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Le Nouveau Mexique n’a jamais vraiment été (re)connu comme une plateforme du stoner rock américain, loin s’en faut. On pourra néanmoins se rappeler qu’un ambitieux jeune groupe, Spiritu, avait sorti autour du changement de millénaire un excellent disque (hey, devinez quoi : on était déjà là et on vous en parlait) qui en appelait d’autres, mais a fini par disparaître discrètement par la petite porte. Son chanteur Jadd Shickler n’est toutefois pas resté inactif tout ce temps, œuvrant en coulisses pour d’innombrables groupes du genre, à travers labels et boîtes de promotion notamment. Vingt ans plus tard environ, ils décident, avec Mike Chavez, le guitariste de Spiritu, de monter un nouveau groupe sur les cendres bien refroidies de leur ancien combo. Leur récent EP nous avait titillé, et on ne s’est donc pas fait prier pour se plonger dans leur premier LP.
Blue Heron (le Héron Bleu, étrange sobriquet convenons-en) propose probablement un extrait de ce qui peut être fait de mieux dans un genre très balisé : celui du stoner « à l’américaine », un stoner rock moderne, heavy, structuré, qui ne se perd pas en jams sans fin ou tergiversations de toute autre nature. Un style où le songwriting est primordial, et très fortement « riff-dépendant », trahissant une approche de la musique heavy bien charpentée, respectueuse de quelques basiques. Une sorte d’hybridation entre les groupes de pur desert rock (Slo Burn et compagnie) et les combos plus “carrés” du Nord-Est des USA (Lo-Pan, Gozu, etc…). Par ailleurs, toujours dans cette veine musicale, une importance significative est apportée au chant, placé bien en avant, avec un vrai chanteur (si si) au style varié, à la voix puissante et accrocheuse. L’effet est toutefois un peu à double tranchant ici : Shickler est présent sur tous les plans, du chant clair limite suave (“Push the Sky”, “Salvage”) aux passages puissants et énervés (“Salvage” encore, “Black Blood of the Earth”), en occupant tout le spectre stylistique intermédiaire (“Futurola”, etc…). “Double tranchant” car tout en servant habilement chaque compo par un réel effort d’adaptation, cette diversité n’aide pas à mettre en lumière la ligne directrice musicale du groupe.
Côté songwriting, le “jeune” groupe est au rendez-vous de ses ambitions, usant adroitement qui de riffs punchy, qui de leads percutantes et travaillées, qui de mélodies accrocheuses. Le tout est (bien) servi (évidemment) par une bonne prod bien costaude – « à l’américaine », quoi, où rien n’est laissé au hasard. Le mid-tempo énervé est à la fête, bien servi par un son de guitare gras et puissant, adroitement fuzzé, à l’image de “Futurola” ou “Push the Sky”. Le groupe explore aussi des voies moins balisées, avec des morceaux plus complexes, comme “Black Blood of the Earth” (début bourrin avec chant guttural caverneux et blast beat, ouvrant sur la deuxième moitié du titre des plages aériennes de plus pur stoner désertique) ou ce “Sayonara” à l’ambition un peu démesurée (13 minutes, c’est trop, même si la séquence mélodique est porteuse et pas mal pilotée sur la longueur). Au final, 6 chansons (8 avec les deux courts instrus, pas inintéressants pour autant) ça reste quand même peu pour se faire un avis définitif, même si le groupe a le bon goût de ne jamais se répéter entre chaque titre.
Ce premier véritable album de Blue Heron s’avère donc séduisant et prometteur. Il a les (petits défauts) de sa jeunesse : il montre beaucoup de choses, et il est donc un peu ardu d’en faire émerger une identité claire. Mais il y a de l’envie et du (bon) travail, et ce disque devrait contenter les amateurs de desert rock old school et de gros stoner US nerveux.
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Depuis treize ans, Geezer inonde la scène stoner de ses compositions cool et bluesy. Une fois encore le trio de New-York vient poser sur galette son groove souple comme un gant de peau et fun comme un spliff trop chargé. Cette fois la plaque s’intitule Stoned Blues Machine et la très belle pochette toute en gouache rouge et noire fait planer sur l’ouvrage la promesse de nous ancrer les pieds dans le sol tout en nous envoyant la tête dans les étoiles, du pur Geezer non?
Le son classieux de Geezer glisse comme le velours sur l’oreille de l’auditeur conquis qui attend toujours qu’un nouvel opus pointe le bout de son nez. Plutôt qu’une description de ce que vous trouverez dans ce Stoned Blues Machine, il faudrait voir cela comme une définition de ce qu’est Geezer. Car oui Geezer c’est quoi?
Geezer c’est le mid tempo d’abord, marque de fabrique indéniable du trio qui emmène sa musique un cran au-dessus du blues rock. La rythmique est toujours impeccable et sait s’accompagner de ci de là d’une pépite qui retiendra l’attention sans jamais être sur-jouée. Puis il y a la fluidité du jeu des trois instrumentistes qui savent se passer le flambeau toujours avec justesse et délivrer une musique pleine de groove et de vie, un truc qui fait planer autant qu’il donne envie de bouger en rythme.
Cet album est comme tous les autres, on se sent porté par “Logan’s Run” ou “Broken Glass” qui envoient des rythmiques aguicheuses, on se laisse porter sur le presque paisible “Saviour”. Enfin l’éponyme “Stoned Blues Machine” mets ce qu’il faut de fun et d’aguicheur pour articuler la plaque. Le fun c’est sans doute ce qui résume le mieux l’écoute d’une plaque ou rythme avec les mains, cowbell, vibraslap et jouet en caoutchouc sont quelques-uns des marqueurs rythmiques qui enjaillent la plaque faisant fi de l’académisme et prouvant que leur musique n’est faite que de plaisir.
Il n’y a pas de surprise avec Stoned Blues Machine, un pur album de Geezer qui fait vivre le blues au travers du stoner et porte haut les couleurs de la détente psychédélique. Cette plaque comme toutes celles qui viennent avant elle font partie des indispensables d’une discothèque. Indispensable non pas parce que meilleure qu’une autre, mais parce qu’elle fait partie d’un ensemble et qu’au hasard on pourra toujours se la repasser et y prendre autant de plaisir.
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Blues Weiser repose sur trois types qui ont posé les bases de leur musique en 2016 avec un premier LP qui n’avait d’autre ambition que d’offrir un peu de musique pour picoler avec les potes. Partant de ce postulat nos trois espagnols voyagent entre les styles pour peu que cela soit un minimum bluesy et surtout bien senti. Attirés en 2021 par Argonauta Records, ils nous offrent cette année Obey The Booze, une plaque de presque 40mn dont voici notre perception passé la superbe pochette de l’album.
Si l’intro “Fortune Teller” marche dans les pas du classique stoner mid tempo c’est un véritable pot-pourri qu’offre Blues Weiser. Il faudra dérouler toute la galette et aller taper sur “Void-cather” pour en retrouver la synthèse entre balade à boire et stoner rocailleux ivre de puissance.
Il y a du funk, à la pelle, de “Loose Lips” qui joue sur la frontière avec le feeling d’un Jimi Hendrix à “Clit Eastwood” qui cherche la folie d’un Red Hot époque Freaky Styley. Les boucles sont maîtrisées, les arguments massifs et comme dans ce dernier cas cela vire même à la sauvagerie orgasmique.
Ne nous méprenons pas pour autant, il n’y a pas de tricherie dans le nom Blues Weiser, ça fleure le blues rock (ou power blues selon les écoles). Aussi sensuel qu’un Popa Chubby sur “The Grass” et glissant vers le proto métal zeppelinesque sur “No Input” dont la structure est indéniablement blues. (Entre la rythmique et l’écho de la gratte qui joue le solo tout en finesse, c’est un rendu impeccable)
Le virage s’opère sur “Echoes of Oblivion” avec un pysch moderne teinté de grunge dans son dernier tiers, le titre se complète agréablement avec “Impact of Aviation” qui permet de rentrer dans le vif du sujet avec des mélodies profondes et puissantes qui ronronnent stoner pych de bon aloi.
Obey The Booze ne fera sans doute pas figure d’indispensable dans votre discothèque mais reconnaissons-lui la qualité d’un album de vieux routards qui roulent leur bosse discrètement et mettent tout leurs cœurs et leurs âmes dans leur ouvrage. Une belle pièce sur laquelle il est plutôt plaisant de tomber. Comme le dit le slogan de Blues Weiser: “Blues for Booze !” Qu’il est bon de ne pas se prendre la tête!
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Tandis que Carson existe depuis plus de dix ans maintenant, le groupe est relativement méconnu sous nos latitudes. Il aurait pu en rester longtemps ainsi si l’on n’avait pas été « titillé » un peu par hasard par la première écoute distraite de leur galette… puis la suivante… puis la suivante… En fouillant un peu on s’aperçoit que le groupe est implanté en Suisse, tout en trouvant ses origines en… Nouvelle Zélande ! Un parcours atypique, et toutes les chances de ne pas parvenir à nos oreilles, le groupe étant porté par Sixteentimes Music, un label bâlois peu relayé jusqu’ici.
La principale (heureuse) surprise chez Carson tient à la maturité de leur musique, sous deux axes en particulier : qualité des compositions et pertinence de leur production (au sens large : enregistrement, interprétation, mixage…). Très rapidement, plusieurs titres se détachent pour marquer l’auditeur, proposant des accroches efficaces, des riffs bien ciselés, et une mise en son puissante. On est d’abord immédiatement captés par la lourdeur poisseuse de ce « Dirty Dream Maker » introductif, son riff puissant au fuzz subtil nous amène dans un champs stoner confortable. On note un peu plus loin le couplet malin, super accrocheur de « The last Laugh », puis la qualité du riff d’intro de « Outbound Tile » ou de « No Joy » (et l’évidence de son refrain), l’énergie power pop de « Gimmie » pourtant porté par un lit de grattes heavy fuzzées… Les huit titres proposés, très variés, ont chacun quelque chose à proposer, sont bien ciselés, ne jouent jamais la facilité. Du bien beau travail d’artisan.
Dans l’exécution, la présence de Kieran Mortimer-Jones écrase un peu le reste, le bonhomme étant non seulement à la source de cette montagne de riffs derrière sa six-cordes, mais proposant aussi des lignes vocales assez bluffantes pour un groupe de stoner, dans un style musical où le chant est souvent relégué à l’arrière-plan (que ce soit en termes de production ou de composition…), souvent pris en charge par le moins mauvais vocaliste du groupe, par défaut ou même par dépit. Ici, les lignes vocales sont variées, puissantes, servant admirablement la richesse des compositions. On entend PRESQUE Maynard James Keenan parfois (promis ! écoutez un peu le morceau titre). Un vrai facteur différenciant.
Bref, Carson c’est un peu la découverte de ces dernières semaines : The Wilful Pursuit of Ignorance s’impose comme un album très intéressant, emmené par une qualité d’écriture rare, supportée par une interprétation sans faille. Mettez-moi ces gaillards dans un van, on doit les voir plus souvent sur scène !
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Pour les vieux tromblons comme votre serviteur, il y a vingt ans le microcosme du stoner rock mondial avait un vrai barycentre en scandinavie, et en particulier en Suède : Dozer, Lowrider, Sparzanza, Spiritual Beggars… ou encore The Awesome Machine. Le quatuor de Göteborg a produit 2 ou 3 des plus excitantes galettes du tournant du millénaire à l’époque, dans un genre musical largement porté par la scène scandinave de l’époque, basé sur un stoner lourdement testostéroné, dans un mouvement très lié à l’époque aux premiers groupes de garage rock énergiques qui fleurissent alors (Hellacopters, Backyard Babies…).
Peu aidés par un label sympathique mais manquant d’envergure (les géniaux “I Used to Fuck People Like You in Prison Records”), TAM (pour les intimes) a quelque peu manqué le chemin de la notoriété qu’ils méritaient pourtant. Usés, ils se sont d’ailleurs séparés au début des années 2000 et ne se sont jamais reformés. Car non, ce God Damn Rare n’est pas l’album de la reformation. Le disque propose onze titres disparates, souvent inédits ou rares, retrouvés dans les vieux cartons poussiéreux du groupe, issus de vieilles sorties trop discrètes, etc… Une bonne part était supposée figurer dans le dernier album mort-né du groupe (jamais finalisé pour cause de tracas avec leur nouveau label à l’époque, qui a fait faillite, emmenant avec lui les premiers enregistrements effectués), et se retrouvent donc ici sous la forme des démos d’époque, enregistrées en 2005, avant leur split. Le petit label Ozium records, en véritable archiviste de la cause stoner (allez voir leur catalogue de re-sorties !) propose l’opportunité parfaite de donner une nouvelle visibilité à ces titres.
Comme prévisible (au vu du titre du disque) la galette commence par la version démo (très aboutie) d’un des plus efficaces brulots des suédois, « God Damn Evil », imparable. Derrière l’image un peu monolithique que l’on a parfois de la musique de TAM, se cache pourtant une part d’expérimentation non négligeable, que l’on se plaît à (re)découvrir ici, à l’image des très efficaces incartades metal old school de « By No One » ou le hard rock groovy de « Gasoline » et « Shakedown » (tous trois inédits ou semi-inédits). Les intégristes du stoner rock pur jus trouveront aussi de quoi se mettre sous la dent avec « Demon King », les vieux « Digging » ou « Sun Don’t Shine on Me », pas si éloignés de la production de Dozer à l’époque, avec une petite dose de Kyuss pour faire bon effet, encore plus prégnante sur un « Ompa Bompa » d’école. On finit l’écoute sur ce vilain arrière-goût mêlant regret et nostalgie, avec une énième démonstration de « ce qui ne fut jamais », « I Never Knew », encore un autre morceau plein de potentiel composé mais jamais porté sur disque, un inédit lui aussi prometteur, capté en live.
Des sentiments mêlés émergent de l’écoute de ce disque, vous l’aurez compris, très étroitement liés à l’expérience personnelle de l’auditeur. Les fans de The Awesome Machine seront avant tout contents de mettre la main sur du matériel rare ou inédit, proposé sous une forme « présentable » (les titres qui en avaient utilité ont été re-masterisés pour l’occasion), et donc de se replonger via cette petite fenêtre sur la carrière du groupe, en particulier pour les débuts et la fin de leur carrière – tous les enregistrements datent en effet soit de 1998-1999 à l’époque où ils diffusaient des démos sur cassettes ou CDR, soit de 2004-2005, en prévision d’un nouvel album qui n’aura finalement jamais existé).
En revanche, est-ce que ce God Damn Rare est un bon moyen de découvrir le groupe ? Pas vraiment en réalité, car ce n’est pas sa vocation : par sa nature, le matériel proposé est certes qualitatif mais hétérogène. Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus d’une compilation. Pour redécouvrir cet excellent combo, on vous conseillera plutôt de mettre la main sur leurs trois LP, à découvrir dans l’ordre de leur production. Ce disque trouvera alors naturellement sa place pour « compléter les trous ».
God Damn Rare est avant tout un excellent dispositif expiatoire, après s’être sentis démunis de l’arrêt discret et forcé du groupe il y a presque vingt ans de ça, une manière honorable de lui dire proprement au revoir. Il n’y a certes pas, a priori, de perspective de voir le groupe se former à nouveau… mais peut-être peut-on espérer d’autres petites pépites de cet acabit ressortir de la poussière pour constituer un volume 2 ? C’est le mieux que l’on puisse espérer.
Long live TAM !
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Plus de deux ans après leur dernière galette, For the Masses, Ecstatic Vision nous revient encore une fois sous la bannière de l’accueillant label Heavy Psych Sounds avec son quatrième album (ou cinquième, selon que l’on compte son dispensable album de reprises) – pas mal pour un groupe assez jeune finalement, qui depuis 2015 nous propose une sortie tous les deux ans environ.
On se penche sur celui-ci avec une réelle appétence mêlée d’un regard vigilant et circonspect. Appétence car on aime Ecstatic Vision, beaucoup, et s’immerger dans leur musique est toujours un trip agréable. Vigilance et circonspection parce qu’avec le recul, on est quand même inquiet de ce qu’on va entendre, avec ce léger sentiment que le groupe tourne un peu en rond, et n’a finalement toujours pas dépassé (selon nos standards) l’impeccable Raw Rock Fury… sans jamais s’en éloigner trop non plus ! C’est là toute l’ambigüité de ce groupe qui perfectionne son art par petites touches, subtiles, apportant avec chaque album une poignée de chansons supplémentaires à une discographie dense et homogène… mais qui ce faisant donne l’impression de ne pas trop évoluer.
Fi de suspense en carton : avec Elusive Mojo, le groupe ne change pas de braquet, et le constat reste le même, à savoir celui d’un disque réussi, toujours dans la même veine musicale. Une veine musicale qu’ils tendent à maîtriser complètement en revanche, avec une efficacité désormais presque totale : on parle d’un rock psyche reposant sur un kraut rock à la base rythmique frénétique (un duo basse-batterie redoutable, les lignes de Michael Field Connor développant à la fois trois quarts du potentiel mélodique du groupe et un socle rythmique étourdissant, constant), sur lequel des envolées de leads space rock participent à l’élévation corticale. Le tout est (bien) servi par une prod garage old school qui emprunte autant au heavy rock 70’s qu’à la soul 60s-70s. Le groupe déploie ainsi de longues séquences bien planantes, répétitives à l’envie, avant de déclencher des rafales de leads enivrantes, emmenées soit par la guitare de Doug (noyée sous des couches et des couches d’effets – flanger, delay, fuzz… – et livrée à grands renforts de salves de wah-wah), renforcées parfois par des plans de clavier un peu saugrenus (« The Kenzo Shake ») ou de sax / trompettes devenus emblématiques du groupe (« Times Up »), limites dissonants parfois, mais participant complètement à la mise sur orbite de l’auditeur.
Dans ce maelstrom sonique, Ecstatic Vision démontre à nouveau sa maîtrise de son art, et malgré un ou deux titres parfois plus anecdotiques (le mid-tempo « The Comedown », un peu ennuyeux, même si la bouffée d’air frais est agréable), propose quelques nouvelles perles à son répertoire, qui sauront trouver une place de choix dans leurs prochaines set list live (la scène étant le véritable biotope du groupe) : on pense en particulier au morceau titre, démonstration impeccable par le menu du savoir-faire du groupe (ce déluge de wah-wah…), à « Times Up », sorte de vieux standard stoogien binaire chargé en space rock, ou encore à « Deathwish 1970 », redoutable brulot punchy et enivrant.
Bref, Elusive Mojo ne change pas le visage d’Ecstatic Vision ni n’apporte de relief spécial dans sa carrière, mais amène une nouvelle preuve de son hégémonie dans ce style musical de niche. Malheureusement, le groupe a le potentiel musical de plaire à un public bien plus large, et on ne sent rien dans cet album ou ce qui l’entoure (label, etc…) qui vise à court terme à lui permettre de passer un « palier » de notoriété. Gageons donc qu’on se retrouve dans deux ans à peu près dans la même situation, pour constater à nouveau la qualité de ce groupe et de ses albums… ce qui est déjà pas mal, on ne va quand même pas cracher dans la soupe !
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Depuis bientôt 20 ans que Wo Fat existe, le trio (Michael Walter, batterie, et Kent Stump, guitare, étant les deux seuls membres ayant participé à tous les albums du groupe) a su se faire une place de choix sur l’échiquier du stoner, quelque part entre le fou et le roi. Leur musique faite de jams en maitrise, d’influences southern et de fuzz musculeuse a atteint son point culminant sur Black Code (2012) avant de se teinter de pessimisme. Le très valable The Conjuring (2014) puis le plus oubliable Midnight Cometh (2016) ayant en effet opéré une mue vers des propos plus sombres.
Et les six ans de silence de Wo Fat, traversés par la crise COVID, n’ont pas égayé les thématiques du groupe. The Singularity, sans être à proprement parler un concept album, est traversé par les angoisses existentielles de notre siècle, du changement climatique aux intelligences artificielles en passant par la désinformation. Fidèle à son univers, le groupe mélange ses questionnements sociaux à des thèmes science-fictionnels, à l’instar de ce que montre la pochette, signée de l’artiste émergeant Eli Quinn, transformant un tas de débris métallique en un dragon de fer.
Audacieux album que The Singularity, avec ses 75 minutes au compteur et les plus longs titres en ouverture, le disque nécessite beaucoup d’énergie et de motivation pour être correctement appréhendé. S’il renferme pourtant son lot habituel de riffs de première cordée, l’album se permet même d’être plus aérien que les précédents, de développer ses ambiances comme sur les deux minutes d’intro de « Orphans of the Singe » et une succession de riffs pour nous amener à l’os d’un morceau particulièrement retors mais imparable. Wo Fat prend le temps de poser les choses, retrouve ses vieilles recettes sur « Overworlder » (tiens l’intro c’est du Church of Misery on est d’accord ?!) ou « The Snows of Banquo IV » et son bouillonnement de guitare, s’échappant de la tenaille des patterns de Michael Walter, toujours aussi prolixe en cymbales. C’est au final surement les 16 minutes de « The Oracle » qui restent le plus en tête, jam désespéré, tout en basse contenue, groove de mammouth et guitare virtuose : la définition du jam fuzzé en somme.
L’album aurait pu facilement se passer d’un titre (pourquoi pas « The Raveling » qui n’apporte rien de nouveau sous le soleil texan) mais garde du début à la fin un je ne sais quoi de prenant qui fait de The Singularity l’un des meilleurs Wo Fat, pas si loin de Black Code, finalement.
Point vinyle :
Il y a une une édition couleur, rouge et jaune avec splatter noire, épuisée assez rapidement et une version noire semble être en route pour nos points d’approvisionnement habituels.
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Gnome est un trio bien plus grand que des nains de jardins mais arborant fièrement comme eux un chapeau pointu rouge vif. Ils font valoir leur humour décalé ainsi que leur stoner prog inventif et aguicheur depuis leur premier album Father of Time sorti en 2018. Pour la sortie de leur seconde plaque, King, ils s’acoquinent avec Polder Records maison de qualité dont nous vous vantons régulièrement les artistes ici. Au passage les Anversois de Gnome s’exposent au sein d’un clip, Wenceslas, qui sera une parfaite introduction à l’écoute de leur nouvel opus.
Autant vous prévenir d’entrée de jeu, il n’y a pas beaucoup de bonnes raisons de ne pas aller écouter l’ album King de Gnome. A moins de nanopabulophobie, de confondre Anvers et le rouge d’être tombé assis sur un nain de jardin (je vous jure docteur c’ était un accident!) bref, d’ avoir un certificat médical. Il faut jeter une oreille à Gnome, c’est ainsi.
L’album compte des morceaux piliers, blocs de bonne humeur et de créativité sautillante, Ambrosius, Wenceslas, y compris le presque pop Empire où s’ est invité Oskar Logi, guitariste et chanteur de The Vintage Caravan, excusez du peu.
King, tient à la foi du prog et du hard rock comme sur Antibeast ou Kraken Waken qui sait aussi accrocher des sonorités doom. Les couplets bagarreurs de Platypus Platoon viendront compléter la sensation de puissance qui ne quitte que rarement la plaque.
A la réécoute on ne trouve pas grand-chose à jeter dans tout le travail fourni, les doigts cavalent sur les cordes de guitare comme de basse, ça tabasse méchamment pendant que côté fûts ça claque et ça swing. Bien sûr, cet album perdra sans doute de son éclat à être repassé en boucle mais pour autant un passage régulier par la platine devrait remettre un peu de fraîcheur dans les écoutes de son détenteur et ainsi assurer une certaine longévité aux compositions que King contient.
Gnome est une formation inventive et puissante, leur présentation décalée ne fait jamais d’eux une troupe de musiciens sans sérieux. Les morceaux sont léchés, travaillés jusqu’à la dernière note et le son parfaitement maîtrisé, un parfait travail d’artisan que l’on souhaite ardemment voir reconduit de nouveau au sein de nouvelles productions, mais d’ici là laissons venir à nous les hordes de lutins, qu’ils envahissent les salles de concerts que l’on puisse admirer les créatures à l’œuvre.
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Début 2020, l’Italie est dévastée à double titre : non seulement le pays prend la première vague du COVID en pleine face, mais en plus, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, Ufomammut annonce le départ de Vita, son batteur et co-fondateur, et incidemment l’arrêt du groupe, les ailes coupées au détour des 20 ans de carrière du trio… Un peu plus d’un an plus tard, on apprenait que le duo restant (Poia et Urlo) avaient dégotté un nouveau batteur, appelé Levre, avec lequel ils décidaient d’écrire un nouveau disque. De son côté, Vita se focalise sur Sonic Wolves, son projet où il officie entre autres aux côtés de sa conjointe.
Dans son speech promo, le groupe affirme que ce vent de nouveauté dans le groupe (couplé à deux ans de crise sanitaire, qui semblent les avoir aussi chamboulés…) les ait amenés à se réinventer, partir d’une page blanche et ne pas se laisser engoncer par leur historique musical. Il nous décrit ni plus ni moins qu’une renaissance, opportunément symbolisée par ce beau Phénix ornant la pochette du disque (Fenice, en italien).
Alors, le changement, c’est maintenant pour Ufomammut ? Moui bof. Au final, Fenice a tous les atours d’un disque de Ufomammut, et le renouveau annoncé ne saute pas aux oreilles. En substance, Fenice est un disque probablement plus accessible toutefois que les productions précédentes du trio transalpin. Plus facile à digérer aussi, avec 38 petites minutes au compteur, incluant quelques plages atmosphériques (traditionnelles chez le groupe). Le passage en revue des chansons est donc assez vite opéré : on commence par “Duat”, grosse pièce de 10’30” plutôt digeste. Le titre se veut forcément épique mais propose finalement une structure assez linéaire, avec un ramp up purement indus qui mène à une première salve de riffs. Malheureusement le titre pêche un peu par un manque d’énergie dans l’exécution et dans le son (en particulier sur la montée en tension et sur la section doom sur la fin qui mériterait d’être plus écrasante). On passera sous silence “Kepherer”, pure transition ambiante sans grand intérêt, qui passe le relais au mollasson “Psychostasia”, dont la lancinante boucle mélodico-indus mène aussi à une modeste montée en pression sur le final (un final qui se voit transformé au bout de la cinquième minute en une conclusion reprenant la quintessence d’Ufomammut : un plan si immédiatement identifiable qu’on se dit que les gars se sont auto-plagiés !). “Metamorphoenix” ensuite fait tourner sa séquence mélodique entêtante non stop pendant plus de 7 min avec une montée en tension qui rappellera certains vieux titre de Nine Inch Nails, enchaîné à son titre miroir presque parfait, “Pyramind”, qui lui s’appuie sur un gros riff bien fat (qu’il fait tourner pendant 7 bonnes minutes là aussi). Le format est plus traditionnel pour Ufomammut, et le titre passe bien. Dans l’aspiration, “Empyros” vient envoyer une dernière décharge sans la moindre surprise (du Ufo’ pur jus) sur une conclusion de moins de trois minutes (la surprise vient de là, reconnaissons-le).
Vous l’aurez compris, Fenice ne propose pas vraiment un virage brutal dans la carrière du groupe… et finalement tant mieux pour les fans les plus craintifs, qui retrouveront les composantes musicales habituelles du trio. Le groupe développe toutefois une approche plus simple, plus mélodique, et de facto un point d’entrée plutôt bienvenu dans la carrière du groupe, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore les vétérans du gros doom industriel des italiens. En revanche, les fans du groupe pourront exprimer quelques réserves : un peu léger en nombre de compos et en durée, le disque ne propose pas non plus l’ampleur et l’ambition stylistique que pouvaient proposer leurs derniers albums. A ce titre et à ce titre seulement, la “renaissance” affichée par le groupe trouve une réelle illustration, à travers un changement d’approche confirmé. Malheureusement ce n’est pas forcément l’évolution dont on pouvait tous rêver en premier lieu.

Après leur premier album le groupe a écumé les salles un peu partout sur le globe et les voici déjà avec un deuxième album. Il semble donc que Stöner, projet regroupant Brant Bjork, Ryan Güt et Nick Oliveri, veuille pérenniser l’entreprise. C’est donc moins d’un an qui sépare Stoners Rule de ce Totally…
On prend les mêmes et on recommence. Voilà qui peut pleinement caractériser ce deuxième effort studio. On va retrouver les mêmes qualités et défauts du premier album pour un résultat somme toute comparable. Ce disque est donc hautement recommandable pour celles et ceux qui aiment le genre et parfaitement dispensable pour les autres.
On retrouve sur certains titres la touche Brant (“Great American Song”, “Strawberry Creek”) et sur d’autres Nick Oliveri y laisse plus clairement son empreinte (“Party March”). D’ailleurs la part imputable à Nick semble plus importante sur cet album. Loin d’être une main mise, la part Oliveriesque a clairement augmenté.
Côté qualités on a des titres simples et efficaces qui font le job. Des riffs accrocheurs avec une bonne énergie rythmique comme “A Million Beers”. “Space dude & The Burn” avec ses changements de rythme est assez réussi dans son genre.
On retrouve aussi une production de très bonne facture avec un son généreux dans les basses et un très bon équilibre des trois instruments.
Pour les défauts, on a quelques plans trop répétitifs (marque de fabrique de Bjork) et autres facilités comme “Great American Sage” qui conclut l’album ainsi qu’un “Stöner Theme” en mode service minimum. Et puis, mais c’est devenu une habitude, une durée très courte puisqu’on dépasse à peine les 37 minutes pour 8 titres. Oh, et le visuel est quand même totalement bâclé mais c’est secondaire.
Alors bien entendu, soyons parfaitement honnêtes. Si les noms de Brant Bjork et Nick Oliveri ne venaient pas titiller la curiosité, ce disque passerait certainement sous les radars des fans de stoner et serait anonymement noyé dans le flot des sorties. Mais le fait est que ces noms sont là et qu’on prête l’oreille tout en y trouvant un certain plaisir.
Un album fait par des zicos qui n’ont plus rien à prouver et qui veulent juste prendre du plaisir quitte au passage à fédérer quelques fans avec eux.
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Scooby, nos aventures nous emmènent cette fois encore à Birmingham auprès de Alunah pour assister à la naissance de notre nouveau véhicule, la Strange Machine. Il ne t’aura pas échappé que cette équipe de doomster s’adonne aux plaisirs mystiques de la musique depuis plus de dix ans et signe son second album chez Heavy Psych Sounds. Je gage que nous aurons encore cette fois ci des mystères à résoudre, prends tes Scooby Snack et des munchies pour la redescente, c’est parti.
Delay épais sur la voix, passages lumineux à la limite de l’épique avec “Broken Stone”, Alunah a les pieds ancrés dans une culture musicale qui coexiste à côté de nos standards stoner et doom et parfois s’y mêle. Le chant éclate la rigidité de la structure rythmique. La guitare emprunte la voie classique du solo heavy metal mais dissémine par petites touches des riffs aussi accrocheurs qu’inattendus auxquels il faudra être attentif tout au long de la plaque en particulier sur “Fade Into Fantasy” ou “Strange Machine”.
Alunah peut faire quelque chose de facile à écouter mais d’extrêmement riche. Peut-être un peu trop par moment d’ailleurs. Facile comme “Psychedelic Expressway” qui gambade du côté d’une pop 60’s un rien fantasmée ou suave. Ce titre en particulier sonne comme ce moment de décalage où dans Scooby Doo la course après le méchant se fait sur une musique kitsch haute en couleur. L’idée de richesse quand à elle c’est au sein d’un “Fade Into Fantasy” qu’on la retrouve. A la limite du digeste avec son condensé de bonnes idées, ce titre aurait mérité une exploration approfondie de quelques thèmes quitte à en faire des pistes à part entière.
Allons mener l’enquête à présent du côté de “Earth Spin” qui démarre avec un effrayant gros son ou du côté du swing sexy de “Dead Woman Walking” qui portent les marques de la bête doom comme nombre de passages trop bref au sein de cette galette. On signale d’ailleurs que le galopant “Silver” figure au palmarès des meilleurs titres de l’album dans le respect des classiques du genre epic doom. Au sein de cet opus on devine beaucoup de boulot, rien ne semble vraiment laissé au hasard. Il y a même un pan de culture tout entier qui vient garnir de ses froufrous les compositions, S’il devait rester un seul qualificatif pour Strange Machine ce serait “trop”, trop de tant de choses que l’on s’y perd.
Au final que reste-t-il de doom chez Alunah ? Beaucoup et de moins en moins, je le crains. Sans verser dans la soupe ni renier un talent certain il est probable que l’auditeur prenne souvent un plaisir coupable à réécouter discrètement Strange Machine. Alunah prend des chemins parallèles aux nôtres et il est probable qu’un jour les chroniquer ici soit hors sujet, qui sait? Souhaitons-leur les meilleurs vents, car sincèrement ils le méritent. Allez Scooby, tu peux sortir de derrière le rideau il n’y a rien d’horrifique là-dedans, c’était juste Shane Wesley de Crowbar qui s’était déguisé en membre de Alunah au sein d’un morceau pour faire peur aux puristes. A présent on peut partir à la recherche de quelques agapes de fin de mission qui satisferont nos envies bien plus grasses et beaucoup moins raisonnables.
En pour celles et ceux qui veulent un meilleur résumé, plein de références et de hipe, il a la chaine Youtube The Doom Dad que nous hébergeons dans notre infinie charité: https://youtu.be/tlnWoYgoduQ
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Comme un phénomène cyclique familier et rassurant, tous les quatre ou cinq ans les gars de Mudweiser alignent leurs agendas (remplis pour certains d’entre eux de tournées et d’enregistrements de leurs groupes respectifs), se retrouvent dans un studio, autour de valeurs musicales communes, et sortent un nouveau disque. Même s’il s’agit au final plutôt d’un projet que d’un groupe en tant que tel, Mudweiser existe depuis si longtemps maintenant qu’ils font partie du paysage, une sorte de valeur refuge de notre horizon musical, et en enfournant ce The Call, on espère bien fort qu’il nous laisse la même bonne impression que leurs précédentes publications.
En tous les cas, l’écoute intensive de la galette ne laisse pas longtemps planer le doute sur la ligne directrice de l’ensemble : on est bien dans la continuité de leurs précédents LP, à savoir un stoner rock nerveux et accrocheur, mais jamais monolithique. Le quatuor a le bon goût de ratisser large, et l’on passe sans s’ennuyer de glaviots bien énervés (“High Again”, “Reckless Dream”…) à des mid-tempo mélodiques accrocheurs (“Sister Mary”, “Sad Man”…). Même si l’on pense occasionnellement aux grands noms du stoner californien (sur “Daughters” notamment, en particulier son break central, très malin, ou encore sur “The Hunt” et son riff surgras, option bitume chaud), on revient vite au bercail pour apprécier en tant que telle l’identité propre que se construit le groupe depuis maintenant plus de quinze ans, en s’éloignant de l’ombre de ses aînés (le groupe n’ayant jamais craché sur ses influences pour autant).
Avec plus de recul toutefois, se détache quand même cette impression d’une plus grande colère sur ce The Call, d’une certaine noirceur. Est-ce l’appréciation subjective de votre serviteur, baigné ces derniers temps par un climat mortifère qui influe sur sa perception ? Ou bien est-ce lié à l’approche du groupe, plus sombre et plus coléreux ? Même si ça ne résume pas l’album, cette tendance se confirme : Mudweiser a (un peu) levé le pied sur le groove et les plans plus fun, pour y aller plus franchement sur les passages rageurs et pêchus. Le riff est dru et énervé (voir “Blasted Forever” ou encore le pourtant fun “Invitation” qui donne quand même l’impression de prendre une bonne baffe), et les atmosphères se font aussi plus dark parfois, presque doom comme sur “Daughters” ou “Sad Man”. Cette subtile descente vers des pans musicaux plus obscurs est à la fois le fruit du travail vocal de Reuno (dont le chant naturellement rageur sert impeccablement chaque plage), mais aussi des lignes de basse très présentes de Jay (par ailleurs membre des joyeux lurons de Verdun) ainsi que du retour au bercail de Said (qui reprend le manche de la 6-cordes à Ole, après un intérim de plus de 8 ans et deux albums), qui abat un travail remarquable lui aussi, en rythmique et en lead.
Quoi qu’il en soit, The Call est un album abouti, celui d’un groupe qui a passé sa crise d’adolescence : solide, nerveux, et souvent sérieux, le jeune adulte n’a néanmoins pas complètement perdu son âme d’ado désinvolte, proposant toujours quelques belles pièces groovy plus légères pour faire bonne mesure. Trop courte toutefois (35 minutes c’est un peu frustrant) cette galette saura délivrer quelques moments de grâce aux amateurs d’un stoner rock racé, efficace et intègre. Un plaisir devenu trop rare, dont on n’a pas envie de se priver.
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On avait un peu perdu de vue (ou franchement oublié, soyons honnête) le trio italien un peu barré de Temple of Deimos, après leur second album pour être exact, Work to be Done, alors paru chez un autre illustre label transalpin, Go Down Records. C’est donc repêchés par une nouvelle écurie, Argonauta, que les trois gênois nous reviennent, rien moins que huit ans plus tard…
On était resté sur ce vague souvenir (oui, on vieillit, notre mémoire flanche un peu…) d’un groupe très inspiré par le canal Desert rock “fin de millénaire”, avec des sonorités très proches des premiers QOTSA et quelques plans rappelant Kyuss et consorts. En lançant ce Heading to Saint Reaper sur ses premiers tours de piste, on est partagés entre stupéfaction, sourires, doute… un peu une sorte d’explosion des papilles auditives (oui ça n’existe pas).
Le bazar démarre sur les chapeaux de roue et part très vite dans tous les sens : huit ans de pause c’est probablement assez frustrant, et dès “Deadly Lines” on sent ce groupe développer une envie quasiment frénétique de tout lâcher, d’occuper le terrain, avec cette guitare qui se cherche perpétuellement entre rythmique et lead, un peu partout tout le temps, aux limites de la dissonance parfois (hello le Josh Homme borderline des débuts de QOTSA). Tandis que le groupe va patauger encore occasionnellement dans un bon vieux robot rock (“Deflagration Deal”, “Suddenly like a Robot”), voire même faire écho à des projets plus barrés et expérimentaux (type premières Desert Sessions) sur des titres comme “Elvis Aaron Stoner” (!), il va aussi rappeler ses accointances Kyussiennes sur des titres plus posés et fuzzés (tel le très gracieux “Bad Time Choices” ou encore “Gianni”). Et il en va ainsi de toute la galette, qui nous rappellera aussi les légendaires Fatso Jetson (“Charlie Song”, où même le chant rappelle Mario Lalli, ou encore des pans entiers de “Melalcoholia”) et son projet-frère Yawning Man, à travers un troublant instrumental, “Yawning Girl” (au moins les gars ne se cachent pas…), qui fleure bon l’hommage sincère, avec son son de guitare “labellisé”.
Bref, les amoureux du vrai desert rock au sens TRES large devraient trouver dans cette incarnation sincère et qualitative quelques bons moments musicaux. L’album est évidemment hétérogène, mais comporte un bon lot de moments de plaisir auditif régressifs. Sa générosité devrait suffire à convaincre les plus dubitatifs.
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Novembre 2020… Je me remettais à peine de l’arrêt des américains d’Egypt que Samsara Blues Experiment sortait son dernier album End of Forever pour se mettre à son tour en sommeil… Et c’est en me perdant pour la énième fois dans cet ultime album que je découvris par hasard que Chris Peters, chanteur et guitariste du groupe, menait en fait une double vie musicale ! Depuis 2015 avec son projet instrumental Surya Kris Peters dans lequel il développe son goût pour le synthétiseur, et depuis début 2021 sous le projet Fuzz Sagrado, avec lequel il sort 2 EP instrumentaux sentant bon le desert-rock à tendance psychédélique. Ce dernier projet devient un peu plus concret depuis février avec la sortie d’un premier album A New Dimension.
On ne peut toutefois s’empêcher de retrouver le son de Samsara Blues Experiment notamment sur la première partie de l’album. Dès le morceau “A New Dimension”, le chant très reconnaissable de Chris et le break débouchant sur un jam hypnotique avec une guitare beaucoup plus groovy nous à des titres de Revelation & Mystery, second album des allemands. On retrouve cette même ambiance sur “In Her Garden”, le chant en plus sur la partie jammée. Et puis il y a “Lunik IX” proposant un riff plus lourd qui vient frapper nos oreilles comme une succession de vagues pour encore mieux nous envoûter.
Mais ne vous méprenez pas ! A New Dimension a plus à offrir qu’une ressemblance avec Samsara Blues Experiment. L’album continue de creuser la voie ouverte par les deux premiers EP de Fuzz Sagrado et va basculer vers ces ambiances au fil des morceaux tout en conservant le chant et les sonorités de guitare propre à Chris Peters. On le voit dès “The Mushroom Park” avec des synthés beaucoup plus présents couplée à une guitare acoustique qui vient accompagner le chant. C’est encore plus flagrant sur “Tropical Rain” où c’est cette fois une batterie au son digital qui vient porter des mélodies plus mélancolique, ou sur “Crashing Cascade” avec son intro rappelant une boîte à musique pour enfant venant faire écho tout le long du titre. Le titre “Furthur” offre lui le meilleur des deux mondes avec ses 11 minutes de trip entremêlant solo de guitare sauce Samsara et mélodies au synthétiseurs
Chris Peters cherche avec Fuzz Sagrado une certaine simplicité dans ses compositions. A New Dimension ne se perd pas dans des mélodies complexes ou dans la recherche du riff ou du break accrocheur mais va plutôt tenter de conserver ce côté moelleux et envoûtant même sur des morceaux plus épais comme “Lunik IX”. Pari réussi car c’est cet élément qui donne toute sa saveur à l’album, rendant son écoute agréable et relaxante (enfin son écoute, on a vite fait de le relancer dès la fin de “Crashing Cascade”) même si une basse un peu plus présente aurait amené plus de groove à certains morceaux. Nul doute que l’arrivée du printemps va donner une autre dimension à cet album, et dans tous les cas je vous conseille de garder un œil sur la page bandcamp de Fuzz Sagrado… de nouvelles petites pépites risquent d’y jaillir régulièrement !
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Stoner, doom, sludge, psychédélique, fuzz, heavy groovy machin chose, les étiquettes apposées sur les disques chroniqués dans ces pages (oui pour moi les internets ce sont plein de pages que l’on consulte dans le désordre) ont de quoi perdre le plus distrait des mélomanes et les choses ne vont pas s’arranger avec celle-ci : Hällas fait dans l’Adventure rock, c’est à dire une musique ayant pour but d’illustrer une histoire d’Heroïc Fantasy en mélangeant le rock progressif des années 70’s, la musique de jeux vidéo et le proto metal pour en faire quelque chose d’extrêmement imagé, l’expression musicale d’une aventure à caractère onirique.
Les trois premiers albums (un EP et deux albums pour être précis) racontent l’histoire du neuvième chevalier d’Hällas, en quête de son futur, rencontrant dans le pays de Semyra son némésis, le Star Rider. De cette trilogie, c’est l’album Excerpts From A Future Past qui est le plus mémorable, porté notamment par le hit « Star Rider », un mid tempo envoutant que je tiens parmi les meilleurs titres de ces dix dernières années. Conundrum, l’album suivant est à mon sens moins marquant, notamment parce que les inflexions metal du début s’effacent devant l’orgie de synthétiseurs proposée. Il faut dire que le groupe a eu accès aux synthés du groupe ABBA en signant chez RMV Grammofon, label lié aux Riksmixningsverket studios où le matériel d’Abba est entreposé.
L’histoire d’Hällas et de son univers impitoyable étant bouclée, le groupe ouvre avec Isle Of Wisdom un nouveau chapitre, narrant le fonctionnement d’une société autonome vivant sur une île coupée du reste du monde. Exit Adam Burke (Nightjar Illustration) au visuel, c’est à Branca Studios que revient le soin d’illustrer cette nouvelle aventure. Côté musique le groupe renoue avec ses influences passées. L’équilibre entre les guitares et synthétiseurs est de nouveau rétabli, comme l’annonce l’ouverture « Birth Into Darkness », véritable déferlement d’idées, de riffs et synthés posant la coloration d’un album riche qui n’oublie pas d’être heavy, à sa façon. Si Hällas pêche parfois par prétention (non Tommy Alexandersson n’est pas un grand chanteur, il devrait s’en rappeler plutôt que d’aller se planter dans des envolées très gênantes) il déborde d’idées réjouissantes, de petits licks pleins d’enthousiasme (« Advent of Dawn » ou le très joli final « The Wind Carrie The World ») mais c’est évidemment le single absolu « Earl’s Theme » qui restera, très probable hit du niveau de « Star Rider », permettant à Hällas de grossir une set list pleine de tubes et de devenir une valeur sûre de la scène.
Isle of Wisdom remet Hällas sur de bons rails, à eux de ne pas trop secouer la locomotive.
Point vinyle
Compliqué d’avoir des infos précises (le label n’a pas – à ma connaissance – communiqué dessus), j’ai vu passer une version violette marbrée dispo en bundle et sold out un peu partout, une version violette et une autre noire. Ce qui, ma foi, est largement suffisant.
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