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Once upon the time in the East. Avant les autres il y avait Carn. Ils étaient les premiers. Sur leur tombe on aurait pu lire : “auront fait du stoner en France 10 ans trop tôt”. A Nancy comme ailleurs, les amateurs de musiques plombées n’ont pas oublié leurs précurseurs et quelques uns auront suivi les pérégrinations de leur plus fidèle rejeton, Caldera qui, depuis 2001, s’évertue à donner à leur carrière autant de sens que les concepts développés dans les paroles de Matt Pike pour High On Fire. Parti d’un stoner rock sablonneux le combo a muté en une véritable entité doom, toute entière dévouée aux abysses. Sans faire trop de bruit, ni trop de concerts, le trio a publié deux albums intéressants en 2008 et 2011, tranchant avec le son désertique de leur démo, Bison Skull datant de 2002. Abonné aux petits labels, si possible commençant par la lettre A (Atropine Records, Avant Garde Music), Caldera nous revient en 2015 avec un EP vinyle, leur grande première dans ce format, que le groupe décide de publier lui même, via une structure dédiée, au nom également placé sous le signe de la première lettre de l’alphabet : Ancient Battle Records.
Le moins que l’on puisse dire c’est que les frères Lacroix, Claude et Christophe, ne sont animés par rien d’autre que la passion : alors que le dernier concert de la formation remonte à 2013 ou que la page de leur label ne compte que 29 fans sur Facebook, Caldera se lance dans la réalisation d’un EP dont la facture, autant sonore que visuelle est de très, très bonne tenue. Deux titres, pour 20 minutes de doom instrumental et atmosphérique, naviguant à vue entre descente aux enfers et souffle d’espoir. « Centralia », le premier titre semble représenter la face sombre du disque : une bataille y fait rage, faisant, paraît-il, référence à celle de Nancy, qui couta la vie à Charles le Téméraire en 1477. Les 13 minutes de doom belliqueux de ce morceau aux inflexions médiévales trouvent un reflet apaisé en seconde face du disque, par le truchement d’une reprise de « Garden Of Love » de la formation psychédélique de San Francisco Amber Asylum, dans laquelle a œuvré, entre autres, Steve Von Till (Neurosis) ou Chiyo Nukaga (Graves At Sea/Nooghgrush).
Comme toujours avec Caldera il n’y a rien à reprocher au combo, si ce n’est de déplorer que malgré les efforts conjugués de quelques fidèles webzines, leur musique ne touchera hélas qu’une poignée d’irréductibles, les autre n’ayant même pas conscience que le combo nancéien aurait sa place dans de nombreuses discothèques, le vinyle de Centralia bien calé entre ceux de Burning Witch et Candlemass.
Point Vinyle : superbe édition que ce EP 12’, pressé à 100 exemplaires 160 grammes (où sont les 20g manquants ?!) accompagné d’une pochette faite main, avec un papier de haute qualité.

Pour de multiples raisons, c’est en Angleterre que la scène doom est la plus excitante. Est-ce quelque chose qu’Albion doit à son climat ? Peut-être bien. Les sous-bois humides du Dorset ont donné à Electric Wizard un son sauvage et les dimanches pluvieux londoniens semblent avoir inspiré à bon nombre de musiciens l’envie d’exprimer leurs penchants dépressifs sur bande, le tout sous le haut patronage de Lee Dorrian, heavidement. En sus d’avoir porté à bout de bras Cathedral depuis près de 25 ans, des bas fonds industriel de Coventry jusqu’au bord de la Tamise, le chanteur est aussi, avec Rise Above, le plus grand pourvoyeur de musiques grasses en Europe.
En ces temps obscurs où Electric Wizard se déchire, musicalement comme humainement, voir l’ancienne section rythmique de ces derniers – ayant depuis enchanté la putride Albion dans Ramesses – s’acoquiner avec l’une des plus grandes voix du doom a forcement quelque chose de réjouissant, comme le sentiment que les trois compères viennent avec la malveillante intention de remettre l’église satanique au milieu du village des damnés.
Le précieux a été enregistré aux désormais cultes Orgone Studios (Rise Above en général et Cathedral en particulier y ont leurs habitudes) par Jaime Gomez Arellano. Le premier album de With The Dead peut être présenté, par bien des aspects, comme la synthèse parfaite du doom anglais. En effet, Tim Bagshow et Mark Greening, en bons activistes du riff lent, continuent leur plongée dans les tréfonds de l’occulte, sertissant les six titres de l’album d’ambiances macabres tandis que Lee Dorrian semble apporter un semblant de lumière, filet blafard d’optimisme éclairant les noirs desseins des deux revenants composant la section rythmique. Un peu comme si Ramesses, rencontrait Cathedral, finalement. Derrière l’apparente banalité d’un tel constat se cache pourtant la force du disque : en alliant leurs si reconnaissables aptitudes, le trio a enfanté d’une synthèse maléfique des éléments propres à la légende du doom d’outre Manche.
En résulte alors un disque touffu, poisseux, au milieu duquel flotte deux absolues réussites que sont « Living With The Dead » et « I Am Your Virus ». Les ambiances sont travaillées à l’extrême, le son frappe comme une faux trainée sur l’asphalte et l’aspect lancinant, presque rampant des compositions, associé à un son quasi industriel synthétise tout ce qui fait la gloire du heavy à l’Anglaise : une sorte de violence brute, loin de tout idée d’esthétisme.
Dans un genre qui n’appelle à aucune révolution, With The Dead prend le parti de la synthèse, endosse le rôle de patron, laissant en filigrane penser que le costume était trop large pour les épaules tremblante du Magicien Électrique.
Les plus observateurs noteront que cette chronique est affranchie du mot « supergroupe », notion désuète à mes yeux pour qualifier des musiciens dont le volume de vente de disques ne dépasse guère quelques milliers d’exemplaires.
Point vinyle :
On peut toujours compter sur Rise Above pour régaler les passionnés de vinyles et la sortie événement de l’album de With The Dead aura été l’occasion de se lâcher pour Lee Dorrian et ses associés. Pas moins de 3 version Die Hard, avec patch, poster, 7’ et insert contenant les paroles (Black : 100 ex / Clear : 120 ex / Gold : 250 ex).
Pour les pressages normaux, il est prévu 1000 ex en violet translucide, 1000 en noir, 1000 en violet et 500 autres en violet tacheté de noir, ce dernier étant principalement réservé au marché US.
A noter que le premier pressage CD voit sa pochette être en hologramme.
Rise Above fait les choses bien.

Si les Etats-Unis font rêver c’est aussi parce qu’ils ont toujours eu des conteurs de génie pour narrer leur récente histoire. Mark Twain, Bob Dylan, Bret Easton Ellis, Lynch, j’en passe et des meilleurs. Des artistes capables de sublimer les événements et les forces, les détails et les faits, les émotions et les peines d’une nation en construction. Point de vue ethnocentré d’un habitant du vieux continent, certes, mais qui justifie en partie la force de certaines des plus belles narrations outre-atlantique. All Them Witches, par sa musique, fait partie de cette caste de raconteurs d’histoire.
Depuis ses débuts en 2012, le quatuor de Nashville brode de solides petites nouvelles et ce n’est pas leur arrivée sur New West Records, label plus spécialisé dans la folk que le doom qui va infléchir cette tendance. Mais le grand écart qui aurait pu se créer, laissant place à un gouffre artistique, perdant l’auditeur dans un abîme d’incompréhension, n’est pas d’actualité sur cet excellent « Dying Surfer Meets his Maker ». All Them Witches réussit la prouesse d’ingérer quantité d’influences, et de nous les resservir avec cet indéniable talent de composition qui les caractérise depuis leur début.
On traverse ainsi l’album de la même manière qu’on traversait le continent avec Kerouac. Le cul posé à l’arrière d’un pick-up rouillé, à ne jamais vouloir de fin à ce voyage. Le quatuor nous conduit, d’une folk “finger-pickée” à la JJ Cale, en passant par de grands espaces ouverts, bordés de psychédélisme chaud et acidulé. Ce qui frappe c’est la maturité artistique qui baigne les compositions de ce nouvel album. On trouve, par exemple, des pointes de violons traditionnels, échappés d’une lointaine Irlande-mère, au gré de certains titres, ne dénaturant pourtant pas cet americana psyché, marque de fabrique du génial combo. Maturité aussi dans la cohérence du suivi des titres. Les 9 morceaux passent, tel une discussion, entre causerie et rêverie, de “Call me Star” à “This is where it falls apart”, de la mélancolie d'”Open passageways” aux méandres de l’oubli de “Blood and Sand/Milk and Endless Water”. Narration, je vous dis.
La production de l’album rend d’ailleurs hommage à cette écriture. Simple et précise, elle se fait ponctuation le long des bons trois quart d’heure d’album. La chaleur du grain de voix, cette batterie à la limite du trip-hop 90s, le blues de la guitare et les nappes de claviers, asphalte et guide nécessaire à la locomotive All Them Witches, tous les effets de production se justifient et donnent du corps à la cohérence de l’ensemble.
Je comprends les esprits chagrins qui pourraient reprocher une fois de plus une chronique positive sur ce webzine mais là, franchement. Je retourne et dérouille cet album depuis trois semaines déjà et je n’y retrouve rien à redire. “Dying Surfer Meets his Maker” est beau, intelligent, multiple et simple pourtant. Il est un sacré voyage, une merveilleuse traversée qui apaise et transporte à chaque écoute. On bave devant l’équilibre entre le côté physique, tactile de l’acoustique qui se dégage et cette sensation de surréalisme dû aux envolées psychédéliques du quatuor, La classe américaine. Et l’un des meilleurs albums de 2015.
Les amateurs de sons fuzzés ne seront pas étonnés de retrouver, une fois n’est pas coutume, un disque estampillé du logo de Riding Easy Records, dans les pages virtuelles de Desert-Rock. La petite entreprise d’Hermosa Beach continue sans relâche son travail de dénicheur de talents et le moins que l’on puisse dire c’est que Daniel Hall a eu le nez fin au moment de signer Holy Serpent, inconnus Australiens devenus sa 46ème publication.
Il y a quelque chose d’énervant dans l’histoire d’Holy Serpent. Jugez plutôt : le groupe se forme en 2014 à Melbourne et c’est en tombant sur la vidéo de leur premier concert que la tête pensante de Riding Easy tombe sous le charme et décide de les signer. En résumé quatre petits cons, à peine pubères et venant de l’autre bout du monde, se retrouvent instantanément propulsés sur le devant de la scène grâce à une vidéo postée sur le net. Je vous avais prévenu, c’est insupportable. Mais ça serait oublier un élément fondamental que de juger Scott Penberthy et sa bande sur cette insolente (donc forcement louche) réussite : leur musique est magistrale.
Visiblement influencé par Sleep, dont ils semblent avoir hérité de la science de l’hypnose en apesanteur, Holy Serpent se démarque de la masse par son goût des choses bien faites, tartinant de psychédélisme son petit lot de titres taillés à même le gras. On appelle ça heavy psych et cette étiquette leur va comme un sticker Black Sabbath sur un skate board. Rappelant parfois Uncle Acid pour les voix et quelques harmonies de guitares, l’esprit (embrumé évidemment) tourné vers les 70’s, Holy Serpent n’invente rien et c’est tant mieux : le quatuor se contente de proposer un premier album passionnant et maitrisé, à l’image de « Shroom Doom », la pépite psychotrope de l’opus.
Sortir un album d’une telle teneur en moins d’un an d’existence est une chose plutôt rare. De deux choses l’une : soit il s’agit d’un one shot et il restera remarquable, soit cet opus en appelle d’autres encore plus inspirés. Il faudra alors laisser un peu de place pour Holy Serpent dans sa discothèque et sur sa veste à patch.
Point Vinyle :
Riding Easy est un fan acharné du vinyle, que dis-je : le Ali Baba du format. Dans la grotte de Daniel Hall, plus de 2000 LPs de Black Sabbath attendent sagement de se faire passer un diamant au sillon.
Pour ce qui est du premier opus d’Holy Serpent, il y a eu deux pressages :
– Le premier propose 100 disques transparents, version Die Hard, avec pochette en 3D, 200 violets, 300 en vert et 400 en noir.
– Le second pressage est fait de 250 vinyles en résine rouge et 250 en orange, tout simplement.

Attirés par une pochette d’une qualité graphique incroyable et par une réputation qui n’est plus à faire après trois albums au compteur, nous nous devions de prêter une oreille à ce quatrième opus de Denizen, combo français méconnu et absent de nos colonnes.
Dès les premières secondes du « Teddy Bear » d’ouverture, le ton est donné : riffs biens calibrés, rythmique plombée comme un petit soldat, Denizen est au rendez-vous avec ce Troubled Waters. Un « Whoresmoker » avec ses ralentissements brutaux et ses airs de Black Sabbath permet au combo de Montpellier de montrer l’étendue de son talent. La cougar « Jocelyne », quant à elle, exploite à fond ses (g)riff(e)s tranchant(e)s pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
Le groupe, en près douze ans d’existence, a eu tout le loisir de parfaire son jeu et d’acérer sa qualité d’écriture…et ça se sent. Furieux, abrasif, sans concessions, ce Troubled Waters est un album qui s’écoute avec le volume poussé à fond. Cognant sur tous les fronts, le disque pourra certes paraître un brin brouillon à certains. Il est vrai que passer du très redneck « Time to leave » au furibard « Enter truckman » (qui fleure bon le Clutch du tout début) n’est pas donné à tout le monde.
Il n’empêche que ce n’est pas tous les jours que la France accouche d’une tuerie musicale comme l’est ce nouvel album de Denizen. Seule ombre au tableau de ce Trouble Waters : les vocaux de Fabien Aletto viennent parfois se noyer dans les eaux troubles d’une production pas vraiment à la hauteur de ces dix titres pourtant parfaitement ficelés.

Comme la vie nous le rappelle trop souvent, la mort n’est jamais trop loin, frappant quand on s’y attend le moins et brisant bon nombre de destins. C’est le triste constat que l’on peut faire du groupe Stoner/Doom Behold ! The Monolith, orphelin de son défunt chanteur-‐bassiste Kevin McDade, victime d’un accident de la route en 2013. Tandis que Behold ! The Monolith était en pleine ascension avec deux albums bien prometteurs, c’est sans surprise que ce brusque et involontaire changement de line-‐up va chambouler fortement tout ce petit monde de barbus. En effet, le décès de Kevin McDade va reformuler le power-‐trio en quatuor avec Jordan Nalley au chant et Jason “Cas” Casanova à la basse, afin de s’embarquer vers une troisième aventure en studio pour y concrétiser Architects of The void, disponible le 29 septembre 2015.
Behold ! The Monolith fait partie de ces groupes californiens qui ont été nourris à la racine par l’inspiration Stoner de Los Angeles, puisqu’ils en sont eux‐mêmes originaires. Rassemblant à l’origine Kevin McDade au chant et à la basse, Matt Price à la guitare et Chase Manhattan à la batterie, Behold ! The Monolith nous a offert une marche de progression forte intéressante. A travers un premier très bon album éponyme, paru en 2009 et Defender, Redeemist sorti en 2012, second opus encore mieux réussi, le groupe a su puiser dans différents domaines stylistique. En effet, la grande force de Behold ! The Monolith était de construire leur musique à travers différents styles tels que le Stoner-‐ rock, le Sludge, le Doom, le classique Trash et le Black Metal. Le tout tinté par une ambiance proche d’un Post-‐Metal aux petits oignons.
Malgré la difficile épreuve qu’a dû affronter Behold ! The Monolith, leur troisième Opus laisse voir au premier plan et sur le papier quelque chose d’alléchant. En effet, l’album Architects of The Void a été produit par un grand monsieur qu’est Billy Anderson, producteur entre autre de groupes tels que Neurosis, High on Fire ou bien encore le mythique groupe Melvins. De plus, la pochette de l’album a été concoctée par le talentueux Dusty Peterson, à qui l’on doit de belles réussites iconographiques (Six Feet Under, Oceans,…). Malheureusement, cela ne suffit pas à convaincre.
Car les changements radicaux de line-‐up ont fortement déstabilisé toute cette essence stylistique. En effet, les premières écoutes laissent très perplexe, obligeant à se replonger sans cesse dans cet album qui est clairement plus Doom que Stoner. On est finalement plus proche d’une prog Black Metal contrairement aux précédents opus beaucoup plus riches et qui nous rafraichissaient de leurs ambiances Post-‐Metal et Stoner. On constate en fait que Architects of The Void entend, encore une fois, mélanger différents styles de Metal avec une forte identité Hard-Rock menant maladroitement vers un album disparate. A croire que leur force est devenue une faiblesse, car les compositions se constituent de grilles volontairement variées mais trop changeantes sans mener vers un véritable effet de surprise. C’est finalement la grande force Stoner-Rock du groupe qui en prend le plus un coup, dans la mesure où on ressent une forte éviscération des riffs Stoner dû à un surplus de riffs et rythmes tantôt Doom tantôt Black Metal.
Architects of The Void est donc une forte déception pour un groupe qui nous avait habitué à mieux, malgré quelques morceaux et passages qui ne laissent pas indifférents. On peut sans conteste affirmer que le dernier album de Behold ! The Monolith est une petite erreur de parcours qui ne contentera que ceux qui se cherchent encore et qui creusent dans l’univers Metal. Mais cela ne reste pas pour autant un échec, en se confortant dans l’idée que la formation fraichement renouvelée à besoin de se roder encore un peu et qu’elle aurait peut‐être dû attendre de se connaître un peu mieux pour sortir Architects of The Void.

Et au milieu coule une rivière. De sang, d’angoisses, de folie. Un torrent de boue plutôt, charriant une violence sans nom en son cours tumultueux. On vous prévient. Le nouveau Cult Of Occult ne verse ni dans l’empathie, ni dans la rédemption de quelques manières. Il est même déconseillé aux personnes souffrantes et fragiles. Car à l’écoute de leur nouveau méfait, on n’en ressort pas indemne. Five Degrees of Insanity est un album progressif, enfonçant titre après titre, un clou rouillé au plus profond de la chair, transfusant son sludge noir dans vos moindres veines.
Pourvoyeur de boucherie sonore, Deadlight Entertainment ne s’est, une fois de plus, pas trompé en signant le quatuor lyonnais. Les cinq degrés qui composent l’album ne forment qu’une seule entité et il est délicat de dégager un titre tant l’ensemble se tient. Alcoholic, Nihilistic, Misanthropic, Psychotic et Satanic forment un assemblage dégueulasse où les voix s’entrechoquent, où les murs de 6-cordes pleuvent, véritable orchestre de pendus, guidé par une section rythmique inflexible, froide d’intention et rageuse dans l’exécution. La production rend d’ailleurs hommage à la vision du combo, une écoute au casque suffira à vous convaincre du pouvoir de défloraison de la galette.
Progressif donc, car, outre l’hommage appuyé à King Crimson pour l’artwork, on retrouve dans la construction des titres cette envie d’y aller pas à pas. De laisser le temps à la poisse de coller. Même quand on croit le climax atteint, les lyonnais nous assaillent encore pendant de longues minutes. Éprouvant. Il faut une attention toute particulière pour apprécier l’exercice et l’on pourrait aisément décrocher. A noter aussi quelques effets de voix un peu légers par moment, écorchant un peu l’édifice. Rien de bien méchant cependant comparé au contenu de la galette.
Five Degrees of Insanity est une expérience pour qui ose s’y aventurer. Cult of Occult se bonifie au gré des sorties, alourdissant sans cesse son sludge, le teintant de black, aiguisant de plus en plus les contours. Une musique éprouvante à ne pas laisser entre toutes les oreilles, mais qui, une fois acceptée, vous explose de belle et violente manière.

En cette période où l’on se prépare à l’hiver, quoi de mieux que de se rafraichir les oreilles en s’écoutant le deuxième album du power-trio islandais The Vintage Caravan ?! Trois ans après la sortie du prometteur album Voyage (2012) signé par le label Sena, ce très jeune et talentueux groupe qu’est The Vintage Caravan atteint enfin l’étape tant redoutée du difficile deuxième album. Signés cette fois-ci par Nuclear Blast, et, rodés par d’innombrables dates à travers toute l’Europe en compagnie des plus grands (Truckfighters, Kadavar,…), les vingtenaires Óskar Logi (Chant-‐guitare), Guðjón Reynisson (Batterie) et Alex Örn (basse) ont tout à prouver avec ce second opus qu’est Arrival.
Le démarrage ne se fait pas attendre puisque The Vintage Caravan prend le risque d’ouvrir Arrival avec “Last Day of light”, un morceau très riche, peut-être trop riche en influences musicales. Titre regorgeant de toute la culture musicale que les jeunes islandais ont pu s’accaparer, il n’en demeure pas moins qu’on s’y perd un peu entre univers 60’/70’ psychédélique et teneurs Heavy 80’, ne mettant pas forcément en valeur le power‐trio, malgré un final des plus remarquable.
Fort heureusement, la suite respire la grosse claque Stoner avec “Monolith” ou bien encore “Eclipsed” qui sont de véritables rouleaux compresseurs prouvant que The Vintage Caravan a nettement progressé en terme de son. Bien que “Babylon” convainc à demi‐mesure, la deuxième partie de l’album est la véritable pierre angulaire de Arrival avec un spectacle qui devient époustouflant. A travers “Shaken Beliefs”, “Crazy Horses” et “Sandwalker”, morceaux qui respirent les grosses influences à la Witchcraft, Horisont, Kadavar ou bien encore Yes, voire ZZ-Top, on est face à trois compositions fortes de leur originalité et de leur fraicheur islandaise.
S’en suit une troisième et dernière partie d’album des plus planantes et psychédéliques. “Inneverse” prouve la maîtrise et une certaine maturité atteinte par ce jeune groupe devenu un peu plus grand. Enfin, “Carousel” et le très bon final “Winter Queen” confirment que The Vintage Caravan a atteint avec brio l’étape du deuxième album.
Arrival s’articule donc en trois étapes, avec une première, inégalement convaincante, prouvant que les jeunes islandais se cherchent encore un peu. Mais, conforté par un album qui monte en intensité et en qualité sonore, les deux dernières étapes renforcent un peu plus le fait que The Vintage Caravan a nettement progressé en terme de son, de technique, de groove tout en possédant une certaine originalité.

Il n’aura pas fallu beaucoup de temps à nos texans de Funeral Horse pour nous proposer un second album. S’il y a un an l’entrée en matière que représentait leur premier né Sinister Rites of the Master avait su taper juste dans les tympans, l’épreuve du deuxième opus s’avère encore et toujours un exercice difficile. Car le premier album n’est finalement qu’une mise en bouche que le suivant se doit de sublimer en une vraie entrée avant (espérons le) un festin de plats et entremets tous plus gouteux. Oui un deuxième album c’est ce que le groupe affirme et confirme. C’est après une genèse effectivement primordiale, la véritable naissance d’un groupe. Dès lors il est clair que c’est bien l’œuf qui est arrivé après la poule… ou vice versa… c’est que le télescopage des idées est courant à l’écoute de Divinity for the Wicked.
Fidèles à ce qu’ils laissaient entrevoir lors de leur première sortie, le trio d’Austin se rie de toute limite stylistique. Il se vautre dans la fange d’un doom-punkisant, rencontre bâtarde d’un blues-rock décomplexé «Ygael’s Wall » et d’un proto-metal lubrique « Gods of Savages ». 7 nouveaux titres qui ne font que rappeler les 7 précédents ? Ce serait bien sous estimer votre monture funéraire. Les premiers accords de « There Shall Be Vultures » vous emmèneront en terre connue avant que le majeur ne se dresse plus fièrement encore. Le groupe ne se refusant rien : des accords de clavier digne d’une BO de James Bond sur « Underneath All That Ever Was », à la cornemusienne fin d’album sans compter sur la celtique « A Bit Of Weed » (en effet…) et la brantbjorkesque « Cities of the Red Night ».
Dérision et outrecuidance sont les maîtres mots de Funeral Horse. Un rock désinvolte et impertinent, sûr de lui sans être pompeux parce qu’ils en ont franchement rien à carrer de la vision étriquée que l’on colle à un courant musical. Au-delà de la musique, c’est ce qu’elle dégage qui vous étourdit et vous possède. Il y a dû Harvey Milk dans ces petits gars (en référence au groupe, bien qu’ils soient militants à leur manière…). Ces messieurs ne sont pas des riffeurs, ni des arrangeurs fougueux, n’attendez pas de démonstration ou de révolution, Funeral Horse joue ce qu’ils aiment et ça se sent. Ainsi cette seconde offrande sonne plus abouti, plus approfondi dans ces choix. Toujours marqué par ce son brut et ce chant scandé au cœur du confort ouateux offert par la rythmique qui donne de l’élan à des superpositions de soli décomplexés.
Qu’est-ce qui rend Divinity for the Wicked meilleur? Tout… et rien. A l’image du paradoxe de l’œuf ou la poule, vous ne saurez pas si vous préférez les passages « classiques » avant les incursions hors champs, ou si cette forme de rock n’était pas là avant toutes les autres diversions. Le résultat est pourtant bien là : électrisant !

(2014)
Nouveau venu Parisien (enfin pas vraiment nouveau mais pour ma part je ne les découvre que maintenant …) fan de QOTSA et de toute la clique, Acid Western ne cache pas ses influences et ne boude pas son plaisir à jouer du Stoner simple et direct.
Simple et direct, c’est d’ailleurs ce qui définit le mieux cet EP (le 2ème d’ailleurs) : mélodique, rapide ou groovy mais toujours efficace. Pas dénué d’humour (pont sur « Rampage ») et paré de refrains accrocheurs, les compos semblent taillées pour le live ou le groupe doit prendre son pied façon rock n’ roll ou en tant que trio il y a toujours moyen de s’éclater !
Le son est à l’image des chansons de ce trois titres, très classique mais pro et bien choisi.
Une très bonne carte de visite en quelques sorte.

Milking the Stars, la ré-interprétation du très bon Last Patrol, avait laissé tout le monde un peu circonspect… pour plusieurs raisons : d’abord, le principe même de proposer, quelques mois après sa sortie, une nouvelle version d’un album qui recueillait pourtant tous les suffrages publics et critiques, paraissait une démarche sinon suicidaire, tout du moins saugrenue. Ensuite, le monde s’est divisé en deux catégories : ceux qui ont trouvé l’exercice un peu trop barré, exercice de style un peu stérile et inconsistant (votre serviteur), et ceux qui ont adoré, voire même préféré cette version à l’original. Il n’empêche que la démarche avait déstabilisé. Et du coup, plutôt que de repartir en studio proposer un fillot à l’excellent Last Patrol, que nous propose Monster Magnet aujourd’hui ? Encore un remake, celui de Mastermind cette fois ! Nos ricains ont de la suite dans les idées ! Enfin, papa Wyndorf surtout, le véritable artisan derrière l’objet, bien aidé dans son entreprise de reconstruction par tonton Caivano, son bras droit.
L’album de base, Mastermind, donc, est un bon album du groupe, tout en étant probablement l’un de ceux qui réservent le moins « d’aspérités » : album de retour en forme à l’époque, mais pas album de prise de risque. En tant que tel, un bon matériau de base, potentiellement. On clique donc sur « play » (modernité, l’an 2000, technologie, âge digital, toussa toussa… les temps changent), prêts à entendre toutes les expérimentations possibles et imaginables (et, avouons-le, préparés mentalement à voir quelques excellents titres ruinés par les lubies d’un Dave Wyndorf parfois, reconnaissons-le, un peu nombrilo-centré). Et puis les titres défilent… sans difficultés ! Traduction : sans nappes de Bontempi ridicules (bon OK, « Watch me Fade » est limite), sans fulgurances vocales exagérées, bref, rien qui détonne… Agréable surprise, qui se confirme après de nombreuses écoutes : contrairement à Milking The Stars, Cobras and Fire est homogène, fluide et consistant. Si l’on devait le résumer, on pourrait penser à une réinterprétation un peu plus planante de Mastermind : on limite un peu les montées en pression, on apaise un peu les riffs, on « désature » un peu les grattes, on atténue un peu l’importance des soli, on blinde l’ensemble de nappes de claviers solides (et néanmoins très présentes, reconnaissons-le) et on gorge le tout du space-rock dont Monster Magnet s’est fait la spécialité. Le fan un peu puriste versera forcément sa petite larmichette en déplorant le manque de fuzz et de saturation (il y en a quand même, rassurez-vous, ainsi que des soli).
On peut même dire que certains titres, sans être meilleurs, se retrouvent ragaillardis ou révélés par l’opération : l’orientalisation de « Mastermind » est un parti-pris réussi ; « Hallucination bomb », complètement aseptisé et nettoyé, n’est plus le titre de remplissage qu’était la version originale ; « Gods and Punks », plus ramassé et apaisé, gagne en densité même si sa progression dynamique y perd un peu… On a même droit à une reprise d’un titre des Temptations (« Ball Of Confusion ») qui nous donnera l’occasion de découvrir une part plus obscure (à plusieurs titres) du répertoire de ces grands soulmen (!!).
On pourrait s’engager dans un track-by-track un peu stérile, mais le point n’est pas là. On n’est pas dans un objectif d’amélioration des morceaux, mais bien une nouvelle vision qui, cette fois-ci, apparaît plus cohérente, plus réfléchie aussi. Un vrai album ? Peut-être bien que oui… Les grincheux relèveront évidemment qu’il s’agit plus d’une « Wyndorfisation » plutôt que d’une vraie nouvelle vision proposée par le groupe (le bonhomme croone toujours aussi allègrement dès que l’occasion lui en est donnée…), mais l’adjonction de nouvelles pistes de grattes, pas forcément aussi chétives qu’on l’aurait pensée, rendra l’ingestion de ce Cobras and Fire bien plus confortable pour tout amateur du groupe de space rockers du New Jersey. Une agréable surprise.

Burning Full Throttle est le nom d’un groupe hongrois, très certainement visionnaire (ou alors possédant une boule de cristal). Après un premier album autoproduit et intitulé No Man’s Land, les petits gars de Budapest reviennent avec un deuxième effort, le bien nommé Traveler en cette période migratoire.
Et tandis que les forces de police hongroise tirent à vue sur tout ce qui bouge à leur frontière, Burning Full Throttle prend un chemin similaire et s’en va, à la frontière du désert californien et du riff forgé à l’acier Valyrien, pour tirer sur tout ce qui bouge. Et pas question de faire de quartier. « Harder, Faster, Stoner » montre la voie empruntée par ce Traveler : vous suivez, battant la cadence tout en vous dénuquant, ou vous restez sagement assis au bord de la route.
Au long des huit titres de la galette, les hongrois déroulent donc un stoner certes déjà entendu, mais un stoner de qualité, parsemé de riffs quasi-Seayesques. Les « Big Boobs and Booze » ou autre « River of Tears » combleront les amateurs de gras, de poils, de grosses cylindrées et autres cacti.

Haaaaaa, la fin des années 1960 et ce début des années 1970 ; cette odeur de liberté, de revendications, de révolutions et d’espoir. Cette Amérique inspiratrice du psychédélisme et d’un rock toujours plus prenant et imaginatif. C’est toujours un peu ce qu’on ressent quand on décide de se plonger dans l’univers de Graveyard ; un énorme retour en arrière d’une époque que peu peuvent se targuer d’avoir vécue. Car Graveyard a toujours eu cette force qui est d’incarner et d’honorer l’histoire du rock à travers un son, un style, une ambiance et des compositions au poil. Pas étonnant quand on est un groupe natif de l’Eldorado du Stoner/rock du début du XXIème siècle, c’est-à-dire la Suède. Car en effet, il est impossible de ne pas reconnaître aujourd’hui que les plus grosses formations Stoner proviennent globalement des pays nordistes. Graveyard ne déroge pas à la règle en maîtrisant parfaitement leurs diverses influences musicales. Et que le temps passe vite, puisque le groupe nous offre déjà un quatrième album, jouant de l’antithèse, et, intitulé Innocence & Decadence. Ambiance clairement vintage avec une prédominance de psychédélisme, de blues et de krautrock, le tout baigné dans la sauce Stoner, voilà comment on peut ressentir Innocence & Decadence.
Sans pour autant prendre un virage à 90°, Innocence & Decadence s’insère parfaitement dans la continuité musicale et artistique de ses prédécesseurs Lights Out (2012) et du formidable et quasi‐parfait Hisingen Blues (2011). Graveyard c’est un peu comme remonter dans le temps avec classe en se disant qu’on sera plus à l’aise à l’aide d’une bonne platine vinyle, car Innocence & Decadence a été prévu pour. Cet énorme travail du son est l’élément principal et la grande force des Suédois que l’on doit surtout à Johan Lindstörm, producteur entre autre de Tonbruket, et à Janne Hanson ayant déjà travaillé avec ABBA, the Hives ou bien encore Opeth. Enregistré dans l’Atlantis Studio à Stockholm (Suède), Innocence & Decadence impose ainsi un grand respect en terme de production pour ce qui est du son et de l’ambiance années 1960-‐1970. De plus, quand on sait que Graveyard s’est prêté à l’éprouvant mais authentique exercice d’enregistrer tous ensemble en même temps, on ne peut que saluer cette belle performance artistique.
Côté Line up, c’est le grand retour de Truls Mörck (guitariste/chanteur d’origine) à la basse, que l’on peut entendre chanter sur “From a Hole in the Wall”, remplaçant ainsi Rikard Edlund. Joakim Nilsson, chanteur principal et guitariste, nous impressionne un peu plus de sa voix de caméléon ; tantôt charmeur, tantôt passionné, tantôt brutal, il est sans aucun doute la pièce maîtresse de Graveyard. Sans oublier le guitariste Jonatan Larocca-Ramm, qui sait donner de sa voix avec “Far Too Close”, et de la grosse prestance rythmique d’Axel Sjörberg.
Du coup, que peut-on retrouver dans Innocence & Decadence ? Ce qui est frappant, c’est que dès la première écoute, on est déjà conquis par l’énergie globale des onze morceaux qui s’enchainent plutôt bien. En effet, les morceaux efficaces sont au rendez-vous avec notamment “Apple and the Tree”, premier single de l’opus, qui promet une belle expérience groovy et rappelant étrangement une certaine chanson du nom de “Sultans of Swing” de Dire Straits. “Never Theirs to Sell” saura raviver la même teneur musicale que “Apple and the Tree”. “Can’t Walk Out” ou bien encore “Too much is not Enough” forment quant à elles la grosse massue Stoner-psyché quasi-mystique de l’album. Mais Innocence & Decadence révèle encore deux autres phases ; une plus classique avec les morceaux “Magnetic Shunk”, “Cause & Defect” ou bien encore “From a Hole in the Wall”. Ce sont en effet les chansons qui se destinent plus à un moment cool mais avec un charme trop classique qu’on trouvera “sympa” ou “pas mal”. La dernière phase donne une certaine force supplémentaire à Graveyard ; celle de maîtriser les balades. A travers la ravissante “Too much is not Enough”, la peut-être trop précoce mais sympathique “Exit 97” et surtout avec ce très gros coup de coeur qu’est “Stay for a song” ; un final des plus magnifiques pour un album de grande classe.
Vous l’aurez compris, Innocence & Decadence est donc un formidable moment auditif qui se dessine à travers une ambiance tournée vers le vintage et le bon gros son sixties-seventies. Un quatuor de qualité suédoise qui saura vous faire ravir d’un album à quatre niveaux ; du très cool, de la balade, du son bien groovy et la force du Stoner par excellence.

Il y a deux ans à peine, le quatuor du Maryland sortait Earth Rocker, un disque impeccable, inattaquable, un produit d’une efficacité redoutable, qui (objectivement) ne prêtait le flanc à aucune critique. Le groupe se recentrait alors autour de ce qui fait sa force (sur scène notamment) : il élèvait subtilement la moyenne de ses bpm, densifiait sa base rythmique, montait la gratte dans le mix, et poussait son vocaliste dans ses retranchements. En éliminant toutes les aspérités, l’album déployait une énergie inédite dans la discographie pourtant haute en couleurs du combo, et surtout, une transposition live d’un naturel remarquable, avec des titres ne nécessitant même pas d’adaptation pour prouver leur efficacité sur scène (on retrouvait d’ailleurs régulièrement l’intégralité de l’album repris dans les set lists du groupe, phénomène inédit dans leur carrière). Fort de ce retour d’expérience, le groupe ne va pas tergiverser longtemps au moment de s’atteler à sa nouvelle production : carton commercial (toutes proportions gardées dans un marché du disque sclérosé), critiques dithyrambiques, salles de concerts combles, et des musiciens qui louent à tours de bras ce souhait de « simplification » de leurs compositions… L’équation est toute simple. Il suffit donc de rééditer l’exploit, sans trop changer. Et si les choses n’étaient pas si simples ?
En dévoilant, plusieurs semaines avant sa sortie, le tonitruant « X-Ray Visions », Clutch veut rassurer son public accro à Earth Rocker : ce titre reprend à sa sauce tout ce qui a fait le succès de l’album (rythme effréné, riff imparable, refrain propice à être repris à gorge déployée en live…). Pas de surprise. En enchaînant avec « Firebirds », on n’est toujours pas dépaysé – même si l’on ne peut qu’être abasourdi par le talent des bonhommes à pondre des titres aussi efficaces : encore un petit coup sur l’accélérateur, rien à jeter, quelques gimmicks de prod impeccables, et toujours un monsieur Sult bluffant derrière sa six-cordes. Un peu plus loin, on pousse encore la section rythmique dans ses retranchements avec un « Sucker for the witch » endiablé, permettant à Dan Maines de rappeler quel robuste bassiste il est. Ce petit parfum vaguement sudiste, alimentant le groove d’une basse ronflante, commence à nous titiller, toutefois. Cet indice discret est validé par la suite : même s’il n’opère pas un retour arrière fondamental, le groupe charge ses riffs d’un regain de ce southern groove qui fut sa marque de fabrique sur – en gros – à peu près toute sa production du début du siècle. On en retrouve la trace plus ou moins marquée dans l’ensemble des titres de la galette (le lick de guitare et le break de « Your love is incarceration”, la gratte blues du bien nommé « A quick death in Texas », le solo du pourtant bien franc du collier « Behold the Colossus », et bien évidemment ce « Son of Virginia » suintant le deep South tout du long de ses presque huit minutes). Alors certes, non, ce n’est ni « Beale Street » ni « Strange cousins », mais ça fait plaisir à entendre. Plus globalement, l’ensemble est aussi massif que Earth Rocker pouvait l’être, et aucun titre ne vient pénaliser un ensemble encore une fois cohérent et efficace (allez, une petite réserve pour un « Our lady of Electric Light » assez prévisible, exécuté un peu en pilotage automatique).
A l’heure du bilan, sans ambigüité, le constat est bon, voire très bon. Ce Psychic Warfare, en reprenant très précisément là où Earth Rocker s’est arrêté, capitalise sur les points forts de ce dernier, et en rajoute une couche. A ce titre, l’album ne fera pas changer d’avis ceux qui voient désormais Clutch comme un groupe trop mainstream, trop prévisible. Ceux-là pourront toutefois garder espoir en l’avenir en notant les efforts déployés pour se rapprocher de leurs racines musicales, mais aussi les trésors d’inventivité déployés une nouvelle fois par un Tim Sult qui ne manque pas une occasion de sortir des sentiers battus (bien aidé en cela par des collègues de plus en plus impressionnants en rythmique). Quoi qu’il en soit, Clutch alimente encore copieusement son catalogue déjà bien fourni de projectiles live à haute vélocité, qui viendront très vite montrer leurs effets sur scène, leur vrai terrain de jeu.

Si on en croit Frank Herbert et son célèbre roman, Arrakis est une planète qui n’a pour décor que le sable, la roche, quelques nomades du désert et des géants vers (qui n’ont aucun lien avec le maïs en conserve, et font bien plus flipper). Mais en Grèce, c’est également le nom du groupe de Panagiotis, Iraklis et Evaggelos, respectivement guitariste, bassiste et batteur, qui viennent de sortir leur premier album intitulé « Ammu Dia ». Et sans surprise, le soleil y darde implacablement ses rayons au fil des 7 titres.
Formé il y a trois ans à Thessalonique, le trio a déjà sorti deux démos en 2012 et 2013, et un EP en 2014 appelé « Sanatorium ». Pour faire honneur au genre du jam band psychédélique, les deux premières démos ont été enregistrées en prise live et en total improvisation. Si ce n’est peut être pas le cas de cet « Ammu Dia », on a malgré tout la nette impression d’assister à un concert du groupe, et ce à cause d’une production parfois brouillonne et très DIY. « Ammu Dia » semble avoir été enregistré d’une traite et avec l’aide de quelques psychotropes hallucinogènes. Dans un délire psychédélique purement instrumental où l’on croise les fantômes de Karma to Burn et Colour Haze, on alterne entre gros riffs qui tâchent et envolées hallucinatoires rappelant un Earthless, certes un peu moins virtuose. Le son est un poil crasseux, mais tout juste ce qu’il faut pour ne pas déplaire. La basse bien présente est très groovy et s’occupe de toujours maintenir rigoureusement le cap lorsque la guitare en pleine hallucination tente de se faire la malle vers le ciel. Les solis sont donc toujours bien mesurés sans être jamais agaçants.
Les tonalités prédominantes sont parfaitement illustrées par l’artwork de l’album : des couleurs chaudes, voilà bien ce que préfère nos trois grecs, et notre oreille caressée par la lumière l’entend bien. Le début de « Oppose » en est un parfait exemple : une intro aux sonorités lentes et lourdes se voit rapidement accélérée et dézinguée pour finir dans une envoutante jam au son chaud comme la braise. Le groupe nous figure ici qu’il n’a pas sa place dans le noir mais bien sous le soleil exactement. À l’exception faite de « Noema », petite zone d’ombre de l’album où l’on trouve des sonorités plus maussades et mélancoliques. Mais un peu d’ombre sous un tel cagnard, ça fait toujours du bien… Surtout avant l’écoute du massif et écrasant « Diplomacy ? » qui clôt avec grandeur l’album et transforme notre teint halé en un gros coup de soleil bien rouge et douloureux.
Au delà de la simplicité apparente de la formule d’Arrakis, ce qui prime ici c’est la spontanéité de leur musique. L’album est ainsi très vivant et jamais ennuyant, une tâche peu aisée lorsque l’on est seulement trois et qu’aucun ne chante. Un coup de pied dans la morosité automnale et une bonne dose de soleil, cet album est finalement le traitement idéal pour toutes les personnes souffrant de carence en vitamine D.
À déguster avec : une salade de tomate (simple, frais et estival)
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