Somali Yacht Club – The Sea

Après le fameux The Sun sorti en 2014, le trio Ukrainien est revenu fin janvier avec le très attendu The Sea. Soit presque quatre ans depuis le précédent opus, les mecs de Lviv nous emportent à nouveau dans leur univers stoner psyché aux accents post-métal et shoegazing.

Ici la chaleur du soleil se substitue à la pesanteur de l’océan. The Sea se révèle plus mélancolique, plus coulant, avec des titres comme « Vero » ou « religion of Man » s’étirant parfois sur douze minutes. On y retrouve cette douceur apaisante apportée par des phrasés de guitare tous plus mélodiques les uns que les autres, mais aussi par les lignes flottantes d’Artur et par la rythmique hypnotique de Lezyk. Des séquences souvent balayées par une vague de lourds riffs musclés et d’un chant inaccessible, avant de finalement retomber. Lentement.

Les morceaux s’enchaînent si bien que même après une dizaine d’écoutes on peine encore à les différencier. Ils se complètent, se mêlent comme les courants d’une mer tantôt agitée tantôt somnolente, mais toujours en mouvement. « Hydrophobia » en atteste parfaitement ; une composition tout en échos et effets sonores qui inspire une navigation en eaux troubles. Puis la lumière du soleil finit par percer les abysses et la musique explose, littéralement. Même la rythmique binaire se mue en ternaire à l’occasion d’un pont final venant bousculer toute cette harmonie. La voix de Mez nous arrache alors à notre confort, nous projette dans un tourbillon de notes avant que toute la pression de l’océan nous accable de nouveau.

L’album s’achève sur « Crows », un titre qui aurait aisément pu se passer de chant tant l’immersion instrumentale est réussie. À l’image du reste de l’album, il s’agit d’un contenu introspectif à souhait dont les composantes expérimentales paraissent mieux maîtrisées, peut-être plus assumées que dans le précédent album. On y retrouve moins d’influences, moins de tentatives, pour investir d’autant mieux ce psyché si savoureux.

Un album de la maturité donc pour Somali Yacht Club qui saura, espérons-le, exalter les scènes européennes cette année. À voir ce que nos amis ukrainiens nous réservent pour la suite. Un The Earth aux influences tribales pour achever la trinité naturelle ? Ou bien un The Sex animal pour compléter celle de Gainsbourg ?

Weedpecker – III

Pas étonnant que les oreilles bienveillantes de Nicholas Di Salvo, leader de Elder, se soient penchées sur le quatuor polonais tant certaines ambiances et volontés du dernier album embrassent furieusement le chemin artistique creusé par le combo de Boston. Weedpecker fait partie de cette génération ne souhaitant pas s’enfermer dans un style en particulier, ce qui les pousse aux confins du psychédélisme, à la frontière du heavy, à mi-chemin entre prog et lancinance doom. Mix improbable me direz-vous ? Pas tant que ça, lorgnez donc du côté de King Buffalo ou d’ Elephant Tree pour comprendre le cheminement de la réflexion.

On n’est donc pas surpris de l’écrin, cuve de brassage total où se télescopent les envies sans qu’elles ne se phagocytent. Weedpecker est un enfant de ce siècle numérique où l’accès à LA musique se fait en 2 coups de clics. Le patrimoine qui sous-tend les compositions du combo est donc impressionnant, foisonnant et pourtant logique. Ils pourraient être signés chez El Paraiso Records, tourner avec Elder donc, partager un moment acoustique avec Sun River ou tricoter un ab lib furieusement bluesy avec All Them Witches que les gonzes ne dépareilleraient pas. Le tout évidemment sous le saint patronage des Floyd et du Grateful Dead, histoire d’asseoir l’incroyable maturité des structures et progressions, référez-vous à « Embrace » deuxième titre de l’album pour vous en convaincre.

Et si ce savant mélange est intelligible c’est bien sûr par le savoir faire des musiciens mais aussi et beaucoup sur cet album par la grâce d’un mixage intelligemment équilibré. La spatialisation des effets est une vraie réussite et ce n’était pas une mince affaire tant les titres de Weedpecker en regorgent. Le disque ne souffre que peu d’erreurs et on le traverse avec gourmandise et délectation.

2018 s’annonce comme étant une année exceptionnelle par les qualité des sorties, preuve supplémentaire avec ce « III » signé Weedpecker et véritable objet de qualité. Un écrin merveilleux où rock, prog et psychédélisme se mélangent en une orgie merveilleuse, un bel univers où le groupe transgresse juste comme il se doit les préceptes de ces aînés afin de se muer en véritable objet désirable. Une franche réussite.

Frank Sabbath – Are You Waiting ?

 

Les sudistes de Frank Sabbath tracent leur route musicale depuis plus de quatre ans sur un chemin caillouteux et… un peu chaotique reconnaissons-le. Enfanté à Paris, le trio murit sa conception bien spécifique de la musique, avant de se retrouver quelque peu atomisé géographiquement dans l’hexagone. Mu à la fois par une démarche musicale commune et par des contraintes techniques et logistiques, leur production musicale se matérialise naturellement par l’expression de longues séquences jam et autres improvisations, généralement enregistrées d’une traite. Parfois gravées sur vinyl (leur premier album, composé de 2 sets distincts), parfois plus « informellement » (voir leur bandcamp, qui collecte plusieurs de leurs enregistrements), ces bandes ont comme point commun une liberté musicale et instrumentale que l’on sent inspirée du free jazz, déclinée au fuzz rock heavy tendance psyche. Frank Sabbath, sobriquet parfait, donc (Black Zappa sonnait moins bien, reconnaissons-le). Cette nouvelle production s’inscrit complètement dans cette veine.

Le premier contact déstabilise un peu, en tous les cas, et il faut un peu s’accrocher pour rentrer dans l’univers bien barré de nos gugusses. Les écoutes défilent sans déplaisir, et on pense ici ou là à Frank Zappa (c’est inévitable), mais aussi parfois à Mister Bungle, à Domadora pour les passages les plus incisifs, et plus largement à Tia Carrera. On y est : on l’a notre power trio de jam music français, notre Tia Carrera à nous ! Un groupe pour lequel l’exécution d’un morceau à l’identique d’une fois à l’autre est une sorte de non-sens, un groupe qui privilégie l’osmose instrumentale et le dialogue sonore entre musiciens. Domadora tenait bien la barre, un peu seul, avec une approche musicale et instrumentale proche. Sans l’ombre d’une posture concurrentielle, les deux approches, proches mais non identiques, satisferont chacune les aficionados et esthètes du bon son.

EP ? LP ? Autre ? L’objet du jour se retranscrit en quatre séquences plus ou moins carrées dans leur structure, quatre morceaux de 6 à 11 min en gros. Chacun a son identité, ses multiples reflets et rebondissements. « Goat » est bondissant et vif et amène son riff fondateur dans des chemins de traverse passionnants, dont un final de pure jouissance. « Lazarus » est plus lent, plus accrocheur aussi, glissant ses mélodies lancinantes et ses lignes de chant incantatoires dans nos cervelles enfumées. « Take the Lead », plus atypique encore, propose une intro d’ambiance s’étirant et se construisant sur plus de cinq minutes ( !) qui déroule ensuite gentiment sur la seconde moitié. Pas le morceau le plus intéressant, mais déstabilisant, pour sûr. Le comble du barré clôture la galette : « Sasume », avec son riffing sur-fuzzé sur fond de dialogues de films nippons old school, déroule sa rythmique galopante, sans jamais oublier de laisser une bonne place aux soli. Le titre offre une conclusion complètement WTF à un album qui en avait pourtant déjà une bonne dose.

Frank Sabbath est un groupe à découvrir si ce n’est pas déjà fait, et ce disque est un excellent point d’entrée pour pénétrer leur univers. Maintenant, il leur reste à surmonter les difficultés qui les empêchent de déverser plus largement leur savoir-faire sur nos scènes hexagonales (et européennes) car clairement, c’est là qu’on veut les voir.

Against The Grain – Cheated Death

Against the Grain, c’est quatre mecs de Detroit qui ne manquent pas de qualificatifs pour définir leur musique : « balls-to-the-wall rock, incorporating all things heavy they practically defy categorization, seamlessly blurring the lines of punk, rock, doom and thrash » . Ça semble un peu prétentieux mais presque tout y est. On oubliera juste le terme « Doom » qui semble plus être un argument commercial qu’autre chose. Toujours est-il que je me suis retrouvé attaché à un rail durant une quarantaine de minutes le temps pour le train de l’artwork de l’album « Cheated Death » de me passer dessus en attendant sa sortie le 09 février.

L’ouverture de l’album, sonne comme un Mothoread, rapide et percutant. Une rage mi-thrash, mi-punk anime cette joyeuse bande de fanas de mécanique, en particulier sur « Smoke ». Même si la loco se déglingue un peu sur la balade « Devil & Angel » , on notera quelques savoureuses boucles mélodiques. Un coup de gnôle dans le réservoir et les morceaux repartent. « Rolling Stone » balance un rock’n’roll à la nitroglycérine qui ne fait que s’amplifier sur « Enough Not Enough » et « Jaded And Faded » . Bien que cet album ait un air de déjà entendu, j’ai pris pas mal de plaisir à l’écoute de la seconde partie de l’album avec en particulier ses lignes de basse proprettes bien rondes. Dommage que les gars plient les gaules sans prévenir après « Into the Light », j’en aurais bien repris un peu.

Au final, ce «Cheated Death » n’est pas un mauvais album qui trouvera certainement toute sa place sur scène avec un peu plus de puissance sonore.

Hooded Menace – Ossuarium Silhouettes Unhallowed

 

Vous êtes vous déjà demandé ce qui a fait le succès des balades écrites par des groupes de métal les décennies précédentes ? C’est avant toute chose cet équilibre parfait entre fureur et douceur, entre rage et mélancolie. Prenez par exemple « Nothing Else Matters » : c’est bien son sens ultime de la mélodie, aération intercalée dans un déchaînement de distorsion, qui en fait un moment musical important. Et plus le metal est lourd, plus l’aération est précieuse. Et dans le cas d’Hooded Menace, formation finlandaise s’évertuant à souiller nos plus fébriles espoirs depuis désormais 10 ans, la moindre interstice de lumière a alors des allures d’ultime échappatoire. Leur discographie, fortement recommandable dans son entièreté, a toujours offert une place de choix à la mélodie, par le truchement de riffs inspirés, maidenesques, quoique noyés sous 100 000 tonnes de lugubres désespoirs. Leur dernier album en date, Darkness Drips Forth, jouait tout de même la carte du monolithe, 4 titres pour 40 minutes de lente agonie et au final ne s’imposait pas, sur la durée, autant que Never Cross The Dead et Effigies of Evil, ses deux glorieux prédécesseurs. Mais Ossuarium Silhouettes Unhallowed vient rebattre les cartes, proposant peut être, ce que la formation de Joensuu, relocalisée à Helsinki a fait de meilleur à ce jour.

Enfin devenu groupe, plus que projet du seul Lasse Pyykkö, Hooded Menace enregistre même l’arrivée d’un chanteur, Harri Kuokkanen (d’Horse Lattitudes, qui avait dès 2011 croisé la route d’Hooded Menace), qui avait déjà enregistré le split avec AlgomA, paru l’année précédente. Et dans un certain sens, ce nouvel apport éclaircit le propos de la menace encapuchonnée. En effet son chant death, plus académique et moins caverneux que celui de Pyykkö, Kuokkanen amène Hooded Menace sur les versants du doom/death originel, celui de la trinité de Peaceville, et de Paradise Lost en particulier. Une touche anglaise que le mastering aux studios Orgone finira d’ailleurs d’apporter. Résultat : l’album est en tout point mieux construit, plus riche et varié que les précédents. Ecrit à deux plumes (Kuokkanen en est le cosignataire avec Pyykkö et signe également seul « Cascade of Ashes »), « In Eerie Deliverance » est l’incarnation parfaite de cette orientation nouvelle avec son pont épique et sa légère touche de voix féminines. La mélancolie qui se dégage de « Cascade of Ashes » ou les réminiscences doom traditionnel de « Charnel Reflections », rappelant l’obsession de Pyykkö pour le premier album de Cathedral, sont autant de paramètres qui font de ce cinquième album la synthèse parfaite de ce qu’est Hooded Menace et de ce qu’il semble vouloir devenir. Comme un point d’équilibre absolu. Sans pour autant renier la noirceur qui fait le sel (à vif, sur plaies béantes) du groupe, les multiples idées qui parsèment le disque révèlent une réelle envie de musique, extrême certes mais portée par la lumière qu’ont ces albums qui marquent un tournant dans la carrière d’un groupe. Ossuarium Silhouettes Unhallowed est il, à sa façon, le Black Album d’Hooded Menace ? Seul l’avenir apportera une réponse à cette question. Reste que l’on tient là un monolithe qui fera date.

 

Point Vinyle :

Achat du vinyle indispensable pour voir en grand la pochette d’Adam Burke, l’artiste qui monte dans les scènes death (Vektor, Tchornobog, Acephalix, Spellcaster, Tempest) et doom (Uncle Acid, RIP, Ruby The Hatchet, Ancient Warlock, Pagan Altar, Mos Generator) ici utilisé à la parfaite jonction des deux. L’album est un joli gatefold, plein de détails, existant, pour le premier pressage, en 3 versions :

  • Blue transparent : 100 exemplaires, sold out.
  • Yellow transparent : 200 exemplaires, sold out
  • Black, sold out sur le site du label et du groupe mais trouvable un peu partout.

Ne trainez pas où ce sera 50 balles sur Discogs.

Fu Manchu – Clone of The Universe

Pour résumer la carrière de Fu Manchu en quelques lignes, il suffit de rappeler ces deux informations : trente ans de carrière et douze albums Studio avec ce Clone of The Universe. Autant dire que le quatuor ne s’est jamais reposé sur ses lauriers en s’imposant comme l’un des groupes piliers du style Stoner/Rock. Alors que les Californiens sont toujours restés fidèles à eux-mêmes, comment réussir à tenir aussi longtemps et à conserver une aussi grande reconnaissance ? C’est ce que nous allons tenter d’expliquer avec ce nouvel opus.

La grande force du groupe réside tout simplement dans cette magie du son facilement reconnaissable dès les première secondes : une texture Fuzz et rythmée, souvent imitée mais jamais égalée. En effet, ce nouvel album confirme encore une fois qu’on peut très bien conserver son authenticité artistique tout en réussissant à captiver le public. Il suffit d’avoir assisté à ce super concert à la Maroquinerie de Paris en octobre 2016 pour comprendre qu’entre son public et le groupe une grande histoire d’amour s’intensifie à chaque album. Mais depuis les deux derniers albums (Gigantoid et Signs Of Infinite Power), on ressent quand même l’envie de renouveler cet univers sans pour autant user d’artifices instrumentaux ou d’effets supplémentaires.

D’un point de vue général, la galette est Rock à souhait avec deux ambiances très différentes : une première partie d’album colorée et donc assez classique, et, une deuxième partie beaucoup plus sombre, voire pessimiste. On a l’impression d’être dans un film d’horreur : au début, on s’amuse avec innocence, puis on tombe sur des monstres et l’histoire se termine mal. Cette double lecture s’explique en décortiquant les morceaux. En effet, des titres comme « Intelligent Worship » et « Don’t Panic » sonnent comme ce que la bande nous a toujours habitué à entendre : du Fu Manchu. Mais il n’en demeure pas moins qu’on prend toujours autant de plaisir à écouter ces pistes avec « coolitude », tels des skateurs californiens : claque en plein visage, Fuzz à souhait et solos lourds appuyés par de la wah-wah.

Puis on arrive à cette seconde partie plus creusée dans sa profondeur rythmique et instrumentale. C’est justement le titre « Slower Than Light » qui trace la démarcation : on ralentit la cadence à coup d’intro de basse, on se pose puis tout d’un coup, on explose vers la dépression lourde à base de Flanger. « Nowhere Left to Hide » ainsi que le titre éponyme « Clone Of The Universe » s’ensuivent pour proposer des tons encore plus sombres et sinistres. Tout cela grâce à un tempo plus lent, plus lourd mais en conservant cette inspiration non négligeable du groupe qu’est le Punk. Enfin, l’album se termine avec un titre phare et monstrueusement exquis : « Il Mostro Atomico ». Un majestueux morceau instrumental qui libère tout l’arsenal artistique des Californiens : changement de tempo, groove à souhait, son Fuzz de l’enfer et lourdeur envoutante. On y notera la participation d’Alex Lifeson du groupe Rush.

On peut donc dire que ce « Clone of The Universe » arrive à point nommé dans la discographie du groupe. C’est sans aucun doute l’un des meilleurs albums qu’ils aient pu faire. Savourez-le avec délice et sans modération.

Stone From The Sky – Fuck the sun

Après un premier album intitulé NGC 1976, éponyme de la nébuleuse d’Orion, les Manceaux de Stone From The Sky nous ouvrent en 2017 un nouveau portail vers leur univers cosmique. Une dimension de Heavy psyché et d’Instrumental fuzz qui repousse les orbites conventionnelles et qui s’appelle Fuck The Sun.

Ici, on dit merde à l’astre majeur et on se laisse bercer par la profonde et ténébreuse infinité du cosmos. On traverse des mélodies hypnotiques, des interludes planants jusqu’à se faire avaler par de vertigineux soli. Et toujours aux sorties de ces doux instants, le trio nous cueille, armé de puissants riffs comme dans « Monkey’s lab » ou « Inside the Dalek », rappelant ainsi que derrière ce psychédélisme soi-disant inoffensif se cache une grosse disto. La basse ronde de Dimitri se met alors à grogner, accompagnant les lourds accords claqués par Florent tandis que Dylan martyrise sa crash afin de garder tout le monde dans les clous.

Outre l’appellation du premier opus, lever les yeux au ciel semble constituer un thème d’inspiration principal. Et si l’on en croit la présence des Daleks et de Trantor dans deux titres de la galette (respectivement les Némésis du Docteur Who et la capitale de l’empire galactique dans la série Fondation d’Asimov), inutile de nier que nos amis des Pays de la Loire affectionnent la SF.

« Welcome to Trantor » justement ; ce morceau à la mélodie inquiétante, constellé d’accords noirs et sidéraux qui évoquent la grandeur d’une comète majestueuse tout comme son hostilité. À l’image des cinq autres morceaux de l’album, la composition y est soignée et se révèle superbe. Les séquences qui suggéraient tantôt Color Haze ou Mother Engine se rapprochent dorénavant de Russian Circles, avec son frotté frénétique de cordes si caractéristique. Y’a pas de doute, on voyage.

Avec Fuck The Sun, le trio ne se contente pas d’exceller dans son genre, il assume pleinement ses contradictions, réinvente le style et finit par le transcender. Pour un groupe qui arbore la maxime « Un minimum d’instruments pour un maximum de dégât », le pari s’avère plutôt gagnant.

Doom Side Of The Moon – Doom Side Of The Moon

 

Doom Side Of The Moon est une auto-prod née sous la férule de Kyle Shutt du groupe américain de heavy, « The Sword ». Il est accompagné par Bryan Richie à la basse et  Santiago Vela III à la batterie, tous deux issus de la même formation. Le groupe est complété par un clavier (Joe Cornetti de « Croy & The Boys »). et un saxophoniste (Jason Frey de « Black Joe Lewis » et « Hard Proof »). Kyle en cherchant à réaliser une version heavy de « Time » des Pink Floyd n’a pas réussi à s’arrêter, évoluant vers un cover complet de Dark Side Of The Moon. Le présent album est sorti au U.S le 04 août 2017, la date exacte des 50 ans de la sortie du premier album du Floyd. L’Europe aura été de son coté gratifiée d’un pressage au mois de décembre.

Ce Cover album est trompeur dans son titre, il ne sonne pas doom mais plutôt stoner. Là ou le chant de Clare Torry rendait “Great gig in the sky” un peu lénifiants , Jason apporte une touche de saxophone suffisamment torturée pour nous plonger dans un univers plus sombre et plus percutant. La volonté de Kyle de mettre les guitares sur le devant de la composition apporte une force émotionnelle supplémentaire à chaque morceau. Les compositions ont été respectées presque à la lettre, on ne touche pas à l’écriture du monstre sacré. Le son lui à été décapé et revêtu d’un grain plus rugueux, plus heavy, c’était le but après tout.

Ce qui était pour moi les morceaux phares de l’album le restent.”Money” prend en ampleur avec son esprit stoner. “Brain Damage” est plus torturé, ce qui était nécessaire au vu du titre, le sax’ asthmatique fait vriller les tympans et le chant  plus dense et plus maladif colle à l’étiquette. Fini l’insouciance et la légèreté ça justifie le Doom du titre.

“Any Colour You Like” amorce le final, métamorphosé en une brute épaisse et basse à souhait. La clôture est montée comme un son et lumière. “Eclipse” monte en explosion auditive, pour le visuel, on se raccrochera aux souvenirs scénographiques de la tournée “Pulse” de Pink Floyd qui imposent leur évidence avec la tonalité de ce cover. Même si l’interprétation de la clôture perd de la sensibilité de l’originale c’est un beau bouquet final qui nous est offert pour compenser. Soyons honnêtes l’album n’est pas exempt de défauts, “Us and Them”  perd en chromatisme avec des envolées moins prégnantes et on pourrait désapprouver à demi cette vision écrasée qui néanmoins reste dans la cible du projet.

On peux dès lors raisonnablement se demander si cet album est  meilleur que l’original. A vrai dire, on s’en fout! Ce qui compte, c’est que cet album soit aussi bon que le souvenir que nous avons de la première écoute de l’original. L’expérience Doom Side Of The Moon est clairement une réussite, en particulier lors d’une écoute croisée avec Dark Side Of The Moon.

Au mois de Mars sortira un EP, intitulé « Encore » ou seront repris « Have A Cigar » ; « Wish You Where Here” et trois versions différentes de “Pigs”. On espère que ce ne sera pas avoir les yeux plus gros que le ventre et que cet EP sera aussi bon que le présent album.

En attendant, vous pouvez toujours vous faire un avis avec cet extrait.

 

Mooner – Tabiat


Difficile de rattacher un groupe au mouvement stoner avec toutes ses variantes. On flirte parfois avec la ligne du rock 70s, du metal, du psyché… Avec leur premier album
Tabiat, les Indonésiens de Mooner dévoilent douze titres de pur rock psychédéliques aux légères teintes stoner. Surprenant.

Premier opus ne signifie pas inexpérience pour les musiciens de Mooner, déjà bien aguerris dans leurs contrées. Et ils n’hésitent pas à la prouver de manière subtile comme sur « Hei » et cette ligne de basse à la fois fracassante et envoutante. L’album est plutôt bien équilibré, avec tout de même quelques ovnis comme « Serikat » qui nous fait plus penser à un morceau de pop asiatique. Rien de gênant pour autant.

La recette est très bonne dans l’ensemble et écouter un bon gros rock chanté en indonésien a au moins le mérite de varier les plaisirs. D’ailleurs, parlons de cette ligne vocale diablement efficace. La chanteuse garde une approche assez basique mais bougrement efficace. Un peu répétitive par moment, excepté sur « Seruh » où on sent une volonté de mettre en avant le chant contrairement aux autres pistes.

Ce qu’on aime chez Mooner, c’est cette rythmique entrainante où la basse joue ici un rôle mélodique prédominant avec un son fuzzy loin d’être désagréable. Mais c’est réellement la batterie qui apporte cette touche originale avec des percussions aventureuses, aux sonorités indiennes. Un peu de tam-tam par ci, de la flûte par là comme sur « Ternganga » qui clôt l’album de façon admirable. La guitare s’en tient aux classiques du rock 70s avec quelques riffs plus pêchus au fil des 12 titres de l’album.

Tous ces petits détails font de « Tabiat » un concept intéressant, souvent intrigant mais avec les ingrédients d’un bon album de rock psyché. Mooner vise juste et sans abuser des superlatifs, on peut facilement dire que le groupe propose quelque chose d’innovant. De plus en plus rare pour être souligné.

Octopussy – Dwarfs & Giants

En 2013, Gdynia, ville portuaire au nord de la Pologne, voyait naître un quintette armé d’un premier opus aux accents très « Clutchiens ». Mais après quatre ans, l’ajout d’un second guitariste et le remplacement du chanteur par Jan Babiński, la pieuvre Polonaise surgit à nouveau des mers pour nous gratifier du très sérieux Dwarfs & Giants.

L’album combine avec grâce Stoner Rock, Rock’n’roll et une quantité non négligeable de blues fleurant la Louisiane et ses rednecks. Pourtant, l’influence de Clutch s’efface cette fois au profit d’une identité plus affirmée, d’un vrai travail de fond. Les guitares de Piotr Danielewicz et de Michał Banasik enchaînent les riffs arrondis et pleins de chaleur, composant avec la basse de Marcin Bąkowski et la batterie pour offrir un groove puissant. Dès le début de « Birdman » on sent que ce groove restera un leitmotiv pour tout l’album ; enfin juste après l’intro frénétique du batteur Konrad Ciesielski. Lui qui distribuera des breaks véloces du début à la fin et ne se lassera jamais de transcender les titres par son énergie.

Afin de glorifier le tout, et comme si les soli de guitare ne suffisaient pas à nous faire frissonner, le clavier spatial de Michał Koziorowski apporte encore davantage de couleurs à cette palette. Tantôt en invoquant des ponts d’une autre dimension comme à la fin d’« Hourglass » ou bien en créant d’authentiques interludes tout ce qu’il y a de plus psyché à l’image de « Float ».

Le combo voix clavier invitera certains à penser à All Them Witches, d’autres diront Left Lane Cruiser en entendant « The Search », et tous auront un peu raison. Pourtant, en dépit des bottleneck et de quelques arrangements peu originaux, Octopussy propose avec ce deuxième album une soupe vraiment riche et non moins délicieuse. Les morceaux « Dwarfs & Giants » et « Future Western » en attesteront mieux qu’un quelconque discours.

Dans cet ultime titre, constituant quand même les 1/5 de l’album, on nous raconte une histoire. La batterie galope et propulse le voyageur en plein cagnard Ouest américain, tandis que les guitares lâchent des accords sporadiques comme autant de tumbleweed traversant la route poussiéreuse. Puis arrive la voix du chaman en pleine incantation qui cheminera peu à peu jusqu’aux épiques péripéties. Le clavier nous guide alors vers un dénouement explosif tout en riff musclé et solo mélodieux.

Écouter Dwarfs & Giants d’Octopussy s’apparente à une traversée en mer. Il faut autant se préparer à naviguer sur les eaux calmes que se montrer prêt à affronter les vagues par gros temps.

Bon vent.

Gurt – Skullossus

 

On avait bien aimé le précédent effort de Gurt, Horrendosaurus, giclée nerveuse et enthousiasmante d’un sludge poisseux et nerveux, doublée d’un humour rafraîchissant. On a écouté plus erratiquement les quelques titres crachés par le combo via des EP, split, singles… Une discographie un peu chaotique. Sur disque, le groupe ne paraissait pas se prendre au sérieux, ça nous a plu ; d’autant plus que musicalement, les gaillards étaient solides.

On appréhende donc ce Skullossus avec bienveillance et intérêt. Les premières écoutes sont d’ailleurs plaisantes et ravivent de bons souvenirs : le groupe n’a pas trop changé. Les écoutes suivantes en revanche suscitent leur lot de circonspection… Musicalement, on est bien toujours ancré dans un environnement sludge toujours très nerveux, avec des penchants très très « core » et bien metal quand même : un chant subtil, tout en déchirement guttural option tesson de bouteille, un son de guitare affuté, une basse très saturée et une batterie qui blaste beaucoup… On pense à une sorte d’enfant batard entre Dopethrone, les Crumbsuckers, Iron Monkey et Hatebreed, en gros. Tout ça manque un peu de gras dans les sons, et d’un peu de groove et de rondeur dans les rythmiques, plus souvent sèches et saccadées ici. Le train Gurt défile sans jamais vraiment s’arrêter, enchaîne les titres comme autant de glaviots, et finit son ouvrage par un plan « instru prout-prout » (faussement) subtilement imaginé pour créer une sorte de boucle pour l’album, avec une intro qui peut s’écouter en continuité (artifice déjà entendu mille fois). Musicalement on n’est pas forcément dans la gaudriole, loin de là, avec uniquement « Existance is Pain » comme titre un peu plus léger et décalé (avec en gimmick un sample de Beavis & Butthead – un peu téléphoné, quand même…).

Et donc, malgré toute l’affection que l’on porte au groupe, notre ressenti après plusieurs écoutes est plutôt mitigé : les riffs sont trop souvent insipides, les compos parfois un peu indigentes… Passés à côté de l’essentiel, nos anglais ? L’humour emblématique du combo est toujours présent, mais uniquement à travers des titres des chansons, oscillant entre private joke et gros calembour pouet-pouet (« John Gar See ya Later », vraiment ?!…). On espère qu’ils ne se sont pas trop emmerdés en tout cas à glisser leur humour british dans les paroles, ce serait un beau gâchis, celles-ci étant globalement peu intelligibles.

Le jugement est un peu rude, car on aime bien le groupe, et il serait malhonnête de passer sous silence les qualités de ce disque, qui propose quand même quelques mandales de bonne facture, à l’image du très hardcore « Gimme the Night, any Day », ou les heavy doom « Meowing at the fridge » et « The ballad of Tom Stones and Reg Montagne (Pt. 1) », excellents (seuls titres sur lesquels le tempo est un peu ralenti… coïncidence ?). Mais est-ce que ça suffit à ressortir le disque de son étui dans deux ou trois mois, poussés par l’envie de le réécouter, tendre l’autre joue en quelque sorte ? Le temps nous le dira.

On en ressort toutefois avec la conviction que c’est sur scène que Gurt risque de faire le plus de dégâts, et dans ce contexte Skullosus fournit au combo une poignée bien fraîche de nouvelles bombes à déflagrations ; des bombes plutôt propices aux mosh pits qu’au headbanging, certes, mais qui devraient faire pas mal de dégâts…

Deadly Vipers – Fueltronaut

Écouter de nouveaux albums c’est un peu comme évoluer dans le désert. On peut avancer en paix, appréciant simplement la chaleur du soleil sur son visage, tout comme on peut marcher sur un serpent planqué et se retrouver avec deux crochets dans la peau. Et en moins de temps qu’il en faut pour le dire, un venin de frénésie vous coule dans les veines, déchaînant sa puissance fuzzée pour les prochaines 47 minutes.

Pour leur premier album sorti chez Oak Island Records en octobre dernier, les Perpignanais de Deadly Vipers commencent très fort. Une intro frôlant le doom pour s’échauffer les tympans et on plonge pour huit pistes partagées entre Fuzz rock, Hard rock et même Heavy bues.

Par la richesse de ses compositions, Fueltronaut nous transporte d’oasis instrumentals, comme « MeteorValley », « Fuel prophecy », en canyons vertigineux tels que « Universe » ou « Doppleganger Sun ». Les lourds riffs fuzzés à balle de David et Thomas se marient à merveille à la voix haute et puissante de Fred. Laissant à penser que Deadly Vipers serait le rejeton illégitime de Truckfighters et de Kyuss ; enfant conçu un soir de fièvre sur l’autel de l’impétuosité.

Cependant, là où certains se contentent d’imiter, les gaillards du sud proposent davantage. Outre la furieuse énergie qui transpire du quartet, comme en témoigne la survoltée « supernova », on découvre aussi de vraies épopées. À l’instar de « Stalker » dont la mélodie sublimée par un chant crooner lancinant se mue peu à peu en une tragique sortie qu’on aurait souhaité voir prendre vie à son tour.

Fueltronaut se révèle être un excellent album, bien écrit, chargé comme un réservoir de nitro et au moins tout aussi instable. Derrière le moindre interlude un peu reposant, ça vous pète à la tronche et vous inscrit un franc sourire au visage.

Viens par ici, maudite vipère, et mords-moi encore !

Interstelar – Resin

Dans un groupe de musique, il y a ceux qui se trouvent de suite. Ceux qui adoptent un style, en explorent les tréfonds jusqu’à s’approprier le genre. Et puis il y a ceux qui comptent plus de membres passés qu’actuels, ceux qui se réinventent sans cesse, toujours à la recherche d’un idéal qui leur échappe. Les californiens d’Interstelar semblent appartenir à cette seconde catégorie.

Formé en 2005 à partir d’un split d’Ubyk, Interstelar sortent deux EP respectivement intitulés React in silence et On black Waves, qui aboutissent chacun à la refonte quasi-totale du groupe. L’acharnement de Jason Kothmann fini tout de même par payer, car en août 2016, soit cinq ans après leur dernière sortie, le miraculé Resin pointe le bout de son nez.

On commence par « SiL0 », dont le riff digne d’une chevauchée épique en Arizona et le martèlement des toms de PJ McMullan façon bucheron lancent la machine. Puis on nous lâche « Resin », qui à l’image de « Hold it » et « Behold » comprend une série de riffs bien burnés sur lesquels atterrit la voix spectrale de Jason. Voix dont les accents « TOOLiens » ne leurreront personne.

À bien des égards, cet album vous prendra à revers. Tout d’abord par la présence des titres « Opposite Daze » et « Armada », repris du deuxième EP et réarrangés par le nouveau line-up. Une initiative qui dénote cette volonté de perfectionnement qui semble chère au groupe. Puis par la présence des deux ovnis que sont « High Horse » et « Sequoïa ». Car si le reste de la galette s’articule autour de riffs stoner/grunge, de grooves space-rock, le tout teinté d’un psyché moderne, on est ici bien loin des standards du genre. Certains y verront une proposition nouvelle, l’oasis de fraîcheur dans le désert rock aride, alors que d’autres se demanderont simplement où ils viennent de mettre les pieds…

« Sequoïa », c’est un peu le générique du film. Là où, après s’être rassasié des grosses distos de Gary Gladson et de la rythmique solide de Joe Puccio, on quitte le cinoche en essuyant le popcorn collé sous nos godasses. Une balade en guitare sèche, douce, aérienne, et constellée de motifs mélodiques à la Dream Theater.

Resin se positionne donc au carrefour entre plusieurs dimensions. Un voyage au travers d’univers que je vous invite à découvrir par vous-même. Car chacun y trouvera son bonheur.

 

The Howling Void – The Darkness At The Edge Of Dawn

Ryan Wilson n’a besoin de personne pour composer son doom planant. Le leader et unique membre de The Howling Void vient de livrer son nouvel opus sobrement intitulé The darkness at the edge of dawn. Avec ce sixième album, le Texan reste dans la lignée de The Triumph of Ruin, paru en 2016. On se retrouve dans un doom très nuancé, qui s’écarte du concept originel beaucoup plus sombre et funéraire lorsque l’artiste a démarré sa carrière à l’aube des années 2000.

On commence l’écoute de The darkness at the edge of dawn au creux de la vague avec « Distant Shores », une intro planante où Ryan Wilson dévoile quelques bribes de sa voix, lointaine, irrégulière, comme un souffle sorti d’outre-tombe. Tout au long de l’album, le chanteur s’abstient de growler et conserve son timbre clair, plein de zénitude.

Le Texan se lâche un peu plus au niveau des vocalises avec « A seed on stone », la deuxième piste, complètement différente. On flirte ici avec le métal symphonique, avec toujours ces riffs lancinants et ravageurs. On regrette juste la double pédale trop présente en fin de morceau qui dénature un peu l’outro.

Le titre éponyme, troisième morceau de la galette, résume parfaitement l’ambiance que souhaite développer The Howling Void. D’un côté un gros son bourré de distorsion, une batterie qui cogne et une basse qui soulève la mélodie. De l’autre, des notes de synthé bien dosées qui créent cette atmosphère particulière. Avec une voix planante pour enrober le tout. Le milieu du morceau s’aventure même dans un solo bluesy à la Hendrix… avant de repartir de plus belle vers les sommets du doom classique. C’est sûr, il y a quelque chose de Tool au royaume du Texan.

Les deux derniers titres sont dans la même lignée que l’intro de l’album. Dommage, on aurait aimé découvrir encore de nouvelles ambiances, surtout que le CD ne compte que 5 titres…

The darkness at the edge of dawn est une fresque musicale de 38 minutes, avec autant d’ambiances à déceler. L’album s’écoute d’une traite ou pas du tout. Sans hésitation, on a choisi la première solution.

Corrosion Of Conformity – No Cross No Crown

La carrière de Corrosion Of Conformity ne ressemble à aucune autre : d’abord quatuor, avec un chanteur vite remercié (Eric Eycke, décédé en septembre 2017), puis trio, le groupe obtient un véritable succès critique et commercial lors de l’inclusion de Pepper Keenan en 1994. Le guitariste/chanteur, à la voix et au style plus mainstream que le hardcore teigneux des trois autres, permet à ceux qui rapidement se feront appeler COC de réaliser de grandes choses, à commencer par une tournée en première partie de Metallica (1996). Après 4 albums, Pepper doit prendre un peu de recul en 2005 face au succès et aux tournées incessantes de Down, side project de nombreuses stars vite devenu attraction principale et catalyseur de la scène NOLA. Qu’à cela ne tienne, en 2012 Dean, Mullin et Weatherman, nos trois teigneux, relancent la machine sans leur guitariste/chanteur au nom épicé. Deux (bons) albums et un (super) EP sortiront de ce renouveau avant que Pepper, ayant enfin un peu de temps devant lui, réintègre la formation le temps d’une tournée en 2014.

De l’aveu même des musiciens, Nuclear Blast leur a fait à ce moment une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser. Le groupe est donc entré en studio, les mains vides mais les poches pleines, pour composer et enregistrer le premier album de COC avec Pepper Keenan depuis 12 ans. A la façon des groupes des années 70’s (à la façon de Black Sabbath nous dit même la bio), les quatre compères sont partis d’une page blanche pour accoucher de No Cross No Crown, après de nombreuses semaines de travail et plus de 40 jours de studio.

J’ai beau être un grand amateur de Corrosion Of Conformity, j’ai un problème avec l’ensemble de leur discographie : les albums sont trop longs. Ils l’ont toujours été. Cet excès de générosité (une façon polie de dire « incapacité à trancher ») a terni la plupart des disques précédents. Même lorsque le groupe touche au sublime (accordons nous sur Deliverance et America’s Volume Dealer pour le consensus, Animosity, Wiseblood ou Blind également), une poignée de titres, faces B à l’inspiration moindre, sont toujours venues alourdir la digestion. Et No Cross No Crown n’échappe pas à la règle. Que de moments enthousiasmants pourtant sur cet album ! Les riffs foisonnent (« Wolf Named Crow », « Cast The First Stone », « A Quest To Believe (A Call To The Void) »), Pepper cabotine un peu certes mais trouve toujours quelques textes qui feront remuer la fosse (« Nothing Left To Say »), même si tout ici reste de magnitude 5 ou 6 maximum sur l’échelle de “Clean My Wounds”. Mais 10 titres et 4 interludes c’est beaucoup en 2017. Pas seulement que notre capacité d’attention ait baissé, c’est aussi et surtout que le heavy rock a quelques milliards de kilomètres au compteur. Donc à moins de n’accoucher que de titres inoubliables, il est de bon ton de tout faire rentrer sur un simple LP. De filer la métaphore des 70’s jusqu’au bout en somme. Pareil pour les interludes. J’ai bien saisi le précepte de respirations mais de là à ce que nous poumons soient au bord de l’explosion il y a une marge que COC a tranquillement rogné, atteignant ici les limites inhérentes à la production d’un album sans contrainte, artistique ou temporelle (le groupe avait un temps presque infini en studio) ni de la part d’un label semblant avoir offert un blanc-seing (nucléaire), ni de la part d’un producteur qui les a semble-t’il surtout accompagné, en bon ami qu’il est (John Custer, derrière tous les albums du groupe depuis Blind en 94).

Finalement, No Cross No Crown est exactement l’album que nous nous attendions à entendre de la part d’un groupe en pleine retrouvailles : un grand déballage de complicité musicale parsemé de moments de bravoure dont émane quelques saveurs inutiles, évitant de justesse l’écueil redouté : que tout le sel de cet album ne réside qu’en le retour de Pepper.

 

Point Vinyle :

Nuclear Blast la joue simple et efficace, avec un peu de couleur pour les diggers (500 en Purple Splatter, 300 en gris, 300 orange) et du noir c’est noir pour ceux qui n’ont plus d’espoir. Le tout en un double vinyle trop long, sans parler de cette vilaine pochette qui saura indisposer au mieux vos invités lors de vos diners mondains.

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