Monkey 3 – Sphere

Les primates helvètes et ma pomme c’est une romance à l’eau de flamand rose qui dure depuis une flopée d’années en ce qui me concerne. En plus d’être composé d’individus fort sympathiques et chaleureux, qui se trouvent être des compatriotes de ma petite personne (personne n’est parfait), des bêtes de scène et des musiciens formidables, les tribulations du quatuor dans la galaxie stoner ont débuté quasi-simultanément avec le lancement de ce site à une époque où le stoner et ses multiples dérives se propageaient sous le manteau dans des réseaux plutôt underground ; forcément ça tisse des liens… C’est assez gratifiant de se poser un moment pour considérer l’évolution populaire du genre qui nous tient à cœur et c’est carrément toujours aussi excitant de se poser un moment pour se plonger dans une nouvelle production du quatuor de Lausanne.

Comme c’est le cas à chaque nouvelle livraison de ces maîtres de l’instrumental psychédélique, une certaine appréhension a précédé les instants précédant l’envoi du flux de décibels pour rassasier mes oreilles (j’étais tout fébrile) ; est-ce que ces garçons allaient me décevoir en commettant la galette trop avant-gardiste ? Ou alors allaient-ils me plonger dans un voyage galactique au sein de leur univers musical si envoûtant qui allie parfaitement les volets psychédéliques des nappes synthétiques ainsi que de la guitare et les précises rythmiques métronomiques ?

Après avoir lancé la lecture (numérique et il me tarde me lancer dans sa version analogique – voir le point vinyle plus bas), je retrouve les saveurs qui constituent ce que j’affectionne tant dans ce groupe. Je suis rassuré (ils ne nous ont pas trahis) et peux dérouler les six nouvelles compositions en toute décontraction en m’immergeant dans ce Sphere dont l’artwork est sublime (je note au passage que ça promet une kyrielle de chouettes déclinaisons pour le merch). Les yeux grands fermés, mon âme arpente cet album de bout en bout et je me retrouve, comme à l’accoutumée avec Monkey 3, captif de ces sorciers du rock. Je me repasse les titres, j’approfondis le déchiffrage des nouveaux titres et, dans une démarche plutôt introspective, exempte des stimuli du quotidien, je suis transporté par cette nouvelle réussite à mettre au crédit de pionniers de ce style.

Éloigné de son prédécesseur, Astra Symmetry, et de ses orientations orientales, le millésime 2019 se rapproche plus de Beyond The Black Sky voire de leur premier effort éponyme. Il est à la fois compact, intense et minéral. Question formes circulaires, le prolongement du jazzy « Circles » sur The 5th Sun n’est pas au sommaire de cette sortie plutôt froide et métallique à l’image de « Spirals » – le premier titre – qui renoue avec les compos alambiquées et inspirantes de Pink Floyd. Cette mise en bouche débutant sur des nappes synthétiques fait preuve à son apogée d’une redoutable puissance.

Burné, ce nouveau chapitre ? Clairement oui, mais pas bourrin ! Telle la sélection de compositions figurant sur Live At Freak Valley, la présente moisson se distingue par une interprétation pugnace de compos psychédéliques même si l’âme du Flamand Rose plane toujours autant (l’intro d’« Axis » est un joli clin d’œil). « Mass » illustre particulièrement la volonté d’envoyer du lourd avec sa rythmique quasi-martiale qui ne passe au second plan que lorsque les soli à la guitare déferlent, histoire d’en foutre plein la gueule à l’auditeur. Ce titre de six minutes devrait séduire quelques metalheads vu ses inspirations vintages qui leur rappellera une certaine déclinaison du hard rock d’autrefois (l’âge d’or des guitar heroes).

Dans un style concis, nous avons le simple et efficace « Ida » et ses relents acoustiques au début qui tourne durant à peine 4 minutes et sert de mise en bouche au morceau fleuve de l’album : « Ellipsis ». Les 14 minutes qui mettent un terme à cette plaque (qui frise avec l’heure de jeu) sont un condensé des gimmicks qui séduisent tant chez Monkey 3 avec des voix humaines en final. Cette ultime composition organique baisse un peu le niveau couillu en accentuant l’ambiance planante même si un riff saturé plutôt simple se décline au second plan durant la moitié du morceau.

Après de nombreuses écoutes, ma préférence va au quatrième titre de l’album : « Prism ». C’est une putain de pièce d’orfèvrerie qui flirte avec la perfection et qui promet de tout déchirer en live. Amenées par les nappes des machines de dB, ces 9 minutes montent en intensité tandis que le temps s’écoule : quelques coups de boutoir envoyés par Kevin et Walter viennent ébranler l’auditeur avant que Boris déploie de gros riffs saturés qui cartonnent bien, entraînés par avec une accélération du tempo. On plonge ensuite dans une ambiance maîtrisée par ces quidams à savoir un solo magistral sur lequel le Grand David Gilmour n’aurait pas osé cracher !

Trois ans après leur précédent album studio, les quatre garçons dans les brumes du Lac Léman réalisent un disque exemplaire à la fois aérien et burné comme il faut, exactement dans le registre où ils excellent : merci les gars, vous m’avez fait rudement plaisir une fois de plus !

 

Point Vinyle :

Comme d’hab avec Napalm, les fans vont être servis. On commence par le noir traditionnel avec un double gatefold accueillant sur les faces A, B et C les 6 plages complétées par une gravure en face D. On monte un poil en gamme avec l’édition dorée qui reprend le concept de la précédente, mais couleur or tirée à 300 exemplaires. On termine par le boxset ultime transparent qui se calque sur les déclinaisons déjà citées, mais est agrémenté d’un lp live capté à la Kulturkeller avec au sommaire des titres assez récents : « Icarus » sur une face et « The Water Bearer » ainsi que « Crossroad » sur l’autre ; un slipmat forcément indispensable complète le dispositif tiré à 500 exemplaires qui fait baver les aficionados depuis l’annonce de sa sortie.

Cowboys & Aliens – Horses Of Rebellion

Faute avouée est à moitié pardonnée : votre serviteur avait perdu la trace de Cowboys & Aliens après le virage des années 2000. Après l’explosion en plein vol de Buzzville records (le label belge ne se focalisait pourtant pas forcément sur les groupes « compatriotes ») et une paire d’albums pourtant excellents, le groupe plie bagage vers 2006 et ne donne plus signe de vie. Il s’avère avec le recul que le combo belge s’est reformé il y a 8 ans environ et a proposé une paire de sorties (EP, LP) qui sont restées sous notre radar. C’est en partie par hasard que l’on retrouve la trace des flamands en ce début 2019 à travers ce sixième album.

La (re)prise de contact est plutôt froide ; un peu comme des amis qui ne se sont pas vus depuis presque 15 ans, qui ont évolué séparément, se sont construits des parcours différents. Bref : on ne retrouve pas tout de suite le Cowboys & Aliens que l’on avait tant aimé. Mais après quelques écoutes, et notamment en se replongeant dans leur discographie, il devient vite évident que ce constant n’est pas imputable au groupe. En effet, Cowboys & Aliens est resté fidèle à lui-même et à ses origines : le quatuor de Bruges a toujours été porté sur le segment le plus « énervé » du stoner, plus propice à écraser la pédale de disto que celle de fuzz, et plutôt amateur de rythmiques nerveuses et de riffs acérés que de plans lents et lancinants. Or dans ce contexte, ce Horses Of Rebellion se révèle à l’usage un bon disque.

“A l’usage”, car même une fois que le postulat est clarifié, l’album reste difficile d’accès, un peu âpre en première approche. Il faut vraiment faire l’effort de faire tourner la rondelle un bon paquet de fois pour voir émerger la qualité des titres (encore une fois, c’est largement dû au fait que notre cortex s’est habitué à des standards stoner différents avec les années…). Une qualité qui est bel et bien au rendez-vous, avec très peu de faux pas sur les onze titres de ce disque, voire quelques vrais moments de grâce : on pense pêle-mêle à ces plans de guitare lead impeccablement catchy qui enrobent le refrain de “Still in the Shade”, au riff principal de “Sheep Bloody Sheep” et son refrain mélodique sorti de nulle part, au groovy morceau titre “Horses of Rebellion” et son refrain, au punk-isant “Refuse”, etc… Chaque titre trouve a place, du mid-tempo mature aux brulots heavy nerveux dans une rondelle solide de trois quarts d’heure bien remplis.

Cowboys & Aliens est donc un combo bien vivant, intègre et fidèle à ses ambitions musicales initiales. Cette tendance musicale, prépondérante au virage des années 2000 sur la planète stoner, s’est largement résorbée depuis… De fait, aujourd’hui, le groupe rentre moins dans le moule des sorties auxquelles on est habitués, mais il serait pourtant dommage que l’amateur d’un stoner un peu pêchu, relevant de la frange la plus “metal” du genre, ne se penche pas sur cette sortie et sur ce disque, qui gagne largement à se faire connaître.

Heavy Feather – Debris & Rubble

Heavy Feather au travers de Debris & Rubble se fait jour le 5 avril avec une plongée dans un univers 60’s-70’s gavé de Blues Rock et de références telles que Cream ou  Lynyrd Skynyrd. Une première création pour ce quartet qui m’a interpellé dès les premières notes pour son dynamisme et sa fraîcheur.

Heavy Feather attaque fort avec un titre éponyme qui nous laisse entrevoir au travers du temps de l’espace les Lynyrd Skynyrd des origines. Le groove des pistes “Where Did He Go” et  “Waited all My life” sont un sublime présage porté par la voix suave et bluesy de Lisa Lystam. Assissterait-on à la résurgence d’un Blues Pills avec la noblesse en plus? Les riffs de gratte autant que l’exubérance de la batterie laissent entrevoir cette possibilité. Je t’invite d’ailleurs à faire un saut sur la piste Higher qui sonne comme un hymne façon Aretha Franklin…

En y pensant, c’est peut être là l’indice qu’il fallait.  Oui la compo de “Higher” peut être scandée et t’emporter plutôt pas mal, mais il faut avouer que cela n’a pas toute la saveur escomptée. Les titres suivants le confirment, ils s’enchaînent et le relief qui semblait se dessiner au début de l’album se gomme. Heavy Feather est monté haut d’entrée de jeu mais une fois au sommet de son art c’est un peu plat.

Soyons justes, l’utilisation de l’harmonica est du plus bel effet et revient toujours à point nommé pour enrichir le blues rock posé sur la galette Debris & Rubble. On sent de belles influences venues de la charnière 60’s-70’s et plus particulièrement une gratte inspirée par le blues d’un Jimi Hendrix. Oui tout est très bien enregistré et sonne très propre. Cependant quand le groupe se tourne vers des sonorité plus country rock je commence à m’ennuyer assez fermement. En gros on pourrait dire que tout cela est aussi désaltérant qu’une bière accompagnant une choucroute, ça semble frais mais ça devient vite indigeste.

Le chant de “Dreams” autant que les gammes de la basse n’en finissent pas. Le point d’orgues résidant sans doute dans les deux titres de clôture, “Tell me Your Tale” et “11 Whispering Things” qui m’ont fait l’effet d’une plongée dans l’univers chatoyant d’un Buffalo Grill.

Je vais descendre d’un ton, car soyons constructifs tout de même, je ne doute pas que Heavy Feather trouve toute sa place en live en dégageant une énergie scénique qui fera bouger les bassins et hocher les têtes. Dire que tout est à jeter serait à proprement parler irresponsable. Je pense plutôt que c’est l’écoute prolongée et répétée qui en fait un album lourd à digérer. Il se placera sans doute très bien au sein d’une playlist avec une apparition ponctuelle.

Pour conclure c’est un peu la mort dans l’âme que je dois admettre que la plaque Debris & Rubble est en quelque sorte un pétard mouillé. Nanti d’une belle puissance, d’une fraîcheur certaine et d’appuis souverains dans les meilleures inspirations des années 70 Heavy Feather n’arrive pas à tenir ses promesses tout au long de son album et le talent indéniable des musiciens ne minore pas la fébrilité des compositions. Espérons que ses orientations futures reviendront avec l’énergie qui réside dans le premier tiers de l’album.

 

Brant Bjork – Jacoozzi

Les changements de labels de notre ami Brant Bjork auront permis de voir deux arlésiennes devenir finalement réalités. Le passage chez Napalm Records a vu la sortie du tant de fois annoncé et tout autant de fois repoussé album live (Europe ’16 sorti en 2017). Une bien belle galette que beaucoup de fans attendaient et qui a fort justement récompensé leur patience. Désormais chez Heavy Psych Sounds, Mr Cool voit un autre de ses projets voir le jour. Celui-ci était bien plus incertain puisqu’on ne compte plus les interviews avec la fameuse question sur la session d’enregistrement connue sous le nom de « Jacoozzi » où Brant répond de façon évasive. Sortira ? Sortira pas ? Et bien voilà la décision finalement prise, surement grâce au label.
Il faut dire que ce nouvel album solo de Brant Bjork a été enregistré en décembre 2010. Autant dire que bon nombre des fans avaient déjà renoncé à entendre un jour ces morceaux.
Après avoir écouté ces titres, nous voilà aussi avec la réponse qui nous taraudait. Véritables pépites en sommeil qui n’attendaient qu’une sortie pour briller de tout leur éclat ou simple jam session qui dort au fond d’un tiroir car dénuée d’un réel intérêt artistique (et donc commercial) ? Mon avis (et je suis un fan de Brant) penche pour la deuxième solution, soyons honnête. Cette dizaine de titres, presqu’entièrement instrumentaux, ne changeront pas la face du rock, ni même la carrière de Brant Bjork. De là à parler de sortie anecdotique, il n’y a qu’un pas.
Ce n’est pas mauvais, ça non. C’est juste que ça n’apporte rien de nouveau et que c’est même parfois un peu long. Prenez le premier titre, “Can’t Out Run the Sun”. Ça se traine en longueur avec des variations minimes sans jamais décoller véritablement. Plus de sept minutes pour une ou deux idées de batterie agrémentées d’une guitare en mode automatique. Et c’est pareil pour le deuxième titre à bien y regarder. “Oui” (c’est le titre), la sixième piste, sort un peu du lot avec sa batterie qui s’emballe mais là encore, force est de constater que Brant a déjà fait bien mieux.
Bref, ne tirons pas à boulets rouges sur cette sortie car elle a le mérite d’exister mais elle est à réserver aux fans hardcore. Brant avait pris beaucoup de plaisir lors de cette session et c’était certainement un passage obligé dans son processus créatif, elle est donc à prendre comme un document, une archive, plus que comme un véritable album solo.

Point Vinyle :

Heavy Psych Sounds n’est pas avare avec un pressage sur galettes : Vertes transparentes (250), oranges (700), “Splatter” orange/rouge/jaune (600) et noires.

 

 

 

11Paranoias – Asterismal

Lorsqu’en 2016 sortait Reliquary For A Dreamed Of World, votre serviteur n’hésitait pas à qualifier 11Paranoias de groupe parfait. Et c’est un adjectif que je maintiens. Le trio continue à produire sa magie noire en totale indépendance, à sortir ses disques via leur petite (mais Ô combien qualitative) structure Ritual Productions et à enchanter par une liberté musicale (l’intransigeance du son du groupe est saisissante), et artistique (les pochettes du groupe défrichent des techniques visuelles passionnantes).

11Paranoias n’a pas changé d’un iota sa recette, consistant à la parfaite synthèse des préoccupations musicales de ses protagonistes, à savoir marier la radicalité doom, extrême et intransigeante de Ramesses avec le drone à haute teneur en sombre psychédélisme de Bong. Derrière les vocaux hallucinés, les riffs de guitares à la saturation maladive et le martellement rythmique – comme si un Hawkwind des ténèbres percutait le cosmos lors d’un rituel païen – se trouve une volonté doom indéniable. Un doom perfusé au space rock, un doom satellitaire, un doom drone, mais un doom libéré de l’idée même d’une structure classique, avec des couplets et un refrain.

La basse est monstrueuse, frappant le bas ventre, tenant la structure tandis que Mike Vest exprime toute son inadaptation musicale dans de longs râles de guitares. 11Paranoias est le jam band des enfers, Une sorte de Earthless condamné aux entrailles de la terre. Radical, rituel, le son du trio invite à un douloureux voyage, aspire l’âme et offre avec ses deux pièces épiques « Acoustic Mirror I et II » 25 minutes d’hallucination psychotropes à la froideur maladive, que n’aurait pas renié Bell Witch. L’album est parsemé de trouvailles sonores, offrant quelques prises dans le maelstrom doom ravageant nos convictions avec une inéluctable lenteur. Le pont de « Quantitative Immortalities », le riff « Weedian » de « Loss Portal » sont autant d’espoirs vite ensevelis sous l’intransigeance de ce disque décidément sublime de bout en bout pour peu que la radicalité psychédélique et la pachydermie du groupe soit pour vous une douleur transcendantale plutôt qu’un éprouvant moment.

 

Point Vinyle :

Ritual Production est un label généreux et ses sorties, souvent confidentielles, font la part belle aux arts visuels chiadés. Après un sublime cliché d’un tableau de Marx Ernst, puis une visuel tridimensionnel à regarder via des filtres de couleurs, voici que les deux éditions spéciales de cet album (éditées chacune à 50 exemplaires) sont faites à la main, à base de pochoirs sérigraphiés. Une édition classique est également disponible et plus facile à trouver.

Motorpsycho – The Crucible

Difficile de ne pas tracer un parallèle avec la discographie, la boulimie de genres et de publications foisonnantes de Motopsycho et le mythe de la tour de Babel. Par leur précédente livraison déjà « The Tower » (bien vu l’aveugle) et par leur propension à utiliser tellement de langages qu’ils en brouillent parfois le fil directeur de leur propos. Difficile en effet d’entendre le même groupe il y a vingt ans de celui d’aujourd’hui quand bien même il s’agit là d’une intelligente et raffinée mue(sicale).

Pourtant rien de trouble dans la nouvelle galette des norvégiens. « The Crucible » se pose en suite somme toute logique de la précédente livraison. Un séquel qui partage les mêmes ingrédients et mécanismes de compositions et qui assoit un peu plus la présence du batteur Tomas Järmyr (arrivé sur « The Tower »). Une suite plus sombre tout de même où les idées se font malmenées, où le groupe mène ses réflexions à plus de cassures bruitistes.

Le groupe y développe à nouveau son amour des entrelacs de guitares, des envolées de cordes, son obsession pour la polyrythmie et ses canevas complexes et tortueux. Il creuse de plus en plus ses amours et obsessions de la scène prog de la fin des années 60 début 70. Comment en effet, ne pas penser au roi Crimson dans « Lux Aeterna », à sa science de l’équilibre et à son amour du brinquebalant baroque ?

Motorpsycho cimente toujours plus son savoir-faire empirique, n’hésitant pas à piocher çà et là chez ses grands darons, Black Sabbath en tête de gondole. Difficile de ne pas écouter « Psychotzar » sans entendre ces guitares venues de la perfide Albion. C’est d’ailleurs sur sa capacité à doser ces différentes références que Motorpsycho sort du lot. Le trio pourrait tout à fait s’y perdre et nous offrir une succession de plans plus ou moins connus des initiés, or chaque titre sonne comme tout à fait personnel.

Là est la force du combo. Il est devenu, par son hyperactivité et sa force créatrice, une référence à part entière, un groupe détaillant un peu plus à chaque sortie l’orfèvrerie de ses compositions. On retrouve d’ailleurs dans cette manière de faire et d’avancer les envies de Elder, rien d’étonnant à les voir évoluer sous la même bannière, Stickman Records. Ce genre de label privilégiant la création à la copie, la naissance au clonage. On pourrait d’ailleurs citer Pelagic Records dans un genre plus aérien. On digresse me direz-vous mais il s’agit là de bien vous faire comprendre du caractère tout à fait singulier de Motorpsycho.

Car, oui, il serait dommage que vous passiez à côté, que vous ne creusiez pas plus que la première écoute. Le groupe n’est pas « bankable », pas « in », il est nul en communication, frileux dans ses tournées, rarement cité par les lecteurs et fans de stoner (dans sa large acception j’entends). Il est pourtant majeur et incontournable pour qui recherche l’évasion et l’intelligence dans la musique.

« The Crucible » n’est pas le meilleur album de Motorpsycho. Non. Il est la juste continuité d’une œuvre totale, une pierre de plus à l’édifice riche, multiple et singulier que le groupe construit patiemment depuis plus de vingt maintenant. Un porte d’entrée pour les non-initiés peut-être, un étage supplémentaire pour les amateurs assurément.

Oreyeon – Ode to Oblivion

On a tous en tête un album-surprise, dont on attendait peu, et qui s’avère être une petite perle cachée. Le deuxième album de Oreyeon est de ceux-là. On est habitués à une certaine profusion de groupes italiens baignant de près ou de loin dans la scène stoner, bien aidée par des labels prolixes (Go Down, Heavy Psych…). Peu filtrés, ces groupes déferlent par poignées, tous les mois, depuis au moins deux décennies… et émergent rarement du lot (vous aurez du mal à en citer plusieurs qui font référence internationale dans le genre) ; raison pour laquelle on avait l’intention de prêter une oreille plutôt distraite à cette sortie d’un énième combo transalpin, a priori destiné à un classement vertical. Heureusement notre professionnalisme et notre rigueur (hein ? Quel melon ?) nous ont amené à pousser un peu plus loin l’écoute de cette galette… et grand bien nous en a pris.

Musicalement, on baigne très rapidement une ou deux décennies en arrière, dans un contexte où les prémices du stoner prenaient forme, et où l’inspiration des groupes associés (en tout cas de ceux qui ne se réclamaient pas du doom) trouvait ses racines dans les bases de Kyuss, de ses émanations californiennes, et de la bouillonnante scène scandinave. De fait, on entend beaucoup de ça sur ce « Ode To Oblivion » : du Kyuss, du Dozer, du Lowrider, etc… Le chroniqueur pressé aura rapidement catalogué le groupe d’une étiquette de vulgaire plagiaire, au pire peu inspiré… heureusement nous ne sommes pas de ce genre et nous avons été au-delà (oui ça va bien les chevilles, pourquoi vous posez la question ?) pour aller chercher un peu plus loin les qualités intrinsèques du disque. Et c’est clairement le talent d’écriture du groupe qui aide à passer cette phase de transition, pour transformer les écoutes suivantes en réelles séances de plaisir quasi coupables. Oreyeon disperse de petites perles de compos au fil de l’album, qui rendent chaque titre addictif : des arrangements, des riffs, des breaks, etc… captivants et foutrement bien vus. Un vrai talent on vous dit ! On est donc sur une vraie qualité de riff, mais aussi un enrobage qui mettent parfaitement les compos en avant. On pense à l’envolée de guitares et les plans quasi space qui viennent compenser le riffing acéré de l’instru « T.I.O. » (qui en soi n’aurait pas détonné sur un bon vieux Karma To Burn), on pense au refrain sur-fuzzé qui vient plomber « Trudging to Vacuity » et son break central qui amène à une section très Kyussienne, on pense au couplet de « Ode to Oblivion » dont les guitares font émerger de nos cervelets replets les sons de groupes comme Solarized (RIP), etc… Y’a du riff, y’a de la fuzz à revendre, mais surtout y’a du groove à tous les étages !

Côté interprétation, on est dans l’efficace, et hormis quelques choix un peu étranges de mise en son de la basse, tout est là et bien là. Point très marquant du disque : ces lignes vocales chargées de reverb, souvent doublées (très probablement un signe de manque de confiance) rappellent souvent Jason Shi de ASG. Etonnamment l’un des atouts de la musique des italiens.

Depuis une bonne dizaine d’années, les bons groupes de ce qu’on appellera « une certaine idée du vrai stoner » sont finalement bien rares (on parle de ceux qui ne seraient pas des émanations directes de groupes des années 70… réfléchissez-y, ça en élimine une bonne partie…). Dans ce contexte, en trouver un ainsi sorti du chapeau, et talentueux qui plus est, compense largement les dizaines d’albums médiocres que l’on écoute en continu sans y prêter attention. Un petit trésor, modeste mais efficace, qui ravira les amateurs de stoner du début des années 2000 en particulier (le vrai !).

The Devil And The Almighty Blues – Tre

Il y a longtemps le Diable a pris une apparence de guitare et régulièrement tombant entre les mains d’un pauvre hère sur les routes du monde, l’oblige à jouer avec sensualité pour perdre un auditoire toujours plus nombreux. La légende pourrait vouloir que ce soit là l’origine du groupe The Devil & The Almighty Blues. Et comme la modernité est fille du Malin, elle a permis au démon d’enregistrer ses notes aguicheuses pour la troisième fois. L’opus diaboli s’intitule Tre, son suppôt Blues for The Red Sun Records.

Le quintette norvégien m’a pris dans sa transe voilà quelques années et ce dernier album ne déçoit pas l’image que je m’étais faite du groupe. Leur blues sudiste porte l’auditeur de bout en bout avec calme sur un mid-tempo généreux. On pourrait se demander d’ailleurs ce qu’un groupe de blues vient foutre dans ces pages. C’est bien tout le truc de TDATAB, réussir à proposer des morceaux purement blues en les jouant avec amplification et suffisamment d’énergie rock pour qu’on les localise dans la galaxie Stoner grâce aussi à une certaine capacité à siphonner la moelle du genre.

L’économie de notes fait la moitié du job puis on en revient à des solos plus touffus et plus Heavy qui portent la seconde moitié du boulot. L’application des deux guitares à se soutenir donne une force de chœur où la basse et la batterie finissent de relever les titres. Tre est un album qui puise ses inspirations dans un style blues américain sudiste comme je l’ai dit mais les cordes font traverser l’atlantique et nous ramènent au Rock Anglais avec une touche proche de celle de Keith Richard par instants (je t’invite à t’en laisser convaincre notamment sur le solo de “One For Sorrow”) et parfois de façon ténue renvoie à un certain Monsieur Iommi. A force d’universalité on en oublierait que ce quintette est Norvégien.

Avec Tre, The Devil & The Almighty Blues poursuit un chemin entamé dès le premier album avec le titre “Root to Root” ou “North Road” et “Low” sur le second. Une route mid-tempo et foncièrement mélodique. Ici cette écriture a englobé tout l’album et la galette s’écoute détendu et posé. On ne surprend que rarement l’excès d’énergie et si excès il y a, c’est au travers des mélodies qui disposent d’une puissance évocatrice plutôt que d’une force liée à l’amplification et au jeu à proprement parler. On sent d’ailleurs bien que côté chant il y a pas mal de celà, une voix rauque qui ne pousse jamais hors de ses limites et assied le tout avec de ponctuels rehauts de chœurs féminins pour la touche de finesse.

Je t’invite, lecteur, à t’arrêter sur des titres comme “Salt The Earth” qui te bercera avec brio et te portera tout au long de ses 12,31 minutes , “Hearth of The Montain” et l’histoire qu’il raconte avec un chant scandé et des gimmicks pleins de conviction ou encore sur “Time Ruins Everything” et son engagement vocal sur jeu basse et puissant. Si après cela tu n’as pas cédé aux vices de cet album, c’est que ta chapelle se trouve aux antipodes de ce qui se passe ici et je te rends à ta sainteté.

Tre est un album de Rock’n’roll plutôt calme, il fait à vitesse réduite ce que beaucoup n’arrivent pas à faire en accélérant le pas. The Devil And The Almighty Blues emmène son auditoire avec lui et subtilement s’insinue en lui pour mieux conquérir son âme, te relançant sans cesse pour une nouvelle écoute sans aucune lassitude. Si tu as l’occasion d’aller assister à un de leurs sabbats live, je te le recommande, ce groupe est séduisant en diable et confirme sa position montante sur la scène actuelle avec cette galette toute en rondeur et en émotion.

Asthma Castle – Mount Crushmore

Asthma Castle est un quintet de Baltimore qui s’auto-positionne en tant que groupe de Stoner Metal “Beefaroni” (Macaronis à la tomate au bœuf et au fromage), un peu comme si un groupe italien s’était défini comme le spaghetti bolo’ du genre. Sur ce postulat on devine déjà qu’on ne va pas faire dans la dentelle. Dix ans après la sortie de leur EP voici venu leur premier album signé chez Hellmistress Records, Mount Crushmore sorti ce 15 mars.

Portant toute la galette, le chant de Zach Westphal, est une sorte de mélange entre un growl Death, un Sludge énergique et un hurlement façon Down première mouture. A l’exception des deux premières pistes “The incline of Western Civilization” et “Mount Crushmore”  où ponctuellement s’invitent les autres membres du groupe pour un chant collectif plus “léger” on sait déjà qu’on va faire dans le décrassage auditif.

Adam Jarvis, batteur polymorphe, donne corps à Mount Crushmore grâce à sa frappe tantôt mid-tempo et tantôt rapide. Il sert tout son art non pas d’un morceau à l’autre mais sur chaque titre, comme un besoin de tout donner à chaque titre. Asthma Castle sait se faire à la fois Groovy et martial comme sur “Here come the Black Ship”. Cependant les riffs Heavy et Old School forgent l’identité de ce son de Baltimore. La plupart du temps ça tabasse des bûches à une cadence folle et on n’a pas le temps de reprendre son souffle dans cet enregistrement un poil crado et sanguinolent.

La formule quintet sert bien l’effet de puissance recherché, les grattes jouent en couverture constante, la batterie tabasse furieusement et la basse sort ses notes Groovy parfois entêtante autant que des lignes particulièrement notables sur “Brazillian Catbox Incident”. Cette dernière s’y déchaîne avec une nappe de Fuzz bien dense et l’instant n’est que de trop courte durée.

Je te recommande  de t’arrêter sur les titres des morceaux qui sont aussi fendards que le laisse supposer le nom de l’album. Prix spécial pour “Methlehem” et “The Book of Dudreonomy” sans doute parce que c’est toujours drôle de se moquer de la religion et que Asthma Castle reste dans l’esprit de son premier EP, Jesus, Mary, and Broseph.

Asthma Castle c’est un peu comme de la poudre noire, trois composants mélangés en parts plus ou moins importantes pour obtenir un effet variable.  Des morceaux à l’allumage lent et d’autres filants comme des balles de guerre. Le quintet ne sort pas des sentiers battus, les ingrédients sont connus depuis des lustres, mais quoi qu’il en soit, le tout comme de la poudre noire s’allume compacté dans une cartouche. Cette dernière est de 31 minutes et l’effet est furieusement explosif.

 

Dead Witches – The Final Exorcism

Avis aux amateurs de son gras, très gras même. Dead Witches revient avec un deuxième album intitulé The Final Exorcism, titre qui colle merveilleusement bien à l’ambiance. Lent, lourd, glauque, tous les ingrédients pour un album de doom sont réunis. Les déçus du dernier Electric Wizard vont reprendre du poil de la bête.

La référence à Electric Wizard n’est pas anodine. Certains diront même qu’il s’agit d’une pâle copie de la bande originaire du Dorset. On retrouve d’ailleurs le fabuleux Mark Greening derrière les fûts, qui officia pendant plus de dix ans au sein de la bande de Jus Oborn…

Dead Witches a tout de même sa part d’originalité. Grâce à la voix de Soozi Chameleone qui balance ses complaintes mortuaires tout au long des sept morceaux qui composent The Final Exorcism. Les parties vocales contrebalancent à merveille avec les riffs lourds du groupe pour donner naissance à une sorte de stoner-doom-psychédelique plutôt bien produit. Les morceaux sont lents et lancinants et toujours plus gras comme sur “The Final Exorcism” et “Goddess Of The Night”. Basse et batterie se contentent de marteler le rythme sur un même riff pendant de longues minutes pendant que le chanteur s’égosille sur des paroles macabres.  La guitare suit les mêmes plans et agrémente les chansons de quelques solos bien ficelés.

Le quatrième titre “When The Dead See The Sun” est complètement différent. Exit le doom et place à un rock psyché qui dénote avec le reste de l’album. Ce qui nous laisse quelques minutes de répits pour changer un peu d’atmosphère. Ce n’est pas plus mal car après trois chansons, on commence déjà à tourner en rond…

Le répit est de courte durée, moins de deux minutes, et nous revoilà repartis vers les complaintes doomesques du chanteur et de sa troupe. En même temps, on est un peu là pour ça. La section rythmique continue son travail de sape pendant que la guitare alterne entre riffs gras et répétitifs et envolés en solo à base de fuzz. Comme à chaque chanson, Dead Witches fait monter la sauce au fil des minutes, pour terminer dans un martèlement d’instruments toujours plus lourd. Même à la maison, on a envie de secouer la tête au rythme de la batterie.

Il ne faut pas se le cacher, The Final Exorcism n’apporte rien de nouveau à la scène doom. L’album est bon, sans plus. Si vous avez quelques dizaines de kilomètres à avaler en bagnole, ce nouvel opus de Dead Witches pourra vous faire passer 43 minutes du trajet un peu plus rapidement mais il ne faut pas en demander beaucoup plus…

Black Lung – Ancients

Black Lung, groupe de Baltimore qui s’échine à faire coller le terme Power à celui de trio signe ce mois-ci chez Ripple Music son troisième album LP. Le groupe a choisi ne voie particulière pour dispenser son Stoner au relents Doom, il joue sans basse et compense l’étrangeté à l’aide de gros effets de distos sur fond d’amplis surdimensionnés et de plugs qui vont bien. Le trio s’est forgé une solide expérience de la scène en passant par les plus prestigieuses d’entre elles notamment le Freak Valley ou encore le Desertfest Belgique preuve en est qu’il méritait que l’on cause de lui. Place donc à notre écoute de Ancients, nouvel album de Black Lung.

D’entrée de jeu, Black Lung dévoile un Stoner Mélodique lent et basse doomesque sur “Mother of The Sun”.  L’esprit des morceaux en général, va doucement pour s’extraire d’une atmosphère pesante et sombre mais finit par décoller vers des horizons plus lumineux.

Le chant particulier, nasal et haut perché en fin de note de Dave Cavalier fait monter l’auditeur sur des montagnes russes pendant que sa guitare et celle de Adam Bufano accompagnées des fûts de Elias Schutzman te secouent dans les virages. Lorsque je dis que le chant est particulier, c’est qu’il sonne bien souvent juste d’esprit et bien souvent aussi il interpelle, il est difficile d’avoir un avis tranché sur la question. La seule certitude étant que Cavalier évite le conformisme tout en s’appuyant sur une variété de styles allant jusqu’aux frontières d’un garage entendu.

On s’arrêtera quelques temps sur le titre “Gone” où résonnent d’inhabituelles percus pour accompagner une gratte expressive et old school aux solos psychés comme à la belle époque du Blues Rock Psyché, le tout dans une atmosphère changeante. C’est une curiosité, un bon morceau trippant qui marque le centre de l’album.

Malgré l’absence (quasi total mais pas absolu) de basse, le maquillage qui en résulte ne laisse jamais une impression de bricolage, tout est bien équilibré et aucun manque ne se fait jour. Le titre “Vultures” amorce une montée trippante vers la fin de l’album et distille un son particulier en regard du début de la plaque. Plus contemplatif et louchant sur l’esprit d’une fin de carrière du Pink Floyd. Le fait est que Ancients est un album où l’on voyage pas mal niveau ambiance, une œuvre plutôt complète sans être bordélique. On soulignera la qualité de l’enregistrement avec une belle profondeur de son côté batterie la voix bien appuyée par une reverb qui ne donne pas dans l’absurde pas plus que les effets posés sur les cordes comme sur “Dead Man Blues”, entre Lap Steel et jeu au bottleneck.

Clairement, Ancients est un bon album, un de ceux qui baignent dans la culture Stoner et Doom avec une complaisance entendue. Plus d’une fois il se montre polymorphe et permettra tout un chacun d’y rattacher ses propres références. On s’y laisse porter sans jamais être pris d’un réel sursaut. Sans aller jusqu’à se ruer sur la galette il est plutôt souhaitable de se laisser prendre par surprise et d’y passer quelques écoutes au calme et d’y revenir à l’occasion.

 

Candlemass – The Door To Doom

Cette chronique contient plus de parenthèses qu’une nouvelle de Stephen King mais beaucoup moins de suspens et de flippe (quoique).

Pour comprendre la logique de Candlemass, il faut suivre le conseil donné par Gorge Profonde à Bob Woodward dans Les Hommes du Président : « Follow The Money”(“pister l’argent”). Car depuis de nombreuses années déjà, le groupe a annoncé ne plus vouloir faire ni album, ni tournée, arguant qu’ils avaient gagné le droit de ne pas faire comme tout le monde et sortir un condensé de titres (des EPs plus rapides à produire et qui se vendent pareil) et de se concentrer uniquement sur des événements spéciaux (cachets lucratifs en festival). Et personne n’a rien dit, ou alors que du bien de cette méthode (moi le premier hein), Leif Edling montrant des signes de faiblesses (physique et de composition), cela paraissait la meilleure méthode. Mais le bassiste, qui a abusé de 6 chanteurs en 35 ans, n’avait pas anticipé Ghost et son succès international, suédois grimés au metal pour fête foraine n’ayant cessé de louer leur amour pour Candlemass, jusqu’à les inviter en opening band pour une grosse tournée. Pistez l’argent, on vous a dit. Voilà donc Candlemass reprendre la route. Tant mieux, ils venaient de publier un EP, House Of Doom, en 2018, avec Mats Leven derrière le micro. Oui mais ça serait trop simple. Pistez l’argent, on vous a dit. Alors ce bon Mats a été dégagé (même si, pas rancunier/soumis, il a fait des backing vocals) et remplacé par… Johan Langqvist, qui, en sus d’avoir un nom à placer au Scrabble, est le légendaire chanteur du monument doom qu’est Doomicus, Epicus, Metallicus, premier album de Candlemass, premier album de doom aussi, si on pinaille sur Black Sabbath (ce que je ne ferais JAMAIS, hein). Légendaire le Johan l’est, mais depuis ce coup d’éclat de 1986, sa carrière est des plus pathétiques (y’a une vidéo d’un clip tourné sur des bateaux des plaisance qui vaut son pesant de gêne). Pistez l’argent. Le voilà de retour dans Candlemass et la tournée en ouverture du Disneyland metal prend alors des allures d’âge tendre et tête de bois. Et comme l’argent (celui qu’on a pisté) doit pleuvoir de partout, voilà le groupe qui file en studio enregistrer un nouvel album, écrasant House Of Doom qui n’aura quasiment pas existé (et qui est pourtant très chouette). Welcome alors Doors To Doom (oui, oui, sérieusement).

Alors que penser de l’album derrière cette mascarade ? Un album promotionné sous le seul prisme de son single « Astorolus, The Great Octopus » (oui oui sérieusement), lui même promotionné sous le seul prisme du solo que Tony Iommi (Dieu) a consenti à lâcher en featuring (argumentant, MOT POUR MOT, qu’il avait toujours entendu revenir le nom de Candlemass comme l’un des meilleurs descendant de Sabbath alors, pourquoi pas leur faire un ptit cadeau. #passiondoom). Alors que penser de l’album disais-je donc, cet album qui contient ni plus ni moins que l’EP « House Of Doom » datant de l’année de dernière, en bonus, parce que rien ne se perd, tout se transforme. Que penser de cet album donc, dont « The Omega Circle » reprend le riff de « Sinister And Sweet », publié en 2016. Et bah qu’il est vachement bien. Si toute l’histoire est grand guignolesque, reste que Edling et sa bande (stable à tous les autres postes que celui de chanteur depuis 15 ans désormais) savent toujours composer le meilleur heavy doom possible. Aussi solidement construit qu’une église romane, l’album déroule du riff, sonne comme les cloches de l’enfer et se permet la petite ballade qui va bien, se promenant sur la corniche du kitch sans jamais trébucher. Heavy, chantant, poseurs mais jamais complètement absurde (à part son nom bien sûr, et sa pochette qui est une honte mercantile, convenons-en), The Door To Doom est un album formidable qui saura ravir pleinement les fans ébétés et faire rager ceux qui n’en peuvent plus de revirements de carrière et racolages actifs d’Edling. Faisant parti des deux catégories, je suis comblé.

 

Point Vinyle :

500 red, 500 blue/yellow, 300 gold (l’or c’est plus rare), une version limitée avec Tee-shirt et autographe, et une version black classique, pistez l’argent, comme disait Gorge Profonde. A noter que l’artwork intérieur, photographie d’un corbillard en noir et blanc saturé, est sublime. Et puis on en dira ce qu’on voudra mais « Astrolus » c’est le riff de 2019.

Endless Floods – Circle The Gold

Endless Floods est un discret trio bordelais (en passe de devenir quatuor semble-t-il, avec l’apport d’un second gratteux issu des rangs d’un autre éminent groupe local, Year of No Light), qui, s’il n’est pas des plus actifs scéniquement, propose aujourd’hui déjà son 3ème album. Malheureusement surtout connu comme « groupe de Stéphane Miollan de Monarch », le groupe girondin a déjà montré avec deux galettes intéressantes (chroniquées dans nos pages) qu’il avait plus à offrir que cette vision réductrice.

Circle The Gold propose deux plages (la logique voudra donc que leur prochain opus ne comporte qu’une seule chanson…), deux séquences roboratives de 20 minutes environ. Le propos est globalement dans la veine des précédentes compositions du groupe et Endless Floods évolue toujours dans une sorte de doom atmosphérique bien lourd, les aficionados ne seront pas décontenancés : on retrouve toujours bon nombre de plans lourds et étouffants, chargés en saturation et en crash, usant du feedback pour densifier son propos. Là-dessus, pas de surprise majeure. Sur Circle The Gold toutefois le trio développe un son plus dépouillé, à travers des compos plus épurées. Plus confiant sans doute (et dans une démarche déjà observée entre son premier et son second disque, encore plus poussée ici), le groupe fait confiance aux silences et à l’ultra lenteur, comme une corde supplémentaire à son arc déjà bien fourni (voir la section médiane des deux chansons, sorte de démonstration mélancolique). Du coup, beaucoup de plans nous ramènent à l’approche mélodique développée par Earth (illustré entre autres par les passages où le jeu de batterie ultra-lent, tout en retenue, et les licks de guitare lancinants à la limite de la dissonance renvoient au duo Carlson / Davies), à l’image de plusieurs passages de « Seeds ». Le travail « mélodique » se retrouve plus évident sur ce disque, qui emprunte occasionnellement à Yob pour les plans sludge ou plus globalement au funeral doom de temps en temps (de moins en moins toutefois). Les rares lignes de chant, torturées, nous renvoient, elles, aux déchirements quasiment post que l’on peut retrouver occasionnellement chez Monarch, apportant plus de densités encore aux plans les plus lugubres.

Quoi qu’il en soit, le tout se marie bien et la démarche globale du groupe (qui annonce avoir voulu « remettre les choses à plat » avec ce nouvel album) gagne en cohérence : l’album est solide, dense, et ne perd que rarement son fil conducteur. Rugueux et froid par moments, plus chaleureux et enlevé plus loin, l’ensemble se tient bien et les écoutes s’enchaînent avec intérêt. En développant cette approche mélodique (et en particulier l’usage de riffs encore plus percutants), sans se défaire de son intégrité musicale ni globalement de son héritage, Endless Floods risque de trouver son Graal, et pourrait franchir le petit palier de notoriété qu’il mérite.

ÖfÖ-AM – Tales From Outerspace, An Octaman’s Odyssey

Paru en décembre passé, le dernier ÖfÖ-AM n’aura pas fait grand bruit, à se demander ce qu’il est advenu. Le trio montpelliérain qui évolue dans un Stoner Instrumental a livré quelques galettes depuis 10 ans mais Tales From Outerspace, An Octaman’s Odyssey n’est à ce jour que le second LP de sa discographie. Qu’a t-il bien pu se passer pour que ne retentisse pas plus cette sortie? Mystère que je vais chercher à élucider.

Sur cet album tout commence avec l’artwork, une sorte de couverture de roman de gare SF 50’s qui n’aurait trouvé sa transcription que dans le Pop Art une décennie plus tard. Le héros au visage couvert de tentacules, Octaman y étrangle un adversaire sur fond intergalactique alors qu’au premier plan une plantureuse blonde platine pousse un cri. Tout un programme. Le disque tient d’ailleurs les promesses de cet artwork. Les morceaux contiennent de la violence dans le premier tiers de l’album avec un je ne sais quoi de heavy métal qui fait que la sauce prend immédiatement. Puis “Tears of Constellation” embarque l’auditeur dans un trip parmi les astres avec une recette influencée par Pink Floyd et dérivant vers des références plus contemporaines.

Entre les deux, “Eddy’s funeral” se présente comme un morceau d’une B.O de Western qui partirait en couille vers un film de Science-Fiction et c’est là toute l’intelligence de ÖfÖ-AM, ne pas se livrer à la facilité d’un univers mais proposer au sein même d’un morceau plusieurs facettes sans pour autant en faire une bouillie inaudible et sans structure.

Le disque tient à raconter une histoire, celle d’un Road Trip spatial collé aux basques d’un héros digne du personnage de Cobra. On oscille entre épique et planant. Les univers se mêlent décollent loin et pourtant en un sens restent bien souvent sur une base très terrienne comme avec les sons tribaux de ” باماكو (Bamakö)” ou ceux de “Gergövie” qui sur fond d’orage imposent une atmosphère lourde comme si tes bottes peinaient à décoller d’un champ boueux.

Les trois dernier morceaux sont d’un bloc, “Anarchö Shivaïst Regency” et “The Battle Öf…” portent les trace de la collaboration passée du trio avec Karma to Burn avec un esprit proche de l’album Arch Stanton. Et comme il n’y a pas de hasard c’est avec une reprise partielle et lourdement réarrangée de Ennio Morricone que se clôture l’album avec “(The) Darkest Höur (Öf my Life)”.

A l’issue de l’écoute je ne comprends toujours pas pourquoi cet album a été passé sous silence ces derniers mois, peut-être parce que ses qualités sont ses défauts au fond, un album spontané qui ne s’enferme pas dans un style et qui envoie lourdement son savoir-faire sans chercher autre chose. De mon point de vue une plaque qui, je l’espère, fera revenir sur terre les voyageurs interstellaires de ÖfÖ-AM bien plus souvent que ces dernières années et pourquoi pas permettre d’aller voir de plus près de quoi il retourne sur scène avec cet album Tales From Outerspace, An Octaman’s Odyssey qui contient bien des promesses pour une interprétation live.

Godsleep – Coming of Age

Le moins qu’on puisse dire c’est que le Stoner grec a le vent en poupe ces dernières années. Montée en puissance de 1000mods, émergence de Naxatras, retour sur scène de Planet of Zeus, présence fantomatique de Nightstalker…. Les sujets d’illustration ne manquent pas y compris avec le reportage “Greek Scene Révolution” à sortir en mars. Alors tout ça pourquoi ? peut-être pour faire notre mea-culpa quant au fait que nous avons failli ne rien dire sur la sortie de Coming of Age seconde plaque du quatuor grec Godsleep en novembre dernier. Qu’à cela ne tienne on va rattraper ça fissa.

Intro sur un air de 1000 Mods pour “Ex-nowhere Man” Godsleep ouvre sous de très bons auspices. La voix d’Amie Makris offre un terreau fertile à la sensualité autant qu’au déchaînement grunge, le tout supporté par un son saturé de Fuzz de la gratte de John Tsoumas. Ce dernier a le talent de ne pas se perdre sur un seul registre et pousse des réglages à la Midnight Ghost Train sans pour autant perdre son identité fuzzée, rendant l’enchaînement jouissif sur “Celestial”

A ce point de l’album il faut admettre cependant une légère lassitude du point de vue vocal. Les modulations sont presque toujours les mêmes et fissurent un peu l’identité de chaque morceau pour les fondre dans un creuset commun. Je n’irai pas dire que ce n’est pas bon, c’est juste qu’au cours de l’écoute on perd un peu de l’entrain de l’introduction.  Ce constat passé un regain d’originalité quasi Indie Rock se fait jour sur “Karma is a Kid” où les modulations à la limite de la rupture donnent un nouveau tour à l’album. La guitare et la basse s’en donnent à cœur joie pour une montée en puissance sur un pont qui gifle l’auditeur avec juste ce qu’il faut de ménagement.

Décidément l’influence 1000mods est présente presque d’un bout à l’autre, peut-être une impression due à George Leodis producteur du présent album et des sus cités 1000mods ? Le riff de basse de la piste finale “Ded Space” roule comme un camion sur une ligne droite sans fin et vient nous rappeler que l’instrument a été un gros moteur tout du long du trajet au travers de ces contrées grecques.

Coming of Age est une suite plutôt positive pour Godsleep et laisse présager de bons moments enivrants en Live. Un album assez construit que pour être bon même si pari est pris qu’il ne s’inscrira pas dans les mémoires outre mesure. Finalement, une galette qu’il va falloir vivre et faire vibrer une bière à la main et la sueur au front.

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