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Un célèbre moine bouddhiste dont je vous épargnerais le nom riche en voyelles a dit : Quand quelque chose est en perpétuelle évolution, dénué de tout élément permanent et stable, on peut aussi dire de lui qu’il est “vide”. Cette notion du “vide” qui ne trouve pas d’équivalent en français se nomme Sunyata en sanskrit. En 2013, le groupe polonais Satellite Beaver s’inspire de ce concept pour se renommer Sunnata, et sort son premier album un an plus tard, Climbing The Colossus. Quand certains groupes donnent l’impression d’avoir trouvé leur nom en ayant mixé fortuitement une divinité égyptienne et un mot hébraïque (ça marche aussi avec votre deuxième prénom et le nom de votre premier animal de compagnie… à moins que je ne confonde), Sunnata a certainement choisi son patronyme en toute connaissance de cause puisqu’il nous présente son dernier album, Zorya, comme une exploration de la nature éphémère du son, bardée de changements furtifs, le tout noyé dans un océan de distorsion. La messe est dite.
Que les choses soient claires, Sunnata excelle dans le riff lourd et groovy, et toute leur virtuosité dans ce domaine a été démontré sur leur précédent et déjà très bon opus, Climbing The Colossus.
Sur celui-ci comme sur Zorya, on retrouve cet habile mélange de doom et de sludge trempé dans une atmosphère sombre et brutale, brutalité fortement épaulée par beaucoup de fuzz et un chant pas loin du grunge. Du coup, quelle différence entre les deux albums, me direz-vous ? Moultes. Là où Climbing The Colossus semble avoir été couché d’un jet très spontané et juvénile, Zorya est bien plus réfléchi et complexe. Ce n’est pas pour rien que nos quatre polonais ont passé un an et demi à se creuser la tête sur ce monolithe, entre expérimentations sonores et coups de burin dans la roche. Et Rodin a du souci à se faire.
5 morceaux, 50 minutes, et un bon nombre de changements d’ambiances, de revirements de situations et de contre-pieds. Quand on vous parlait de l’impermanence des choses…
La recherche de la puissance absolue présente sur le précédent album a ici laissé la place à un groupe plus assagi, plus mûr, plus enclin au méditatif et au spirituel. Le chant clair est bien plus présent et donne lieu à des passages vraiment sublimes, comme sur le titre introductif “Beasts Of Prey” : sur un doux tissu de guitare envoûtant et orientalisant, Szy nous prouve que sa voix peut aussi faire des merveilles quand elle est au repos. Pur chef d’oeuvre. De même sur le morceau suivant, “Zorya”, où l’on retrouve ce même brassage des genres, toujours sur le fil de la sagesse et de la démence. Second chef d’oeuvre.
“Long Gone” va jusqu’à oser une ouverture sur une guitare privée de tout effet. Plus loin, après l’agitation, on sombre dans l’oeil du cyclone et on retrouve la sérénité, temporairement, bien sûr… Vous savez, l’impermanence des choses… Sur “New Horizon”, le rythme se fait plus lancinant et l’ensemble reste toujours aussi hypnotisant. On retrouve sur “Again and Against” la hargne et la fougue caractéristiques du Sunnata des débuts, mais avec cette touche de maturité en plus, cette troisième testicule, qui pousse le groupe à se risquer dans des régions jusqu’ici inconnues.
D’un bout à l’autre de l’album, la noirceur ne déprécie jamais. Cette ambiance si prenante et souvent responsable de poils hérissés inopinément est servie par une production tout simplement énorme. Vous ne trouverez aucun solo ni aucune démonstration d’une quelconque technicité sur Zorya, mais uniquement des passages à la réverbération magistrale, au rayonnement majestueux, qui bouleversent et prennent aux tripes. Et c’est bien assez. L’album a été réalisé avec ce souci du détail qui nous fait découvrir de nouvelles choses à chaque écoute. Un larsen, un bruit étrange et dérangeant, un crissement strident… Tout a été intelligemment dompté et mis en boîte. Le travail sur les voix est lui aussi incroyable : elles s’entrecoupent, s’entremêlent, se répondent, se font l’écho l’une de l’autre, et finissent par nous tourner la tête.
Zorya apporte les pierres précieuses qu’il manquait à Climbing The Colossus pour en faire de la haute joaillerie. Écouter Zorya est la garantie de partir pour un voyage onirique et hallucinatoire baigné dans le clair-obscur. Il vous suffit de jeter un œil au magnifique artwork pour avoir un léger aperçu du périple. Comme nous l’expliquait Sunnata, tout naît et tout s’évanouit. Mais avec ce monumental Zorya, Sunnata frappe très fort et se trouve ainsi une belle place au sein de l’irrémédiable finitude de toutes les choses. L’album de l’année, si ce n’est plus.
À déguster avec : Un Romanée-Conti 1994 (un grand cru, forcément)

Slowbot, combo stoner Parisien a eu la bonne idée de regrouper ses deux premiers EPs (EP et Pacifier For The Mind) sur un seul et même support : un double digipack fort bien ciselé.
Niveau musique, là aussi le tout est fort bien ciselé. Slowbot transpire le groove comme ce n’est pas permis. « Silk Snake » ou « Casual Monsters » font le job et vous feront assurément taper du pied dans les mosh pits. Pour ce qui est du fuzz, les parisiens ne sont pas non plus avares en la matière et accouchent de riffs monstrueusement entraînants. Le tout foisonne d’idées et de fraîcheur. Et si vous n’êtes pas foncièrement convaincu, « Raise The Dead » et ses changements de rythmes improbables finira de vous mettre à genoux. Bref, dix titres plutôt réjouissants et fort bien foutus lorsque l’on considère la “jeunesse” du combo qui les a pondu.
Du stoner 100% pur jus comme on les aime, avec la pulpe, et qui en plus vient de chez nous ! Une bien belle découverte donc, et un nom à retenir: Slowbot.

Totem Cat, auquel les plus connaisseurs d’entre nous accordent une véritable expertise lorsqu’il s’agit de dénicher les groupes de demain (Dopethrone, Egypt, Doctor Smoke…) ou de rééditer quelques joyaux mésestimés d’un autre temps (Sons Of Otis, Stonehelm, Earthride), qualifie le style musical de sa dernière trouvaille – R.I.P. – de street doom. Il se cache à mon sens derrière ce concept l’explication parfaite à cette épineuse question : comment faire la différence entre le bon et le mauvais hard rock (le mec est sur scène, il a sa guitare, il crache… tandis que.. Bref). Street Doom, ou le lent, le gras, comme mode de vie. On retrouve bien sûr chez le quatuor de Portland les stigmates indélébiles d’une écoute prolongée de Pentagram ou Saint Vitus, quelque chose d’authentique, de résolument doom. R.I.P. est de ces groupes dont la musique résume au mieux l’attitude.
Un chanteur (surnommé Fuzz) portant une faux en guise en micro, des musiciens aux têtes patibulaires et dégaines venues tout droit de la fin des eighties, tout ici fleure bon le doom d’antan. Dans le son, la voix, R.I.P. rappelle les regrettés The Gates Of Slumber, même si les thèmes sont ici plus urbains, loin des dragons et épées qui hantaient les préoccupations de leurs ainés de Chicago.
Orienté autour de la trilogie « In The Wind », trois titres aux tempi radicalement différents, la quatorzième publication de Totem Cat Records fauche toute espérance de bon goût, à l’image du sublime artwork, signé Adam Burke. Au milieu de ce foisonnement de perles doom punkoïdes, quelques titres ressortent, à l’image de « Smoke & Lightning » et son irrésistible solo ou « Black Leather », qui fait office de hit doom pour l’année 2016, tout simplement.
Décidément foisonnante, la scène de Portland nous offre là un énième groupe de qualité, porté jusqu’à chez nous par le vent. Gageons qu’en très peu de temps vous serez, vous aussi, emporté par l’irrésistible et morbide attractivité qu’exerce le groupe. Et puis merde, on parle d’un groupe qui a un de ses titres intitulé « Brave The Grave ». L’album de l’année un point c’est tout.
Point Vinyle :
Totem Cat est un habitué des Die Hard, éditions spéciales et autres test press (ici 6). Pour RIP, le label a pressé une édition spéciale « Death Certificate » à 50 exemplaires, une version Orange et Noire à 100 exemplaires et 350 LPs Noirs. Le tout avec cartes, stickers et tout le tremblement. Il ne manque, finalement qu’une download card pour que le travail soit parfait.

Qui a dit qu’il n’y avait que des cailloux et des geysers en Islande ? Churchhouse Creepers nous prouve le contraire avec leur premier album From Party To Apocalypse. Puis ce n’est pas comme si la scène islandaise commençait à regorger de bons groupes (The Vintage Caravan entre autres). Il est donc temps de s’envoler avec ces neuf titres pour l’île aux merveilles.
Globalement, ce premier opus nous propose une large fraicheur instrumentale, tant la diversité rythmique et l’ambiance s’entremêlent dans un joli mariage de groove. La production est de très bonne qualité, et ce, à tous les niveaux. Un duo guitare/basse qui souffle la grosse fuzz, une batterie énergique, bien technique, et, un chant croustillant, sincère et qui va droit au but.
Dans la forme, From Party To Apocalypse livre de nombreuses pépites formant la presque intégralité de l’œuvre. « What Mama don’t know » est « the » morceau qu’il faut écouter de suite pour apprécier la juste valeur du power-trio. Laissez-vous emporter par ce sinueux refrain venu d’outre-tombe et reprenez quelques morceaux : « No Monday » avec sa tripoté de riffs sanglants et expéditifs au groove à la Truckfigthers, « Drunk Something » et ses coups de hache qui tranchent dans le vif ou encore « Just the Tip » qui saura ravir les amoureux de Fu Manchu.
Puis on découvre un peu de sensibilité parfois comme le prouve « Satan Waits », mais une émotion au double regard, car c’est l’énergie qui domine cet album. Et ce ne sont pas « Lizard Boy » et « Apocalypse » qui diront le contraire. Ici, on flirt avec le speed-rock, un peu avec le rockabilly mais c’est surtout la grosse dose Stoner qui domine. Alors oui, on aurait pu citer « Party » qui ouvre l’album, mais ce n’est pas forcément celui qu’on retiendra le plus. On préféra se désaltérer sur « It’s all good » et profiter de ce bon gros son.
From Party To Apocalypse est donc une bien belle découverte, d’autant plus qu’il a tout ce qu’il faut pour marquer les esprits, il faut juste le prendre au bon moment et au bon endroit. Essayez avec des copains, un bon apéro et quelques rondelles de citrons et vous n’aurez envie que d’une seule chose : le remettre encore une fois.

Si les terres arides espagnols peuvent rappeler les désertiques étendues californiennes, le peuple ibérique n’est pas (encore) pour autant reconnu pour sa scène rock qui dépoussière les cactus. Pourtant parmi ses fiers portes étendards on ne trouve pas que des lézards nouveaux nés mais aussi des caméléons à la couenne rompue par le live et qui depuis maintenant 10 ans sait changer de formes et de couleurs pour s’adapter à l’Epreuve de la vie de groupe: les line-up mouvants. Depuis 2006 Craneon fait parti de ses reptiles qui survivent à la rudesse du genre.
2 démo, 1 EP et maintenant leur premier album “Hacia El Sol” paru à l’origine en 2014, les madrilènes ont partagé la scène avec de beaux morceaux de choix comme Karma to Burn et Deville et plus récemment se sont évadés en terres françaises avec Soundcrawler. Pas les perdreaux de l’année donc et leur activisme pour le genre ne s’arrête pas là avec même un festival monté de leurs propres mimines. Pour leur premier album les espagnols ont léché leur production. Les guitares tantôt cristallines tantôt tranchantes mènent les débats d’envolés mélodiques à arpèges entêtants. On sent la volonté du trio de sortir l’album qu’ils avaient en tête et de ne pas se sentir frustrés à sa parution. Les arrangements foisonnent entre licks mutins, travail rythmique et ambiance sonore. Hacia El Sol se découvre comme une BO d’un blockbuster des années 80 qui mêlerait les influences 60’s à la scène dite grunge des 90’s.
Véritable voyage sonore de par la variété des titres et par ce chant espagnol qui n’est pas à négliger dans l’identité du groupe, Craneon nous emmène par monts et par vaux entre passages pop psychédélique, stoner franc du collier et rock classic burné. C’est évidemment dans les passages les plus velus que l’on se retrouve le plus, le groupe noyant malheureusement parfois ses morceaux dans de gluants moments plus rock indépendant FM ( référence à la clique de groupe rock MTV des années 2000…) qui sans être inopportuns coupent un tant soit peu le plaisir. Le trio a toutefois plus d’un tour dans leur sac et savent manier lourdeur et groove à bon escient particulièrement dans les moments plus instrumentaux. A noter l’apparition du chanteur/trompettiste du groupe Pendejo qui le temps d’un morceau nous emmène toujours plus loin dans l’escapade musicale.
Un premier album très éclectique donc, plein de promesses, plein de possibilités pour le futur. D’une qualité constante dans la production et la composition, Craneon gagnerait certainement à resserrer le propos pour plus d’efficacité. De beaux morceaux de choix néanmoins, presque tout est bon dans le Craneon.
(2015)
Le moins que l’on puisse dire en parlant de rock et d’Avignon, c’est qu’il n’y a pas grand monde sur le pont. Pourtant, entre initiés, des clubs de concerts du sud de la France aux clubs de motards les plus reculés, il se murmure le nom de The Real Mac Coy, comme une promesse depuis maintenant 5 ans. En effet, quatre activistes aux références multiples se sont regroupés sous l’égide Mac Coy pour faire un peu de heavy rock et secouer, à grand renfort de distorsion, la cité des Papes. En 2011, Barn Session leur premier EP avait montré quelques signes encourageants, convoquant Clutch ou Black Label Society au rayon des influences premières. Quatre ans plus tard, le combo nous propose un second autoproduit aux accents plus bluesy, se permettant, entre deux saillies métalliques, quelques ballades sentant un sud plus cotonneux que celui du Vaucluse.
La musique du groupe pêche encore par sa production et l’accent anglais de Stéphane, vocaliste par ailleurs émérite, mais contient, de ça de là, quelques promesses qu’il faudra concrétiser par un album au son plus personnel et à la réalisation plus léchée. Mais que ça ne vous empêche pas d’aller découvrir par vous même ce qu’il se trame lorsque le quatuor investit une scène près de chez vous.

Somali Yacht Club. Sous cet étrange patronyme se cache un trio ukrainien barbotant dans un stoner empreint d’essence psychée, de carburation pop pour l’aspect mélodique et de suspension désertique pour leur propension à étirer les compositions. Et donc de les classer dans le même intercalaire que Stoned Jesus tant la gémellité fait loi entre les deux formations.
The Sun paru en 2014 et rafraîchit en 2015 attaque par « Loom » un titre pas vraiment original mais bien maîtrisé qui permet à l’auditeur de rêvasser ou de conduire sans prise de tête. Pas de surprise, ni de déception. Le problème chez Somali Yacht Club vient quand le combo décide de sortir de ses sentiers (re)battus. On se retrouve face à un incompréhensible maelström d’influences et d’envies qui voit naître par exemple un passage dub pas franc du collier ou des plages d’impro à la justesse vacillante. De fait, on se dit que des titres plus ramassés permettraient une meilleure utilisation des riffs (le prometteur « Up in the Sky ») et de moins diluer les idées.
Pourtant la section rythmique fait le taf, l’assise est là mais l’ensemble manque d’animalité, d’un peu de folie dans l’interprétation, le chant, les solos pour faire avaler les 8 minutes en moyenne de chaque composition. Sun, le titre quasi-éponyme y parvient un peu grâce à des inflexions et choix mélodiques salaces peu ou pas présent dans le reste de l’album et l’on souhaiterai que le groupe prolonge cet univers là.
Sans être mauvais, The Sun de Somali Yacht Club ne provoque pas non plus cette excitation qui parcourt l’échine parfois. On traverse l’album sans jamais vraiment être surpris et on passe à autre chose sans vraiment regarder en arrière. Dommage. A voir ce que nous réserve la suite.

Banderille après banderilles, Church Of Misery, le plus américain des groupes japonais continue son exploration en musique des macabres élucubrations des plus notables sérials killeurs de notre temps. En 5 (ou 6) albums (tout dépend de ce qu’on fait du Vol. 1), Tatsu Mikami et ses compères ont planté le drapeau blanc, frappé du soleil levant sur les terres dévastées du doom sludgy, en plein territoire Yankee donc. Et pour And Then Were None… plus que jamais, l’accent américain se fait sentir. En effet le bassiste nippon s’est adjoint des services de Dave Szulkin (Guitare / Blood Farmers), Eric Little (Batterie / Earthride) et Scott Carlson (Voix / Repulsion, ex Cathedral), enregistrant les instruments dans le Maryland et les voix à Los Angeles.
And Then There Were None… reprend les gimmicks chers au groupe, fait suinter ses guitares d’une sauce au goût de sud des USA et déroule, sous un groove de marécage, de bien sordides histoires. On y retrouve les atrocités commises par quelques uns des plus dangereux criminels de notre temps (la Bonder Family, Harold Shipman, Tommy Lynn Sells et autres), l’occasion idéale pour se pencher sur les faits d’armes de ces charmants garçons. Si l’on est loin de la folie doom sludgy, aux accents sudistes et psychédélique de l’insurpassable Houses Of The Unholy, on en retrouve tout de même quelques ingrédients, tel le pont de « Doctor Death » ou l’intro de « River Demon ». La basse proéminente de fuzzée de Mikami fait son œuvre, relevant délicieusement quelques compositions moyennes (« Murderfreak Blues »). Toutefois l’ensemble ne se hisse pas au niveau du reste de l’indispensable discographie du combo. La voix de Scott Carlson, qui n’a ni la puissance ni la folie de ses prédécesseurs, contribue à rendre cet album trop tiède malheureusement.
Point Vinyle :
Rise Above oblige, les choses sont faites pour le mieux. 500 LPs noirs, 500 violets transparents, 700 en violet opaque, 250 en rouge et noir. La version Die Hard (150 Clear, 200 en Clear & Purple) quant à elle vient avec un 7’ notable, d’autant plus que les paroles s’attardent sur l’histoire de la facétieuse Clementine Barnabet, qui cumule deux particularismes rares dans l’histoire des sérials killeurs : être une femme et être noire. Pas sûr que cela suffise pour rassurer les familles des 17 personnes qu’elle a massacré à la hache au nom de l’église du sacrifice.

Gary Arce n’est pas homme avare en projets. Depuis Across The River à The Sort Of Quartet en passant par Yawning Son, il est pour la plupart d’entre nous le guitariste du très bon groupe instrumental Yawning Man. Un groupe au ratio albums par année indéniablement faible, tout comme les évolutions d’une production à une autre. Mais où Gary Arce a expérimenté un style original, qui s’attache à mettre en musique un désert plus évocateur de vie et de richesse que de mort et de sécheresse. Et même si le sentiment d’avoir fait le tour de la question peut émerger aujourd’hui, tant Gary Arce semble vouloir rester dans sa zone de confort très personnelle, ce qu’il a à nous dire reste pertinent. En multipliant les collaborations, c’est sûrement un nouvel angle qu’il cherche pour ses propos. Un catalyseur à même de nous emmener sur un terrain moins arpenté. J’étais donc à l’affut de l’arrivée de ZUN et de son « Burial Sunrise », que Gary Arce considère maintenant comme son second projet principal.
Comme il me l’avait dit lors de notre rencontre il y a un an (à lire dans nos pages), ZUN, c’est d’abord lui avec sa guitare, une basse, un lap-steel et des boucles à n’en plus finir. La différence tient aussi dans le fait qu’il est accompagné de deux chanteurs. Il y a cette vielle connaissance de John Garcia puis Sera Timms (Black Math Horseman). Il n’oublie bien sûr pas sa famille et l’on retrouve Bill Stinson (Yawning Man) et Harper Hug à la batterie et son ami de toujours Mario Lalli (Fatso Jetson) pour une ligne de basse sur un morceau.
L’album est construit autour d’un parti pris, celui de donner à chaque chanteur trois morceaux qui vont s’alterner un à un.
C’est le John Garcia tout en retenue, voire par moment crooner, qui commence sur « Nothing Farther » et c’est ce même Garcia qui nous accompagnera sur deux autres morceaux. Le travail de Garcia est très juste et fin, qualités qu’on lui connaissait, mais qui est ici mis en valeur d’une manière nouvelle grâce à Gary Arce. Le résultat est excellent.
Quant à Sera Timms, c’est un chant très éthéré, mélancolique et un peu prophétique qu’elle injecte dans des compositions qui le sont déjà. Une touche de douceur également, qui s’accorde magnifiquement avec le style de Gary Arce. On s’y sent bien. Tellement bien qu’on ne rechignera pas sur les trois morceaux pourtant au ton proche.
D’un côté, ces collaborations sont donc une vraie réussite, l’alchimie est bien présente et le résultat coule de source. Tout cela semble naturel pour eux comme pour nous. La recherche musicale est très riche avec des successions de couches complexes et très travaillées, des détails nombreux dans le spectre sonore qui se révèlent au fur et à mesure des écoutes, tout en gardant une cohérence et une musicalité dans un carcan atmosphérique.
De l’autre, le spectre de Yawning Man se fait parfois trop présent, en particulier sur le morceau d’ouverture. Heureusement, cette impression n’est pas valable pour l’ensemble et on se plait à découvrir quelques nouvelles facettes du talent de Gary Arce, même s’il reste dans sa zone de confort, imperturbable. A cela s’ajoute aussi une certaine homogénéité dans le traitement réservé à chaque chanteur, légèrement dissimulée par l’alternance.
C’est donc un vrai plaisir que procure l’écoute de cet album qui possède une ambiance dont il est difficile de s’extirper. Il reste néanmoins une très grande homogénéité bicéphale qui aurait gagnée à connaître des ruptures. Il y a en tout cas matière à évolutions pour la suite, que je n’espère pas hypothétique.
Hexenjäger – Black Titan

Après un EP sorti début 2015, les chasseurs de sorcières nous reviennent quasiment un an après avec un album complet.
Peu d’évolution, le style étant déjà bien défini et marqué sur leur premier enregistrement aucun besoin de tout bouleverser sans raison. Le son s’est tout de même alourdi et le travail en studio a payé, la guitare est tranchante et donne le ton pendant que la basse apporte la rondeur et le gras tant attendu, la batterie manque un peu de dynamique à mon goût mais l’ensemble fonctionne très bien comme ça. La voix est en retrait (comme il se doit ici) et a gagné en maturité.
Malgré ça le chant, croisement entre les intonations de Glen Danzig et le coté traînant de Jus Osborn accroche toujours un peu l’oreille de l’auditeur délicat que je suis et je me demande régulièrement si la note recherchée est juste à coté de celle obtenue ou si le problème vient de ma perception du morceau. Particulièrement sur le titre « Iron Riders » où le problème ressort plus qu’ailleurs.
Pour ceux qui n’auraient pas encore fait l’effort d’aller écouter l’album, le style pratiqué est un mélange de doom à la Electric Wizard, Black Sab’, voir même d’ambiance à la Boris et compagnie, On retrouve les mêmes ingrédients au niveau de l’univers du groupe : sample entre les morceaux, pochette vintage/ésotérique et son à l’ancienne. Plutôt cool non ? Moi j’aime.
Les riffs sont toujours bien trouvés et les passages instrumentaux (assez nombreux) fonctionnent à merveille, on est pris dans l’ambiance et chaque plan s’enchaîne sans faux pas avec le suivant. On sent que les gars sont des passionnés du style et connaissent leur affaire !
L’album se termine sur un morceau fleuve de quasi 20 min (et oui, c’est du vrai doom) qui pour moi est la vraie réussite du disque. La voix laisse plus souvent respirer la musique, les ambiances sont encore plus posées et développées, la guitare et la basse se permettent plus souvent de se dissocier l’une de l’autre apportant plus de richesse et de variations. Tout est à sa place et le titre passe aussi facilement qu’un morceau plus classique de 5 minutes.
Amoureux de plans lourds, lents et chargés en swing n’hésitez pas à jeter une oreille sur la nouvelle sortie des (Saint?) Nazairiens .

Agréable de retrouver des groupes passés de la rubrique « autoprod » à celle tant convoitée de « chronique CD ». Sans n’y voir aucune forme de mérite, le soutien d’un label apporte bien souvent un éclairage plus intense sur les performances des dits-groupes. Un peu «injustement » classé dans les autoprods à l’époque (leur précédent album « Cloud Eye ayant eu le soutien de Transubstans Records finalement), les siciliens de Elevators To The Grateful Sky (que l’on nommera ETTGS pour clore cette chronique en moins de 3412 mots) nous reviennent via Hevisike (le label qui nous vient des terre saintes de Birmingham).
Composé de quatre membres loin d’être manchots, ETTGS n’est pas du genre à errer sur la banquise mais plutôt à flirter avec les vents chauds ébouriffants les ondulantes chevelures en plein cagnard méditerranéen. Les maîtres du genre sont souvent invoqués mais les influences savent se mêler et s’enrichir le temps d’un break ou d’un refrain des scènes plus humide de NOLA et désensoleillée de Seattle. Le groupe a de toutes évidences des aisances techniques et ne semble pas souffrir à ce niveau de quelconques barrières, en témoignent les envolées solistes des 6-cordes, les placements rythmiques mitonnés et le groove naturel des riffs délicieusement chaloupés. Seul ombre pour ne pas succomber sous cette chape caniculaire de morceaux aux influences évidentes du désert californien : la voix. Faire du stoner rock classique sans faille implique un chant robuste. Cape Yawn pêche dans l’utilisation trop-en-avant du chant, pas foncièrement mauvais mais les lignes et l’interprétation ne sont pas à la hauteur des prétentions instrumentales. Dommage que des brûlots tels que « Ground », « I Wheel », voire l’intégralité de la première partie de l’album se voit perdre en efficacité ainsi.
Le précédent effort avait démontré une capacité à sortir du cadre en ayant recourt à des arrangements à l’harmonica ou au saxophone, permettant aux Palermitains de se dessiner une personnalité propre. La Sicile a toujours été une terre de passage mais qui appelle à l’évasion et c’est quand ETTGS se laisse pleinement voguer qu’il fait le plus mouche comme sur le riche « Dreams Come Through ». Mais il faudra surtout attendre la deuxième moitié de l’album pour voir le groupe s’échappait vers d’autres horizons. « Mongerbino » et son mix punk-rock au final funkisant, « Cape Yawn » l’instrumental clin d’œil à Yawning Man avec le dit-saxophone en appui, « We’re nothing at all » aux clappements de main surannés et à la lourdeur nouvelle, l’interlude saxophoné « Laura ». A noter qu’au fil de l’album, la voix semble mieux s’intégrer à l’ensemble. La versatilité dont tache de faire preuve le chant tape plus dans le mille ici. Un deuxième visage donc avec des titres plus fouillés, moins automatiques comme « Unwind » qui clôt les débats sur une touche acoustique pleine de promesse.
La générosité sicilienne se retrouve ici dans sa splendeur, 13 titres pour 50 minutes de musique, les quatre de Palerme en donnent (trop ?) pour vos esgourdes. Cape Yawn a un peu les défauts de son prédécesseur, à vouloir trop en proposer ETTGS semble se perdre dans ce qui lui est facile. Des facilités le groupe en a clairement et le potentiel d’écrire des hits aussi. Un troisième album est déjà annoncé, gageons que le nom Elevators To The Grateful Sky sera bientôt incontournable avec plus de bouteille et moins de dilution.

L’année dernière, quand j’ai découvert le dernier EP de Yidhra tout fraichement sorti, « Cult Of Bathory », je suis vite tombé amoureux. Pour épancher ma soif auditive, je me suis jeté sur leur premier et unique album à l’heure actuelle, « Hexed », sorti en 2013, et sur leur tout premier EP éponyme sorti en 2009. S’en est suivi une période d’écoute compulsive ayant duré… un long moment. Pourtant, l’écriture de cette chronique m’a pris du temps. Parce que quand tout est si bon, il n’y a pas grand chose à en dire. Ou peut-être est-ce l’inverse, et que ne sachant par où commencer, j’ai préféré me taire. Quoiqu’il en soit, ce silence a assez duré et la vérité doit être dite. Il est temps que le monde découvre Yidhra.
Quator basé à Los Angeles, le groupe emprunte son nom à l’oeuvre de Lovecraft et à son rebattu mythe de Cthulhu : Yidhra, autrement appelée The Dream Witch, est une déesse apparaissant généralement sous les traits d’une jeune et jolie jeune femme. Peut être est-ce elle que l’on aperçoit sur la pochette de l’album, la croupe charnue et aguicheuse et le visage voilé, caressant un crâne humain. Le sexe et la mort en parfaite communion.
Cette dualité marque dès le début du premier titre « Cult Of Bathory ». Le riff est lancinant et obsédant, et l’on s’imagine hébété face à la plantureuse Yidhra en pleine démonstration de souplesse dans le plus simple appareil. Pourtant, quelque chose dérange et nous empêche le laisser-aller. La présence du triton y est surement pour quelque chose : ce diabolus in musica nous gueule impétueusement que la mort n’est pas loin, et voile ce moment sensuel d’une épaisse fumée noire et inquiétante. L’instrumental « Iron Mountain » tripote le stoner avec un peu plus d’insistance, grâce à des ambiances cosmiques et psychédéliques combinées à du riff furieusement efficace. Le morceau suivant, « The Adversary », nous replonge quant à lui dans un doom plus traditionnel, avec des vocaux graisseux et une rythmique plus trainante. « Reign Of Terror » clôt l’EP sur un style beaucoup plus metal, parfois presque thrash dans sa construction, qui vient nous gifler sans prévenir. Peut-être que la présence de Bill Metoyer à la production (qui a produit Slayer, entre autre) y est pour quelque chose.
L’album a été enregistré en live et l’ensemble sonne un poil rétro, « vintage », comme l’aime à l’appeler les brocanteurs du dimanche face à un tabouret Tam Tam mêlant l’orange et le marron. Évidemment, la basse est très présente et notre chère fuzz également, le tout soutenu par un jeu de batterie faisant preuve d’un groove sans faille et servant très bien la construction des morceaux. La voix de Ted Venemann grave et rocailleuse colle très justement avec l’atmosphère du groupe, on l’aura compris, tournée vers la sorcellerie, la mort, et les monstres velus vivants sous les lits ou dans les placards.
Ce qui frappe à l’écoute de cet EP, c’est la cohérence parfaite de l’ensemble. Tout s’enchaine si bien, tout est absolument évident et à la fois original. C’est là la preuve indéniable d’un véritable savoir-faire et d’une totale maitrise de chacun des genres abordés. Classée assez injustement dans « doom », la musique de Yidhra est bien trop variée pour n’être réduite qu’à cette unique catégorie. Certes, on retrouve les sonorités lourdes et lentes caractéristiques du doom, mais il y a aussi beaucoup d’autres choses qui nous empêchent réellement de ranger le quator dans une case. Et ça, c’est signe de grandeur.
À déguster avec : du gingembre (ou n’importe quel autre aphrodisiaque)
![Zippo After Us desert rock 600x600[1]](https://desert-rock.com/dr/chrocd/files/2016/03/Zippo-After-Us-desert-rock-600x6001.jpg)
On ne va pas se mentir, le groupe Zippo n’est pas très connu dans l’Hexagone et c’est bien dommage. Car avec After us, le groupe, qui est en train de monter et de prendre la tête du peloton du Stoner italien, en est déjà à son quatrième album studio, et, quel bijou mes amis !
Pour ceux qui sont de fidèles fans du groupe, sachez que cet opus marque la première configuration à quatre musiciens : délaissant une guitare et proposant une nouvelle ode sonore plus pure. Mais bien qu’un instrument disparaisse, il ne faut pas imaginer qu’on se dirige vers un album plat. C’est tout le contraire, puisqu’il a été mixé et masterisé, dans le Sound of Sirens Studio en Californie, par Toshi Kasai. Pour la petite histoire, ce grand monsieur du Rock s’était déjà occupé de grands groupes tels que The Melvins ou encore Tool. En effet, d’un point de vue sonore, After Us est avant tout un album qui se veut sérieux par sa qualité très originale : par son mélange de son studio et d’ambiance live. Ainsi, les dynamiques de la guitare sont droites, sauf pour les passages clairs et psychédéliques, et, la basse a le droit à un espace plus élargi. Tandis que la batterie reste très brut à la manière des prises de sons des années 1990 (mais sans la caisse claire insupportable aux vieux échos décalés style année 1980). Enfin, les voix sont le plus souvent soutenues par de nombreux effets ou bien alors, s’insèrent dans un contexte tout aussi brut que la batterie.
Concrètement, cet album sonne efficacement par son ton lourd, simple, mais épais à travers une construction des plus intelligentes. L’ambiance générale s’annonce psychédélique, rythmique, puissante et parfois même, voyageuse. Par ces gros efforts sonores, c’est l’intérêt pour la méga grosse distorsion fuzz qui va tout de suite interpeler en écoutant le super morceau d’ouverture « Low song », la gigantesque « After us » ou encore « Comotose » ; un délice. Mais Zippo propose aussi une ouverture plus spirituelle avec « Familiar Roads » et la dernière chanson « The Leftlovers ». Au final, on y trouve un large panel d’influences (Prog, Stoner, Psyché, Sludge, Doom, Noise ou encore Post Metal) mais subtilement défini dans un même univers. Le groupe de détache donc de la multitude de formations qui se mordent encore trop souvent la queue. Rien qu’en écoutant des morceaux comme « Summer Black » ou encore « Stage 6 », on a l’impression de s’évader dans un monde qui n’existe pas encore. Et le jeu de batterie n’est pas innocent dans l’histoire, puisque la rythmique dessine des ambiances Funky, Jazz, Metal et Rock. Puis, aussi lourde que le son général, vous découvrez une voix grasse, forte, criarde et grave.
After Us présente donc des morceaux, avec de fortes personnalités, liés par une cohérence globale sans faute. Le quatuor italien offre ainsi une très belle réussite à leur carrière, qu’on espère encore forte en surprises.

Imaginez vous en train de profiter d’un verre de whisky dans ce saloon qui respire la mort, le souffre et l’alcool frelaté. Tandis que le pianiste vous joue un grand classique et que les filles de joie vous regardent du haut de l’étage, une partie de poker dégénère. The Texas Chainsaw Dust Lovers décide alors de dégainer le premier afin de refroidir une bande de pistoleros crasseux, violents, ivrognes et amoraux à coup de Me And The Devil. Vous l’aurez compris, ici on va voyager sur le dos d’un noble destrier afin de découvrir l’Ouest américain à la sauce italienne, et, surtout, avec un zest de citron à la française.
Après une belle réussite avec leur dernier EP, The Wolf is Rising, la bande nous emmène à travers huit titres respirant la maturité et l’authenticité artistique. Ici on fait régner l’ordre en tirant des coups de riffs de basse et de guitares bien lourds et fuzzy. Car la loi est celle du plus fort comme l’atteste cette batterie puissante réglant ses comptes avec le tempo. Et, ce chant envoutant, suintant l’amour bien sale, vous fera bien comprendre que l’anti héroïsme peut avoir ses bons côtés quand on sait maîtriser toute cette diversité et richesse vocale.
Ce premier album propose des titres plus riches les uns que les autres. Il suffit de prendre au pas « Me and the Devil » qui saura introduire la galette avec subtilité et légèreté, non sans quelques retentissements très à la Josh Homme en fin de partie. « Dark stuff » commencera tout doucement à vous faire monter en pression, puis « Summer spleen » marquera le point de non retour. Il est temps d’allumer sa pipe, histoire de digérer (n’est-ce pas Tuco ?). Pour les plus connaisseurs, on pourrait même y trouver un côté un peu effréné à la Royal Republic, mais le final prouve que TTCDL sont les maîtres du jeu. En effet, l’esthétisme de Me And The Devil gagne en profondeur avec tout ce qui va suivre. « My lover of the moon », qui est un bien bel hommage à QOTSA, est certainement le morceau le plus psychédélique et planant que le groupe ait pu porter. Puis « Doin no harm » ou encore « The sleepwalker » jouent les grands angles de caméras largement ouverts sur les paysages rythmiques imposants et expressifs : entre lenteur et intensité qui monte.
Ensuite, « That town under the sun » va vous mener vers une longue scène de duel : les regards se croisent, la sueur dégouline à souhait sur les tempes tendues, et, les visages brulés par le soleil reflètent l’inévitable. Finalement, le combat n’a pas lieu, le groupe préfère réconcilier en dégainant la grosse distorsion Fuzz et une parfaite démonstration rythmique avec « Leaving town ». Un morceau magnifique et riche en intensité qui conclut cette galette avec classe.
TTCDL offre ainsi la démonstration d’un large accomplissement sans faute avec cet album. Œuvre mature, riche en nuances ainsi qu’en subtilité, addictive, et, par sa fougue originale, Me and the Devil peut déjà prétendre à devenir un album culte.

Question : Qui aujourd’hui peut se targuer d’avoir tourné ces dernières années avec entre autres Kyuss Lives, High on Fire, Yob, The Sword, Corrosion of Conformity, Torche, Fu Manchu, Lo-Pan, Bongzilla et j’en passe et des meilleurs ? Sorte de panel (non exhaustif soit) de toute la mouvance stoner-doom-sludge s’il en est.
Réponse : Black Cobra, le duo dévastateur au sludge vindicatif. L’amateur de stoner ne serait pas qu’un hippie féru de grosses cylindrées. Les stoneheads ont donc la tête plus dure que l’on ne croit et se plaisent à corser les propos et la manière. Car Black Cobra ne fait pas dans le psyché recyclé, quand ils tapent dans le gras c’est à coups de triques sèches et par bien des aspects leur sludge flirte avec le punk et le hardcore. Pourtant les San-Franciscains se fondent dans la scène stoner-doom-sludge comme Clark Kent dans la population.
Passé chez Season Of Mist pour ce cinquième album, Black Cobra lance fort les hostilités, à l’image de l’artilleur Pike et de son autre groupe que Sleep, avec deux titres qui placent directement dans votre mâchoire de quoi clore les tergiversations sur si vous allez poursuivre l’écoute ou non. Si vous n’avez jamais posé vos esgourdes sur le duo américain, le décrassage de vos pavillons engourdis par l’excès de fuzz graisseuse risque de vous surprendre. « Challenger Deep » est la démonstration même de ce que le hardcore peut apporter au sludge : une intensité, une violence sèche, qui n’empêche pas un headbanging constant. Ralentissez, enduisez de saindoux, jouez de manière plus détachée et vous obtenez un titre de Fu Manchu période « We Must Obey ».
Depuis sa création en 2001 le groupe a ciselé son approche et particulièrement sa production. D’album en album se sont affinés le son et les arrangements et Imperium Simulacra est certainement l’aboutissement de ce chemin. On sent tout le travail fait sur la rythmique pour stimuler la redondance de la moissonneuse-riffeuse. Les breaks, feintes et autres cassures apportés par le jeu de batterie maintiennent l’attention car s’ils n’étaient aiguisés les riffs s’embourberaient dans la masse graisseuse de ces adversaires occis par la lourdeur du tranchant. Travail également fait sur la variété des morceaux et l’apparition d’éléments plus progressifs. « Fathoms Below » évoque une intro de Monkey3 vénère, et déroule un groove haletant entre doom et math-metal. Le titre sur plus de 8 minutes s’échappe même en terres enfumées propre à un sorcier électrique dopé par la double-pédale. Le groupe vocifère et distribue les bûches comme d’autres les pains avec « Eye Among the Blind » et « The Messenger » et dénonce sur cet album au concept rageur la prédominance des nouvelles technologies. « Obsolete » est emblématique du public des Stoned Gatherings qui s’encanaillent au Blackened Gatherings avec son intro blasté contrastant avec le couplet massue. Black Cobra est telle une horde lâchée en éclaireur pour défricher des terres inconnues au plus sage d’entre nous.
Le groupe se fend de jouer du rock, certes dur voire trop dur pour certains. Sa place au sein de la communauté stonerienne tient en un mot : le riff. Les influences sont communes à tout ce petit monde. « Dark Shine » en re-décline un bel exemple dans sa dualité doom/hardcore et son solo évanescent. L’album ne se digère pas facilement et plusieurs écoutes seront nécessaires pour passer la barrière d’apparente violence qui ne fait que masquer abattage de ces deux serpents noirs qui ont haussé leurs exigences en termes de subtilités mélodiques et rythmiques. « Sentinel » pousse le vice jusqu’à un break d’une sérénité inattendue. Quand s’achève l’album sur « Technical Demise » avec ses passages parmi les plus brises nuques de ces 48 dernières minutes et son refrain à scander, on comprend que les réticences une fois tombées, Imperium Simulacra est un album qui a sa place dans toute bonne discothèque de sludge variée et ouverte.
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