subtilité sur “Launch” un Rock classieux qui fait penser à Duel et des passages acid psych’ échevelés qui ne sont pas sans rappeler un Ecstatic Vision sur “Attack Of The Gargantuan Moon Spiders”, hommage volontaire ou non à Led Zep, dont les instruments jouent la redite de quelques-uns des titres phares du groupe sans en dire précisément le nom – mais la rythmique et l’identité sont là navigant d’un titre à l’autre de ce groupe légendaire et les habillant d’habiles choeurs féminins.
Le constat est celui d’une rythmique implacable qui assaille l’auditeur à chaque morceau, exception faite des passages les plus barrés, qu’il s’agisse de “Transmission” ou du tout à fait dispensable titre de conclusion, “End Transmission”, qui rappelle les expérimentations électro du début des années 80. Un hors sujet qui meuble de façon inutile près de 5 mn clairement amputables de la plaque.
Revenons-en donc à la rythmique à mon sens élément essentiel de Space‽: Issue No.001 , une basse fière et ronde comme pas deux qui roule ses notes avec suavité sur “Space Chase” ou “Super Nova” pendant que le reste du groupe déroule une cavalcade à en faire perdre le souffle. La batterie n’est pas en reste, frappes sèches et maîtrisées, abondances de cymbales sans aller jusqu’à rendre malade l’auditeur, elle sert de tremplin au groupe sur “Doom Machine Smoke Break” et fait swinger “Sister Of The Sun”.
Wizzerd rentre pleinement dans le jeu de la scène Stoner, et avec de fermes appuis chez Fuzzorama, espérons qu’ils seront placés dans les conquêtes essentielles du label car ce quartet réalise une plaque sans faux pas et devrait séduire plus d’un auditeur avec son phrasé et sa fougue.
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Black Capricron est un trio sarde actif depuis presque quinze ans, un groupe de besogneux discrets, auteur de quatre albums et d’une poignée de EPs avant ce Cult of Blood, la plupart sortis chez Stone Tallion Rex, un label allemand qualitatif mais chichement doté en termes de moyens de promotion notamment. Bref : peu de monde les connaît. C’est peut-être la raison qui les a fait se séparer en 2019 ? Toujours est-il qu’ils ont retrouvé la flamme doom, se sont enfermés à nouveau dans une salle de répèt (forcément) obscure et ont pondu cette nouvelle offrande, qui sort cette fois chez Majestic Mountain.
Du doom donc, du doom lent et lugubre, mais dans une veine “accessible”, plutôt stoner-doom. On pense beaucoup à Acid King, avec cette même gestion des leads de guitare, ce même usage du chant en fond de mix, et ce recours aux rythmiques lentes et roboratives, déroulant un boulevard pour un son de guitare fuzzée en mode poids lourd. On est dans une vraie zone de confort, et en même temps, sur le papier en tout cas, ça ne brille pas par l’originalité. C’est probablement là qu’interviennent les années d’expérience et d’abnégation du groupe, qui rejaillissent à travers des petites perles d’inventivité, des astuces d’écriture qui viennent pimenter le tout, et surtout un riffing 100% pure qualité (“Secret Society of Seven”, “Witch of Endor”). Proposant 7 chansons (pour un peu moins de 45 minutes au total) le trio italien ne fait jamais dans la redite, propose des titres plus atmosphériques (“Godsnake Djamballah”), d’autres plus enlevés (le très malin “Snake of the Wizard”), et ne s’engonce jamais dans un carcan stylistique trop étriqué.
Cult of Blood est donc un impeccable album de doom, proposé par un groupe qui met du talent et de la passion dans son ouvrage. Il ne changera pas la face du monde, et ne chamboulera pas la hiérarchie en place des groupes de doom les plus populaires – en revanche il s’agit d’une galette qualitative, intègre et très jouissive pour tout doomster épicurien, une rondelle généreuse en riffs efficaces et en morceaux mémorables.
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Sonic Flower est avant tout le side project (second groupe ?) de Tatsu Mikami, emblématique et indéboulonnable leader de Church of Misery. Le groupe, mis en sommeil pendant le plus clair du XXIème siècle, a été ranimé il y a quelques années par Mikami, qui semble vouloir redonner un semblant de “vie” au groupe (side project ?). Comme il l’a toujours fait avec ses groupes (par obligation et contrainte plus que par envie, on le présume), le bassiste s’entoure de musiciens d’opportunité, parvenant difficilement à les fidéliser sur le long terme (tout en sollicitant souvent de vieux potes, les faisant passer d’un groupe à l’autre le cas échéant…). Les deux premiers albums nous avaient laissé une impression un peu mitigée, entre constat implacable de la qualité musicale proposée, et ce sentiment d’une production qui ne se démarque pas assez, s’exposant à une “durée de vie limitée”. L’enjeu de ce troisième disque est donc avant tout de voir si le groupe se donne les moyens d’aller plus loin et plus fort, dans un paysage musical bien chargé en groupes se revendiquant d’influences 70’s.
Très rapidement on doit admettre que la configuration proposée ici séduit, à plus d’un titre. Déjà, le groupe propose désormais du chant, et par ce biais se détache un tout petit peu de ce sentiment (un peu subjectif) d’un simple jam band de psych rock sans valeur ajoutée, juste bon à enregistrer ses albums lors de répètes entre potes dans leur cave. D’autant plus que ledit chanteur, Kazuhiro Asaeda (qui a traîné ses guêtres il y a une vingtaine d’années dans… Church of Misery !) n’est pas mauvais, loin s’en faut, aportant un chant rauque et chaleureux à l’ensemble. Avec son apport déjà, pas mal de choses s’éclairent. Avec ensuite Fumiya Hattori à la guitare, une image plus claire encore du groupe se dessine : peut-être moins axé sur le feeling (comme pouvait l’être sa prédécesseure Arisa), Hattori est un guitariste doué, actif et performant autant sur le plan lead que rythmique, apportant une vraie densité au disque. Toshiaki Umemura vient compléter le line up à la batterie, finissant le portrait d’un groupe tout neuf (autour de Mikami, donc…).
Nouveau line up, nouveau potentiel de composition (avec l’apport du chant notamment), et donc nouvelle dynamique pour le groupe. Positive ? Assez franchement, oui. Me And My Bell Bottom Blues n’est toujours pas, à l’image de ses prédécesseurs, un disque révolutionnaire – mais honnêtement, peut-on décemment attendre celà de groupes farouchement porteurs de l’étandard rock 70’s ? Le visage proposé par cette nouvelle incarnation de Sonic Flower est résolument plus blues rock, là encore le virage est tangible, audible notamment au travers des jams proposés au coeur des différents titres. Pour illustrer facilement ce constat, il suffit d’écouter “Quicksand Planet”, qui figurait déjà sur l’album précédent en mode rythmique psych et envolées de leads à gogo, et qui est ré-interprété ici, avec chant puissant, riffs acérés et solo bluesy bien maîtrisé. Ca n’empêche pas le titre de garder cette fraîcheur jam à travers une envolée à fond de Wah-wah “sauce Earthless”, mais le tout est carré, sous contrôle. De là à dire que tout est parfaitement ciselé, il y a un pas qu’on ne franchira pas, certains titres se prétant plus que d’autres à de copieux étirements jamesques – un peu trop généreux parfois, à l’image de l’indolent “Poor Girl”, qui traîne sa mélodie entêtante sur plus de huit minutes de soli divers et breaks variés, ou encore du titre éponyme, qui sur presque 10 minutes, s’appuie sur son (très efficace) gimmick mélodique pour envoyer des gerbes de leads un peu dans tous les sens. Dire qu’on n’y prend aucun plaisir serait toutefois un éhonté mensonge. En revanche, ces titres moins “maîtrisés” nous ramènent à la version précédente de ce groupe, qui du coup donne l’impression de ne pas avoir terminé sa complète mue.
Mais l’essentiel du constat reste valable : même si l’on serait bien en peine de savoir si ce line-up s’inscrit dans le temps, et si le groupe envisage de se projeter sur une activité scénique notamment, on commence en revanche à entrapercevoir la perspective d’un vrai groupe désormais, reposant sur des compos solides. Me And My Bell Bottom Blues est un disque intéressant et très plaisant, qui installe Sonic Flower comme un (potentiel) groupe actif, et non plus ce lointain et intangible projet entre potes. Un combo à surveiller donc.
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Freedom Hawk c’est ce groupe qui tel l’antique héros Paris avec la pomme d’or a volé la voix d’Ozzy Osbourne. Ce quartet de ricains signé chez Ripple n’en est pas à son premier tour en studio puisque régulièrement il viennent déposer sur l’autel du stoner une plaque de proportion variable mais toujours forgée dans le plus pur style du proto des année 70 – 80. Cette fois le bouzin s’appelle Take All You Can, s’agit-t’il donc d’un hold-up?
Au premières écoutes on est frappé par un album incroyable d’équilibre. On y navigue d’une vague hard rock 80’s à la lame de fond des grandes heures du rock 70’s. Jamais Freedom Hawk ne tombe dans le pastiche et ne vient tout à fait effleurer l’hommage. C’est une intégration totale de vingt ans de codes et de styles, un exercice où bien d’autres se sont cassé les dents avant eux.
Le quartet réussit a se sortir de pas mal d’épreuves, notamment avec “From The Inside Out” et le pari de faire tenir debout un morceau qui pourrait faire chanter des stades sans tomber dans le cliché. Du stoner pur jus de “Age Of The Idiot” aux phrasés psychédéliques de “Desert Song”, cet album Take all You Can est sabbathien jusqu’à la moelle, il y résonne un doom élégant et efficace où chaque note vient frapper l’espace d’un instant le tympan et l’esprit. Combien de fois durant les 45 minutes que dure ce album on se dit “rohlala, ce riff”, “Bordel ça c’est bon!” ? Je n’ai pas compté mais il est certain que “Never To Return” prend généreusement sa part. Au pire on trouvera un titre comme “Comin’ Home” qui frôle le décrochage, mais Freedom Hawk réussit à produire des envolées guitaristiques et rythmiques d’une puissance si notable qu’il fait reprendre de l’adhérence à l’écoute et n’égare pas son auditeur en chemin.
Freedom Hawk ressuscite le doom et le Stoner Heavy de pépé et lui offre une seconde jeunesse, Take All You Can se situe dans la lignée de leurs productions que nous avions loué depuis belle lurette. Un stoner rock généreux, des riffs maitrisés et efficaces, une production linéaire mais qui malheureusement ne ravage pas totalement l’encéphale. Un travail de plus qui doit figurer dans la liste des auditions de tout bon stoner head sans pour autant devenir la pièce maîtresse de sa discographie. Mais qu’importe cela, avec Take All You Can, Freedom Hawk réussit une fois de plus à nous ramener à la maison et c’est tout ce qui importe.
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En 2017, un quatuor d’outsiders nommé Deadly Vipers investissait sans prétention la scène stoner en nous livrant cette pépite bouillante intitulée Fueltronaut. Un premier album fuzzé à souhait, un cristal dénué d’impuretés, distillant un parfum d’essence du désert et de frénésie bénie. C’est donc bien naturellement, lorsque cinq ans plus tard nous apprenons que les Perpignanais prévoient de réitérer, que nos oreilles se dressent sur nos têtes et s’orientent vers les huit pistes de ce qui promet de nous émouvoir à nouveau. Et sans non plus se gargariser d’attentes qui déçoivent plus souvent qu’à leur tour, on s’est empressé de dévorer l’engin.
On ne change pas une équipe qui gagne, la nouvelle machine sort des ateliers de Fuzzorama Records et, comme sa grande sœur, elle est gainée d’un carburant bon à éjecter les fusées du pas de tir. Après les trois minutes de nappe instrumentale de “Echoes From Wasteland”, le compte à rebours s’achève et on rentre dans le vif du sujet. Les riffs accrocheurs des guitares customs de David et Thomas nous balancent d’avant en arrière, en témoigne “Welli Welloo” et son entrelacs de séquences Stoner furieuses, parfois proches du doom, et d’instants plus délicats en vagues aériennes. La voix de Fred accompagne tantôt la mélodie, tantôt raconte sa propre histoire, bien que toujours quelque peu en retrait, comme immergée dans le corps de la tornade sans jamais vraiment parvenir à la dominer.
À peine les muscles à température que “Low City Drone” nous assaille. D’abord affable, comme une invitation à parcourir les ruelles et à déguster les spécialités locales, puis sinueuse, intrigante, avant de virer menaçante, gigantesque ; la pièce maîtresse éponyme de l’album, élaborée avec une attention particulière et agrémentée, une fois n’est pas coutume, d’un clavier. Le tout atteint des hauteurs stratosphériques dont la rythmique percutante ne semble toujours guère se satisfaire. Un beau voyage.
Avec cet opus, il semble que la ruralité désertique se soit substituée à un futur urbain rien moins que pessimiste. On quitte ici l’immensité des canyons et des dunes sablonneuses d’un autre monde pour la chaleur poisseuse d’une citée électrique, dense, mais pas moins exempte de danger. Avec une certaine continuité tout de même, si l’on en croit “Meteor Part II” suite littérale du “Meteor Valley” du premier album. Exactement comme si après nous être écrasés sur cette étrange planète en 2017, nous parvenions enfin à retrouver la civilisation. Pour le meilleur ou pour le pire.
Même si l’on sent quelques initiatives, par exemple sur “Ego trip” ou “Big Empty”, elles se limitent encore à de timides tentatives. Et en définitive la recette reste sensiblement la même. Ce qui a le mérite de ne point décevoir les attentes du mangeur de riff. Un bon deuxième album, équilibré et composé avec un soin similaire au premier. Sans réinventer l’eau chaude ni transcender le genre, Deadly Vipers prend ici un deuxième appui solide pour effectuer à l’avenir un saut qui, on l’entrevoit, leur permettra d’atteindre des sommets.
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Posons le contexte et les enjeux tout de go : High Tone Son of a Bitch (HTSOB) est un groupe/super-groupe/projet qui n’a jamais réussi à trouver son positionnement, en termes de reconnaissance et plus globalement d’importance dans la scène stoner/doom notamment. Qu’est-ce qui a bien pu leur manquer jusqu’ici, et ce disque permettra-t’il de combler ces lacunes ? Pour rappel, HTSOB existe depuis le début des années 2000, monté par les frères Paul et Drew Kott du côté “obscur” de la Bay Area, leur permettant de capitaliser sur leur réseau de potes musiciens évoluant dans la sphère sludge/doom/prog locale (des membres de Noothgrush, Men of Porn, Acid King, etc… s’y passent le relais). Probablement victime de la volatilité de ce line up séduisant mais difficilement mobilisable, HTSOB ne sort qu’un modeste EP en début de carrière (le recommandable Better You Than Me) et vivote tout ce temps à coups de prestations confidentielles et d’infos sporadiques à l’échelle locale… L’affaire semble entendue lorsque le groupe est mis en pause avec le décès de Andrew Kott en 2017.
En 2019 pourtant, le groupe se re-constitue, sur un line-up de référence en apparence plus solide et stable, où Paul Kott se voit épauler du fidèle Russ Kent au micro (le guitariste de Noothgrush) et de Billy Anderson à la basse (le légendaire producteur au CV long comme le bras). Quelques EP complémentaires sont sortis, mais toujours pas de véritable album. En 2020, HTSOB sort Lifecycles, un double album qui regroupe tous ses EP, et se décide à dynamiser sa carrière en organisant une tournée pour en assurer la promotion… juste avant le COVID ! (ça y est, vous sentez poindre le fil conducteur de la lose ?) Pour exorciser tout celà, ils décident de mettre les petits plats dans les moins petits, en organisant une sorte de sauterie avec quelques musiciens amis, en période de pic de contamination of course histoire de faciliter les choses (faut voir la photo sur le livret du vinyle avec la douzaine de musicos/techos avec leur masque – sauf Matt Pike of course) – cette histoire sentait l’échec. Et l’album sort donc maintenant, 2 ans plus tard, soit plus d’un an après les 55 autres groupes qui ont eu la même idée… good timing ! A noter que le groupe a documenté ce concert par une captation vidéo rougeâtre approximative, aux limites du regardable (ou comment faire passer l’absence de budget pour un choix artistique fort) – pour info ça se trouve sur Youtube.
Les bases d’un beau fiasco sont donc posées et l’anxiété est à son comble en enfournant la galette. Heureusement, il ne faut pas longtemps pour être rassuré, et on se fait vite rattraper par cette set list rutilante, qui vient taper dans l’ensemble de leur discographie famélique, piochant des titres de tous leurs EPs. On ne va pas faire la fine bouche, c’est finalement une excellente occasion de prendre un peu de hauteur sur ces compos et de se souvenir de leur qualité intrinsèque irréprochable. Il se dégage une certaine classe des chansons de HTSOB sur album, à travers cette sorte de doom rock (!) aux volutes prog, stoner, metal… Lors de leur transformation live, les compos originales gardent leur prestance, et bénéficient au passage d’un réel effort d’amélioration (voir comment la nappe de clavier de “Silhouette” ainsi boostée vient élever le morceau, ou la densification de guitares sur “Ten Mountain High” lui apporter un groove décuplé). Quant aux musiciens invités, ils apportent un vrai “plus” aux morceaux qu’ils viennent co-interpréter : Rob Wrong (Witch Mountain) participe à un duel de solistes délicieusement old school sur “Silhouette”, Andrea Vidal (chanteuse de Holy Grove) apporte un soutien vocal étonnant à Russ Kent sur un “John the Baptist” prenant ainsi une toute autre dimension. Quant à Matt Pike, il vient préter son joli brin de voix (et un peu de guitare, pas pu s’empêcher) à une reprise de Kalas (monument doom sludge underground de la Bay Area) qui, jumelé à un apport de claviers bien dense, lui amène une tension inédite, parfaitement bienvenue.
Bref, vous l’aurez compris par vous-mêmes : cette affaire était extrêmement mal embarquée, et on était prêt à voir l’ouvrage échouer lamentablement. Au lieu de celà, on est capté par la qualité intrinsèque de la musique du groupe, ces compos riches et audacieuses, gravitant en continu entre plusieurs eaux stylistiques, au delà des repères. Ni un véritable album live, ni non plus une simple compilation, Live at The Hallowed Halls a tout pour plaire : un socle de compos irréprochables, une mise en son qualitative, et des arrangemenst inédits apportant le juste socle de fraîcheur et de nouveauté. Espérons qu’il s’agisse enfin du rebond tant espéré pour que ce projet moribond puisse enfin se développer.
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Malgré des états de services hors du commun Colour Haze ne s’est jamais reposé sur ses lauriers et a donné au monde avec régularité de beaux albums sans cesses réinventés tout en conservant une relative stabilité. Pour son quinzième opus, le groupe de Munich continue son auto-portage sur le label du guitariste et chanteur Stefan via le label Elektrohasch Records. Cette fois-ci, le groupe embarque un changement qui pourrait impacter sa musique, le bassiste, Philipp qui a officié au sein de la formation durant 22 est remplacé par Mario Oberpucher. L’info était connue depuis deux ans et il était donc temps que l’on puisse se rendre compte de ce changement de Line up qui vient compléter celui de 2018 où débarquait au milieu du groupe un nouveau membre, Jan Faszbender, clavier de son état. Le Colour Haze nouveau serait-il arrivé? Commençons déjà par apprécier ce Sacred avant de lui chercher quelque absolue originalité.
On pourrait dire de Colour Haze qu’il est le porte-drapeau du Krautrock moderne, Sacred confirme partiellement cette voie. L’album n’est pas une révolution à proprement parler et Colour Haze peaufine son savoir-faire psychédélique et posé. Cependant à faire défiler les pistes, transparaissent ses origine stoner comme sur “See The Fools” ou “In All You Are” qui interpellent par d’intenses passages plus lourds et très saturés. Rien de bien neuf sous le soleil me direz-vous, puisque c’est l’habitude du quartette. Possible Et ce n’est pas forcément ce que l’on attend d’un groupe qui a fait ses armes depuis belle lurette. Il existe d’autres faits saillants, comme la voix de Stefan, toujours plaintive mais plus présente, plus éraillée aussi, ce qui s’était déjà entendu sur le précédent opus, We Are. La partielle retenue du clavier s’allège cette fois et accompagne le groupe vers des descentes vertigineuses et lysergiques sur “Ideologigi” tout en prodiguant son savoir-faire en touches parfaitement maîtrisées en fond de Turquoise comme d’Avatar. Pour le reste le changement de joueur à la basse n’apporte pas pour l’heure de renouveau, une continuité parfaite de ce côté-là, donc.
La qualité de Coulour Haze comme à chaque nouvelle sortie ne se situe pas dans une recherche de nouveauté, mais dans la maîtrise de l’ensemble instrumental, dans l’imbrication de chacun au cœur des compositions, un parfait équilibre que rien ne semble pouvoir déstabiliser, ce qui n’est pas une gageure alors que l’on vient de vivre deux changements de line-up sur un temps relativement court (Au vu de la longévité de la formation). Le son de Sacred est profond, enveloppant, on a le sentiment de se trouver pris entre les amplis du groupe et la vibration en est toute live, Organique sur le semi acoustique de “1.5 Degrees” qui révèle chaque mouvement des doigts sur les cordes, puis le bourdonnement de l’ampli après une explosion saturée lourde et quasi doomesque. Enfin l’envolée de “In All You Are” clôture parfaitement l’album. Il y a dans ce dernier morceau de l’âme et du cœur, tout ce qui fait de Colour Haze un grand groupe qui conserve toujours sa place parmi les headliners du genre.
Sacred est probablement à classer parmi les meilleurs albums du groupe, il est équilibré à souhait, inclusif au possible et de fait je gage que peu de ceux qui viendront poser l’oreille sur l’œuvre ne seront pas séduits. Sacred est aussi un album humble à l’image du groupe, il sort sans esbroufe ni grand renfort de publicité. C’est est une pulsation de vie supplémentaire à apporter à sa discothèque, une bouffée d’air vitale que l’on apprécie sans trop y penser, jusqu’à ce qu’intervienne la nécessaire prochaine sortie d’album de Colour Haze.
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Après seulement deux albums, The Necromancers s’était forgé une solide réputation tant grâce aux heureux hasards de son parcours (voir la chronique du premier album ici) que grâce à une certaine capacité à composer entre originalité et terrain connu. Le quartette accompagne sa mutation vers son troisième album d’un changement de line-up (cette fois ci, c’est le chanteur guitariste qui y passe). Nous avions lors de sa sortie loué la progression et le souffle d’indépendance de Of Blood and wine, il est temps à présent de voir ce qui se trame derrière Where The Void Rose.
On l’avait déjà dit, The Necromancers a forgé ses armes dans le hard-rock et c’est bien ce qu’il faudra retenir de ce nouvel opus qui laisse la part belle à ce genre. L’emphase du chant s’envole régulièrement vers des démonstrations dignes d’un heavy des années 80 et il lui arrive quasiment de se cannibaliser lui-même, reléguant à l’anecdotique des passages plus graves et plus prenants. Malheureusement ce sentiment émaille les écoutes répétées de la galette et fait dresser le poil lorsqu’il flirte avec la mièvrerie sur “Crimson Hour”. Les phrases guitaristiques du titre éponyme ramènent au souvenir douloureux et mélancolique d’une époque révolue où le cheveu se portait long en une fière crinière permanentée.
Loin de moi l’idée de vouloir faire une chronique à charge contre The Necromancers. Il faut être opiniâtre et creuser la galette. On peut alors saluer la richesse de Where The Void Rose. On retrouve souvent de façon sous-jacente la mélancolie qui présidait dans “Of Blood And Wine” ou “Lust” sur le précédent album. Cette mélancolie est un élément constitutif de l’album pour qui saura y revenir suffisamment. Elle se trouve tapie derrière les titres les plus heavy, dans des recoins où s’installe un peu plus de lenteur comme sur “Orchard”, et s’expose totalement sur le titre éponyme.
L’autel sur lequel le groupe fait son offrande est certes celui de la mélancolie mais aussi celui de la théâtralité et du clair obscur, à la façon d’un “Over The Threshold”. Cette théâtralité on la retrouve dans la structure des morceaux jouant sans cesse sur l’effet de surprise, le retournement de situation et ne cédant ainsi jamais à la linéarité. On passe bien souvent de l’épique au sombre, du retenu à la cavalcade, du début à la fin de l’album, que ce soit sur “Sunken Huntress” ou “The Needle”.
Il ressort de l’écoute de Where The Void Rose un sentiment partagé. Il faudra pour certains s’accrocher avant d’aller trouver les qualités des compositions mais quoi qu’il en soit c’est clairement la liberté de ton qui fait l’identité de ce nouvel album. The Necromancers ne cède toujours pas à la tentation d’un chemin tout tracé et vient nourrir sa musique d’influences hors des habitudes, quitte à laisser sur le bas côté ceux qui comme moi ont eu la faiblesse d’esprit de les attendre dans une veine plus épique et emportée.
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Quelle vitalité pour Clutch et ses 13 albums en moins de 30 ans de carrière, couvrant en quelque sorte tout un pan de la musique rock américaine. De leurs débuts hardcore et doom – logique pour un groupe des 90’s venu du Maryland – toujours portés par l’obsession du groove, le quatuor s’est peu à peu ouvert à d’autres influences, accueillant le blues, la country, agglomérant tout ce qui est finalement constitutif de la culture musicale US pour devenir l’une des plus justes expressions de l’art underground du pays. Passés par les majors puis les éphémères labels rock des années 2000, le groupe a fini par créer sa propre structure et récupérer un contrôle total sur une carrière exemplaire malgré les embûches. Et tous cela sans changer de personnel. Les quatre mêmes amis, réunis pour la fuzz, le swing et le rock’n’roll. Point d’orgue de leur façon d’encapsuler les joies et les maux de leur pays, ce Book Of Bad Decisions (2019) qui raconte mieux que quiconque ce que sont les USA de Trump vus par les yeux de quatre américains tout sauf moyens.
Book Of Bad Decisions fermait une décennie, celle des 2010’s, qui a vu Clutch devenir bien plus gros qu’il ne l’a jamais été. Porté par les hits de ses 3 derniers albums, banderilles rock immédiates, la carrière du groupe a fait un saut significatif, passant des courts circuits fuzz aux festivals Mainstream. Charge à Sunrise on Slaughter Beach, leur 13ème album, de garder le groupe alerte. Une alerte rouge (“Red Alert”) pour débuter, comme ce single et titre d’ouverture de l’album craché début avril. Un titre feignant, ersatz de ce qu’Earth Rocker avait de meilleur à proposer. Confiée à Tom Dalgety (Royal Blood, Ghost, Rammstein mais surtout pour moi le Pylon de Killing Joke) la production de l’album est claire, très rock et fonctionne plutôt parfaitement si ce n’est qu’elle ne laisse pas de place pour les astuces et autres moments de flottement. L’album semble avoir été pensé pour aller à l’os. Une montagne d’os (“Mountain of Bone”, un super riff et c’est à peu près tout) même, rampant vers des sphères où le rock se sophistique, un monde dans lequel je me sens vite perdu. Du bout de ma lorgnette, j’entends dans ce disque quelque chose s’approchant des Arctic Monkeys, période AM ou… des Queens Of The Stone Age, tout simplement. C’est en tout cas ce niveau « d’élégance » – les guillemets servant à marquer ma distance, voire ma désapprobation qui ne s’entend pas forcement à l’écrit.
Pour quelques excellents mid-tempo (« Slaughter Beach », « Mercy Brown »), combien de morceaux certes porteurs des merveilles d’écriture de Neil Fallon ou des patterns raffinées de JP Gaster, mais affaiblis par la recherche de la perfection ? Passé l’oxymore (than words) reste un album court (un bon point), bien au-dessus de la moyenne des productions rock léchées de l’année (encore faudrait-il que je m’y soit plus penché) mais bien en deçà de ce que Clutch a pu proposer jusqu’ici. A ranger avec Psychic Warfare dans la pile des dispensables plutôt que dans la pile des essentiels, dans laquelle figure – et c’est un tour de force – quasiment les 11 autres albums de leur discographie.
Point vinyle :
Pour ceux qui souhaitent profiter en grand de la vilaine pochette de ce disque pas ouf, le vinyle cher est fait pour vous. Comptez un peu plus de 31 euros pour la version black, 42 pour le picture disc (qui présente l’avantage non négligeable de s’abimer plus vite. Après y peu de chance que vous l’écoutiez souvent donc ça va). Une version violette – au même prix que la black – semble tout de même disponible pour l’Europe. Le bonheur ne s’achète pas mais pour le reste il y a Mastercard (ou PayPal ou Electron mais c’est vite plafonné).
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Non content d’avoir servi deux des meilleurs albums de 2021 avec Burden of Restlessness et Acheron, le trio emblématique de Rockchester remet le couvert en septembre 2022 avec Regenerator, le troisième opus de la saga covid du groupe autoproduit outre-Atlantique et usiné chez Stickman Record de ce côté-ci du globe. Une galette de sept parts au bout goût d’heavy psyché qui mêlent atmosphères planantes et rythmique prog, le tout relevé d’une délicieuse impulsion survoltée.
Avec ce cinquième album à l’artwork bien léché, King Buffalo clôt le dernier chapitre de sa triade du confinement avec un brio et une cohérence saisissante. Une fois n’est pas coutume, Sean McVay et ses gars accouchent d’un son soigné, équilibré et à la texture riche ; une recette unifiant stoner aérien et psychédélisme teinté d’élément blues qui sait nous transporter dans l’univers narratif et chamarré du groupe depuis les débuts d’Orion en 2016. La voix mélodieuse et fantasmée de Sean se mêle aux phrasés éthérés d’une guitare stratosphérique dont la propulsion vers les confins du cosmos reste assurée par la justesse et la pertinence d’une séquence rythmique impeccable, portée par les orfèvres Dan Renolds et Scott Donalson.
Le soin apporté à la composition s’étend même jusque dans l’agencement des pistes. Les sept morceaux évoquent ici un palindrome. Tout d’abord « Regenerator », titre d’environ neuf minutes avec des allures d’apothéose épiques qui nous interroge quant au choix de cette piste au premier plan. Puis, une fois dans le bain on enchaine avec deux titres jumeaux qui pourraient sans doute s’écouter comme une seule et même pièce.
Ensuite tout se répète dans l’autre sens. La paire de monuments que sont « Mammoth » et « Avalon » nous éblouit avant d’offrir le majestueux « Firmament » final, lui aussi de neuf minutes. Six pistes tournées les unes face aux autres, à l’instar d’un sujet contemplant son reflet dans le miroir, organisées autour d’une septième centrale sobrement intitulé « Interlude » et qui n’existe que comme pivot à toute la structure. Une fois en fin de parcours, l’on pourrait presque faire défiler l’album dans l’autre sens et ne rien perdre en cohérence.
Véritable tour de force artistique pour King Buffalo qui, comme s’il en avait encore besoin, prouve à nouveau sa place, et même une certaine forme de domination, dans le monde du stoner cosmique et progressif. Sachant que le groupe a repris les tournées, notamment avec Clutch et plus récemment Uncle Acid and the Deadbeats, il ne faudra pas manquer de jaillir au coeur des fosses pour hocher la tête ensemble devant les chefs-d’œuvre que produit en continue cet incontournable groupe dont nous avons la chance d’être les contemporains.
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Alors que les programmes spatiaux reviennent à la mode chez les milliardaires américains, la Suède a elle trouvé une alternative moins énergivore et beaucoup plus cool pour voyager dans l’espace… La chèvre ! Appelés Goatriders, les 4 savants fous ayant développé cet art ont rassemblé dans un album intutilé Traveler le récit de leurs pérégrinations.
Et pour ce faire, Goatriders a opté pour un enregistrement en conditions live pour mieux nous absorber dans leur univers. Pari réussi car à quelques imperfections près (mais c’est ce qui fait le charme du live n’est-ce pas ?) le son de l’album est impeccable et permet d’apprécier pleinement chaque instrument. Cette qualité permet de ressentir complètement l’énergie du groupe qui semble à tout moment prêt à basculer dans du jam pur et dur. Les amateurs de basse seront particulièrement comblés au vu de la place prise par l’instrument dans le mix, mêlant puissance et groove sur “Goat Head Nebula”, rythmes flous et psychédéliques sur “Snakemother” ou des lignes plus lentes et hypnotiques sur “Wayward Sun”.
Bien que suédois, Goatriders ne fait pas vraiment dans la grosse bûche à la Domkraft mais concocte plutôt des space crottins, parfois frais et moelleux comme sur “Elephant Bird” ou “The Garden”, parfois plus bruts et bouillonnants comme sur “Goat Head Medusa” ou “Unscathed”. Les inspirations viennent aussi du côté du rock psychédéliques des années 60/70 au niveau des guitares, notamment sur “Snakemother” ou le solo de “Atomic Sunlight”.
Essentiellement portée par son énergie “live”, Traveler donne clairement envie de retrouver le groupe en concert, en espérant que ces derniers arborent les mêmes tenues que les deux voyageurs de l’artwork. Rien de révolutionnaire, mais le trip est bon et c’est bien cela le principal.
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Josiah a connu sa période de plus forte activité au début du siècle, où ils ont enchaîné quelques albums très discrets, la plupart chez Elektrohasch, label bien connu – et pour cause – pour héberger les productions de Colour Haze, moins connu en revanche pour son rayonnement promotionnel, malheureusement. Probablement enfanté dans le mauvais pays (le groupe est anglais, à une période où le stoner européen est barycentré sur le plateau sud – Italie, Espagne… – ou en scandinavie) le groupe ne parvient jamais à émerger à un niveau de notoriété auquel il pourrait prétendre. Usé, le duo Bethancourt / Beasley (autour desquels plusieurs batteurs ont gravité au fil du temps) plie les gaules au bout d’une petite décennie… pour finalement décider de se reformer dix ans plus tard. Ayant capté l’attention du label américain Blues Funeral, ils parviennent donc sur notre platine avec une nouvel album, leur cinquième.
On est rapidement capté par l’instrumental « Rats (to the Bitter End »), séduisant autant par sa variété que par sa séquence mélodique de base. Les choses sérieuses commencent avec ce « Salwater » à la très maline base rythmique. On se dit que ces zicos ont compris une chose ou deux en terme d’accroche. Le constat se confirme vite avec « Let the Lambs see the Knife » lancé par une rythmique robot rock et une ligne de chant dont vous aurez du mal à vous débarrasser. Petit moment étrange que cette transition avec l’instrumental « Cut Them free », basé sur une partition rythmique à 90% identique, donc en parfaite continuité… Les gars ont dû se dire que quand on tombe sur un tel filon il serait dommage de ne pas l’exploiter 5 minutes de plus… L’occasion de pousser le titre dans des retranchements jam / psych / kraut pas désagréables…
Les compos suivantes sont à l’avenant, en tous points : couillues, imaginatives et originales, à l’image de ce « (Realise) We are not Real » de presque onze minutes empruntant autant à Hawkwind qu’à Amon Düül ou Grateful Dead, l’ensemble renforcé d’une prod fuzzée un peu modernisante, le tout étiré dans tous les sens (jusqu’à se frotter aux limites du raisonnable parfois)… Le morceau le plus « classique » vient conclure la galette, le riffu « The Bitter End », qui permet de clôturer ces 40 minutes sur une touche efficace, sans chichi, laissant un bon goût en fin de bouche…
We Lay on Cold Stone s’avère donc un disque de psych rock très intéressant, qualitatif, efficace et audacieux, voire original, sans être révolutionnaire. Tout à fait pertinent musicalement dans notre époque, reste à voir si Josiah parviendra à réunir les conditions d’une véritable reconquête : il a le potentiel pour figurer dans les groupes « en vue », devrait même être aidé par son bagage historique et sa légitimité dans le genre, mais il devra pour cela s’activer notamment sur la scène live.
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Dire que le nouveau Psychlona était attendu est un euphémisme, les amateurs du quartette stoner anglais rongeaient leur frein depuis la sortie de Venus Skytrip tout juste deux ans auparavant (et réédité pour l’occasion du nouvel album). En effet, avant même la sortie officielle du nouvel opus, Palo Verde, les rondelles noires (En réalité colorées pour cette édition Deluxe) annoncent sold-out. Gageons donc que la fan base du groupe aura eu le nez creux et plongeons nous dans les 49 minutes de cette production parue chez Psycho Waxx.
D’emblée Psychlona nous immerge dans une cavalcade tumultueuse qui voudrait donner à entrevoir la possibilité d’un album qui nous laisse le souffle court, mais c’est sans compter sur son amour inconditionnel des passages éthérés et des morceaux planants. Ainsi c’est bien une galette finement équilibrée qui se retrouve entre nos oreilles. Un monde sépare un introductif “Gasoline” au rythme soutenu et “La Tolvanera” qui joue au mieux les mid tempo et glisse l’auditeur dans des nappes soyeuses de psychédélisme en approchant la fin du disque. Entre temps on croise d’habiles soli rock n’roll comme sur “Rainbird” et des compositions à la lourdeur bien sentie comme avec “Meet Your Devil”. Vous l’aurez compris, Psychlona se paye un univers complet et ne cède pas à l’idée fixe. C’est tant mieux!
En ce qui concerne les instrus tout est impeccablement maîtrisé et mixé et même lorsque les quatre musiciens s’immiscent dans un mode plus léger et fun avec “Jetplane” il n’y a rien à regretter. Régulièrement les claviers s’insèrent à merveille dans l’entrelacs des cordes et de la batterie, ne frôlant jamais le kitch ou l’outrancier. La voix est toujours posée derrière un voile de reverb apportant profondeur et suavité à un chant qui participe désormais de la marque de fabrique du groupe.
Il n’y a pas grand-chose à dire sur ce nouveau Psychlona, Palo Verde ne renie pas ses origines et accepte sa position de digne successeur du précédent opus. Un album qui joue la confirmation de son talent donc et qui offre un peu plus de qualité encore. Tout ceci ne peut que nous pousser à réclamer de les trouver programmés sur d’autres dates qu’en des pays anglophones! Si par extraordinaire quelqu’un d’avisé les programmait, il ne fait aucun doute qu’il jouerait la carte du carton plein avec une salle remplie de stoner heads avide de savourer ces nouvelles compos en live.
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