Year Of The Cobra – Ash & Dust

Allez, plus qu’une dizaine d’années à patienter avant l’extinction programmée de tous les dinosaures du rock qui nous rabâchent leurs tubes délavés depuis des décennies : au hasard, le duo infernal Jagger / Richards, Robert Plant (que le monde entier déteste depuis qu’il ne veut pas ressusciter Led Zep) ou encore Steven Tyler (qui ressemble de plus en plus à une grand-mère à qui on aurait greffé une moustache), liste non-exhaustive. Bien évidemment, tout cela est à prendre à la plaisanterie mais force est de constater que depuis le grunge (soit trente ans quand même…), le rock vit sur ses acquis, s’inspire des ancêtres, ressasse sans cesse son passé (pas facile à dire, hein!) et ne prend aucun risque.

Mais de temps en temps, une formation sort de la masse: par exemple, Year Of The Cobra. Ils ne sont que deux mais, magie de la technique, sonnent comme trois ou quatre. On l’a dit et répété: le power-trio est sans doute la formation la plus efficace pour monter un groupe de rock. Pourtant, certains pensent que deux personnes suffisent amplement et agissent donc sous la forme d’un power-duo. A l’image de Year Of The Cobra ou des Picturebooks par exemple, ces duos s’amusent à bousculer les codes établis et prouvent que deux personnes peuvent être aussi efficaces et, surtout, produire autant de boucan que trois, voire quatre musiciens.

Justement, on parlait du grunge dont l’épicentre se trouve du côté de Seattle. C’est de cette ville à l’extrême nord-ouest des States (Alaska excepté) qu’est originaire le duo composé du couple Johanes Barrysmith (qui officie derrière les fûts) et sa compagne, la belle et démoniaque Amy Tung (dont le look n’aurait pas dépareillé dans un épisode de Mad Max), qui tient fermement la barre et sa basse. Fort d’un premier EP paru en 2015 (et qui contient l’entêtant « White Wizard »), le duo a crapahuté à travers les States aux côtés de Mos Generator pour promouvoir leur premier long, In The Shadows Below, en 2016. 2019 les voit ouvrir pour les légendaires High On Fire au printemps et puis, il y a quelques jours, Ash & Dust a fait son apparition sous un artwork de toute beauté. Alors, après écoute, il vaut quoi, ce « cendre et poussière » ?

Avec « The Battle Of White Mountain », l’ambiance est immédiatement posée, et elle sera lourde : cette intro de basse, ces claquements sourds de batterie et ces « ouh ouh » balancés par Amy Tung telle une sirène qui vous attire irrémédiablement dans ses filets, quelle entrée en matière ! « The Divine » hausse le ton avec un rythme un peu plus soutenu, avec toujours cette basse puissante, vindicative, autoritaire. Et puis arrive le seul couac de cet album : « Ash And Dust », qui tombe comme un cheveu sur la soupe avec un rythme punk syncopé qui détone après les deux premiers titres et un refrain déclamé avec véhémence. Non, vraiment, je n’accroche pas…

« Demons » enchaîne et ralentit considérablement le rythme. Ce titre est bien plus en phase avec ce qu’on connaît déjà du groupe (batterie chaloupée, voix attirante, basse grondante). Il est déjà temps de retourner la galette pour s’envoyer « Into The Fray », le single lancé en éclaireur quelques jours avant la sortie de l’album. Belle énergie, production léchée, la voix sublime d’Amy Tung… Juste parfait… Mêmes remarques pour « At The Edge » qui suit ainsi que pour le fantomatique « Dark Swan ». Puis il est temps de conclure cet opus avec « In Despair », splendide requiem qui bénéficie de la voix douce et sensuelle d’Amy Tung qui, il faut bien le dire, porte sur ses frêles épaules tout l’album.

Year Of The Cobra a tapé dans le mille avec cet Ash and dust qui frôle le sans faute. Vivement un passage dans nos contrées pour l’apprécier à sa juste valeur en live car, pour avoir fait l’expérience de Year Of The Cobra sur scène il y a quelques années, le duo ne s’économise pas et prend un plaisir non dissimulé sur scène… Je ne peux donc que vous conseiller l’écoute d’Ash and dust, l’un de mes plus grands frissons discographiques de cette année.

Hazemaze – Hymns of the Damned

Avec son premier album sorti par l’écurie Kozmik Artifactz (une maison bien tenue, découvreuse de talents, qui ne transforment pas tous l’essai ensuite malheureusement), les suédois de Hazemaze nous avaient plu, mais ne nous avaient pas complètement convaincus, et on ne savait pas trop alors si le groupe en avait encore sous la pédale. Ripple Music (associé ici à Cursed Tongue pour la sortie vinyl) semble penser que oui, le label US ne signant généralement que des valeurs (à peu près) sûres.

Dans les faits, après écoute, on a tendance très vite à leur donner raison : Hazemaze a enclenché la seconde sur ce Hymns of the Damned. La prod d’abord est parfaitement adaptée au genre et sonne impeccablement (très bonnes prises son pour les vocaux et la gratte, parfaitement adaptées au style d’époque). Stylistiquement, on est toujours dans le même genre : le jeune groupe (créé en 2016, déjà 2 albums au compteur, pas mal) se place dans la droite lignée d’un stoner doom très sabbathien dans l’inspiration, et y agglomère les influences des meilleurs groupes 70s. Mais pour le reste, le trio pousse tous les curseurs un peu plus fort que sur son premier album.

C’est en particulier sur les compositions que le trio est attendu au tournant (dans ce genre de musical, c’est le juge de paix). Leur sens du riff, déjà, est impeccable (« Lobotomy », « Green River »), mais plus globalement c’est dans son travail d’écriture que Hazemaze sort son épingle du jeu : breaks bienvenus et soli bien sentis (« Shadow of the Night », « Reverend Death »), arrangements pertinents (ce son de basse sur « Morbid Lust », l’intro de « Thrill Seeker » ou « Sollicitor of Evil » avec leur wah-wah sur la basse)… les choix sont bons, et la qualité est au rendez-vous.

Ces titres créent en quelque sorte un écrin impeccable pour faire briller leurs influences musicales – on y entend bien sûr du Sabbath (« Shadow of the Night », très « 1st album », « Forever Trapped in Hell »), du Trouble (« Thrill Seeker »), mais aussi des « ersatz » plus récents comme Kadavar (le couplet de « Morbid Lust », « Forever Trapped in Hell » et sa ligne de chant que l’on croirait interprétée par Lupus).

Bref, dire que ce disque est révolutionnaire et déborde d’originalité serait un peu outrancier, certes… Pour autant, il est la marque d’un groupe inspiré (dans tous les sens du terme !), créatif et plutôt talentueux. S’il arrive à développer encore sa courbe de croissance sur un troisième album, on pourra commencer à lui chauffer une place dans la cour des grands, il en a peut-être le potentiel.

The Grand Mal – The Grand Mal

Votre serviteur reconnaît sans ambigüité mais aussi sans grand enthousiasme le talent de Desert Storm, ce combo anglais de gros stoner metal – plus metal que stoner finalement – aux pointes sludge énervées, que ce soit en live ou sur album. Le groupe est bon, et, même s’il n’est pas des plus innovants, il s’avère solide ; une valeur sûre pour répondre au pied levé à tout besoin de headbanging. La perspective d’écouter le side project de la moitié de ses membres (les frères Cole, guitariste et batteur de Desert Storm) n’apparaissait donc pas forcément comme des plus excitantes a priori… et pourtant, ce LP est rapidement apparu comme une véritable bouffée d’air frais dans une période de production musicale plutôt morne.

Figurez-vous que les gars s’attèlent à creuser un sillon un peu en déperdition : celui du stoner ! Et oui, désormais la plus large part de la production musicale affiliée de près ou de loin au genre prend des chemins de traverse : retro-proto-rock par là, psych-rock un peu à côté, et un peu plus loin doom, sludge, en se rapprochant des sentiers goudronnés du post-rock… Mais qui fait encore du stoner de nos jours ? Plus grand monde. Délaissant un peu les velléités nerveuses de Desert Storm, les frangins Cole s’associent donc à deux potes issus d’un autre groupe d’Oxford (Mother Corona) pour finir de compléter le line up de ce side-project, et se dédier à leur exploitation des sons fuzzés, des riffs plombés et de l’odeur du sable chaud.

Le résultat est une belle galette de dix titres bien gaulés, qui rappelleront évidemment Kyuss (le chant sur “Eschaton” ou “No Man’s Land” est un véritable ersatz de John Garcia, ce qui n’est pas forcément le cas sur le reste de l’album, ne généralisons pas) et les meilleures formations de l’axe US/UK (et certaines formations scandinaves) du début des années 2000. La plupart des compos ont un haut facteur accrocheur et seront fredonnées par l’auditeur bienveillant au bout de deux ou trois écoutes à peine. Pour la forme, on mettra quand même en avant quelques morceaux plus marquants, comme le couplet groovy de “Black Spiral”, la ligne de basse et le riff massue du très fat “Explode”, l’instrumental “Significant”…

Bref, The Grand Mal, en toute discrétion et presque humilité, propose un album de stoner très qualitatif, ce qui de nos jours est presque devenu une anomalie musicale. Pas ancré dans des codes trop fermes, ils y adjoignent le meilleur de leurs différentes expériences musicales et groupes “parents”, pour rendre l’ensemble varié, moderne, et vivifiant. L’ensemble est probablement imparfait et certains titres moins fringants que d’autres… Mais le retour sur investissement est au rendez-vous après seulement une poignée d’écoutes. On se prend même à espérer voir The Grand Mal prendre le pas sur Desert Storm et prioriser sa présence scénique et discographique dans les prochaines années… (désolé)

Desert Sessions – Vol. 11 & 12

Les fans attendaient le retour de Josh Homme et ses potes depuis plus de treize ans. Le mal est réparé avec les huit titres des Desert Sessions vol 11&12, toujours enregistrés dans l’antre du grand rouquin, le Rancho de la Luna en Californie. Quels changements depuis toutes ces années? Pas grand chose finalement… Le leader de Queens of the Stone Age a trouvé de nouveaux potes (Mike Kerr de Royal Blood, Stella Mozgawa de Warpaint, Libby Grace, Les Claypool de Primus et bien d’autres) mais n’a pas changé sa recette. Il y a du bon à retirer de cet opus, même si on a parfois l’impression que le grand rouquin a ressorti les titres qui n’avaient pas été retenus dans le passé pour Queens of the Stone Age ou ses divers side projects. Chacun jugera selon son degrés d’amour pour l’ex-guitariste de Kyuss.

On commence tout doucement avec “Move Together”, avec Billy Gibbons de ZZ Top au chant, qui peine à lancer la machine pour un disque qui se veut rock. La suite est un peu plus rythmée avec “Noses in Roses, Forever”, pur titre rock punchy comme a su le faire QOTSA sur Era Vulgaris par exemple (5e album du groupe paru en 2007), où l’on retrouve Gibbons cette fois à la gratte. Les deux chansons auraient d’ailleurs pu figurer sur cet album et n’apportent finalement rien de nouveau quand on connaît la palette créative du grand rouquin.

“Far East For The Trees” renoue quelque peu avec les origines des Desert Sessions avec ce titre instrumental, envoutant et presque chamanique. C’est la chanson qu’on aimerait écouter au réveil après une cuite dans le désert californien, perdu au pied d’un cactus. Les moins réticents pourraient même voir des bribes de Kyuss dans ce titre…

On change complètement d’univers avec “If You Run”, balade passionnante chantée à merveille par Libby Grace. Les instruments savent se mettre en retrait avant de balancer la sauce pour équilibrer ce quatrième titre qui est sans conteste l’un des meilleurs de l’album.

C’est tout l’inverse pour le suivant, le bien nommé “Crucifire” qui achèvera ceux qui étaient encore sceptiques… C’est pourtant Mike Kerr (Royal Blood) qui s’y colle à la voix mais le rendu est un désastre… On croirait une reprise de Hole (oui oui, le groupe de Courtney Love), mais de moins bonne qualité (c’est possible…).

La piste suivante est aussi déroutante mais a au moins le mérite d’être drôle. “Chic Tweetz” a sûrement été enregistrée après absorption de psychotropes et aurait pu avoir sa place sur un album qui compte 15 ou 16 chansons. Mais pas 8.

Jamais deux sans trois? Pas cette fois on vous rassure. “Something You Can’t See” fait assurement parti des trois titres à sauver de cet album. Un petit air de surf music avec une belle ligne de basse et des vocaux mis en valeur par Jack Shears de Scissor Sisters.

Et on termine, comme d’habitude diront les fans ennuyés de Josh Homme, par une chanson calme assurée par le chef de la bande, histoire de rappeler qui est le patron. Dommage car au final, le patron aurait dû laisser un peu plus de place aux autres. Les seuls titres marquants, sans faire d’anti Josh Homme-QOTSA, sont ceux exécutés par les invités et on aurait aimé les entendre un peu plus. A quand un volume des Dessert Sessions où Josh homme resterait sagement assis derrière la table de mixage ?

Monomyth – Orbis Quadrantis

Depuis qu’il a vu le jour en 2011 du côté de La Hague, Monomyth est devenu, au fil d’albums majestueux, inventifs et aériens, les fers de lance de ce qu’on pourrait définir comme du « stoner psychédélique acide spatial instrumental ». Les néerlandais vous transportent dans une galaxie lointaine, très lointaine… Dès son premier essai éponyme paru en 2013, Monomyth offre au public le premier volet d’une trilogie qui se poursuivra avec l’album Further (2014) et se concluera avec Exo (2016). Avec ces trois galettes, le groupe a gagné ses galons de maîtres du genre et, forcément, était attendu au tournant après trois années d’absence. La sortie de Orbis quadrantis en septembre dernier (toujours chez Suburban records) a mis fin à cette attente.

Alors évidemment, si vous êtes des adeptes des grosses guitares qui tâchent, du headbanging frénétique et de stoner velu et graisseux pour bikers, nul doute que l’écoute de Orbis quadrantis au mieux vous laissera froid, au pire vous fera fuir dès les premières minutes. Bon, en même temps, il en faut pour tous les goûts, le genre est assez vaste pour rassasier tout le monde… En bref, si vous aimez les envolées lysergiques à la Electric moon ou Colour haze, vous êtes les bienvenus, les autres, passez votre chemin…

« Aquilo » ouvre l’album avec des bruits de vague s’échouant sur la plage, d’un parquet qui grince et de quelques notes douces et suaves. On se croirait dans un de ces lounge bar à l’ambiance feutrée ! Et puis la guitare fait son apparition, noyée sous des nappes de synthé et des bruitages spatiaux. Après ces quelques 4 minutes introductives, on est comme happé par Monomyth, enfermé dans une bulle sensorielle qui n’est là que pour votre bien-être. Au bout de 7 minutes, le titre s’emballe et la guitare se fait plus présente. Une parfaite entrée en matière de plus de 12 minutes… La suite, intitulée « Eurus », est bien plus rythmée et plus énergique mais aussi plus synthétique. On navigue dans les eaux du free-jazz, voire du post-rock. Et que dire de « Auster » et son beat syncopé et très électronique, prétexte à de belles envolées de guitare très planantes. « Favonius » clôt cet album de façon très éthérée dans une atmosphère tranquille et propice à la relaxation.

Vous l’aurez compris, Orbis quadrantis s’adresse à un public averti et coutumier du post-rock et des grandes chevauchées psychédéliques. Monomyth ne plaira pas à tout le monde, c’est un fait avéré, mais ceux qui oseront s’y frotter trouveront dans cette nouvelle galette de quoi assouvir leurs besoins de douceur, de sensibilité et d’amour dans ce monde de brutes épaisses gavées à la testostérone et au houblon. Mais rien ne vous empêche de savourer Monomyth en dégustant une bonne mousse au coin d’un bon feu de cheminée…

Throatsnapper – About The Dead

 

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au niveau moral chez les Belges. (Je ne voudrais pas viser les joyeux Amenra ou Wyatt E. hein, mais quand même…) Throatsnapper sort son premier long format About the Dead et le moins qu’on puisse dire c’est que le quartet d’outre-Quiévrain ne respire pas la joie de vivre et c’est justement ce qui a attiré mon attention lors de la première audition. Entrez ici forces obscures et poisseuse désolation, soufflez fétides relents sépulcraux, autant te dire qu’on va se fendre la gueule, youpi!

Throatsnapper c’est un de ces groupes qui navigue en eau trouble. Un inclassable Sludge aux contours Black Metal. Il n’est pas rare d’y voir les mêmes oripeaux que ceux d’un Lumberjack Feedback. Il y a chez eux même quelques tours propres au Post Métal. Sur cet aspect je prends à témoins la batterie éthérée de “From Wood To Gallows”, la rythmique soutenue de la basse et surtout le jeu de gratte si caractéristique du genre.

Le quartet joue son Sludge façon bombardement en tapis. Sur le titre “Why” la double grosse caisse  annihile les espaces vides et roule comme si tes tympans devaient être totalement anéantis. Je salue particulièrement le jeu de batterie d’Andreas Goumy qui arrive toujours à temps pour rehausser le propos de ses petits camarades par d’habiles saillies tout en étant un élément central de tous les morceaux sans jamais écraser le reste.

J’ai déja annoncé qu’il ne s’agit pas de faire dans l’allégresse avec About The Dead, c’est aussi dû en grande partie au chant torturé de Fabien Aletto. Un chant plaintif, hurlé renforcé par une dose conséquente de reverb, un souffle de douleur haineuse venu de la tombe. (C’est les passages où on se fend le plus la poire, la grosse déconne.) Une fois tout écouté et en particulier la piste martiale de clôture, “Dodenmars” (“Marche de la Mort” en Flamand, si avec ça on se tape pas sur les cuisses… ), la galette pourra être considérée comme trop borderline pour figurer en bonne place chez Desert-Rock pourtant un titre comme “Wintermoon” possède l’esprit du Doom et à bien y réfléchir tout l’album mérite sa place dans cette catégorie ainsi que celle du Sludge.

About the Dead est à déconseiller aux âmes sensibles. C’est un album Halloween au pays des gueules noires et de la métallurgie que vous êtes sur le point d’écouter en vous le procurant. Il faut saluer la maîtrise et la solidité de cette création même si elle ne restera sans doute pas en mémoire outre mesure, vous l’aurez compris cet About The Dead de Throatsnapper possède un ADN riche, séquencé en 36 minutes poisseuses, lourdes et catatoniques.

 

Holy Serpent — Endless

Lorsque l’on évoque Holy Serpent, on visualise de suite un quatuor talentueux sorti de nulle part en 2014, qui réalise coup sur coup deux albums de qualités – Holy Serpent en 2015 et Temples en 2016 –, et à qui tout semble réussir. D’heavy psych à acid doom rock vintage, les Autraliens domptent vite un jeu qui, s’il ne réinvente pas le genre, a le mérite de lui faire honneur. Le 18 octobre 2019, une nouvelle pierre nommée Endless s’ajoute au glorieux édifice du label Riding Easy. Et au regard de ces précédents exploits, on est en droit d’attendre du lourd dudit album.

Dès les premiers accords de « Lord Deceptor » nous sommes envoyés dans cette noirceur électrique ; ambiance particulière issue du subtil mélange entre mandales percutantes et délicates caresses. La voix de Scott ne sature pas ou peu, située au carrefour entre la douceur de Julien Pras (Mars Red Sky), avec cette même sensation de hauteur inaccessible, et l’apathie incantatoire de Dorthia Cottrell (Windhand). Côté instrument, l’écriture s’articule autour d’un doom acide certes lancinant, mais investi d’une profonde énergie. Une puissance qui se distille avec justesse au fur et à mesure des pistes, et qui se voit sublimée par une prod impeccable.

Comme « For No One » nous le rappelle, une grande quantité de fuzz habille l’album du début à la fin et en parfait le propos. Et même si l’introduction de « Marijuana Trench » suggère un retour à l’acoustique, il ne s’agit que d’une ruse visant à amplifier la gifle qui survient deux minutes plus tard.

Endless apparaît finalement à l’image de l’artwork qu’il revêt : un reptile ardent qui serpente avec une lenteur dévastatrice sur une vaste terre désertique, laissant cendre et charbon dans son sillage, sous les yeux prudents des vulnérables témoins de son passage. Ce troisième album, c’est non seulement la confirmation du talent prodigue des Australiens, mais également pour eux un tracé en direction du panthéon des groupes qu’on ne pourra guère ignorer demain.

Gaupa – Gaupa

Certains albums nécessitent plusieurs écoutes pour pouvoir être appréciées à leur juste valeur. Il faut s’en imprégner, qu’ils vous pénètrent (les esprits mal tournés, levez-vous…) et rentrent petit à petit dans votre inconscient et c’est seulement à ce moment-là que vous savez si vous aimez ce que vous écoutez ou non. Et puis il y a les autres, dont l’immédiateté de la qualité vous saute aux oreilles dès les premières secondes. Gaupa fait partie de ces formations dont vous tombez raide dingue après seulement quelques sillons. La musique de Gaupa (qui signifie « lynx » dans leur langue maternelle, le suédois) a quelque chose en plus, ce petit truc qui vous emporte dans un tourbillon de sensations et de sentiments.

Ce premier EP a été balancé sur le net en juin 2018 mais c’est seulement maintenant depuis quelques jours qu’il a été édité sur support physique (chez Kozmik artifactz), autant dire une éternité pour ceux qui l’ont découvert l’an dernier et qui rêvaient de tenir dans leurs mains cet objet au visuel totalement dingue, représentant un lynx bariolé aux couleurs éclatantes. Déjà, l’an dernier, cet EP 5 titres avait obtenu de très bons retours auprès de la critique, louant des qualités de compositions impressionnantes et des sonorités permettant aux auditeurs de s’élever haut dans le ciel sans avoir recours à d’improbables substances. L’été dernier, Gaupa avait même foulé les planches du Sweden rock, une institution du genre, pour l’une des premières prestations scéniques du groupe et qui aura marqué l’auditoire.

Alors, pour ceux qui n’aurait pas encore écouté Gaupa, c’est comment au juste ? Eh bien, prenez ce qui se fait de mieux dans le stoner rock contemporain (ambiances enfumées posées sur une rythmique vindicative, grosses guitares) et ajoutez-y une voix, mais pas n’importe laquelle : une voix de prêtresse chamanique, un organe irréel qui couvre plusieurs octaves et qui rappelle les plus grandes en la matière, de Jessica Thoth à Elin Larsson. Sans oublier Björk, l’elfe islandais le plus dingue de la planète, qu’on croirait entendre tout au long des cinq titres (c’est d’ailleurs parfois assez déstabilisant).

Vous l’aurez compris, je suis tombé raide dingue de ce premier EP en forme de coup de maître pour le quintette suédois qui, je l’espère, continuera sur sa formidable lancée au fil des années. Ne reste plus qu’à croiser leur route un de ces jours pour les apprécier en live ce qui, je pense, ne sera pas difficile… En attendant, je ne peux que vous conseiller de jeter une oreille sur cet EP franchement grandiose et qui ratisse large en terme de variété de genre (doom, psych, desert rock, classic rock…) pour satisfaire tout le monde.

Mammoth Mammoth – Kreuzung

 

“Le temps passe, mais certaines choses ne changent pas. Des valeurs sûres… Troisième album chez Napalm Records pour nos quatre australiens, et le temps ne semble pas avoir de prise sur leur heavy rock fuzzé aux hormones. […]” voilà comment commence notre dernière chronique en date de Mammoth Mammoth et alors que sort le dernier long format du groupe et on ne saurait en dire plus que ce qui a déjà été écrit. Droit au but, voilà le créneau qui fait la renommée de nos gars et c’est reparti pour un tour de tartes aux phalanges dans la gueule avec Kreuzung produit toujours par Napalm Records.

L’album est sans surprise, c’est le constat absolu concernant le quartet depuis quelques années. Qui aurait le mauvais goût de résister à ce matraquage de fûts constant ou à la rythmique d’un AC/DC des débuts sur “Wanted Man”? La galette est fondue dans l’Iridium, inaltérable elle résistera tant à la corrosion qu’à l’agression aussi bien du laser que du diamant, un son nickel et une musique qui dépasse le temps. Tu vas pouvoir jouer Kreuzung non stop. Un coup de mou? Kreuzung! Une envie de faire la fête? Kreuzung! un coup de colère destructeur? Kreuzung! Une envie d’aller aux chiottes? Kreuzung!

Voilà un 4×4 fait main qui t’emmènera plus d’une fois sur des chemins d’ornières et de poussière. Ça secoue sur “Sceamin’”, ça swing velu sur “Tear It Down” et ça saute haut sur “Mad World”. Tu vas ressortir de ce disque avec des crampes partout et tu sais quoi? tu vas en redemander en geulant “Motherf@cker”!

La force de Mammoth Mammoth faut bien admettre que c’est l’authenticité de morceaux conçus Hard Rock comme à la belle époque et en prime avec un tempo qui te fais décoller en moins de deux. J’en veux pour preuve l’efficace  “Let’s Go” qui rien qu’avec son titre te chope par un bras pour te foutre au sol et “God’s Gonna Hate Me” qui te piétine en t’injuriant pour finir la plaque.

Je vais pas disserter trois plombes, même si le son est plus léché qu’auparavant, Kreuzung c’est un album normal pour Mammoth Mammoth, une trempe un samedi soir, allumé au Bourbon dans une rue mal éclairée. Tu tiens là une plaque que tu vas jouir par tous les pores de ta peau comme au sortir d’un Live ou tu as pogoté toute la nuit. Cerise sur le gâteau? L’artwork du disque envoie le steak. Allez, cherches pas, viens te faire laminer, c’est avec le sourire que tu vas cracher tes dents!

 

 

The Great Machine – Greatestits

 

Passé sous nos radars mais disposant d’une solide expérience, The Great Machine est un trio israélien qui a sorti il y a quelques temps son quatrième long format chez Reality Rehab Records. Cet album, Greatestits, comme son nom l’indique, n’est pas un greatest hits mais une sorte d’album Gonzo qui devrait quand même contenir quelques perles pour orner le collier des titres représentatifs de leur carrière.

Le crédo de The Great Machine, c’est un peu la liberté, la liberté de n’être pas étiqueté autrement que sous la référence distorsion. Muni de ce savoir tu ne seras pas déstabilisé à l’écoute de “Chris” qui t’offrira un Stoner pur sucre mais avec un chant un peu hors norme. Tu ne seras pas totalement perdu alors en dérivant vers un “Bitch Too” complètement barré, hurlé, scandé sur matraquage de fûts où The Great machine clôture en halètements orgasmiques des cordes, des voix et d’autres trucs qu’on ne préfère pas définir.

Le trio propose quand même pour te reposer un morceau plus cool et swing sur “The Capricorn’s Silent Walk Through Pagan Fire And The Sea Of Blood”. Rien qu’avec un titre comme ça tu auras compris l’état d’esprit des gonzes. Ne te fie pourtant pas à l’ambiance de début de ce titre de près de 10 minutes. Il scintille de multiples facettes, Stoner, Doom, Rituelle, Barrée tout simplement. La charnière et le must de cet album.

Clairement Greatestits n’est pas un album monomaniaque, lorsque des envies de metal plus extrême prennent The Great machine ça donne “Keith”, et comme rien n’est linéaire le morceau vient se heurter au titre suivant “Hollow” qui va chercher l’apaisement et l’atmosphérique. Tu retomberas sur tes pattes quoi qu’il arrive avec la conclusion “DM II” et un Doom qualifiable de classique avec 11 minutes 40 de boucles aguicheuses, de fond de roulement pour bassiste et d’envolées psychédéliques pour guitariste.

Au vu de toutes ces influences et du chaos que représente cet album tu pourrais penser que c’est un “machin” comme disait le vieux képi étoilé anti-onusien. Il n’en est rien, l’affaire est rondement menée et le tout surfe sur une qualité musicale rare. Le groupe s’offre l’art d’accommoder autre chose que les restes, une cuisine riche mais pas pesante. En clair, si tu es un peu curieux et pas réfractaire à ce qui sort de l’ordinaire, tu te dois d’écouter Greatestits (et pourquoi pas toute la discographie) de The Great Machine

 

Lowburn – Phantasma

 

Lowburn c’est quatre potes fondus de rock qui après des années passées à naviguer de groupe en groupe ont décidé de fonder Lowburn sous l’impulsion de Tomi Mykkänen et Henkka Vahvanen, deux ex Battlelore (Non, je t’assure, reste encore un peu, tu vas voire c’est surprenant.). C’est un peu comme si la bande retrouvait les sensations de ses beuveries estudiantines l’expérience en plus. Autant te dire que ça sent la bagarre chez Argonauta records. Ça va tabasser fort avec ce second album de Lowburn, Phantasma.

Le moins qu’on puisse dire c’est que le quartet Finlandais prend le temps de reconstituer ses forces entre deux efforts. Doomsayer sentait déjà la poudre et la sueur, ce n’était qu’un avant-goût de ce qui arrive avec Phantasma juste quatre ans plus tard. Pantasma c’est un brûlot à la Monster Magnet lancé à toute vitesse pour venir percuter tes tympans et tout détruire, tu peux t’en assurer avant même la fin du premier titre “My  Doom Dealer”. Alors bon, vu la référence usée jusqu’à la trame, on ne va pas se montrer trop enthousiaste…et…et pourquoi pas putain? Ça tient la route et c’est tout ce que je demande au moment où j’appuie sur Play, pas besoin de réinventer la poudre quand elle fait tout péter.

Bas du front Lowburn? probablement un poil, mais on est là pour s’amuser et attention ce n’est pas si bourrin que ça au final. La galette est émaillée de belles compos de gratte, les effets sont justes dosés. L’intro de “Walking On Thirds” en est témoin. Le réglage de la basse sonne avec le classicisme nécessaire et la batterie ne frappe pas en monolithe, elle dérive même vers des sonorités de congas alléchantes comme sur “Cloud Valley”. L’orientalisme du solo de “Hypnopomp” c’est un peu la finesse en plus et le groupe n’oublie pas de passer par la case bon hard à l’ancienne sur le solo de “Freaks” ou avec la tonalité de “Song of a Preacher”. (de là à dire qu’il y a une certaine logique entre le grand écart avec Battlelore…) L’album pourrait se résumer en une piste, “Walking On Thirds” qui est sans doute celle qui contient tout.

On pourrait s’y tromper, Phantasma n’est pas qu’un défouloir, Lowburn livre une seconde pièce maîtrisée par sa maturité. Il faut quelques écoutes pour jouir pleinement de la richesse du tout. Phantasma c’est la plaque qui s’écoute à deux degrés, au premier un bourre pif musclé, au second une œuvre qui fait tourner dans oreilles quantité de petites étoiles.

The Elephant – The Elephant

 

The Elephant une fois supprimé tous les accents liés au correcteur orthographique c’est plus costaud qu’une infusion de verveine issue d’une Scop. Ce trio italien devrait mettre Pesaro (Latitude : 43.8987/Longitude : 12.8437) sur la carte du monde stoner avec juste deux basses et une batterie. Le tout se retrouve gravé sur une plaque éponyme, The Elephant, un album accrocheur à plus d’un titre et à commencer par son artwork tribal comme si Picasso avait été infographiste.

The Elephant pour commencer c’est deux paires, une paire de Marco (Le bassiste et le batteur) et une paire de bassistes, (Le Marco bassiste et le bassiste premier vocaliste Giovanni) Ensuite quand tu tombes sur le trio c’est un peu comme si tu te retrouvais avec le petit frère de Dust Lovers. On y goûte la même originalité du chant et le swing des instrumentistes. Bien sûr il y a un peu plus que ça, sinon ce ne serait pas drôle. Giovanni sait se mettre brailler de sa voix rocailleuse et c’est la touche de force qui fait le sel du truc.

Les morceaux sont emprunts de poésie et t’invitent au voyage. Rien n’y est réellement linéaire comme sur le titre “Black White Alice” qui va et vient entre mélopée ensorcelante et stoner brut accrocheur. Outre le stoner The Elephant tape allègrement dans le blues à la manière d’un The Devil & The Almighty Blues comme c’est le cas avec la piste d’intro judicieusement intitulée “Mud Song” ou le blues plus classique de “Catfish”. Bref côté références on pourra se raccrocher à plus dégueulasse. Le groupe parvient même à frôler l’invocation avec “Monkey Demon” et ajoute à ses passages lancinants des crochets faits de saturation qui finiront de t’aguicher totalement.

The Elephant c’est un premier album avec la maturité d’écriture d’un énième. Il faut dire que les gars ont pris le temps de bosser ensemble dans d’autres groupes avant de former l’actuel projet. Plus haut je disais que rien n’était vraiment linéaire dans cette plaque, c’est partiellement vrai. Rien n’est linéaire si l’on considère les morceaux en tant que pièce finie, mais il y a de la magie car la galette s’écoute d’un seul tenant et si l’on n’y prête pas attention on finit l’audition sans s’être aperçu qu’il y avait plus d’une piste. Tu auras donc plaisir à trouver chez The Elephant outre de l’originalité et des compositions bien agencées, un souci de cohésion. Les morceaux n’étant pas jetés les uns à la suite des autres au petit bonheur la chance.

Pour ceux qui ne verraient pas l’intérêt de deux basses sans gratte, allez jeter une oreille sur “Summer Blood”. Cela devrait vous convaincre que le monde n’est pas réservé aux guitaristes. Cette piste s’ouvre sur un gimmick magistral où la lourdeur du trio basses batterie livre toute son efficacité. Ce Trio, c’est un groupe au groove délicieux dans lequel j’ai pris un réel plaisir à me vautrer ainsi que dans les parties de chant où les bassistes se doublent et où bien souvent ils ne suivent pas la même partition, un régal de richesse.

Pour un premier album The Elephant frappe fort, il ne serait que justice que le monde  reçoive son album comme il se doit. Une plaque maîtrisée, riche, intelligente. L’assemblage est suffisamment rare au milieu des bennes déversée chaque jour par le Stoner. Il y a suffisamment de qualités dans cette galette pour qu’en ce dernier trimestre je ne sois pas loin de le mettre dans mon top 10 de l’année

KCR 013 The Elephant by THE ELEPHANT

Sunn O))) – Pyroclasts

 

Il y a quelques mois à la sortie de LifeMetal, Greg Anderson nous avait prévenu de la sortie de ce Pyroclasts (cf interview). Pour rappel donc, Pyroclasts n’est pas un véritable album de Sunn O))), il n’était pas prévu, et n’a pas été composé, non plus… En fait, lors de l’enregistrement de LifeMetal, les musiciens “du moment” (les albums du groupe rassemblent souvent plusieurs musiciens invités, qui se croisent en studio tout au long de l’enregistrement) lançaient chaque journée par une séquences musicale expérimentale improvisée, une séance de pur drone où chacun s’exprimait sur l’instrument de son choix, selon l’atmosphère et l’inspiration du moment, et même de l’instant. Chaque jour un enregistrement était donc effectué, avec comme seule contrainte la gamme musicale donnée pour lancer les hostilités. Pyroclasts, donc, le nom donné aux fragments de roches solides éjectés par les volcans en éruption… Sunn 0))) serait donc un magma de créativité, dont ils ont recueilli quatre extraits, les seuls fragments solides qu’ils ont gravé sur disque…

Les quatre plages composant ce disque correspondent donc à quatre sessions respectivement lancées sur les gammes de DO, SOL, MI et LA. Chacune porte un nom, clair mais énigmatique (“Frost”, “Kingdoms”, “Ampliphædies” et “Ascension”…). Énigmatique, la musique l’est aussi. Ne nous voilons pas la face : après des dizaines d’écoutes, même en étant fan du groupe, je cherche encore le sens de l’histoire… concernant Sunn O))), ça en dit long ! Pas de structure ici, pas de parcours, pas d’histoire, pas de travail sur la sensation voire l’émotion… On est sur du drone pur, de la mise en son en directe communion avec les artistes, sans concertation et, donc, sans construction.

Attention, on n’est pas néanmoins sur les délires bruitistes d’un nerd lambda qui lance 3 boucles sur son sampler et fais mumuse avec son synthé et son ordi. On est sur un groupe de musiciens qui interprètent ensemble un ensemble sonore, ce qui apporte une grille de lecture pas inintéressante en soi.  Les couches instrumentales se cumulent donc, et chacun trouve sa place dans un tranquille maelstrom qui… ne va nulle part. Car encore une fois, il nous manque le chemin : une intro, une montée, une descente, un pic, un plateau, un virage… Ici tout intervient ensemble ou d’affilée, et, littéralement, les objets n’ont ni queue ni tête. C’est d’ailleurs illustré par ces conclusions calamiteuses et abruptes (le pompon à “Ascension”) qui montrent bien que les extraits ont été “ponctionnés” sans y chercher une quelconque structure plus ou moins “traditionnelle”. Alors “Ampliphædies”, le titre qui propose peut-être le plus de subtilités et d’aspérités, correspond peut-être à ce que l’on assimile plus habituellement à du Sunn O))) “classique” (!) mais on est quand même loin de nos repères…

Au final, donner une note à ce disque serait incongru : le positionner au regard d’une production musicale traditionnelle (même pour Sunn O)))…) serait aussi vain que stérile. Pyroclasts est un disque de Sunn 0))) (plusieurs centaines de personnes ont déjà commandé les multiples éditions vinyliques à la simple lecture de ce début de phrase…) mais peut-être pas réellement un véritable “album” dans leur carrière. Plutôt une parenthèse expérimentale. En tant qu’objet musical, il s’agit d’un ensemble instrumental dense, copieux et déstructuré, qui ne fera ni le job de musique d’ascenseur, ni celui de musique d’ambiance pour le prochain repas dominical en famille. Il s’écoute mais se prête peu à l’étude minutieuse, proposant trop peu d’aspérités ou de repères. Très peu probable dans quelques années de le retrouver dans le top des albums préférés des fans du groupe. Si les disques de Sunn O))) sont déjà des OVNIs pour vous, inutile de vous procurer celui-ci. Si vous aimez Sunn O))) en revanche, vous pourrez apprécier cette production.

Orodruin – Ruins Of Eternity

16 ans ! Il aura fallu 16 ans aux ricains d’Orodruin pour nous pondre un successeur à Epicurean Mass, paru (vous aurez compté de vous-même) en 2003. Mais qu’est-ce qui s’est passé pendant toutes ces années et, surtout, pourquoi revenir sur le devant de la scène maintenant ? Certes, l’EP In doom les avait remis en selle en 2012 et les musiciens n’ont pas forcément eu le temps de s’ennuyer (ils ont bossé avec des groupes comme Gates Of Slumber, Blood Ceremony ou Iron Man) mais la sortie de Ruins Of Eternity est surprenante à plus d’un titre.

D’une part parce que, déboulant comme un cheveu sur la soupe au milieu de la jeune garde stoner-doom, Orodruin (la fameuse « montagne du destin » des romans de J.R.R. Tolkien) apparaît comme un « ancien » du genre sans avoir la même légitimité que les ténors du barreau que sont Saint-Vitus, Cathedral, The Obsessed et j’en passe. Et d’autre part, disons que leur doom sent la cave. Rien de péjoratif là-dedans car c’est souvent à cet endroit qu’on retrouve les meilleurs millésimes mais force est de constater qu’Orodruin semble enfermé dans les années 80-90 en offrant un doom traditionnel mais pas forcément dans le sens le plus agréable du terme. Entendez par là que les ricains ne prennent aucun risque, défrichent des terrains explorés depuis des lustres et se risquent même à sonner franchement daté.

Chaque titre est sensiblement construit sur le même moule, avec un riff central sur lequel les zicos brodent un doom assez inoffensif (amis du sous-accordage, passez votre chemin…) au fort accent heavy metal (les accélérations de rythmes à la Iron Maiden, le chant clair du bassiste-batteur (!) Mike Puleo qui surmonte les riffs des guitaristes Nicholas Tydelski et John Gallo). Pas follement original, on a un fort sentiment de déjà entendu (et surtout un sentiment de déjà entendu bien meilleur) mais Orodruin fait le job avec des solis inspirés et aériens et des passages franchement grandioses dans lesquels les musiciens font preuve d’une belle qualité technique. Dommage que la fin de plusieurs titres s’avère quelque peu brutale et qu’on reste parfois sur notre faim (aucun ne dépasse les 6 minutes alors que l’ambiance du titre se prête à l’étaler encore plusieurs minutes).

Alors, ce retour d’Orodruin, évènement ou pétard mouillé ? Un peu des deux… Un album de cette qualité ne vaut pas qu’on s’acharne sur lui mais on aurait aimé un peu plus d’audace à une époque où la concurrence est rude. Reste à savoir si cette concurrence aux dents longues leur laissera une petite place…

Bison Machine – Seas Of Titan

 

Seas of Titan vient faire sonner de nouveau les notes de Bison Machine après quatre ans d’absence. (si on excepte un Split et un single présent d’ailleurs sur cette plaque) La présente galette est signée chez Small Stone Records ce qui en soit devrait nous donner un album de bonne facture.

Les gars du Michigan nous gratifient cette fois d’un album qualitatif mais sans révolution. Les morceaux biens aboutis jouent fort, la piste d’introduction, “The Tower”  tricote plus vite que mémé à l’approche de l’hiver et annonce ce qui va se passer par la suite. Comme déjà constaté de par le passé Bison Machine joue tout en légèreté et finesse malgré son nom. Même si oui, ça décrasse le cornet quand la gratte attaque fort comme sur “Cloak & Bones”, je vous invite à savourer le jeu de questions réponses que se jouent guitare et basse avant de se lancer dans une course à en perdre haleine et à laquelle participe sans se faire prier la batterie.

Un pur morceau de blues “Echoes In Space” vous permettra de reprendre votre souffle dans cette course folle…enfin pas tout à fait, car repris par cette frénésie qui semble les caractériser, les gars accélèrent le rythme une fois de plus et invitent l’auditeur dans la danse.  Même sur “Seas Of Titan” qui déroule une intro entre Pink Floyd et Kraftwerk sous forme de Spoutnik musical ça fini par rouler comme sur des montagnes russe une seconde après l’accalmie.   Décidément, le quartet a de l’énergie à revendre et ne se repose jamais. La conséquence est que l’album file à une vitesse fulgurante et on se retrouve un peu con une fois que “A Distant Sun” a sonné le rappel.

Le quartet de Bison Machine aura su maintenir le suspens avant de livrer ce Seas of Titan et cela débouche sur une réussite plutôt nette. Alors que l’on pourrait s’attendre à un univers bas du front et joyeusement défouloir, on se retrouve avec un album qui file comme un bovidé bionique piqué au fer rouge et dont la mécanique est joliment assemblée. Tout ça va si vite que je me suis retrouvé à imaginer la sueur me couler le long du dos lors d’un de leurs prochains concerts.

 

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