Comme pas mal de groupes directement impactés par la lourde interruption d’activité de Small Stone, Roadsaw s’est fait discret pendant plusieurs années… On ne s’en est pas trop aperçu vu d’ici, le groupe US ayant été très peu présent sur le vieux continent depuis… ben toujours, en fait. Dommage, car le groupe de Boston a des arguments pour convaincre… Huit ans ont donc passé depuis leur galette précédente, où seuls quelques concerts ricains nous ont rappelé que le groupe restait vaguement actif. Dans l’intervalle, le redoutable frappeur Craig Riggs (par ailleurs chanteur du désormais trio) a aussi rejoint les rangs de Sasquatch, un autre combo à l’actualité neurasthénique dont l’activité ne devrait pas trop perturber celle de Roadsaw… malheureusement ! C’est (comme beaucoup) chez Ripple qu’ils trouvent un nouveau foyer accueillant pour sortir leurs galettes et permettre, espérons-le, de reprendre la route, et pourquoi pas l’avion !
Tinnitus The Night porte par son titre (et par son artwork équivoque, à la colorimétrie éprouvante) une intention qui est assez vite confirmée : l’album se goûte à fort volume, la frontière du plaisir se trouvant au plus près des limites sonores de vos cages à miel, avec une bière mi-fraîche en canette comme facteur facilitant. Quatuor devenu trio depuis quelques années, Roadsaw, tel un Motörhead du heavy stoner, porte haut l’étendard d’un hard rock fuzzé en mode “no bullshit”, une musique sans prétention, qui vise bas mais juste. Car le talent d’écriture de nos trois lascars n’est toujours pas mis à défaut sur ce huitième long format. L’auditeur se retrouvera bluffé (littéralement) de constater qu’au bout de la troisième écoute à peine il est capable de fredonner bon nombre de riffs et refrains, d’anticiper certains breaks bien velus… On parle du refrain de “Knock’Em All Down”, de celui de “Find What you Need”, du riff sur-saturé et doublé d’une frappe de mule de “Along for the Ride”, du bourrin “Final Phase” (le son de ces deux derniers rappelleront aux esthètes le bon vieux Milligram), etc… Overdose de riffs Tout n’est pas rose non plus, et la galette comporte quelques titres un peu plus dispensables (comme le très catchy “Fat Rats”). Le groupe ouvre aussi la porte aux titres de tempo plus lents, à l’image de “Peel” ou “Silence” (carrément une balade), une évolution qui, sans choquer, n’est pas non plus particulièrement inspirante. Notons aussi un “Midazolam” de 7 minutes épique, lent et puissant, porté par un chant hanté de Riggs.
Bref, Tinnitus The Night est un bon album, et un bon Roadsaw. Il s’adresse aux bourrins “plus subtils qu’on ne croît”, ceux qui aiment leur riffs bien tassés et leur son de guitare bien gras, mais toujours au service de compos finement ciselées, à l’efficacité redoutable.
La discographie de Thou s’apparente à un véritable chaos. Alors qu’on les attendait au tournant, la bave aux lèvres, depuis le redoutable Heathen, ils débarquent en 2018 avec… une fournée de EP disparates (compos, reprises, expérimentations, réinterprétations…) censés paver le chemin vers ce nouveau long format, Magus. Plutôt que de nous y préparer, ces EP ont tout fait pour nous perdre en route ! Ou plutôt, de manière plus réaliste, ils ont eu la vertu de nous rappeler que Thou n’est ni prévisible, ni conformiste. Le trouble étant semé, on ne savait pas trop à quoi s’attendre quand enfin Magus a débarqué.
Le sextette louisianais met très, très vite les pendules à l’heure en plaçant le colossal “Inward” en ouverture des hostilités. Ce morceau-fleuve suintant de plus de dix minutes vient illustrer tout ce qui fait Thou : une base musicale riche, des compos audacieuses, et un chant puissant – Bryan Funck growle avec une efficacité toujours aussi bluffante. Musicalement, les riffs s’enchaînent, les breaks défilent, structurant des plans aux rythmiques variées, lourdes comme des charpentes de plomb ou plus aériennes. Le final du titre, parfaitement arrangé, bien loin du sludge “traditionnel”, nous rappelle que l’on n’a pas affaire à n’importe quel groupe. C’est le cas un peu plus loin du superbe “The Changeling Prince”, petit bijou de torpeur doom sludgy dont la base instrumentale peut même rappeler les heures les plus mélodiques de groupes comme Yob. Dans certains cas, le manque de mélodicité du growl peut en revanche un peu desservir certains morceaux, à l’image de “In the Kingdom of Meaning”, où le refrain très peu modulé par Funck vient un peu aplatir un riff très bien construit (il est d’ailleurs accompagné sur ce titre par leur vocaliste-amie Emily McWilliams, qui joue parfaitement son rôle de “contre-point”). Mais plus globalement, reconnaissons au chanteur de sortir comme souvent MVP de la production du groupe, son trait le plus caractéristique et l’un de ses plus gros vecteurs de puissance.
Comme il nous y avait préparé avec Heathen, Magus est long. Riche, dense, massif et… long. Plus de 75 minutes, c’est colossal de nos jours – mais est-il utile de rappeler que Thou est dans le conformisme de la production vinylique comme un pitbull dans un jeu de quilles ? Tout comme Heathen (encore !), le combo larde son album de quelques petits intermèdes de quelques minutes, des pastilles sans beaucoup plus d’intérêt que celui d’aider à digérer ces monceaux d’immondices évoluant plus souvent autour des 10 minutes par têtes de pipes. L’album est donc difficile à avaler d’une traite, et à écouter en boucle. Il faut longtemps pour l’assimiler, mais l’effort est largement récompensé au final.
Décidément, les comparaisons avec son prédécesseur sont nombreuses. La question qui mord les lèvres est donc de savoir si Magus est encore meilleur que Heathen ? Probablement pas. Il est tout aussi intéressant en revanche, mais il n’amène pas le groupe à un autre niveau. Ses compos plus étayées et riches, sa prod colossale et ses arrangements superbes emmènent Thou sur des séquences très intéressantes, ce qui devrait suffire à convaincre les amateurs du groupe louisiannais de se pencher dessus, ainsi qu’un public plus large désormais. Est-ce que Magus sera l’album de l’explosion pour Thou ? Les mois suivants nous auront montré que la réponse est plus nuancée, le groupe n’ayant pas encore pu exploser auprès d’un public bien plus large. Probablement l’étape suivante.
Les « Frenchies » d’origine établis à Londres ne nous avaient pas tant donné signe de vie ces derniers temps et c’est avec une certaine surprise que j’ai vu débarquer le successeur de « Before The Shore » sorti en 2016. Habitué des prestations de ce groupe paneuropéen depuis ses débuts, c’est avec curiosité que je me suis passé cette quatrième production une première fois, puis une deuxième, puis moult fois car celle-ci recèle, en son sein, une telle multitude d’incursions, de plans, d’ajouts, d’ambiances, de collages, etc. qu’il est ardu d’en tirer des conclusions à l’issue d’une écoute unique. Hé ouais mon gars : ce skeud-là n’intègre pas la catégorie des sorties cataloguées au premier survol et ne se range pas sur l’étagère des bandes-son formatées pour les ascenseurs voire les superettes ! Ce disque n’emprunte par ailleurs pas un chemin qui lui ouvrira les ondes de la bande FM vu son formatage, mais je ne suis pas convaincu que de nos jours ce mode de consommation musicale fasse encore du sens hormis pour les amateurs de tronçons routiers embouteillés.
La pièce-centrale de Bright Curse, Romain, a à nouveau modifié la composition de son groupe dont il est le seul élément présent non seulement depuis l’origine, mais aussi depuis sa sortie datant d’il y a trois années seulement (c’est désormais à quatre qu’ils s’y foutent pour envoyer du son). Le garçon vieilli, son style évolue et le son de cette plaque prend quelques distances avec le mix de doom traditionnel british et de psychédélisme pratiqué jusqu’ici hormis en ce qui concerne quelques titres dont la conséquente entrée en matière : « Smoke Of The Past » sur laquelle les parties vocales sont mises très en avant sur fond de riffs overdrivés. L’auditeur nage en terrain connu sur la première plage qui explose les 10 minutes ainsi que sur « Laura » qui lui emboîte le pas. Le deuxième titre constituant le seul morceau au format standard en se situant aux alentours des 5 minutes. Si les deux premières compositions ne peuvent pas renier leurs influences grunge par certains aspects, les influences de la scène rock francophone des mêmes années sont quant à elles présentes non seulement sur le final de « Smoke Of The Past » : Noir Désir, mais aussi sur l’intimiste « Une Virée » qui suinte le Diabologum période « #3 » (une perle du genre dont je recommande l’écoute au passage).
La fameuse « Virée » se distingue comme étant la plage la plus concise de cet opus avec ses moins de 3 minutes et elle sert de piste de lancement à « Shadows » qui tape dans le trip éthéré durant une dizaine de minutes : ça frôle presque l’expérimental durant de longues minutes avant de se débrider peu après la moitié pour renouer avec un univers en lien avec nos pages en plaçant la basse (grailleuse) sur le devant de la scène avec une certaine réussite.
Le titre éponyme met un terme à cette nouvelle livraison dans un registre qui hésite entre hard rock traditionnel et revival de la scène de Seattle de la fin du siècle passé (plus Mother Loves Bone que Nirvana) ; le tout assaisonné avec une pincée de rock prog des années septante. L’intérêt majeur de ce titre touche-à-tout résidant dans l’adjonction bien sentie de cuivres donnant une patine fort séduisante à l’exploration artistique qu’il incarne.
Bright Curse fait montre, une nouvelle fois, d’une créativité incroyable en se frottant finalement à toutes les racines qui ont contribué à faire du stoner ce qu’il est, mais en prenant ces distances avec ce style musical. Cette plaque saura séduire les amateurs de sensations aériennes qui ont l’esprit ouvert ainsi que les petits curieux en quête d’insonorisations nouvelles pour tiser voire fumer de l’herbe qui rend nigaud !
Voir un groupe que l’on apprécie mettre la clef sous la porte laisse toujours un goût amer ; Kyuss, Dozer, Tank86, etc. vous voyez de quoi je parle. Une sensation d’inachevé, un regret de n’avoir su en profiter davantage. On espère toujours qu’un beau jour, à la faveur de certains remord, les membres dispersés viendront à se réunir à nouveau. Et parfois, comme dans le cas de Nebula, cela se produit bel et bien.
Après une séparation presque aussi longue que ne l’a été leur carrière, le trio Californien se reforme en 2017 pour le plus grand plaisir de l’univers stoner. Eddie Glass et Tom Davies remontent aussitôt sur scène, accompagnés du non moins talentueux Michael Amster derrière les futs. Ensemble, les gaillards s’affichent en tournée notamment au Hellfest et Desertfest, comme si de rien n’était. Et en vue d’enfoncer le clou qui marquera définitivement leur retour dans le game, ils pondent l’inopiné Holy Shit.
On entre direct dans le vif du sujet avec « Man’s Best Friend » et « Messiah ». Ces morceaux nous replongent dans ce stoner énervé, nuancé par des solos psychés souvent parsemés de wah-wah, le tout maquillé d’un far bien garage qui donne son ton grunge si caractéristique au groupe. « It’s all over », une fois ses 2 min 45 s de chauffe effectuée donne des franches envies de traversée du désert derrière le guidon d’une bécane au pot d’échappement troué, et n’est d’ailleurs pas sans évoquer la fougue d’un « Giant » ou d’un « Ignition ».
Toutefois, si l’on retrouve les fondamentaux de la matière Nebula dans ces premières pistes, on découvre aussi de singulières nouveautés. Mêlant groove d’un autre monde, chœurs et mélodie chaleureuse, « Fistful of Pills » s’apparente à un interlude surf rock tout ce qu’il y a de plus surprenant. Une énergie suave retrouvée dans « Gates of Eden » même si c’est le psyché et la réverbe qui dominent. Puis les ascendances divergent encore dans « Let’s Get Lost », sa guitare crado et son chant grésillant à la limite du nasillard. Une composition rappelant assez Iggy Pop et The Stooges dans son style. Pour couronner le tout, la neuvième pièce de ce nouvel édifice semble s’articuler autour de l’essence constituant les précédents morceaux. Un amalgame d’énergies s’étalant sur plus de sept minutes avec une mélodie plutôt redondante, un fuzz troqué pour une guitare sèche et une basse aussi ronde et douce que la caresse d’un soleil sur une plage des caraïbes.
Par certains aspects, on se sent finalement assez loin du désert duquel Nebula est issu. Même si la longue absence du groupe, et certainement le désir d’innover, justifie sans mal cet écart. Le stoner du trio a toujours été dilué dans un rock très 70’ et garage, mais à présent la corde ‘surf’ s’ajoute à leur arc musical. À chacun de voir s’il se sent de tirer une nouvelle flèche avec, ou bien simplement d’en apprécier le souvenir.
“Lecteur, c’est toi qui sent la sueur ?! Ah non, ça vient de cet album juste là !”
Je m’approche donc avec prudence de l’album, il suinte… L’objet est agressif et psychédélique. Une hydre rouge y fait face à un monolithe cyclopéen sur fond d’éruption volcanique. Ce disque sent fort, une odeur de transpiration et d’acide. Sur la pochette le nom de Kaleidobolt.
“C’était donc ça! le nouvel album du power trio finlandais qui vient tout juste de signer sa troisième œuvre chez Svart Records et qui a pour titre Bitter !”
Alors que je pose la galette sur la platine, je me brûle les doigts et je me doute que les oreilles ne vont pas tarder à suivre. “Another Toothpick” qui ouvre le bal me saute à la gueule et la référence éruptive de la pochette fait tout de suite sens. On retrouve cette énergie propre aux prestations lives du groupe. Un psychédélisme hystérique où s’enchaînent les riffs sur un tempo hors norme. La piste est déstructurée et flirte avec l’enharmonie tout en proposant des breaks mélodiques et profonds. Si je cherche confirmation de cette impression, c’est “I am the Seer” qui m’en offre un autre bel exemple. Déstructuré, Heavy, Psychédélique il m’a emmené aux portes d’un autre monde où règne la folie. La Basse si elle invoque le Prog est bien souvent distancée par une gratte en plein délire et une batterie aux sonorités parfois Bonhamienne.
Le bassiste Marco Menestrina a déclaré: “Nous visons une musique dangereuse, en passe de devenir une masse critique et de s’effondrer à tout moment” Bah tiens donc, c’est réussi! Bitter est un effondrement gravitationnel. La musique massive comme une planète se contracte sous l’effet de sa propre attraction. Puis elle finit par exploser et se disperser violemment. Cet album dispose d’un noyau de Stoner sur lequel ce qui l’entoure s’effondre, rebondit et se retrouve projeté dans l’espace
Il est difficile de trouver des mots pour définir ce qui se passe sur la plaque, mais si tu as déjà assisté à un set live de Kaleidobolt, tu en garderas sans doute plus le souvenir de son énergie que de sa musique. Bitter a cette même particularité, il est pour moi le reflet de ces dernières années passées à écumer les scènes européennes. L’évolution du groupe est certaine, mais on retrouve néanmoins une confirmation des impressions du précédent album “The Zenith Cracks”. Un Jam Band où percent cultures jazz et blues avec une maîtrise technique très nette.
Il faut absolument aller écouter “Deadpan Blues” dont l’introduction est à la croisée des Doors et de Led Zeppelin et où le corps du morceau explose et retombe comme du métal fondu en conclusion. Kaleidobolt ressuscite la folie lysergique des années 70 et retrace la carte d’un rock heavy que l’on croyait loin derrière nous.
“Hydra” clôture l’album dans un délire total où j’ai perdu mes sens. 9’32 de pur psychédélisme agressif, passant des hurlements de la guitare au bottleneck fondus dans la reverb à un chant plaintif sur cordes mordantes. La dérive est totale et aboutit à un tiers de morceau planant dans les volutes d’une fumée de psychotrope où la basse virtuose soutient un ensemble en apparence déstructuré, mais en apparence seulement.
Bitter n’est pas l’album du commun. Tout le monde n’y trouvera pas son compte. Il faut passer outre le puissant fumet qui en émane, le goûter pleinement et longtemps pour en dévoiler toutes les subtilités. Il est puissant certes, mais pas que! C’est aussi un nid de petites subtilités qui cumulées offrent une pièce talentueuse. Cette plaque est dense, pleine de ressources et ces lignes ne me suffiront pas pour exprimer tout ce qu’on peut y trouver. Ce qui est certain, c’est que Kaleidobolt est pour moi définitivement un groupe live et aura su avec cet album en livrer toute la force en studio.
Déjà 10 ans sont passés depuis la sortie de King Hobo, premier album du groupe éponyme composé alors de quatre larrons bien moins connus qu’aujourd’hui… Car au sein du quatuor international figure un certain Jean-Paul Gaster, batteur d’un groupe encore confidentiel à l’époque (sauf pour nous), Clutch. Le duo qui l’accompagne est composé de Per Wiberg, qui jouit d’une forte notoriété déjà à l’époque en particulier en tant que clavier de Opeth, et Thomas “Juneor” Andersson – ces deux derniers composant deux tiers d’un autre trio plus actif sur disque que sur scène, les très recommandables Kamchatka. Quant au quatrième membre de l’aventure, il disparaîtra de l’image au fil des années, King Hobo évoluant désormais sous forme de trio. N’ayant pas pu assurer de concerts durant toutes les années consécutives à l’enregistrement de leur premier méfait, tout portait à croire que le groupe devait en rester au statut de projet méconnu culte gravé à l’arrache sur disque à l’issue d’une séance d’enregistrement entre potes… Tout faux : les zicos sont toujours restés en contact, et ont décidé en 2018 d’enregistrer quelques vieilles compos (vieilles de plusieurs années pur certaines), avec le projet de les emmener sur la route ensuite !
Prévenons tout de suite les plus étroits d’esprit : on ne trouvera pas sur cette galette de stoner pur jus – d’ailleurs le premier album n’en contenait pas non plus. Difficile en réalité de circonscrire le groupe à un genre musical bien défini : la créativité des trois larrons semble s’épanouir dans un spectre musical aussi vaste que riche, sans aucunes barrières. A ce titre “Hobo Ride” en intro donne une très mauvaise indication de ce qui nous attend sur le disque, proposant un riff et une rythmique 100% Clutch-iennes (et ce farceur d’Andersson d’opter en plus pour un refrain gueulé “à la Fallon” pour parfaire le tout). Blagueurs. Car la suite est bariolée, débridée, et ne devrait pas laisser grand monde stoïque. Quelques exemples : “King Blues” est une pure démonstration d’un blues lent et fiévreux où les complaintes d’Andersson, portées par des pointes de saxo du meilleur effet, sont bluffantes d’efficacité ; “Good Stuff” et son rock funky rappelle évidemment des plans de RHCP ; le morceau titre “Mauga” est un instrumental où Andersson (encore lui !) propose des plans latino / flamenco (!) ; “Listen Here” est un titre aussi nerveux qu’efficace, au refrain imparable ; quant à l’instrumental de clôture, le très étonnant “New Or-sa-leans”, il déroule une séquence mélodique remarquable, agrémentée de soli d’une redoutable justesse, d’une base de batterie jazzy impeccable, et même de plans… d’accordéon !
Vous l’aurez compris, cet album ne laissera personne indifférent ! Et c’est bien le fait de son principal musicien, à savoir évidemment… Jean-Paul Gaster ! Le maestro des fûts déroule sa maestria sur les 10 titres avec classe et talent, propose un jeu varié, adapté à chaque titre, qui apporte une identité bien spécifique à chacun. Son identité musicale remarquable, mise au service des compos, rejaillit sur tout le disque.
Enfin… à la réflexion… le musicien le plus important du trio est probablement plutôt… Thomas Andersson ! Car oui, le sympathique et fantasque guitariste développe lui aussi une variété de sons et de styles ébouriffante, excellant dans tous les genres qu’il aborde. Prolixe et efficace, le six-cordistes s’y entend aussi dès lors qu’il a l’occasion de coller des soli à chaque espace qui lui est offert, avec talent à chaque fois… Et que dire de sa performance vocale ? A l’aise dans tous les registres, puissant quand il le faut (le refrain de “Dragon’s Tail” ou le très catchy “Twilight Harvest”), et plus subtil lorsque c’est justifié (“King Blues” ou le poignant “How Come We’re Blind”), il apporte un élément essentiel à l’identité musicale du trio.
Mais au final… la question ne se pose pas vraiment… le musicien le plus important du trio est plus probablement… Per Wiberg ! Le plus discret du trio est en réalité à la fois l’homme de l’ombre musicalement (ses lignes de basse sont très sobres, mais apportent pourtant un élément mélodique et rythmique efficace et essentiel) mais aussi la pierre fondatrice du combo : à la manœuvre dans l’organisation des séances d’enregistrement, dans les compos, etc… Il apparaît des échos de tous comme le leader du groupe. Rarement un trio a-t-il proposé trois identités musicales si fortes et si complémentaires à la fois.
Mauga est un album d’une qualité remarquable, fruit d’un processus d’écriture et de jeu complètement atypique, largement lié à la rencontre de trois personnalités bien marquées. Pour certains ça manquera inéluctablement de fuzz, de riffs lourds et gras, de plans planants psyche… Mais ce qui est proposé au détour de ces 10 plages (d)étonnantes est une musique hybride, riche et redoutablement efficace, à l’exacte image de chacun des musiciens qui les ont composées et interprétées. Maintenant, il reste à concrétiser cette volonté a priori affirmée par le groupe d’amener King Hobo sur les planches… On touche du bois !
Décidément la carrière de Saint Vitus ne cessera de prendre de nouveaux départs. Wino ayant en quelque sorte trahi le clan avec cette affaire de drogue (parce qu’il avait vraiment moyen de gérer les choses autrement, il faudra un jour que je vous raconte cette hallucinante histoire), Dave Chandler et sa clique (enfin Henri Vasquez du coup) repêchent donc Scott Reagers, chanteur des débuts, qui n’a plus mis les pieds dans la musique depuis 1995. Un sacré pari – alors que se profilaient les 40 ans du groupe, et la tournée qui va avec, – de reprendre un type de l’avant succès doom du groupe (Born Too Late) dont personne dans le milieu n’avait entendu parler depuis plus de 20 ans. Mais son retour, couplé à l’arrivée de Pat Bruders (Crowbar entre autre) à la basse, semble avoir redonné vie à un Vitus qui ronronnait dans son antre depuis trop longtemps. Dave Chandler amène donc tout le monde chez Tony Reed (de Mos Generator, déjà derrière les manettes de Lillie F-65 en 2012) pour faire de nouveau rutiler sa Flying V.
Ce 9ème album est en de nombreux points remarquable. Enfin remarquable n’est peut être pas le mot. Parce qu’il n’y a rien ici qui révolutionne quoi que ce soit, loin de là, et la prod manque même un poil de punch. Mais quelle réjouissance, quel plaisir de retrouver Reagers, qui fait passer tout du long du disque un vrai plaisir et une vraie humilité, chantant quelques uns des refrains les plus mémorables d’un groupe qui compte déjà pas mal de perles dans sa discographie. C’est aussi que les riffs sont inspirés. Chandler abat un boulot phénoménal, accélérant souvent le tempo (ah ces racines punk hardcore), et plaçant toujours ces soli uniques dont lui seul a le secret. Un Chandler que l’on retrouve d’ailleurs au spoken word sur « City Park », pour un titre qui semble lui être particulièrement personnel.
Mais rassurez vous le bestiaire habituel est également de sortie, vengeance, mort et bain de sang émaillent l’album. « Bloodshed » puisqu’on en parle est un titre rapide à l’efficacité redoutable, parfait contrepoint à l’introduction doomy « Remains ». Bruders se fait entendre, fait la maille avec Vasquez pour recréer une section rythmique solide (ce qui a toujours été un point fort chez Vitus) et ce Saint Vitus 2019 (notez le même titre et la même sobriété que sur l’album de 84, le gris remplaçant le noir) est en tout point supérieur à son prédécesseur de 2012 (Lillie F-65 avec Wino), se plaçant finalement et en toute logique dans la lignée de Die Healing (1995). Et ce n’est pas la très punk hardcore sans concession « Useless » en fermeture qui me fera dire le contraire (les commentaires Youtube, reniant l’absence de doom sur ce titre sont à mourir de rire). Un album réjouissant de bout en bout. Une sacrée surprise.
Point Vinyle
Listenable, en sus du black classique, semble avoir choisi le nombre de vinyles pressés en tirant une poignée de dés de 20. On reconnaît bien là les rôlistes. Bravo. Pressages : silver (200), clear (1050), grey with white marbled (750), purple (300)
Le chemin vers le Stoner commence bien souvent par une passion pour les murs d’amplis, les cymbales tonitruantes, les distos massives et la bière faite maison. C’est bien ce qu’annonce ( A peu près) Valley of The Sun, le quartette de Cincinnati signé chez Fuzzorama Records. Originellement trois musiciens ils sont passé à quatre pour ce troisième LP sorti le 24 mai, Old Gods.
“Old Gods”, le lancinant titre éponyme ouvre doucement l’album avec malgré tout un son lourd comme du plomb en fusion. C’est ensuite quelque chose de plus groovy qu’à l’accoutumée qui se fait jour sur “All We Are” le second titre de l’album. D’office cela demande donc à être creusé par une lecture des autres titres.
Bien que l’histoire semble changer, on ne coupera pas à la fuzz, marque de fabrique de Fuzzorama (Hasard ou coïncidence?) si ce n’est de tout le genre Stoner. Cependant on remarque la constance d’un son plus lourd et plus mid-tempo que sur les albums précédents. Ce mid-tempo sur “Gaia Creates” s’enfonce dans la lenteur, le titre plane sur toute sa longueur et il faut attendre pour un regain de patate avec “Dim Vision”. On y retrouve la niaque du Valley of the Sun de Volume Rock.
Cet album “Old Gods est une méditation sur qui j’ai été, qui je suis maintenant et qui je voudrais devenir”, explique le guitariste / chanteur Ryan Ferrier, ce qui explique certaines évolutions stylistiques. L’approche est différente de celle de Volume Rock. Il y a une évolution de parcours au sein de l’album. Cette dernière fait que la galette est plus mélodique mais aussi plus grunge d’esprit.
La césure centrale “Shiva Destroys” offre à l’auditeur une batterie comme une l’intro des Stones sur “Sympathy For The Devil”. Cette interlude de percussions (Maracas et claves) et de batterie n’apporte pas grand-chose à l’album et aurait pu se trouver comme intermède d’un morceau. Mais ne soyons pas bégueule, cet aparté n’est pas déplaisant pour autant
La seconde partie de l’album revient dans le giron du savoir déployé au sein du précédent opus. Pour autant cette couche de mélodie teintée de mélancolie qui correspond potentiellement à ce devenir qu’évoque Ryan est déployée avec plus d’évidence. Ceci est particulièrement vrai pour “Dreams of Sands”. A la réflexion je me demande si Valley of The Sun ne suivrait pas un parcours identique à celui de Truckfighters qui avait abouti à l’album “V” que l’on connaît. Est-ce un hasard de plus si le label est le même?
De mon point de vue Old Gods reste un album fréquentable qui n’est pas déplaisant à l’oreille. Le travail des pistes offre une très belle qualité d’enregistrement et une maîtrise de l’œuvre de bout en bout. Néanmoins je ne saurais le conseiller à ceux qui comme moi aurait espéré une suite de carrière plus couillue et plus grasse pour Valley of The Sun. Au delà de ça, amateurs de mélodies lentes et de sons alourdis par la fuzz entrez, vous serez ici chez vous.
On a toujours été de fervents amateurs d’Abrahma ici à Desert-Rock. Trop rares sur disque et sur scène, la perspective d’un nouvel album des français nous a mis en joie ! Ayant complètement refondu/re-conçu son groupe autour de lui, Sébastien Bismuth profite de ce line-up rafraîchi pour donner un nouvel élan au groupe… mais pas forcément celui que nous imaginions… dans le contexte de Desert-Rock !
Le trouble commence dès le premier titre, « Lost Forever », premier extrait de l’album, un très beau morceau (ayant bénéficié d’une vidéo audacieuse et réussie autour du concept de la dépression) qui rappelle parfois les titres les plus sombres de Hangman’s Chair. Dire que la suite est à l’avenant serait trompeur, et surtout réducteur au regard de la richesse développée par ce disque. Avec une durée moyenne des titres qui dépasse les sept minutes, Abrahma propose une profusion de riffs, de sons, d’arrangements, d’instruments, de breaks, de plans variés et élaborés… Prenez « Lucidly Adrift », on y retrouve des plans de metal (en mode classique, nerveux, voire extrême), des plans plus atmosphériques, un chant radicalement différent entre couplet, refrain et break (globalement, la performance vocale de Seb sur ce disque est rien moins que bluffante), tous types de sons ou arrangements de guitare (clair, saturé, joués en harmonie ou plus basiques lead/rythmique…), on y retrouve même des plans bourrins avec une batterie impressionnante en mode blast beat sur la fin ; on finit quasiment soufflé, éberlué.
L’album défile à cette image sur toute sa durée, dans une sorte de profusion de riffs, de breaks, de mélodies, de sonorités… L’auditeur est challengé en continu, ne peut jamais se reposer sur un titre un peu plus « confortable », il y a toujours un break sauvage qui l’attend un peu plus loin, un arrangement improbable mais réussi en fond, une montée en tension imprévisible qui s’installe… Impossible de cantonner Abrahma désormais à un genre musical ou un faisceau d’influences. Finis les plans stoner ou grunge, on pense désormais, en vrac, au fil des chansons, à Paradise Lost, The Devil’s Blood, certains Opeth, Type O negative, Ulver… la liste est sans fin ! En conséquence, In Time for the Last Rays of Light est un album qui requiert un investissement de la part de l’auditeur, ce n’est pas un album de « musique de fond » ; il doit être écouté et pas simplement entendu. Les écoutes qui se succèdent de fait font découvrir la profondeur des chansons, les subtilités qui les habillent et les structurent. On ne s’y ennuie jamais, non pas du fait d’une production artificiellement pompeuse, mais surtout par une qualité d’écriture que l’on sentait bien pointer sur les albums précédents du groupe, et qui trouve une certaine sorte d’aboutissement sur cette nouvelle, opulente galette.
Clairement, on n’est plus en face du Abrahma que l’on a connu. La maturité n’est pas la même, à l’évidence, mais le genre musical non plus… Abrahma laisse derrière lui le stoner qui a fondé ses premières incarnations (dont il se départissait progressivement sur ses deux premiers disques, admettons-le, si on se souvient de sa période en tant qu’Alcohsonic) et se fend d’un disque où se mêlent d’innombrables références metal riches et abouties. L’album est impressionnant de maîtrise, de qualité, de grandiloquence aussi. Il devrait logiquement trouver un public large, à sa dimension désormais. En revanche, il quitte notre périmètre musical de prédilection, et il est assez improbable que l’on le revoit dans nos pages à l’avenir. C’est donc avec une certaine nostalgie mais surtout plein d’espoir pour le groupe que l’on lui dit au revoir et bonne route.
Le nouvel album des Belges est arrivé et il va y avoir du sang ainsi que des tripes sur les murs de votre salon lorsque vous aurez posé l’aiguille de votre platine dans le sillon de la première face de ce double album qui évite superbement les redondances tout en conservant une grosse dose de sauvagerie tellement bienvenue. J’avais accroché sur la livraison précédente The Fabulous Progerians après m’être fait ramoner les fabriques à cérumen par ces lascars naguère durant un Desertfest sis dans le Plat Pays qui est le leur et je me délecte avec cette nouvelle production qui va poser un problème de mise en page à certains graphistes, vu son titre imposant, pour la coincer dans les colonnes de leurs canards si tant est qu’ils s’intéressent la moindre à une sensation européenne de grande classe internationale.
Crush The Wise Men Who Refuse To Submit, le second long-format de The Progerians sort sur Mottow Soundz qui compte parmi ses poulains une autre histoire belge qui envoie du lourd : La Muerte. Cette proximité nationale ainsi que discographique se prolonge, entre ces deux formations, dans la déclinaison de leur art entre urgence, aliénation et barbarie. Un mode d’expression nécessairement très qualitatif à mes yeux qui est soutenu par une pochette au visuel apocalyptique sur lequel se côtoient 2 diablotins dignes d’une illustration moyenâgeuse (la connivence avec Sardonis n’est par ailleurs pas uniquement visuelle ; les anciens s’en souviennent) sur fond d’usines, rappelant la célèbre Battersea Power Station, qui crachent aux cieux leurs fumées sombres. Le ton est donné : pas d’ode aux Combis VW et aux arcs-en-ciel psychédéliques dans ce bestiaire même si « Graven » est plus abordable dans un style heavy rock/stoner bien appuyé ; il en va de manière similaire avec l’intro de « Netjeret » qui fait illusion quelques instants avant de se prolonger dans un style plus doom et fort répétitif sur lequel les chants sont scandés.
La puissance bestiale est omniprésente sur cette production qui synthétise une certaine urgence récoltée du punk, une noirceur doom et une glauquitude connexe aux formations sludge des bayous du sud profond des USA. Le quatuor excelle dans le registre qui bastonne clairement sur un tempo vif : « Destitute » incarne ce registre à merveille et promet d’être un énorme bourre-pif en live. Le groupe est aussi particulièrement pertinent dans le répertoire qui tient en tension son auditeur comme il le réalise avec le long « Your Manifest » et ses relents ethno qui s’achève sur fond de chants proches de la chorale et des martellements martiaux alors que son riff central aura tourné durant de longues minutes sans jamais verser dans le bourrin, mais en maintenant constamment une ambiance digne de la folie rampant dans les couloirs des asiles d’aliénés. Ce dernier titre met un point final à un disque qui débute aussi de manière introspective avec « Frankie Leads To Death » qui prend toutefois rapidement la puissance d’un troupeau de pachydermes déboulant sur fond de guitares distordues.
L’univers de Nine Inch Nails est touché du doigt sur « Oceania », avec talent, avant que les Belges ne se rabattent sur un doom possédé qui se meut de manière lancinante. La tuerie ultime de cette pièce imposante demeurant « Hold Your Cross » qui est une plage proche du doom traditionnel à la britannique et qui s’achève de manière orgasmique dans une extrême brutalité avec des hurlements en français après quelques couplets chantés en langue anglaise (ça ne vous rappelle pas leurs compagnons de label ?). Cette fameuse plage de 6 minutes contient tous les attributs de séduction impératifs à un titre de doom sérieux empreint de noirceur.
Vous aurez capté mon propos : le Progerians nouveau est une énorme collection de tueries homogènes dans leur vernis sombre, mais se déclinant chacune à sa manière et surtout chacune de manière très aboutie. A la fois novatrices de par leurs orientations artistiques et terriblement accrochées au doom/sludge traditionnel, ces deux plaques – destinées à un public averti – incarnent le renouveau d’un genre qui a parfois de la peine à évoluer sans se vautrer dans le n’importe quoi. The Progerians s’en prend à notre intégrité mentale avec panache en commettant une réussite au rayon lourd et dément ; merci Messieurs !
L’EP In Tensions paru il y a deux ans nous avait permis de calmer notre impatience dans l’attente d’un vrai nouveau long format de la part du quartette de Colombus, Ohio. Pour rappel, cet EP venait aussi témoigner de la courte période de présence d’Adrian Zambrano en tant que guitariste de la formation – son successeur, Chris Thompson, étant déjà intégré au groupe à l’époque de la sortie de l’EP, sans avoir encore participé au moindre enregistrement toutefois. Manifestement le changement de line up leur convient, puisque ce Subtle représente la première trace vinylique du nouveau six-cordiste au sein de la formation nord-américaine. Ils confirment aussi, après un début de carrière porté par le tsunami Small Stone records, leur attachement désormais à Aqualamb Records, obscur label indé qui a notamment la spécificité de proposer (c’est le cas pour ce disque) de véritables petits livres (100 pages pour Subtle) d’illustrations diverses pour enrichir l’expérience sonore – une belle initiative dans un monde de sur-digitalisation… [aperçu du contenu en bas de page]
On se plonge dans ce Subtle avec un plaisir réel – ce qui fut toujours le cas avec Lo-Pan admettons-le rétrospectivement, leur carrière n’ayant à ce jour pas encore connu de faux-pas. Avec le coup d’arrêt marqué par Small Stone il y a quelques années, un grand nombre de combos U.S. proposant différentes variantes de heavy-rock fuzzé à forte dose d’adrenaline (et différents degrés de metal) ont un peu disparu du paysage, dispersés, freinés, voire arrêtés. Lo-Pan émerge donc désormais un peu plus de la masse, de par sa longévité maintenant confirmée, mais aussi grâce à ses signes distinctifs majeurs. Pour ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de découvrir le groupe, Lo-Pan est un groupe qui présente en particulier deux composantes très marquantes, des éléments bien distinctifs : le premier est un talent de composition très intéressant, où se mèlent puissance et audace. La plupart des titres proposent un heavy rock chargé en groove, dispensé à grands coups de riffs testostéronés. “A l’américaine”, serait-on tenté de dire, les mélodies sont travaillées et visent à l’efficacité. On citera volontiers pour en faire la démonstration des titres comme “10 Days”, l’emblématique “Savage Heart” ou “The Law & the Swarm”, exemples de chansons qui ne nécessitent pas 10 écoutes pour dévoiler le talent d’écriture du groupe. L’ensemble est dédié au sacro-saint riff, qui tient la baraque sur chaque chanson, comme il se doit dans cette mouvance musicale. Mais le groupe n’hésite pas à se jeter dans des plans plus techniques, audacieux, ambiancés, avecd es rythmiques plus nuancées et variées – ce qui rend ses albums jamais ennuyeux…
L’autre élément marquant dans le groupe est le chant : Jeff Martin, colossal (dans tous les sens du terme) vocaliste du combo depuis une douzaine d’années maintenant, apporte au groupe son caractère et – répétons-le – un élément différenciant de poids (sans jeu de mot cette fois…). Son chant est puissant, pas très grave (ce qui étonne toujours un peu en premier lieu) et propose finesse et modulations bluffantes à plus d’une occasion. Il faut voir par exemple l’identité qu’il apporte à “10 Days” avec un chant simplement posé sur la rythmique, sans jamais pousser, adossant aux riffs de Thompson un panel de mélodies vocales que l’on pourrait considérer comme un quatrième instrument en tant que tel. Sur “Ascension Day” il emmène le titre sur des niveaux de tension remarquables grâce à des envolées impeccablement maîtrisées. On mentionnera aussi sa puissance sur “A Thousand Miles” avec des chœurs bienvenus, ou encore “Butcher’s Bill”, propice aux nuances vocales.
On passe et se re-passe l’album ainsi sans jamais se lasser en réalité, bien content de retrouver le groupe toujours vivace et avec de bons signes de créativité. Le genre musical étant ce qu’il est, on pourra penser occasionnellement qu’un ou deux titres apparaissent un peu plus rébarbatifs et répétitifs – ce qui nous freine un peu au moment de considérer Subtle comme leur meilleur opus à ce jour… Subtle ne l’est peut-être pas (le meilleur) mais c’est est un foutrement bon disque en tant que tel. On espère maintenant les voir venir le défendre sur scène par chez nous.
Les Transalpins se rappellent à notre bon souvenir en débarquant sur Rise Above Records pour leur quatrième long format après être allé poser leurs amplis le temps de sortir un album sur le label emblématique du punk à roulette scandinave Burning Heart. Les inconditionnels de la formation pourraient se demander ce que Giuda peut bien venir foutre sur ce site vu que jamais nos colonnes ne se sont ouvertes à leurs précédentes productions pourtant fort qualitatives que ce soit en ce qui concerne leurs albums ou pour ce qui est de la kyrielle de singles disséminés sur une tripotée de structures plus ou moins grandes – et plus ou moins indépendantes – qui font vivre la musique de qualité hors des circuits à l’attention du grand public. Il y a plusieurs éléments qui expliquent cette arrivée soudaine du fer de lance de la scène bovver mondiale : la première relève de l’opportunité et réside dans le fait que le label, aux sympathiques sorties, qui est en charge de « E.V.A. » s’est donné la peine de nous l’envoyer, mais ce n’est pas la principale raison. La motivation qui prime est le fait que cette production est, à ce jour, clairement la plus glam des Italiens, la plus vintage dans son travail en studio et nettement la plus kraut dans sa conception empreinte d’incursion électroniques (que quelques puristes de Giuda peineront peut-être à surmonter). Bref on est bel et bien confronté à un objet, d’un peu plus de 30 minutes, qui fleure bon les seventies et demeure fort abordable (vous pourrez même l’écouter avec votre flirt du moment sans être taxé de lourd c’est vous dire l’aubaine !).
Les Italiens qui contribuent fortement à la bonne santé du revival bovver entraînant dans leur sillage les Faz Waltz, Shandy et autres Hard Wax commettent ce quatrième album après une longue absence et celui-ci va peut-être l’éloigner de sa fanbase originelle, mais pourrait bien lui attirer la sympathie de néophytes d’un genre prisé des usagers des tribunes des stades de foot. « E.V.A. » est en deçà de ces prédécesseurs à la première écoute, mais après quelques écoutes on se prend d’affection pour la dernière livraison des Romains.
Des titres comme « No Place To Hide » constituant l’exemple parfait du brûlot efficace qui fait le tour de la question en moins de 3 minutes. Le riff de base est impeccable, la mélodie immédiatement scotchée dans la boîte crânienne et il devient rapidement impossible de ne pas frapper le sol sur le rythme martelé de manière très uniforme tout au long du titre. D’autres plages, telle « Space Walk » dépassent de 30 secondes le format standard sur cette sortie avec un tempi très ralenti et un groove brillant sur lesquels des collages ajoutent de l’épaisseur plutôt bien sentie.
Certes, nous retrouvons Giuda là où nous ne l’attendions pas vraiment, mais cette collision entre Yuri Gagarin, Uncle Acid & the Deadbeats, Orange Goblin, The Standells et Cock Sparrer est une belle plaque de rock seventies rafraîchissante à l’attention de mélomanes qui ont ouvert leurs esprits.
Point Vinyle :
La première fournée de pressage s’inscrit dans la tradition de la scène originelle de ce groupe avec l’amplification bienvenue : 100 exemplaires transparents, 200 pièces bleu royal, 300 exemplaires rouge et 300 rondelles noir originel. Et tout ça mes enfants ne concerne que la première salve car nous pouvons prédire de nouvelles éditions dans les temps à venir. Les iconoclastes du cd ont eux aussi droit à une version particulière : 1’000 cds rouge (je vous vois sourire derrière vos écrans, mais il en faut pour tout le monde !).
Heavy Psych Sounds signe à tout va, il faut croire que son patron Gabriele Fiori (Leader de Black Rainbows) a la communication facile et l’accolade généreuse. Ceci n’empêche qu’il ne soit exempt de discernement et qu’il sache dénicher des talents. Depuis leurs débuts, le label soutient le quartet Texan de Duel qui fait tout de même office de groupe par lequel il est bon de passer. Et puisqu’on en est là il sera bon de passer par l’écoute de leur nouvel opus Valley of Shadows paru ce 17 Mai.
D’entrée avec “Black Magic Summer” on reprend l’écoute de Duel là où l’on s’en était arrêté lors de la précédente audition. (Et je passe volontairement sur le Live sorti entre deux). Les voix suaves sur nuage de saturation sont belles comme une pub pour un yaourt bon pour ta flore intestinale mais là ce serait plutôt dû à une bière aux propriétés surprenantes. On ne change pas de registre et on repart sur les routes poussiéreuses du Stoner avec “Red Moon Forming”. Duel c’est un son à l’ancienne qui ne s’encombre pas de recherches innovantes à outrance. Le groupe fait montre cependant d’efficacité. La voix de Tom Frank accompagnée de celle du bassiste Shaunt Avants sont un véritable booster pour les compositions. Bien souvent le chœur de guitares offre une pleine bourre de Heavy old school et ce n’est jamais cliché.
Ce qui est bien avec Duel c’est que tu sais où tu vas, on reste dans une sorte de confort constant d’un album à l’autre. Parfois on croise quelques petites originalités comme un passage qui semble vouloir prendre des airs martiaux sur “Drifting Alone” mais qui revient vite dans ce que fait si bien Duel en offrant une montée mélodique et émotionnelle fort plaisante. A relever aussi sur “Strike and Disappear” une sorte de slow Heavy 80’s, le sirupeux en moins… mais attendez… oh bordel, ça repart fort on se croirait presque sur un album de Motörhead! Je monte le son, ça joue fort, ça joue vite, ouaip ça joue Rock’n’roll! Comme quoi on a beau être sur une qualité constante on ne s’ennuie pas le moins du monde.
L’album clôture sur “The Bleeding Heart” qui est une fois de plus une pure démonstration (Hard) Rock et swing sévère en emportant l’auditeur très vite sur les routes du Stoner le plus échevelé. Ça tire fort sur les cordes à grand renfort de bends, la batterie de Justin Collins roule comme un éboulement de frappes taillées dans le granit. La basse plante ses notes comme un marteau pilon. Il n’est pas improbable qu’il s’agisse là du meilleur morceau de l’album si on arrive à accepter que la clôture du morceau se tourne vers des prières tibétaines (?) et ne tombe pas des plus à propos en finissant la piste bien curieusement, provoquant même la frustration de l’auditeur.
Si tu cherches un album Stoner avec un esprit classique, si tu cherches à te muscler la nuque, si tu veux recevoir une dose de notes bien senties, cet album fera ton bonheur. Pour ceux qui connaissent déjà et apprécient le groupe, vous pourrez y foncer les yeux fermés je vous garantis que vous y retrouverez vos repères. On déplorera probablement la durée de 37 minutes de cet album, ce qui est, convenons-en, un peu court, ainsi qu’un formatage systématique des pistes autour des 4 minutes. En conclusion Valley Of Shadows vient s’intercaler très logiquement dans la discographie de Duel et ajouter une pierre de plus à leur œuvre qui on le souhaite continuera de s’élever.
The Well qui a sorti Death and Consolation le 26 avril chez Riding Easy Records n’en est pas à son coup d’essai. Le trio Texan en est à sa troisième production et avait pas mal séduit la rédaction avec son Samsara et avec sa dernière galette Pagan Science qui étaient joliment emportées vers des terres de psychédélisme ; pour moi la découverte de ce groupe en Live avait été une bien appréciable genèse. Cette fois-ci ils reviennent donc en annonçant la couleur, on va parler de mort et de consolation, tout un programme!
Différent du précédent, moins hippie, l’album attaque sous des abords probablement plus agressifs. Le titre confirme que ce Death and consolation est une œuvre plus sombre où transpire un certain mal être.
Si comme moi tu n’es pas amateur de voix chargées de reverb, il est probable que tout ceci te paraisse un peu long. J’ai dû m’accrocher pour approcher l’œuvre et doucement venir chercher les petites perles qui émaillent la galette. Comme sur “Raven”, où le jeu de piano staccato apporte un peu de légèreté et d’entrain. C’est là très peu de choses mais c’est assez efficace, je l’admets. Si je prends cet exemple c’est que les petites réjouissances sont légions mais parfois à peine perceptibles. Jette donc une oreille sur “Freedom Above”. Ce morceau est assez indicatif de ce qu’est l’album et fait apparaître dans sa conclusion le chant en solo de Lisa Alley, la bassiste qui par son attitude lascive donne à penser qu’il aurait dû être plus exploité car il aurait apporté un réel plus à l’œuvre. Le chant est d’ailleurs une composante majeure de l’identité de The Well et le couple Ian Graham et Lisa Alley chargé de sa reverb quasi une signature. Néanmoins parfois l’aspect larmoyant du chant, son aspect plaintif, finit par lasser. On pourrait penser à du Doom mais il y a quelques croches de trop pour que cela soit vraiment définissable par ce biais.
Il apparaît dès lors logique que les cordes soient assez torturées, et régulièrement les slides joués au médiator sonnent comme un bruit de gorge, un râle ou une plainte profonde. S’y ajoutent des Riffs lourds, souvent sabbathesques comme sur “Eyes of a god” et de ce point de vue l’intro de “Act II” pose là un riff massif et bien senti dont l’efficacité est bien réelle.
Death and Consolation propose une succession de riffs et d’atmosphères sinueuses comme un serpent. Il vient s’enrouler autour de toi et te libérer, se lover et disparaître. C’est une pièce étonnante que cette galette. Tout à la fois appréciable et laissant froid par instant. Si tu veux voir de quoi je parle, la conclusion de l’album au relents de Doom, “Endless Night” avec ses sons de cloches et les hurlements de gratte t’offriront de terminer la plaque comme si elle se disloquait, et c’est une belle fin que nous propose the Well, quelque chose d’assez logique.
Death and consolation ne trouvera pas amateur du côté de ceux qui recherchent fraîcheur et légèreté, mais si tu as l’esprit un peu torturé et l’angoisse facile tout en t’y complaisant tu devrais y trouver ton compte. Il s’agit là d’un album un peu inégal mais certainement pas de mauvaise facture, l’inégalité étant sans doute annoncé par le titre même, Death and Consolation. Une sorte d’œuvre en deux temps. On s’y penchera pour culture et on fera l’emplette de la galette en se disant “Pourquoi pas!”, après tout il y a bien du talent dans tout cela et très probablement une façon unique d’aborder le genre.
C’est en 2017 que Stone From the Sky m’est venu aux oreilles et m’a marqué par son inventivité au travers de son morceau ” Inside The Dalek “. Sans s’y arrêter on pourrait croire à la première audition à un groupe de Psych Allemand, pourtant ce trio instrumental vient du Mans et sait y faire pour plonger son auditeur dans un univers psychédélique dense et fort en émotions qui avait déjà convaincu notre rédaction. Cette année les Sarthois reviennent avec un nouvel album et un plein d’expériences scéniques. Ils signent cette fois leur plaque chez More Fuzz Records sous le titre Break a Leg.
L’album débute sous des auspices gavés au peyotl. On imagine au détour d’une route l’envol d’un hibou au milieu d’un pays sauvage encore nimbé de brouillard. L’ambiance rappelle la force d’un Samsara Blues Experiment, ou celle d’un My Sleeping Karma. Stone From The Sky livre une musique apaisante et propice à l’introspection avec ou sans psychotropes.
Ambiance orientalisante sur “Vena Cava” équilibre parfait des basses et des médiums qui donne toute sa profondeur au morceau. “Therapsida” montre d’ailleurs à quel point le trio sait s’équilibrer avec une introduction qui monte crescendo basse puis batterie puis guitare. Chaque instrument est une pièce d’un vaste puzzle qui vole en éclat à grand renfort de pédalier puis se reconstitue de lui-même sans cesse tout au long des 9 minutes de la piste. La structure laissant parfois penser à celle d’un Mother Engine
La longueur des morceaux est notable avec trois pistes de plus de 9 minutes et rien en dessous de 4. Pour autant l’agencement se fait toujours bien et je ne suis jamais arrivé à me dire que la suite serait la bienvenue. Stone From The Sky raconte bien les histoires et sait tenir son auditoire en haleine.
L’histoire qui s’y raconte colle bien au titre “Animal”, une composition qui sent le fauve et libère les instincts primaires du groupe. Un morceau brut inséré assez violemment dans l’album d’ailleurs, ce qui est un peu dommage, la transition avec “Atomic Valley” laissant voir les coutures, mais rassurez-vous ce n’est qu’un détail. Les breaks puissants et justes du batteur surviennent sur ce titre comme une évidence et les trois s’associent une fois de plus parfaitement pour garantir une ambiance pleine et profonde.
Le mix laisse parfois place à quelques légers désordres, ne gommant pas le souffle des amplis sur la piste finale, “Rataxès”, mais qu’importe, on oublie de nouveau très vite l’incident pour se confronter au roi des Rhinocéros qui vient de sa marche pesante faire trembler le sol et faire vibrer l’âme. Il s’agit à mon sens du meilleur titre de l’album, il navigue entre Rock Psych et Post-Rock, entrant dans une catégorie indéfinissable que j’affectionne particulièrement. “Rataxès” est un titre tout en gravité et en lourdeur émotionnelle il donne berce l’auditeur et l’emporte sur son dos, ce morceau est tout simplement beau et on ne lira plus jamais Babar de la même façon.
Stone From The Sky livre avec Break a Leg un album complet et immersif où ne pointe jamais la lassitude. Il faut avouer le talent du trio et admettre que cette seconde galette est jouissive. Un album à recommander, à faire tourner et à partager. Pas la peine de le porter au pinacle, il se place haut de lui-même tout en restant accessible.
Pour en écouter un bout, leurs compositions sont disponibles ici.