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Etrange tout de même les effets de hype ou d’envie. Pourquoi la sortie cette année d’un nouveau The Atomic Bitchwax fait-elle plus de bruit que celle d’il y a 2 ans ? Pour mémoire, Gravitron, sorti en 2015 était une véritable usine à bombinettes rock’n’roll mais malheureusement passée sous un silence quelque peu assourdissant de la part de…presque tout le monde à vrai dire.
Session de rattrapage donc avec ce nouvel album qui ne déroge pas à la règle que s’impose le trio, à savoir à fond et à fond mais surtout à fond ! On galope en territoire conquis avec cette nouvelle production qui fait la part belle aux cavalcades de manche, au pilonnage rythmique et aux attaques de trachée. 12 cartouches à haute teneur technique que nous balance le trio à nouveau, un festival de déliés et de descentes de toms à vous fracturer le corps caverneux.
Les refrains sont toujours très inspirés mélodiquement puis attaqués par des solis dévastateurs. Le super stoner rock des Bitchwax est des plus efficace et direct qui soit. On ne le dira jamais assez.
Mais comme pour son prédécesseur, on peut souligner le défaut de ses qualités. The Atomic Bitchwax propose une musique énergique, folle, taillée pour le live. Qui doit être vécue en live donc et qui par le truchement d’une formule accomplie mais maintes fois recrachée sur galette tourne en rond lors d’écoute lambda. On passe donc les 12 titres de l’album avec le sourire collé aux lèvres mais sans être franchement surpris ou étonné. Et par là même quelque peu frustré, car oui, vu le talent des gonzes on ne serait pas contre quelques incartades à leur style et leur routine musicale.
Attention hein, Force Field est un bon album pas meilleur ni moins bien que Gravitron, seulement on l’a déjà entendu et on attend des américains plus de prise de risque quand bien même le groupe fut un projet récréatif à la base. Reste que si les américains passent par chez vous, il n’y aura pas d’hésitation à avoir tant l’efficacité est de mise en live.
Après un premier album éponyme sorti en mars 2016 qui établissait un projet et laissait entrevoir de belles idées (gros riffs, variations rythmiques, chant volontairement sous-mixé…), Deadsmoke remet le couvert cet automne 2017 avec un deuxième opus, intitulé Moutain Legacy, sorti, tout comme le premier, sur le label italien Heavy Psych Sounds.
Dès la première écoute, on remarque que les Italiens ne modifient pas leur formule de manière considérable, mais la font toutefois évoluer. Nous sommes en présence d’un sludge/doom monolithique aux tempos majoritairement lents, mais davantage aéré sur ce second album par des passages plus rapides et/ou calmes. Le chant est utilisé avec parcimonie, volontairement placé au second plan ce qui met en valeur les longs passages instrumentaux et les structures des morceaux tendent à s’éloigner du format classique couplet-refrain. Les samples et les sons de synthétiseurs sont des éléments qui étaient présents sur l’album précédent et qu’on retrouve sur Mountain Legacy. Le groupe prend donc le parti d’assumer sa formule ce qui est un moyen pour lui d’affirmer son but d’un point de vue artistique.
Cependant, on sent, au fil des écoutes, émerger une progression considérable dans la qualité des compositions. La formule et les partis pris du groupe semblent ici mieux maîtrisés. Les transitions se font plus marquées avec une alternance de gros riffs aux tempos lents mis en relief par des rythmiques plus vives ou des passages épurés. Si sur le premier album, les différents effets employés pouvaient avoir tendance à trop évoquer Ufomammut, ils sont, à présent, utilisés de manière plus pertinente (notamment sur l’intro « Malevolent Path” ou l’interlude « Forest Of The Damned »). De même, sur « Moutain Legacy », le son d’ensemble guitare-basse se démarque de celui, très tellurique, du premier album qui pouvait facilement faire penser à Conan. D’une manière globale, les influences du groupe semblent mieux digérées et l’évolution de ses compositions lui permet d’asseoir son identité artistique.
Morceau coup de cœur: « Hiss Of The Witch » qui est à mon sens la pierre angulaire de cet album avec un riff principal mettant du temps à se dévoiler et qui est mis en évidence par la rythmique plus rapide des couplets ainsi que la présence du chant – volontairement sous-mixé – s’ajoutant comme une nappe supplémentaire. Après une accalmie faite de chants célestes (religieux ?), le riff brise-nuque débarque dans les chaumières avec pour seul objectif le décollage pour la planète parpaing.
Au rayon des bonnes idées: « Emperor of Shame » surprend avec son tempo s’éloignant des standards du genre qui vient ajouter du relief à l’écoute globale de l’album.
Le morceau-titre « Mountain Legacy » qui, après un départ lent et massif prend des tournures plus planantes (psychédéliques voire légèrement space-rock) sur sa deuxième moitié avant de clore l’album avec un riff pachydermique.
En bref, Deadsmoke nous dévoile sur « Mountain Legacy » une réelle identité artistique. Les Italiens parviennent à nous tenir en haleine pendant les 39 minutes de l’album et réussissent à nous faire entrer dans leur univers grâce à la cohérence de leur projet artistique et à l’ambiance générale de l’album qui est sans doute son point fort majeur.
Après un EP intitulé « The GodsBelow » sorti en 2016, le quatuor de Melbourne formé l’année précédente nous gratifie cette fois-ci d’un album complet, bien électrique et sans conteste tout autant démoniaque. Ces Australiens du label Kozmik Artifactz ayant notamment accompagné Truckfighters ou The Sword dans leurs tournées nous proposent depuis cet été les neuf titres d’une galette qui sent l’occulte.
Attention toutefois. Question style, les amateurs de glauque et de lourdeur malsaine, les adeptes du secouage de melon et de l’étirage de nuque en intérieur comme en plein air, ne vous précipitez point. En dépit de son patronyme digne d’un costaud collectif doomesque, le groupe arbore un style nettement plus nuancé. Mais n’est-ce pas relever de l’audace du malin que de mélanger des essences aussi variées ?
On dispose là d’un subtil amalgame de doom vintage et de rock moderne, bien teinté d’heavy blues, et gonflé à bloc par un fuzz copieux. Le bassiste Tom Hulse, et la mule qui l’accompagne Mark Van De Beek, font le taf (pas mal pour des graphic designers, tout de même), sans oublier l’ange déchu de la mélodie : Christos Athanasias. Il n’y a qu’à mettre la tête sous leur rain of « Acidic Fire » pour appréhender le caractère détonnant du mélange. Ou encore en écoutant « The dove & the serpent », là où le travail des zikos est sublimé par le timbre et la mélodie de Pierina O’Biren. Prêtresse qui tantôt vous guide avec douceur dans le terrier du lapin blanc, tantôt vous envoûte jusqu’à vous faire sauter les pieds dans la fosse incandescente. Dans ce titre (présent sur l’EP et l’album) nous avons même le plaisir d’un pont n’étant pas sans rappeler le dynamisme de Radio Moscow ou la fougue de Jack White.
Devil Electric grouille aussi de riffs à la Sabbath. Des titres comme « Devil’s Bells » où l’on s’attendrait presque à entendre surgir la voix d’Ozzy durant l’intro. La formation s’avère également très digne d’un The Dead Weather cabalistique, là où miss Mosshart aurait sombré dans l’ésotérisme au point de troquer sa veste en cuir et son MP5 pour une robe de cérémonie carmin et le chapeau rituel qui l’accompagne.
En somme, et bien que tiraillé par ses multiples ascendances, le groupe hybride ne déçoit pas. Et pas l’ombre d’un doute qu’un titre incantatoire tel qu’«Hypnotica» donnerait des courbatures au plus frileux des headbangers.
Curse The Son a sorti en avril son dernier opus, Isolator aprés 3 albums dont une démo et trois ans d’attente.
Ce trio U.S du Connecticut officie depuis 2007 et a parcouru du chemin depuis Klonopain, album au son encore trop peu fouillé et à l’enregistrement fade.
Après avoir subi au fil des ans un changement de line-up qui a vu remplacer et le bassiste et le batteur, Curse The Son semble trouver désormais son équilibre parmi les plus grand.
Signé chez Ripple Music, à qui l’on doit, entre autre, les excellents Wo Fat, Zed, Volkonis et autres Mothership ce dernier album nous ouvre les oreilles sur un univers Doom et Fuzz à souhait
Dès le premier morceau, “Isolator”, on est frappé par la basse groovy et la batterie swing qui emporteront tout l’album en offrant un vent frais sur un univers doom, sombre et poisseux.
Le chant clair et nasillard ne renie pas les origines Black Sabbathesques de la formation. Les similitudes sont particulièrement palpables sur “Gaslighter” et carrément impossibles à renier sur “Aislamiento”.
Cette particularité pourrait passer pour une redite de plus, d’autant que les accents psychédéliques de l’album nous immergent dans des 70’s à l’origine du genre. Cependant, l’album est résolument moderne, le Doom adossé à cette particularité lui évite de n’être qu’un bloc lourd et pesant.
Il y a dans “Callous Unemotional Traits” des bouts de Electric Wizard et certains tours de chants distordus par des effets à la limite du glauque pourraient rappeler les frasques d’un Marylin Manson, ce qui est sans doute dû aussi à un enregistrement des voix sur deux pistes.
Isolator est une œuvre complète qui s’écoute d’un bloc, c’est une chute vers un enfer marécageux où l’on tombe à toute allure pour ne reprendre son souffle que lorsque la section rythmique délivre son Groove Jazzy. On est pris alors d’une envie méthodique de headbanger avant de constater que les hanches suivent.
Curse The Son offre avec Isolator une œuvre assez complète et qui dénote d’une originalité certaine.
Évitant les poncifs d’un Doom répétitif tout en en gardant l’aspect, on y retrouve le son le plus Desert qui soit, adjoint de pépites Fuzz et hors catégories.
Si les 40 minutes de la galette dérouteront peut être les puristes du Doom, elle devrait intéresser au plus haut point ceux qui gravitent à ses frontières.
Un album à écouter rapidement sous peine de passer à coté d’un morceau d’originalité bien ficelé.
Près de 25 ans après leurs premiers pas, Electric Wizard reste l’un des groupes de doom les plus importants du genre. Lugubre comme une nuit sans lune, évanescent comme une quelconque malsaine fumée, la musique du sorcier convoque le diable et les paradis artificiels dans un torrent électrique. Auteur d’une première partie de carrière exemplaire, puis d’un retour fracassant (Witchcult Today), Oborn et ses comparses ne font que décliner depuis lors, sortant coup sur coup deux albums finalement peu marquants (Black Masses/2010 et surtout Time To Die/2014).
A l’heure où Electric Wizard annonce posséder son propre studio et vouloir accélérer la cadence des publications (un nouvel EP est déjà en préparation), la publication de leur neuvième album Wizard Bloody Wizard inquiète. Hommage à Sabbath dans le titre (ils ont équipé récemment leur studio d’une console utilisé par les maîtres pour l’enregistrement de Master Of Reality), pochette immonde et production éclaircie : Electric Wizard nous aurait-il donné une nouvelle raison de nous énerver ?
Ce qui en premier fera parler est bien sûr la production, plus claire, plus acid rock, changeant en profondeur l’identité sonore du Wizard. Prise de risque à saluer pour certains, trahison pour d’autres, cette dernière sert avant tout de révélateur de la qualité des compositions. En effet l’histoire du doom s’est faite sur le rendu sonore de compositions, pouvant masquer un jeu approximatif ou un riff sans grande originalité par la grâce d’une implacable couche de boue, puissante embellie de distorsion, transformant n’importe quelle brique, même de basse extraction, en mur du son. Wizard se présente donc mis à nu devant son auditoire et la pauvreté de certaines idées saute alors au visage. Pour un bon titre (« Necromania » qui ne dépareillerait pas sur un album d’Uncle Acid & The Deadbeats), combien de mauvais moments ? De « See You In Hell » (en ouverture ET fermeture d’album) et son riff mollasson, au soporifique « The Reaper », les riffs sont éculés, la voix d’Oborn plus qu’irritante. Et là point de Mark Greening pour rehausser la mixture à grands coups de patterns de génie. Simon Poole fait ce qu’il peut, tout comme Burgess (basse/Satan’s Satyrs) mais rien ni personne ne peut sauver « Hear The Siren Scream » et « Wicked Caresses », dont la faiblesse a de quoi rendre agressif le plus défoncé des auditeurs du Wizard.
Sans saveur, pas tant à cause de son virage musical mais par la médiocrité que ce traitement acid rock révèle, Wizard Bloody Wizard est finalement à l’image de sa détestable pochette : cliché et peu inspiré. Time To Die qu’ils disaient en 2014 ? Et pourquoi attendre ?
Point Vinyle:
En quittant Rise Above, Oborn s’était fait un malin plaisir de fustiger les nombreuses versions couleurs et collector que fabriquaient le label. Spinefarm l’a joué sobre mais de qualité, avec 3 versions (clear, red et black) toutes en gatefold, incluant un poster et une carte de téléchargement. Un objet plus joli à collectionner qu’à écouter en somme.
Les enfants du siècle.
The Texas Chainsaw Dust Lovers a toujours eu l’âme généreuse et la gonade conquérante. Ses précédentes livraisons ont toujours cherché à s’affranchir du carcan stoner dans lequel on les catalogue bien trop facilement. Et dire que « Film Noir », le nouvel opus, cherche à s’en dépêtre définitivement est un euphémisme.
Pourquoi « les enfants du siècle » en ouverture de texte ? Tout simplement parce que le quatuor est un rejeton des 90s et qu’aujourd’hui plus qu’avant il s’en revendique fièrement et ouvertement.
On traverse une galette à la production léchée en pensant Urge Overkill, Muse, Queens of the Stone Age pour les idées de riffs et la patine du son proposé. Les fantômes de Manson et Zombie sont aussi convoqués à travers la théâtralité de la voix et de ses intentions.
Les Nantaisiens (Mi-Nantais devant, mi-Parisien derrière) charpentent encore l’édifice avec quelques routines élaborées depuis (fulgurance red fangienne, ambiances western spaghettis) mais élargissent considérablement le champs de leurs influences n’hésitant pas à rendre hommage au sax solo des années 50s puis de passer à de l’ambiant 60s déviante. A lire ce pot pourri de styles on pourrait aisément se retrouver en présence d’un album indigeste, d’une grosse galette dégueulasse au beurre salé trop présent. Pourtant si on lit cet album au travers d’un prisme cinématographique, on trouverait cohérent et logique de voir se succéder sur les marches au tapis couleur sable chaud, des Frères Cohen, du Tarantino, du Zemekis, du Soderbergh.
Reste, peut-être, que ce nouvel album de The Texas Chainsaw Dust Lovers sera le dernier à être chroniqué en nos lignes. Tout simplement parce que le combo ne fait pas du stoner, ou n’en fait plus. Peut-être même n’en a t’il jamais fait ? Non, nous sommes en présence d’un groupe de rock tout simplement. Et un putain de bon même, méritant une reconnaissance plus ample que celle que notre petite confrérie peut lui offrir. « Film Noir » est excellent album. Ecoutez-le. Point.
“Nous voulons émouvoir les gens. Si celui qui nous écoute arrive à ressentir ne serait-ce qu’une petite partie de la douleur que l’on a investi dans notre musique, alors on peut dire qu’on a fait ce qu’on avait à faire”. Tels sont les mots de Michael Meacham, l’imposant frontman de Loss à la mine renfrognée, lorsqu’il parle de son groupe. Formé à Nashville en 2004, Loss est depuis ses débuts composé des quatre même membres, qui semblent tous partager la même vision de la musique. Faire de la musique pour soi, par nécessité, et si elle plait à d’autres, tant mieux. Se retrouver en groupe dans une pièce exiguë meublée de quelques amplis et déballer tout ce qu’on a, plutôt que de le faire à deux, l’un allongé sur le divan.
En 2011 sortait leur premier album, Despond, véritable bijou de doom lyrique avec des morceaux comme « Cut Up, Depressed and Alone » dont le titre seul devrait suffire à vous situer l’ambiance. Leur second album Horizonless est sorti cette année sur le même label, Profound Lore Records, ce qui est déjà un gage de qualité en soi, puisque Profound Lore Records sort rarement de la daube, et je ne parle pas du plat provençal. Mixé par Billy Anderson (producteur de Pallbearer, High On Fire, Ramesses, et la liste pourrait être encore longue et chiante), Horizonless était aussi attendu que le retour de Jésus auprès de tout ceux qui avait gouté à la noire poésie de Despond.
Horizonless est construit ainsi : 5 titres longs d’une dizaine de minutes et chacun entrecoupé de morceaux beaucoup plus courts et plus atmosphériques, comme quelques notes de piano ou d’orgue, le cliquetis d’une machine à écrire, ou la simple lecture d’un texte. La durée de certains titres et la lourdeur crasse qui s’en dégage a valu à Loss l’étiquette de Funeral Doom Band, largement à revoir selon moi (vous me direz, comme souvent avec les étiquettes). Déjà, le groupe ne joue pas à un tempo extrêmement lent, du genre le batteur check ses mails entre deux coups de cymbales. Les mélodies sont aussi très présentes, guidées par une guitare claire bien audible, là où le funeral doom peut parfois se perdre dans le brouillard en se trainant péniblement pour essayer d’avancer. La voix de Michael Meacham très gutturale et profonde rentre quant à elle parfaitement dans la boîte du death/doom.
La grande force de Horizonless réside dans la non-linéarité de ses morceaux : le renouvellement est permanent, la tonalité et/ou le tempo changent en cours de route, rien n’est structuré, tout change et rien ne dure. Ce côté très « progressif » rend l’écoute extrêmement riche et variée, d’autant plus que l’album est parfaitement produit et foisonne de détails auditifs. Il vous faudra donc de nombreuses écoutes pour assimiler les 67 minutes de Horizonless. Le premier titre de l’album, le magnifique « The Joy of All Who Sorrow » devrait directement vous plonger dans l’univers caractéristique de Loss, une sorte de mélange entre la brutalité de Mournful Congregation et la poésie de 40 Watt Sun. Le morceau éponyme, « Horizonless », premier morceau du groupe où tous les membres chantent, est également un pur concentré émotionnel où je vous mets au défi de ne pas être pris aux tripes lors du somptueux refrain final. La liste des réussites peut continuer avec « When Death Is All », qui vient clôturer le disque en grande pompe (funèbre, évidemment).
En réalité, chaque minute de Horizonless est à la fois parfaite et unique. Après 6 ans d’absence, Loss a pondu un chef d’œuvre qui réussit à redéfinir le funeral doom en y apportant ce qui manque souvent au genre, de la richesse. Un album qui fera date.
Mother Engine se fraie un chemin parmi les étoiles depuis 2011. Six ans donc à louvoyer entre astéroïdes et psychédélisme, à enclencher l’hyper-propulsion entre trou noir et prog-rock, à convoyer sa cargaison entre comètes et rock instrumental. Le trio allait forcément avoir besoin de réparer, d’upgrader son vaisseau un jour ou l’autre.
C’est chose faite avec ce « Hangar » d’excellente facture qui voit le «Mother Engine » se faire pimper façon intellect et grosses idées. De la pochette à la réalisation tout concourt ici à la description du vaisseau. On y cause carlingue, fuel, hyperdrive, schéma électrique et connexion neuronale. Vous vous souvenez de la caméra se perdant dans les coursives du Nostromo dans le premier Alien ? Dévoilant l’intimité métallique de l’appareil et par la grâce de la mise en scène le plaçant comme un personnage à part entière ?
« Hangar » c’est tout cela. L’humanisation du Mother Engine, piloté par nos trois teutons pilotes, mercenaires de la cause stoner psychédélique.
L’engin est donc composé de quatre titres étalés sur quasiment une heure vingt. De l’instrumental pur-jus où les entrelacs de guitares se font écho d’une mesure à l’autre, où la basse martèle, rivette, soude la structure d’un ensemble propulsé par une batterie métronomique et précise. Les idées sont simples mais développées à leur juste terme ; point de shred ici, encore moins de métal mais du rock intelligent, intelligible et réfléchit. Pour qui regrette la période faste du prog du début 70, le nouvel album des allemands saura les réconcilier avec notre époque. Les soixante dix-sept minutes que composent la galette sont autant de petites trouvailles qui ponctuent la narration. Percussions tribales, cuivres, spatialisation massive du mix, crunch coquin et disto aérienne sont autant de raisons d’écouter et d’écouter encore ce nouvel effort.
Etablir un pont entre différentes générations n’est jamais aisé. Rendre hommage à ses aînés sans tomber dans la redite est une entreprise casse-gueule. Enjambant les cadavres encore chauds de moults groupes morts à la tentative, Mother Engine, lui, louvoie entre ces courants complémentaires avec une facilité déconcertante. De Camel à Colour Haze, d’Aphrodites Child période 666 à toute la clique psychée duna-jammesque, le trio allemand vient de produire une galette au potentiel infini. Le « Mother Engine » est bien réparé, bénéficiant de nouveaux propulseurs, d’une injection rare et de qualité, piloté par un trio compétent et inventif. On attend plus que ses nouvelles aventures.
Le trio breton nous avait bien bluffé avec son superbe Into the fog… and the filthy air. Un album riche, ambitieux sans être prétentieux, mais qui ouvrait de nouveaux horizons au groupe. Perspectives confirmées sur les trop rares dates live effectuées par le combo, dont un concert au Hellfest qui aura confirmé tout le bien que l’on pensait d’eux. A son rythme, à sa manière aussi, les Stonebirds nous reviennent en 2017, discrètement, modestement, mais avec sous le bras une nouvelle rondelle qui nous fait déjà saliver et que l’on s’empresse d’écouter…
… et d’écouter, et d’écouter encore. On pourrait déjà sauter à la conclusion du disque et mettre en avant ce facteur : dire que Time est un album riche est un profond euphémisme. Time est vaste, complexe, l’album recèle son lot de nouveautés à chaque nouvelle écoute. Time est si copieux qu’il donne le vertige. Après des dizaines d’écoutes, l’œuvre apparaît toujours hors de prise, impossible à cerner complètement. Il faut dire que consciemment ou pas, le groupe a changé son fusil d’épaule dans son travail de composition. Là où Into the Fog… proposait cinq grosses pièces massives et évolutives, Time se compose de pas moins de huit titres, plus dynamique et “instable” dans leur structure, comme autant de pièces musicales protéiformes et roboratives (dont plusieurs au dessus de huit minutes). Autant prévenir tout de suite : les amateurs du combo “couplet-refrain-couplet-refrain-break-couplet-refrain” vont être à la peine ici. Tous les repères traditionnels volent en éclat, les séquences musicales s’enchaînent au sein de la même chanson, s’affranchissant de tout bon sens commun – voir par exemple le très beau “Blackened Sky”, littéralement tronçonné en deux morceaux différents, ou encore “Sacrifice”, dix minutes au garrot, et à peu près huit grosses séquences instrumentales consécutives, dont de gros breaks, avec des rythmes différents, des vocaux différents, des sons différents… Et le tout ne retombe jamais vraiment sur ses pieds, reste en équilibre instable tout du long, le trio développe un triumvirat vertueux : Efficacité, musicalité et atmosphère avant tout. Plus difficile à digérer, moins immédiat, mais symptôme d’une vraie richesse musicale, à l’image des entêtants “Shutter part II” ou “Only Time”.
Musicalement, d’ailleurs, l’évolution intrinsèque de Stonebirds ne saute pas aux oreilles en première approche : le groupe pousse encore plus loin l’axe expérimental de sa musique (dans la recherche du son, des ambiances surtout) mais globalement, on y retrouve nos petits. Si ce n’est une aisance plus marquante, la plupart du spectre sonore de Into the Fog… se retrouve dans Time, enregistré dans les mêmes conditions que son prédécesseur. Même si le groupe ne se revendique d’aucune influence franche et directe, on entend du Pelican sur ce disque (les plans grandiloquents, le travail rthmique), du Yob (les attaques de guitare crescendo…), du Dredg toujours (début de carrière avant les années 2000), mais aussi de manière plus distante des plans quasi Tool-iens… Mais au final le groupe ne propose rien moins que du Stonebirds, désormais reconnaissable en tant que tel. Il faut dire que l’interprétation impeccable du trio en impose. C’est le cas en particulier de la part de Fañch , l’élément le plus “visible” du combo : apportant un éventail notable d’options vocales supplémentaires (du chant clair au growl pur en passant par les plans gueulards, tout y passe), le gaillard frontman se fend surtout de murs de grattes massifs et de sons variés. A noter par ailleurs qu’au vu du gabarit structurel des morceaux, même si elle est moins “in your face”, la rythmique Sylvain / Antoine ne chôme pas et fait plus que le taf.
Stonebirds a clairement trouvé sa voie : il n’enfonce pas Into the Fog… mais en propose la suite logique, plus mature, plus profonde, plus audacieuse, plus riche. De fait, vous l’aurez compris, le groupe s’éloigne du stoner de ses débuts. Mais sa proposition musicale constitue une alternative intéressante. A réserver aux esthètes les plus audacieux, Time nous présente un groupe démontrant qu’il a trouvé sa voie, sans jamais s’engoncer dans un style musical unique. Une belle pièce.
Il faudra un jour se pencher sérieusement sur Portland et sa scène, inondant chaque année le metal – et le stoner/doom en particulier – de nombreuses formations, toutes meilleures les unes que les autres. Et au milieu de cette prolifération de fuzz, R.I.P., dont le premier album, déniché par Totem Cat Records, avait su retenir de nombreuses attentions en 2016. Avec leur esprit heavy doom bas du front et un second degré à toute épreuve, le quatuor a enchanté les connaisseurs et ressorti son album, In The Wind, chez Riding Easy dans la foulée. Et c’est sur ce même label que sort le second disque du groupe. Toujours porté par leur philosophie Street Doom, et par un chanteur – Fuzz – dont le micro est vissé à une faux ( !!), R.I.P. braille à qui veut l’entendre qu’il n’y a rien de sérieux dans le fait de tronçonner du Sabbath en veste à patch en 2017. Ni rien de plus jouissif non plus d’ailleurs. R I.P. se permet alors d’emprunter quelques versets légendaires à Candlemass (« Unmarked Grave »), de passer un riff d’Electric Wizard à la gégéne (« Mother Road ») ou même de faire un tube imparable, avec un riff à la Pentagram et quelques touches de cow bell en sortie de refrain (« Street Reaper »). Couillu. L’album aurait pu (dû) être un poil plus court, histoire de rester dans l’urgence, mais se pare en face B de nombreuses autres raisons de s’enthousiasmer, comme sur « The Dark » et son emprunt appelé à devenir légendaire, ou quelques autres solides morceaux sur lesquels l’influence de Bobby Liebling et son gang est toujours aussi flagrante (« Shadows Folds », « Brimstone » etc.). Et puis merde, si tout cela ne suffit pas à vous convaincre : trouvez moi meilleure pochette sur l’ensemble des productions de l’année !
Alors oui, il restera toujours des coincés du patch pour pinailler sur l’aspect putassier du disque, ou pour clamer que la musique est une affaire hautement sérieuse ne tolérant pas autant de décontraction. Mais pour les gens qui ne cherchent qu’à se faire du bien, Street Reaper est un chouette buvard sonore à laisser fondre sous la langue. Alors enfilez votre plus beau jersey, collez vous dans votre salon sur une chaise de jardin, les pieds sur la glacière et savourez. Ou allez vous faire voir ailleurs.
Point Vinyle :
Riding Easy c’est un peu le paradis du geek à platine, proposant Test Press, puis versions Die Hard (en clear avec un 7’ en bonus. 100 exemplaires, 25 à l’effigie de chaque musicien), et bien sûr des versions plus classiques : 200 en gold, 400 en white, une version green (je n’ai pas trouvé le nombre), et le pressage black habituel. De quoi nous en faire voir de toutes les couleurs.
Loin de moi l’idée de vous refaire la carrière de Paradise Lost, antique groupe de death/doom, devenu icôn(e) gothique en des temps que l’on qualifierait aujourd’hui de draconiens. Une sainte trilogie qui lui aura légitimement valu une place de choix au panthéon du heavy puis la perdition dans quelques improbables impédances électroniques avant un retour à la raison, au milieu des années 2000. Je dirai même, pour être plus précis, que le groupe a renoué, sur The Plague Within en 2015, avec les aspirations de ses plus belles années. Toujours mené par le duo Holmes/Mackintosh, les anglais continuent donc de filer la métaphore du doom mélodique, sur Nuclear Blast cette fois-ci, et publient Medusa, leur 15ème album.
De l’aveu même de Holmes, il s’agit là d’un des albums les plus lents qu’ils aient produit, rapprochant le fruit de leur enregistrement aux compositions de Shades Of God, leur troisième production. De mon côté je convoquerai plutôt Type O Negative à la table des négociations. En effet, dans le traitement sonore des guitares et pour cette habilité insolente à créer des mélodies gothiques, aussi efficaces que passionnées, Medusa ressemble à quelque chose qui croiserait les compétences de Paradise Lost (les voix de Holmes, claire ou growl, toujours impeccable de maitrise) à celle du gang de feu Peter Steele. Littéralement tubesque, sans temps morts, Medusa bénéficie d’une production limpide, made in Orgone Studio, incontournable villégiature pour façonner un son doom et perfide en Albion. Alors même que la production est à mon sens sujete à controverse pour la plupart des publications Nuclear Blast, privilégiant un son ample et moderne, celle-ci sied parfaitement à l’album, que ce soit pour le travail sur la batterie (le son de caisse claire est assez froid et mécanique) ou sur les guitares. Porté par l’imparable « Until The Grave », titre sur lequel le travail de son sur les guitares est éclatant, le disque ne révèle aucun signe de faiblesse. « Blood & Chaos » renoue avec un death/doom pur et dur, tandis que « The Longest Winter » rappelle qu’en matière de ligne vocale (rehaussé de ce délicieux accent british qui ne sied qu’à quelques rares groupes, tel Killing Joke), Holmes est de la race des plus grands. Parfois proche de Primordial, traversé de quelques auras celtes, ce disque est l’exemple parfait de ce que peut être le metal lorsqu’une formation s’attache à éclabousser son disque de feeling et de classe. Plus qu’un retour en grâce, un second souffle inattendue et salvateur. L’un des tout meilleurs opus du groupe, simplement.
Point Vinyle :
Nuclear Blast propose ce disque sous toutes ses coutures : en box (comptez 36 euros et tout plein de surprises dedans), du black normal et une multitude d’autres pressages, entre 700 et 300 exemplaires. Les plus rares (et non nombrés à ma connaissance) restent Red, Silver et Violet with White Marbled. Soit 12 pressages différents. De quoi en rester… Médusé.
Chaque nouveau disque de Fireball Ministry est en soi une bonne nouvelle. Il faut dire que le groupe, qui trace sa route posément depuis une petite vingtaine d’années, en vieux baroudeur du music business underground, ne déçoit jamais vraiment. Leur production famélique (cinq albums en presque vingt ans, bof) est conforme à leur progression de carrière (en gros : un chemin de randonnée long, plat et laborieux) et à leur activité live (une poignée de concerts chaque année, dans un rayon dépassant rarement les 50 km autour de chez eux). Les bougres savent se faire désirer ! D’autant plus étrange quand on sait à quel point James Rota est hyperactif, initiant plusieurs side-projects (rappelons qu’il est derrière The Company Band, où se retrouvent aussi Neil Fallon et Brad Davis), marketant sa musique dans les méandres Hollywoodiens (pas mal de licences sur des séries TV ou événements types catch US), etc…
Quoi qu’il en soit, on a donc ce Remember the Story en main, et sans déflorer un suspense de pacotille, c’est avec un certain plaisir que l’on écoute cette galette depuis plusieurs semaines. Musicalement, on n’est pas sur du changement brutal, c’est un euphémisme : le quatuor reprend en gros les rênes de l’opération exactement où ils les avaient déposé avec leur album éponyme, il y a sept ans maintenant. Pour ceux qui auraient raté ce wagon, voire les précédents, Fireball Ministry fait du gros stoner rock à « l’américaine », largement teinté de heavy rock, bien produit, chargé en mélodies. Un truc qui sans être super original, s’impose un certain standard en termes d’efficacité, de qualité de composition et d’accessibilité. Ah, l’Amérique, quoi… Un bon demi-siècle de culture rock et hard rock en coulisses quand même, ça laisse de bonnes bases.
Tiré par une poignée de compos remarquables, l’album déroule sans vrai temps faible. On lèvera la tête sur certains titres en particulier, à l’image de ce sympathique « Back on Earth » où Scott Reeder (on a oublié de vous le rappeler, mais c’est désormais le seul groupe fixe du célèbre bassiste de Kyuss), plutôt discret sur le reste du disque, tombe quelques lignes de basse groovy juste venues de nulle part. Result-oriented le bonhomme ! On fera aussi émerger « The Answer », petite pépite hard rock fuzzée aux vocaux pouvant même rappeler Ozzy sur le refrain, ou encore le lancinant et heavy « Dying to Win » qui n’aurait pas pu être renié par le Metallica fin de siècle…
Quand on y regarde de plus près, il y a des petites choses perfectibles sur ce disque. Le fait de vendanger son intro avec « End of Our Truth » par exemple, titre sur-catchy, certes, mais tellement mou du genou en même temps, s’appuyant sur un tempo des plus laborieux. Autre morceau un peu faible, le morceau-titre déroule sa langueur un peu stérile sur cinq grosses minutes sans grand intérêt, mettant même un peu à la peine un Rota aux vocaux un peu limites (sur ce titre uniquement). On peut discuter aussi un peu de la prod, œuvre de Paul Fig, pas vraiment un bras cassé (Ghost, Alice in Chains…) : propre et puissante, elle n’apporte malheureusement pas la légitime couche de crasse qui sait enrober ce type de musique. Et plus précisément encore, on pouvait espérer plus de place pour la second guitare dans le mix (des séquences entières qui ne tirent pas profit du doublon de guitares là où cela aurait pu apporter puissance ou profondeur dans le son).
Notons l’OVNI absolu que constitue le choix de reprendre « I don’t Believe a Word » pour honorer (légitimement et sincèrement) Lemmy, un titre déjà décalé en soi dans la carrière de Motörhead, dont l’interprétation toute en subtilité électro-acoustique option saturation et chœurs en harmonie, fera froncer plus d’un sourcil dubitatif. Couillu.
Remember The Story est un bon album de Fireball Ministry et un bon album tout court. Il contient assez d’excellents titres pour satisfaire la soif de riffs et de gros son finement fuzzé de la plupart d’entre nous. Les fans de Fireball Ministry y verront la suite logique de la discographie du groupe, avec une évolution (lente et subtile) les amenant progressivement à plus de robustesse dans les compos et à moins de « folie rageuse » dans l’interprétation (c’est l’âge, aussi, ma bonne dame). Dans un sillon musical synthétisant bon nombre de différentes tendances, le groupe ne convaincra jamais assez les fans de stoner les plus intégristes, les aficionados du doom le plus pur, les dingues de sludgeries craspecs… mais il a toujours fait montre d’une exigence de qualité qui est susceptible de convaincre un auditoire bien plus large que sa notoriété actuelle. En un mot comme en mille : si vous ne connaissez pas, penchez-vous sur Fireball Ministry, il y a de fortes chances que ça vous plaise.
Groupe sludge formé à Nottingham en 1994, Iron Monkey est un véritable pionnier du genre en Europe. Rapidement signé par Earache, label connu pour ses méthodes peu scrupuleuses, le groupe forgera sa légende en quelques concerts féroces et deux albums cultes. Cinq ans de carrière puis la mort, qui frappe sans prévenir le chanteur Johnny Morrow en 2002. Iron Monkey passe alors à la postérité et ses membres s’investissent dans divers projets, avec plus ou moins de réussite (de Crippled Black Phoenix à Capricorn en passant par Teeth of Lions Rule The Divine, en somme). En janvier 2017, sans signes avant-coureurs, Jim Rushby (guitare) et Steve Watson (basse), relancent la machine et annoncent être retournés en studio, en trio, avec Scott « Brigga’ Briggs à la batterie (Rushby se chargeant également du chant). Publié chez Relapse Records, 9-13 paraît donc 18 ans après Our Problem, l’un des ces disques qui ont simplement défini le sludge.
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’annonce de cet album a suscité de vifs remous au sein du microcosme émoustillé des musiques bas du front. Deux avis s’affrontent alors : les uns sont ravis de voir revenue à la vie une légende que peu ont vu live, tandis que les autres pensent que les histoires terminées ne devraient pas ouvrir de nouveaux chapitres, déçus qu’ils sont généralement de ces sempiternels come-back, devenu fond de commerce de labels et festivals en mal de tête de gondoles ces dernières années. Iron Monkey aura su donner du grain à moudre à ces détracteurs, revenant sans certains de ses membres emblématiques (Morrow évidemment mais surtout Justin Greaves, batteur historique et pièce maitresse du combo), profitant d’un plan marketing rôdé chez Relapse Records, qui dévoile visuels et extraits de morceaux à intervalles réguliers. Une nouvelle façon de promouvoir la musique qui est aux antipodes de ce qu’était Iron Monkey, symbole de la lose et de la dèche de la fin des années 90. Reste que l’album – concentrons nous là dessus – contient ce qui fait l’essence du combo de Nottingham. Enregistré en local, au Moot Group Studio de Nottingham par Johnny A Carter (ex Pitchshifter), 9-13 nous crache à la gueule 9 salves glaireuses, toujours traversée par cette science du riff qui a fait la renommée de la formation. Bien sûr le feeling de Greaves manque parfois, bien sûr l’album ne tient pas la comparaison face à Our Problem (c’était là mission impossible), bien sûr Rushby ne semble pas aussi habité que l’était le défunt vocaliste Morrow, mais ce troisième album d’Iron Monkey reste l’une des livraisons sludge les plus salement punk et irrémédiablement nihiliste de cette décennie. Et ces riffs nom de nom ! Le trio a vieilli et leurs compositions se font plus cyniques, plus désabusées encore qu’à la grande époque. Plus doom que jamais aussi. Prenons « The Rope » et sa descente de gamme salement méchante, prenons « Toadcrucifier – R.I.P.PER » et son agressivité sans retenue (sur ce morceau Brigga fait des miracles à la batterie par ailleurs), 9-13 regorge de raisons de laisser exploser sa colère. Last but not least, « Moreland St. Hammervortex », pièce finale d’un disque définitivement craspec, tronçonne ce qu’il nous reste d’espoir en 9 minutes de violence gratuite, portant l’estocade finale après plus de 45 minutes de pugilat.
Foisonnant de riffs imparables (non vraiment citez moi un disque sorti ces dernières années qui riff plus que ça !) et méchant comme on aime, 9-13 est finalement un très bon album pour quiconque saura avoir à son encontre un regard honnête et réfléchi. A ranger aux côté du Primitive Man au rayon des agressions en bande organisée.
Point vinyle :
Relapse et ses pressages multiples proposent le Iron Monkey nouveau en :
- clear with black and white splatter (400ex réservé au marché anglais)
- white inside clear with black splatter (300, uniquement sur le site de Relapse)
- white with black splatter standard gam (250 vendus via les disquaires indés uniquement)
- white, black and clear tricolor (100ex, uniquement sur le site de Relapse)
- black standard (1700 exemplaires, trouvables partout, probablement même dans les boucheries charcuteries)
Grâce à Throatruiner, label français qui fut à l’origine du premier pressage de Scorn pour l’Europe en 2013, nous autres suiveurs attentifs de la scène sludge avons pu profiter, dès le départ, de la sensation Primitive Man. Signé très vite par Relapse, cet album a fait le tour du monde du metal, de ses bacs à disques et de ses festivals, tant le propos de Primitive Man est nihiliste et oppressant, blackened sludge radical. Une coulée de boue empruntant aux musiques extrême ses gimmicks les plus marquants mais un disque qui, au final avait tendance à s’écouter jouer un peu trop, sur lequel les volontés grindcore se disputaient l’apocalypse à la grande dépression doom dans un fatras pas toujours cohérent. L’EP Home Is Where The Hatred Is avait déjà un peu corrigé le tir, gardant à l’esprit cette production épaisse et ce son radical, tout en accommodant savamment accélérations et breaks de pachyderme. Plus viscéral, il semblait avoir mis Primitive Man sur de bons rails et Caustic vient confirmer la franche évolution du trio de Denver, Colorado vers quelque chose de bien plus absolu.
Car Caustic est définitivement un disque de doom. Un disque au tonnage indécent. Un disque affranchi des hésitations stylistiques passées. Un disque corrosif (Caustic) dans tous les sens du terme. Un disque rehaussé par l’excellent travail de production de Dave Otero (spécialiste du death metal moderne, de par son travail auprès de Cattle Decapitation ou Cephalic Carnage, on lui doit aussi Slow Forever de Cobalt, un album formidable masquant par sa production toutes les lacunes du groupe). Puissamment lourd, terriblement lent, Caustic est l’extrême expression d’un metal funéraire et désespéré. « My Will » ou « Commerce » (et son final dantesque) sont à ce titre d’éprouvants moments de bonheurs musicaux à la noirceur sans concession. Le disque creuse, encore et toujours plus profond dans les turpitudes de l’âme humaine et déverse dans ce sillon haine et douleur, comme lors des 12 minutes du sordide « Inevitable » durant lesquelles l’agonie est totale et le pessimisme à son paroxysme ou le pont strident et tétanisant d’« Absolutes », un moment qu’une écoute au casque prolongée pourrait transformer en délire schizophrénique sans trop de difficulté.
Bien sûr le jusqu’auboutisme musical rend le disque quelque peu anxiogène et difficile à digérer, il est évident qu’une telle pièce est difficilement appréhendable en une seule fois. C’était, à mon sens l’intérêt de l’EP. La longueur de ce disque – un peu plus d’une heure – transforme ici l’écoute en une expérience sensorielle qui ne se tente pas à n’importe quel moment de la journée. Reste que Primitive Man a trouvé son mode d’expression et il est particulièrement radical. A vous de le savourer ou de fuir si tant de violence vous effraie. Nous aurons la décence de ne pas juger.
Point Vinyle :
Relapse Records fait dans le subtil, avec deux versions couleur « os » de saison, l’une tachetée de noir (300ex) et l’autre moitié/moitié entre les tâches noirs et celles blanches (100 exemplaires, patch inclus). 100 exemplaires de la version « Clear » sont également partis pour les plus prompts. Pour finir, et pour satisfaire ceux qui ne courent pas après les raretés, 1550 disques noirs se sont également échappés de la presse.
L’histoire de Bell Witch avait tout d’une jolie histoire : duo doom formé à Seattle par Dylan Desmond (aperçu dans Samothrace entre autres) et Adrian Guerra, le groupe avait mis en émoi la scène à grands renforts de longues plages incantatrices composées avec une basse six cordes et une batterie. Profound Lore se saisit alors de tout ce talent et publie Longing en 2012 puis Four Fantoms en 2015, deux albums remarqués, positionnant le groupe parmi les plus grands outsiders de la scène. Une trajectoire linéaire et enviée, soudainement troublée par le décès brutal d’Adrian Guerra à l’âge de 36 ans, tandis que le duo s’attelait à la composition de leur troisième album. Dévasté, Desmond décide d’achever la composition de leur projet et s’adjoint les services d’un autre batteur, Jesse Schreibman, à qui incombe la lourde tâche de jouer en préservant l’héritage d’un fantôme sans cesse sur ce disque convoqué. Les deux hommes puisent alors au fond de leur chagrin l’essence même de ce qui prendra, entre les mains du légendaire producteur Billy Anderson, des allures de perfection musicale, sensation renforcée par l’artwork sublime de Mariusz Lewandowski, invitation visuelle à voyager au gré d’humaines turpitudes causées par la douleur de l’absence.
De l’aveu même de Dylan Desmond, l’idée de faire de Mirror Reaper une seule et unique pièce musicale d’un peu plus d’une heure vingt est venue tard dans le processus de composition, lorsqu’il s’est aperçu que les riffs se répondaient en une longue procession funéraire et désespérée. La pièce ainsi créée, sous-titrée As Above / So Below (48 et 35 minutes, décomposée pour les besoins du vinyle lors d’une accalmie acoustique par ailleurs poignante) est d’une beauté rare, traversée de part en part par le spectre de Guerra. Le doom n’est rien d’autre que la mutation absolue du blues, trouvant en son dépouillement et en sa lenteur, un espace infini pour libérer diverses émotions, et la tristesse en particulier. Mirror Reaper est à mon sens l’une des expressions les plus abouties de ce sentiment, une longue plainte, un terrible chagrin et pour finir, un émouvant processus de deuil. Chaque note nourrit cette sensation d’absolue et doucement, au fil des écoutes, l’album libère son auditeur des tourments pour lui offrir un espoir incroyable, un optimisme délicat. Le spectre sonore couvert par la basse de Desmond est énorme, entre montées à la limite de l’acoustique et délivrance d’influs saturées, comme ce riff particulièrement obsédant autour des 30 minutes ou la fin de la chanson, durant laquelle le voyage sonore, large et enveloppant se termine en un soupir de notes aux allures contemplatives. Tout au long du voyage, Bell Witch fait la part belle aux enchevêtrements de voix parfois incantatrices, souvent caverneuses, comme autant de prières adressées à la fatalité. Parmi elles, quelques mots de Guerra lui même, chutes de studio, se sont glissés, en guise d’ultime hommage. Sublime.
Point Vinyle :
Profound Lore propose cinq versions pour le premier pressage. Clear, Gold, Blue and black with red splatter, blue with black and silver splatter and black. En dehors de la version noire, toutes les autres sont d’ores et déjà sold out.
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