Blaak Heat Shujaa – Blaak Heat Shujaa

Blaak Heat Shujaa

Wow, je sais pas vous, mais lorsque personnellement je contemple la scène stoner française actuelle, je me dis qu’on n’a plus à en rougir. Certes les US restent les premiers pourvoyeurs en matières de groupes brûlants comme le désert, mais Glowsun, A Tijuana Trip, Wheelfall entre autres, et maintenant Blaak Heat Shujaa sont là pour glorifier notre chère patrie sur ce plan musical.

Et même, BHS fait plus que simplement jouer du stoner, c’est à dire des riffs sabbathiens à fonds les ballons enveloppés dans un gros son chaud et sablonneux (ce qu’ils ont quand même par ailleurs, c’est produit par Scott Reeder dans son ranch et marqué en toutes lettres sur la packaging pour être sûr qu’on n’oublie pas), ils télescopent de nombreuses variétés de musiques américaines propres aux immensités désertiques et en font un must musical. Clairement mon album stoner préféré de cette année.

Surf music (on se croirait dans un bon vieux surf movie des 60’s), passages ambiants à la limite du spoken word, psychédélisme texan (qui a dit 13th floor eleveators ?) et même sitar (alors là vous pouvez pas mieux tomber avec moi les gars, je boufferai du shankar du petit déj’ au soir si je pouvais), voilà ce qu’on peut être amenés à retrouver dans l’éponyme de BHS. La voix (les, selon certains morceaux, même Reeder participe) est suave, envoûtante et sertie d’une section rythmique que beaucoup de groupes envierait.

Ce disque est une perle, pas moins. J’ai l’habitude d’être dithyrambique mais BHS tape vraiment fort. Je ne les connaissais même pas avant de recevoir un message me proposant d’écouter leur disque et j’ai mis plusieurs semaines à me remettre de la claque distribuée.

Chaud, séduisant, terriblement envoûtant (le maître mot), Blaak Heat Shujaa dont le seul faux pas est ce patronyme à l’orthographe difficile (encore qu’à force de le taper sur le clavier, ça finit par rentrer) frappe fort. Parisiens d’origine, mais californiens de cœur, à n’en pas douter, je suis sûr qu’ils n’en sont pas à la première generator party, ou n’attendent que d’y participer. Bravo.

Orthodox – Gran Poder

Orthodox - Gran Poder

Ça fait longtemps qu’on n’avait pas chroniqué un bon disque de doom sur Desert-Rock.com. Corrigeons le tir avec ce lugubre premier album du groupe espagnol Orthodox. Packaging “moniacal” sommaire, quelque phrases en espagnol (me no speak mucho Spanish, sorry), livret marronâtre : on ne fait pas dans la gaudriole, déjà, au moment de se saisir du disque.

Une fois enfourné, le doute n’est plus permis : le premier titre, par exemple, fait tourner un riff unique, pesant, lent pendant au moins 7 minutes avant de voir l’incursion d’une seconde guitare pour gonfler un peu la texture d’un morceau mort-vivant, et voir la “chanson” digresser grassement pendant une demi-heure. Le reste est à l’avenant. Orthodox ne propose pas de chansons au sens premier du terme : les 4 plages qui composent ce CD (une heure au compteur, quand même !) sont en fait 4 riffs. C’est pas plus compliqué, et la démarche est rigoureusement respectée : on plaque le riff (si possible joué à 2 à l’heure et dans des tonalités basses pachydermiques), on le fait tourner un bon moment, seul ou accompagné de quelques spasmes de cymbales, de grosse caisse/caisse claire, ou de basse, et parfois, au bout de 10 minutes, on entend les mugissements lointains, étouffés d’un chanteur manifestement au bord du suicide.
Tout ça 4 fois successives.

Ca a l’air moyen, dit comme ça, mais au final, ça le fait. Ca le fait bien, dans le genre trip acide bien barré, faire tourner ce skeud en musique de fond est idéal. Il y a des groupes qui font des chansons pour qu’on les chante sous la douche ou dans sa voiture, d’autres qui s’attachent surtout à créer une ambiance, à maintenir un niveau de tension et d’intérêt “à part”. Orthodox est de ceux-là, et ils livrent ici une galette franchement bien foutue, que je conseille à tous les afficionados du doom notamment, et aux petits curieux !

High On Fire – Blessed Black Wings

High On Fire - Blessed Black Wings

Difficile, finalement, de lier High On Fire au mouvement stoner… En tout cas à la première écoute ! Evidemment, Matt Pike est au commande, LE Matt Pike qui restera pour toujours dans les mémoires le leader de Sleep, groupe stoner doom légendaire s’il en est… Mais High On Fire est bien loin des circonvolutions doomesques et aériennes de Sleep…
Quoi que… A bien y écouter, il semblerait que l’on n’en soit pas si loin que ça ! Et oui, passé le premier niveau d’écoute, une montagne de grattes rageuses et saignantes, un heavy gras et tranchant, on distingue des nuances remarquables, des envolées instrumentales bien caractéristiques… Finalement, High On Fire est peut-être la version “super heavy” de Sleep ! Musicalement, le groupe se situe donc clairement dans un croisement malsain entre Slayer et St Vitus, entre Motörhead et Electric Wizard…
Certes, leur musique n’est donc pas toujours facile d’accès, il faut se plonger dedans pour en discerner toutes les composantes, se frayer un chemin dans les “couches” de riffs pour commencer à apprécier ces compositions souvent épiques, mais ça en vaut largement la chandelle… Dès la 2ème ou 3ème écoute, vous serez conquis et commencerez à remarquer ici ce solo sublime (“Brother in the wind”), là cette rythmique “chape de plomb” (“Cometh Down Hessian”), et ailleurs ce riff superbe, “à la Matt Pike” (“Devilution”). A noter aussi le superbe “Sons of thunder”, instrumental épique, où les riffs volent et la batterie (limite percussion !) est presque tribale…
Si vous connaissez et appréciez les 2 premiers albums de High On Fire, c’est donc une évidence : inutile d’attendre plus longtemps, “Blessed Black Wings” est une pure réussite. Foncez !
Si vous ne connaissez pas encore High On Fire, par contre, la question est de savoir si vous adhèrerez. Si vous aimez les groupes mentionnés plus haut, c’est une évidence. Si vous avez un doute, par contre, et que vous souhaitez découvrir High On Fire, cet album est de toute façon un excellent point d’entrée : la production (Steve Albini, quand même !) est superbe, permettant (enfin !) d’entendre tous les instruments clairement, toutes les nuances du disque, là où les disques précédents du trio pouvaient sonner (surtout après avoir écouté celui-là !) un peu plus “bruts”.
Bref, il semble que dans tous les cas, cet album soit en quelque sorte indispensable ! A moins que vous n’appréciiez uniquement le stoner “old school”, cantonné à ses représentants les plus “classiques”, High On Fire représente une option excitante au genre, et en tout cas une fenêtre d’air frais ! Brutal mais jouissif !

Note : il semblerait qu’il existe une édition limitée, avec titre bonus (reprise du “Rapid Fire” de Judas Priest) et DVD, disponible lors de la sortie de l’album. Inutile de vous dire que dans ces conditions, l’achat paraît hautement recommandable…

My Sleeping Karma – My Sleeping Karma

My Sleeping Karma - My Sleeping Karma

Voici l’album idéal pour vous remettre les neurones en place tout en douceur lorsque les lendemains de veille sont synonymes de réveil douloureux ! Testé et approuvé. Constitué d’une suite de mélodies accrocheuses jouées en boucle et entrecoupées de passages plus soutenus qui vous éviteront de retomber dans l’hébétement, ce ravissant premier effort vous permettra d’émerger lentement en vous caressant les tympans sans jamais les agresser.

My Sleeping Karma, ce sont quatre jeunes allemands adeptes d’une certaine éthique DIY (superbe pochette réalisée par le guitariste, production assurée par le batteur), parmi lesquels on retrouve la section rythmique de feu The Great Escape et qui proposent ici six instrumentaux avoisinants presque tous les 8 minutes au sein desquels ils développent des idées simples et sans prétention à l’aide d’une gratte légèrement saturée (voir pas saturée du tout), d’une basse bien ronde, d’une batterie hypnotique et de synthés vaporeux. Présenté de cette façon, on pourrait penser qu’il s’agit d’un quelconque projet psychédélique, mais en évitant d’alourdir la production de tonnes d’effets afin de garder un son très organique et en incluant des passages plus heavy de façon équilibrée, My Sleeping Karma se positionne entre Monkey3 pour sa capacité à évoquer des émotions variées teintées de mélancolie et Brant Bjork pour l’aspect toujours décontracté des compos. Hymn 72, le titre le plus concis, n’aurait d’ailleurs pas dépareillé sur Jalamanta, tout comme l’intro de Intention qui ouvre par ailleurs l’album de façon magistrale grâce à l’impression apaisante qui s’en dégage, tandis que 23 Enigma, qui lui succède, débute sur le même ton avant de brusquement basculer vers le gros son auquel nous sommes coutumiers. En évitant de répéter inlassablement les mêmes schémas dans la structure des morceaux, ces six titres de qualité équivalente parviennent à maintenir l’attention de l’auditeur en lui offrant une large palette de sonorités sans jamais se perdre dans des délires psychédéliques, ce qui rend l’ensemble toujours très accessible.

Grâce à ce premier album, My Sleeping Karma établit un nouveau pont entre le psychédélisme et le stoner tout en affirmant d’emblée son identité parmi la myriade de groupes instrumentaux évoluant dans ce style. Et j’hésite encore à les ranger dans ma pharmacie plutôt que dans une étagère à cd.

Sideburn – Trying To Burn The Sun

Sideburn - Trying To Burn The Sun

La Suède. Encore. Trio dans le plus pur style stoner. Artwork psychédélique plutôt réussi. Son de guitare excellent. Gras à souhait. Batterie étrangement restituée. Mixage déséquilibré. Prééminence des cymbales et des toms. Caisse claire au fond. Grosse caisse imperceptible. Son de basse trop propre et trop aigu à mon goût. Voix qui se cherche encore. Maniérisme campé entre Ian Astbury et John Garcia. Moyennement convaincant lorsqu’il n’est pas filtré par des effets. Morceaux corrects et efficaces. Quelque part entre Kyuss, Nebula et Twin Earth. Dans un style très vintage end-sixties. A la Blue Cheer. Certes intéressant. Mais pas de quoi s’arracher les favoris. Encore légèrement trop conventionnel. Leur futur est dans leur avenir. A eux de s’en acquitter de la manière la plus attractive possible. Ils en ont la capacité.

Orange Goblin – Healing Through Fire

Orange Goblin - Healing Through Fire

6e plaque pour les gravos du pays de Sa Majesté et un beau retour aux sources point de vue riffs: spontanéité et envoi direct en plein dans la face. Ca part sur un effet de wah-wah qui annonce la couleur très rapidement dans un élan 100% rock pour aboutir aux vociférations si typées et identifiables du géant Ben descendu de sa montagne pour l’occasion.

Ok, rien de neuf sous le soleil mais c’est quand même toujours aussi bon. Faut croire que ces groupes prennent un malin plaisir à retourner aux sources et à l’énergie vibrante de leurs premiers albums.

La voix est toujours rageuse et les paroles, on l’aura deviné, étrennent toujours les thèmes des 5 premiers albums du Sab. Je me suis demandé pendant pas mal de temps comment cette voix pouvait coller aussi bien à la zique d’OB. Outre la personnalité et la présence du frontman, je pense que cela vient de son côté étouffé (entendez par là en termes de basses fréquences propres au stoner).

A leur écoute, on pense toujours à la gomme des pneus sur le bitume, aux moteurs surgonflés, à la bière fraîche qui coule à flots, au whisky frelaté, aux filles faciles et autres clichés rock. Pas très original me diront certaines et certains mais quand on est mordu du style, il est difficile de ne pas y succomber. J’ai oublié de mentionner qu’un cuir et un jeans crades sont de rigueur (n’ayez pas l’air d’un yéyé).

La 4e chanson et son riff hypnotique nous offre une vision plus carrée du groupe mais ne tarde pas à digresser dans le groove au fil des minutes. La 6e plage au titre éponyme est une petite perle façon Orange Goblin toute en puissance et en parfaite maîtrise des petits contre-temps si doux à l’oreille. OB s’offre même un petit interlude acoustique et on pense au Planet Caravan du Sab. Cependant, n’allez pas penser qu’il s’agisse de plagiat. On finit aussi avec un long morceau blues qui dégénère en disto sur la fin (dur de se retenir avec une telle bande de gaillards) avec de l’harmonica pour l’occasion.

Enfin, il est à noter que le son du groupe est plus produit et révèle un mix plus clean que sur The Big Black par exemple. Il en ressort d’ailleurs plus de dynamique même si cela risque de déplaire aux fans de la 1ère heure. Mais je crois que je vais trop loin dans mes suppositions car cet album vaut vraiment le détour. Pour celles et ceux qui hésitent encore à se le procurer, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Pelican – Untitled

Pelican - Untitled

Initialement sortie en tant que EP auto-produit en 2002, cette petite plaque de près de 30 minutes tout de même a été ré-éditée par la maison de disques en 2003. Elle nous jette déjà les bases et le son mille fois reconnaissables de ce qui deviendra un groupe majeur dans le domaines du post-rock instru psyché et du drone. On y retrouve ici des plages moins fouillées et plus décousues mais le son si caractéristique de l’oiseau gauche possède d’emblée son grain froid et impétueux.

Là où Pelican se distingue particulièrement c’est dans ses attaques de guitare glacées et hypnotiques, le tout soutenu par une section rythmique très aérienne et subtile, comme si le bourreau prenait son pied à torturer sa victime ou plutôt son instrument. Torture de l’auditeur? Pas du tout. Les riffs parfois à fort penchant doom s’effacent subitement pour des passages brumeux dans le domaine du drone, le tout dans un ensemble tellement jouissif qu’on en redemande.

Les 4 titres de cette plaque sont de longueur très inégale (entre 3 et 14 minutes) mais s’enchaînent incroyablement bien. D’ailleurs, tant au début qu’à la fin des plages, l’ingé son à laissé tourner la bande de sorte que les petits “ratés” donnent un feeling de répétition bougrement bien ficelée.

Et quelle puissance! Le pélican sort déjà ses griffes pour mieux réussir son envol. Quand il décolle, c’est le grand tour en planeur assuré… de la haute voltige… le saut de l’ange… Jonathan Livingstone n’a plus qu’à se rentrer sa paillasse. Petit à petit, l’oiseau fait son nid et pas question d’en tuer l’œuf. Pelican est jeune mais vole déjà comme un grand.

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Avis de Chris :

Ces volatiles-là font dans le rock instrumental et expérimental. Récemment signé sur Hydrahead, ce quatuor ailé nous livre une production de quatre morceaux dooms et terriblement répétitifs. ‘Pulse’ ouvre les feux de cette bizarre expérience ; ce titre, qui commence par un larsen du plus bel effet, est articulé autour d’un unique riff très aigu soutenu au début par des cymbales puis, dans un deuxième temps, par une grosse caisse. ‘Mammoth’ est une morceau doom pachydermique et litanique terriblement agréable. ‘Forecast For Today’ suit le troupeau d’éléphants préhistorique dans un registre un peu plus rock et debridé ; ce troisième morceau fini comme un feu d’artifice avec ses roulements de toms et ses grands riffs distordus. Pour clore cet album, nos pêcheurs volants, ont opté pour un titre de douze minutes basé sur une rythmique sobre mais efficace sur laquelle viennent se greffer tout à tour un riff très trashy, un solo de guitare (plein d’effets) entrecoupé de larsen divers et un break de basse hypnotique. Pour ornithologues curieux.

Valient Thorr – Immortalizer

Valient Thorr - Immortalizer

Ca fait un moment qu’ici sur Desert-Rock on tourne autour des ricains barbus de Valient Thorr, on les voit en live, on entend leur musique… mais on n’avait jamais chroniqué leurs disques. Cette erreur se devait d’être corrigée, car voilà un groupe fort recommandable.

Evoluant dans un gros stoner qui tâche, tendance hard rock bien gras, les 5 barbus américains vous prennent à la gorge et ne vous lâchent plus pendant 13 titres velus et véloces. Chaque titre claque et chaque riff tranche dans le gras comme la mâchoire d’un pitbull dans la cuisse d’un nouveau-né. Furieusement efficaces, les titres du groupe ne sont toutefois pas aussi bourrins que l’on pourrait le penser. Les tempi sont généralement plutôt rapides, mais un groove de basse leur apporte une générosité que l’on entend rarement dans ce genre. Les refrains, même si hurlés pour beaucoup, sont autant d’hymnes à la gloire du gros stoner metal baigné de houblon. Musicalement, on n’est pas dans la démonstration onaniste, et pourtant on sent le groupe qui, visant l’efficacité, en garde “sous la pédale” (voir les superbes soli disséminés ici ou là, les diverses harmonies de grattes, ou encore ce court instrumental acoustique). Enfin, les paroles, dans un style original et souvent métaphorique, apporte une dimension sincèrement intéressante à la musique du groupe.

Maîtrisant parfaitement ses propos et ses intentions (les titres sont courts, efficaces, percutants, et n’ont pas une once de gras – le meilleur du punk, sans les défauts du genre !), Valient Thorr, sans pour autant se (nous) prendre la tête, signe avec cette galette un album ni prétentieux ni pompeux. En revanche cette galette de hard stoner saura donner la bave aux lèvres aux amateurs de concerts intimes de harpe durant les soirées d’hiver au coin du feu. Roboratif, rempli jusqu’à la gueule de morceaux taillés dans la chair, vous n’en sortirez pas indemnes.

Lesbian – Power Hör

Lesbian - Power Hor

Avec un nom de groupe pas toujours évident (surtout dans l’Amérique puritaine) pour une musique qui l’est encore moins, on peut dire que Lesbian n’a pas choisi la voie de la facilité.

Leur musique est un mélange surprenant de black metal et de stoner avec des riffs façon 70’s. De quoi déconcerter à la première écoute. Vous ajoutez une touche atmosphérique façon Isis ou Neurosis à très petite dose et vous obtenez un paysage musical large et sérieusement vallonné. Parce que sur cette plaque, il est bien question de montées et de descentes et l’auditeur se voit parfois malmené dans les changements de riffs, de rythmes et d’atmosphères.

Une voix gargantuesque et plus dans le registre du premier style musical précité passe la couche finale et s’exprime aussi allégrement dans les passages emplis de blast beat. Pas évident mais vraiment intéressant surtout que Lesbian a accouché ici de 4 morceaux entre 8 et 25 minutes. Et le travail de composition et de structuration n’en est que plus impressionnant. A noter que leurs riffs ne tombent jamais dans la sur-complication et la prise de tête.

Point de vue prod et mix, Randall Dunn (Sunn O))), Boris, Earth…) a fait du très bon boulot et le résultat final est sans reproche au niveau du son.

Lesbian sait prendre sont temps et exploiter les subtilités des ambiances pour faire monter la sauce sans lasser l’auditeur. Si on devait définir leur musique? Ca sent le malaise, les matins brumeux, les sujets qu’on n’a pas envie d’aborder et que l’on préfère terre au fin fond de soi-même. Seattle n’a pas fini de nous réserver des (bonnes) surprises.

Caldera – Holy Word To Unholy Species

Caldera - Holy Word To Unholy Species

Enfin ! Voici venu le second enregistrement de Caldera. Cinq titres. Deux instrumentaux. Dont l’un offre une nouvelle version du « Sinister purpose » de Creedence. Monumental ! Le groupe s’est approprié ce titre comme s’il l’avait composé lui-même. C’est dire ! Monstrueux d’efficacité ! On s’incline. Mais avant de savourer cette cover, le groupe nous propose quatre autres titres de sa fabrication. Et là, deux points vous frappent immédiatement. La première : l’arrivée de Matt au chant constitue une valeur ajoutée incontestable. Le bestiau s’impose à son poste avec une majesté certaine. Maniant sa voix avec une habileté féline dans un registre oscillant entre grain rauque et mélodies chaleureuses. Pénétrant. Un vrai putain de chanteur ! Et sans accent s’il vous plait ! Le second point tient évidemment à la qualité de ces quatre compositions. Caldera se situe bien au-delà du stoner rock et du doom. Et oui. Ne se contentant pas de ressasser bêtement les conventions de ces genres, le groupe intègre à sa musique un certain nombre d’autres influences à connotation plus metal (entendu au sens large, hard rock y compris). A cela, ajoutons que le groupe dispose manifestement d’une créativité débridée lui permettant d’élaborer des pièces musicales particulièrement denses et variées. La combinaison de ces éléments conduit d’une part à l’affirmation d’une identité singulière et d’autre part, à l’excellence. Bien sûr, on pourra toujours leur reprocher la faiblesse de la production. Mais tenir des raisonnements dénonciatoires aussi simplistes exigerait, par souci de cohérence, de sortir le carnet de chèques dans un même mouvement. Non, l’essentiel ne tient pas ici à la qualité de la production. Loin de là. Ce que Caldera donne à juger ici tient uniquement, à mon sens, à ce qui se révèle à l’écoute de ces cinq titres. C’est-à-dire une capacité à produire des morceaux de heavy rock foutrement efficaces. Et le potentiel du groupe semble énorme. Qu’ils persistent dans cette voie et ils défonceront bientôt toutes les boites crâniennes situées à l’ouest du Pecos, à l’est d’Eden, au nord de l’Etoile et au sud de Nulle Part. Le carnage ne fait que commencer !

Sheavy – The Golden Age Of Daredevils

Sheavy - The Golden Age Of Daredevils

Ne ratant pas la moindre occasion de se coller dans une salle et de jouer, les canadiens de sHEAVY, alors que leur album « Disfigurine » n’était même pas finalisé, ont décidé de prendre part au projet RPM : enregistrer un album de A à Z, de 10 titres ou 35 minutes, durant un mois, en l’occurrence février. Disposant de compos écrites en présence de leur gratteux précédent, Chris White, le groupe voit là une occasion de fermer la parenthèse en les enregistrant une bonne fois pour toute, avant de se remettre au travail sur « Disfigurine ».
Que dire de cet album, si ce n’est qu’il ne recèle pas la moindre surprise, et que c’est très bien ainsi ? Les compos sont loin d’être bâclées (voir l’émouvant instru « Lucifer at sunset » ou « Loving the abyss » et son envolée finale), les musiciens assurent (notamment superbe basse sur l’intro de « Sunday morning suicide » ou « For those »). Et au final, vous aurez votre dose de titres 100% sHEAVY-esques (« The golden age », « Neutron star » ou le titre caché à la fin, probablement le meilleur de l’album) et de riffs patibulaires («The black tower »). Que demander de plus ?
Issu d’une démarche pour le moins atypique dans une carrière discographique lambda, « The Golden Age » trouve finalement bien sa place, et même si l’on pouvait craindre un disque de « remplissage », la qualité est au rendez-vous et les fans de sHEAVY (ou de stoner au sens noble du terme) en auront bien pour leur argent.

Hackman – The New Normal

Hackman - The New Normal

Gros flou sur ce groupe de ma part, mais les premières notes m’ont fait me jeter sur leur bio. Hormis le fait que la paire rythmique a fait partie du trop tôt disparu Lamont (une belle bande de rednecks laboureurs de gratte, et accessoirement de tympans), on sait peu de choses de cette triplette, et ce premier album marque donc leur première sortie “au grand jour” sur la scène stoner internationale.

Car oui, Hackman fait du stoner comme on l’aime. Et finalement, c’est assez rare pour être signalé avec panache. Hackman balance des riffs par caisses entières, et chacun de ses riffs est à lui seul aussi percutant que les 3 derniers albums de Fu Manchu (OK, 2 et demi, le dernier est plutôt bon). Ce déluge guitaristique repose fièrement sur une chape de plomb rythmique dont le groove (voir la basse sur “You can’t ever get what you want”) le dispute à la densité. Le spectre de Karma To Burn tourne avec bienveillance au dessus de la platine CD au fur et à mesure que les plages défilent : la comparaison ne s’arrête pas à ce sens du riff ultime et de la rythmique groovy, mais bien au fait que 95% de ce disque est instrumental ! On pensera aussi à Kyuss (en terme de filiation plutôt que de plagiat) ou encore à Operator Generator et Milligram (pour la densité pachydermique de la musique).

Ce qui laisse 5% de “chanté”. On émet la première réserve sur la musique de Hackman vers la fin de la seconde plage, lorsque Darryl, le gratteux, nous laisse subtilement percevoir la tendresse de son chant. Borborygme guttural au possible, sur fond de cordes vocales élimées par des litrons de bière tiède, les parties chantées de l’album n’apportent pas grand-chose à l’édifice.

Passés ces instants un peu “rugueux”, on se laisse à nouveau prendre par la musique du groupe, qui évolue entre morceaux hautement mélodiques et groovesques, et brûlots de stoner-metal bien charpentés : autant les musiciens peuvent redoubler de feeling (voir la ligne de basse de “Ababac”, ou le planant “Fuck you I played Altamont”), autant lorsqu’ils se mettent à envoyer du bois, c’est par stères entiers dans la face (le gras du bide “The anthem”, “Chin music”).

Une première galette brillante, modeste orgasme musical, et en tout cas un groupe d’avenir (espérons-le, on en veut encore, des albums de cette trempe !).

Darsombra – Ecdysis

Darsombra - Ecdysis

Premier jet de Brian Daniloski, ‘Ecdysis’ se distingue dans un registre mi-expérimental mi-drone dans la droite ligne de ce que d’aucuns qualifient de grande bouffonnerie. Même si le cerveau malade qui mène ce projet s’est déjà produit en compagnie de formations qui tabassent comme High On Fire ou Mastodon, son style se rapproche indeignablement de Sunn0))) avec toutefois une touche très personnelle due à quelques incursions de sitars dispensées çà et là dans son étrange architecture sonore.Moins cintrées que certains projets dronisants, cette production aux accents orientaux et aux riffs plombés s’adresse toutefois à un public averti. Difficile en effet de pénétrer cet univers sonore où cohabitent de grosses guitares grailleuses, de subtils sitars et des chants hallucinés comme sur ‘Drag The Carcass’ qui est certainement le titre le plus abouti, et le seul contenant des voix ‘humaines’, de cet ovni musical.

Viaje A 800 – Estampida De Trombones

Viaje A 800 - Estampida De Trombones

6 ans après leur premier petit bijou, et après un hiatus de plusieurs années qui pour beaucoup signifiait la mort du quatuor andalou, Viaje A 800 revient finalement en pondant une nouvelle galette au moins aussi excitante et rafraîchissante que son prédécesseur était étourdissant.

Manifestement, et ça saute aux oreilles dès les premières écoutes, le groupe s’est reformé pour les bonnes raisons. Certainement pas pour essayer de trouver le secret vers le succès “mainstream” ; plutôt pour expérimenter, se faire plaisir, et à nous aussi par la même occasion.

Attention toutefois, il ne faut pas assimiler “expérimenter” et “faire n’importe quoi pour se faire plaisir, et avec un peu de chance, un ou deux mecs bien barrés vont apprécier”. Non, on parle ici de pousser le stoner traditionnel dans des retranchements aventureux, de le porter sur le fil du rasoir, à cheval entre une foison de sous-genres. Jamais on ne se vautre dans le doom, jamais non plus on ne se laisse déborder par des déluges fuzz, on est toujours borderline, mais sans jamais vraiment lâcher prise. Une bien belle maturité pour un groupe qui n’a que 2 LP à son actif.

Avec le premier tirtre, “Los angeles q hay en mi piel”, on sent que le groupe veut nous emporter vers des sentiers subtilement doomesques (rythmiques lentes et lancinantes, chant hanté), puis dès “El amor es un perro del infierno” et ses soli (en fond) lancinants (typiques du desert rock est-californien), on abandonne toute velléité d’étiquettage et on se laisse aller. Certains titres peuvent apparaître plus faibles, mais au final, cette galette représente un très agréable “rollecoaster ride” : on se laisse aller, on navigue entre instrumentaux fiévreux (“Dios astronomo”, ou le très folk et hispanisant “Luto” qui tourne limite à la BO de western) et chansons plus percutantes (“Zé” et son intro qui ferait headbanguer un cheval). Notons au passage que le chant est en espagnol, ce qui surprend évidemment, mais s’avère totalement adapté.

Bref, une bien bonne galette, qui, même si elle donne l’impression de partir un peu dans tous les sens, ne paraît pas pour autant “décousue”. Sincérité et intégrité sont les maîtres mots de cet ouvrage, rimant en l’occurrence avec qualité et plaisir auditif. Un bien agréable album.

Asteroid – st

Asteroid - st

Découvert à la faveur d’un split encensé par la critique l’année dernière, Asteroid revient sous les feux de la rampe avec ce premier album sans titre dont on attendait pas grand chose mais qui se révèle être une belle surprise, renforçant le sentiment que 2007 sera un excellent crû stoner. Fuzzorama a décidément le nez bien fin pour dénicher de jeunes loups avides de se faire une place au sein de la meute en balançant des albums frais et innovants et ces petits nouveaux pourraient bien faire parler d’eux autant que leurs compatriotes de Truckfighters.

Plus qu’une confirmation, ces onze titres constituent une véritable révélation tant le trio semble avoir évolué depuis le split, particulièrement au niveau de la composition plus fouillée et plus aboutie. Sans jamais se départir d’un talent mélodique évident, Asteroid reprend ici le flambeau de Mammoth Volume, un groupe précurseur souvent mésestimé, en incluant une dimension progressive salutaire à leur Fuzz Rock, s’éloignant en cela des stéréotypes d’un genre qui commence à se mordre la queue. Chaque titre s’efforce en effet de s’extirper du carcan trop strict du Heavy Rock expédié tout fuzz dehors (même si celui-ci est très présent) en incluant un tas de break, en sortant la basse terriblement groovy de son rôle strictement rythmique pour venir doubler les lignes mélodiques ou en se jouant des alternances couplets-refrains. Par « progressif », n’entendez pas des plages de quinze minutes tarabiscotées et bourrées de solos interminables, Asteroid se contente de pondre une suite de titres directement assimilables où les enchaînements de riffs juteux, de plans Folk ou Blues et de passages acoustiques se font avec la plus grande fluidité et sans précipitation grâce à des arrangements soignés, ne requérant aucune concentration particulière de la part de l’auditeur. Avec la matière qu’on retrouve ici, certains groupes auraient pu faire trois albums. Mais nos jeunes suédois, visiblement très inspirés, préfèrent ne pas se fixer de limites et empilent toutes leurs idées souvent excellentes pour un résultat qui, surprise, est loin d’être indigeste, parvenant même à rester excitant de bout en bout. Difficile d’extirper un titre du lot, tous se valent et contiennent un moment de pur bonheur mais s’il ne devait en rester qu’un, ce serait probablement Little Fly qui synthétise à lui seul toutes les qualités de l’album.

Les pourvoyeurs de rythmiques linéaires et de riffs éculés peuvent commencer à se faire du souci. Asteroid, aux côtés de quelques autres, est en train de propulser le stoner dans une nouvelle ère où les groupes sans audace n’auront pas leur place.

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