Wo Fat – The Singularity

Depuis bientôt 20 ans que Wo Fat existe, le trio (Michael Walter, batterie, et Kent Stump, guitare, étant les deux seuls membres ayant participé à tous les albums du groupe) a su se faire une place de choix sur l’échiquier du stoner, quelque part entre le fou et le roi. Leur musique faite de jams en maitrise, d’influences southern et de fuzz musculeuse a atteint son point culminant sur Black Code (2012) avant de se teinter de pessimisme. Le très valable The Conjuring (2014) puis le plus oubliable Midnight Cometh (2016) ayant en effet opéré une mue vers des propos plus sombres.

Et les six ans de silence de Wo Fat, traversés par la crise COVID, n’ont pas égayé les thématiques du groupe. The Singularity, sans être à proprement parler un concept album, est traversé par les angoisses existentielles de notre siècle, du changement climatique aux intelligences artificielles en passant par la désinformation. Fidèle à son univers, le groupe mélange ses questionnements sociaux à des thèmes science-fictionnels, à l’instar de ce que montre la pochette, signée de l’artiste émergeant Eli Quinn, transformant un tas de débris métallique en un dragon de fer.

Audacieux album que The Singularity, avec ses 75 minutes au compteur et les plus longs titres en ouverture, le disque nécessite beaucoup d’énergie et de motivation pour être correctement appréhendé. S’il renferme pourtant son lot habituel de riffs de première cordée, l’album se permet même d’être plus aérien que les précédents, de développer ses ambiances comme sur les deux minutes d’intro de « Orphans of the Singe » et une succession de riffs pour nous amener à l’os d’un morceau particulièrement retors mais imparable. Wo Fat prend le temps de poser les choses, retrouve ses vieilles recettes sur « Overworlder » (tiens l’intro c’est du Church of Misery on est d’accord ?!) ou « The Snows of Banquo IV » et son bouillonnement de guitare, s’échappant de la tenaille des patterns de Michael Walter, toujours aussi prolixe en cymbales. C’est au final surement les 16 minutes de « The Oracle » qui restent le plus en tête, jam désespéré, tout en basse contenue, groove de mammouth et guitare virtuose : la définition du jam fuzzé en somme.

L’album aurait pu facilement se passer d’un titre (pourquoi pas « The Raveling » qui n’apporte rien de nouveau sous le soleil texan) mais garde du début à la fin un je ne sais quoi de prenant qui fait de The Singularity l’un des meilleurs Wo Fat, pas si loin de Black Code, finalement.

 

Point vinyle :

Il y a une une édition couleur, rouge et jaune avec splatter noire, épuisée assez rapidement et une version noire semble être en route pour nos points d’approvisionnement habituels. 

 


Gnome – King

 

Gnome est un trio bien plus grand que des nains de jardins mais arborant fièrement comme eux un chapeau pointu rouge vif. Ils font valoir leur humour décalé ainsi que leur stoner prog inventif et aguicheur depuis leur premier album Father of Time sorti en 2018. Pour la sortie de leur seconde plaque, King, ils s’acoquinent avec Polder Records maison de qualité dont nous vous vantons régulièrement les artistes ici. Au passage les Anversois de Gnome s’exposent au sein d’un clip, Wenceslas, qui sera une parfaite introduction à l’écoute de leur nouvel opus.

Autant vous prévenir d’entrée de jeu, il n’y a pas beaucoup de bonnes raisons de ne pas aller écouter l’ album King de Gnome. A moins de nanopabulophobie,  de confondre Anvers et le rouge d’être tombé assis sur un nain de jardin (je vous jure docteur c’ était un accident!) bref, d’ avoir un certificat médical. Il faut jeter une oreille à Gnome, c’est ainsi.

L’album compte des morceaux piliers, blocs de bonne humeur et de créativité sautillante, Ambrosius, Wenceslas, y compris le presque pop Empire où s’ est invité Oskar Logi, guitariste et chanteur de The Vintage Caravan, excusez du peu.

King, tient à la foi du prog et du hard rock comme sur Antibeast ou Kraken Waken qui sait aussi accrocher des sonorités doom. Les couplets bagarreurs de Platypus Platoon viendront compléter la sensation de puissance qui ne quitte que rarement la plaque.

A la réécoute on ne trouve pas grand-chose à jeter dans tout le travail fourni, les doigts cavalent sur les cordes de guitare comme de basse, ça tabasse méchamment pendant que côté fûts ça claque et ça swing. Bien sûr, cet album perdra sans doute de son éclat à être repassé en boucle mais pour autant un passage régulier par la platine devrait remettre un peu de fraîcheur dans les écoutes de son détenteur et ainsi assurer une certaine longévité aux compositions que King contient.

Gnome est une formation inventive et puissante, leur présentation décalée ne fait jamais d’eux une troupe de musiciens sans sérieux. Les morceaux sont léchés, travaillés jusqu’à la dernière note et le son parfaitement maîtrisé, un parfait travail d’artisan que l’on souhaite ardemment voir reconduit de nouveau au sein de nouvelles productions, mais d’ici là laissons venir à nous les hordes de lutins, qu’ils envahissent les salles de concerts que l’on puisse admirer les créatures à l’œuvre.

Ufomammut – Fenice

Début 2020, l’Italie est dévastée à double titre : non seulement le pays prend la première vague du COVID en pleine face, mais en plus, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, Ufomammut annonce le départ de Vita, son batteur et co-fondateur, et incidemment l’arrêt du groupe, les ailes coupées au détour des 20 ans de carrière du trio… Un peu plus d’un an plus tard, on apprenait que le duo restant (Poia et Urlo) avaient dégotté un nouveau batteur, appelé Levre, avec lequel ils décidaient d’écrire un nouveau disque. De son côté, Vita se focalise sur Sonic Wolves, son projet où il officie entre autres aux côtés de sa conjointe.

Dans son speech promo, le groupe affirme que ce vent de nouveauté dans le groupe (couplé à deux ans de crise sanitaire, qui semblent les avoir aussi chamboulés…) les ait amenés à se réinventer, partir d’une page blanche et ne pas se laisser engoncer par leur historique musical. Il nous décrit ni plus ni moins qu’une renaissance, opportunément symbolisée par ce beau Phénix ornant la pochette du disque (Fenice, en italien).

Alors, le changement, c’est maintenant pour Ufomammut ? Moui bof. Au final, Fenice a tous les atours d’un disque de Ufomammut, et le renouveau annoncé ne saute pas aux oreilles. En substance, Fenice est un disque probablement plus accessible toutefois que les productions précédentes du trio transalpin. Plus facile à digérer aussi, avec 38 petites minutes au compteur, incluant quelques plages atmosphériques (traditionnelles chez le groupe). Le passage en revue des chansons est donc assez vite opéré : on commence par “Duat”, grosse pièce de 10’30” plutôt digeste. Le titre se veut forcément épique mais propose finalement une structure assez linéaire, avec un ramp up purement indus qui mène à une première salve de riffs. Malheureusement le titre pêche un peu par un manque d’énergie dans l’exécution et dans le son (en particulier sur la montée en tension et sur la section doom sur la fin qui mériterait d’être plus écrasante). On passera sous silence “Kepherer”, pure transition ambiante sans grand intérêt, qui passe le relais au mollasson “Psychostasia”, dont la lancinante boucle mélodico-indus mène aussi à une modeste montée en pression sur le final (un final qui se voit transformé au bout de la cinquième minute en une conclusion reprenant la quintessence d’Ufomammut : un plan si immédiatement identifiable qu’on se dit que les gars se sont auto-plagiés !). “Metamorphoenix” ensuite fait tourner sa séquence mélodique entêtante non stop pendant plus de 7 min avec une montée en tension qui rappellera certains vieux titre de Nine Inch Nails, enchaîné à son titre miroir presque parfait, “Pyramind”, qui lui s’appuie sur un gros riff bien fat (qu’il fait tourner pendant 7 bonnes minutes là aussi). Le format est plus traditionnel pour Ufomammut, et le titre passe bien. Dans l’aspiration, “Empyros” vient envoyer une dernière décharge sans la moindre surprise (du Ufo’ pur jus) sur une conclusion de moins de trois minutes (la surprise vient de là, reconnaissons-le).

Vous l’aurez compris, Fenice ne propose pas vraiment un virage brutal dans la carrière du groupe… et finalement tant mieux pour les fans les plus craintifs, qui retrouveront les composantes musicales habituelles du trio. Le groupe développe toutefois une approche plus simple, plus mélodique, et de facto un point d’entrée plutôt bienvenu dans la carrière du groupe, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore les vétérans du gros doom industriel des italiens. En revanche, les fans du groupe pourront exprimer quelques réserves : un peu léger en nombre de compos et en durée, le disque ne propose pas non plus l’ampleur et l’ambition stylistique que pouvaient proposer leurs derniers albums. A ce titre et à ce titre seulement, la “renaissance” affichée par le groupe trouve une réelle illustration, à travers un changement d’approche confirmé. Malheureusement ce n’est pas forcément l’évolution dont on pouvait tous rêver en premier lieu.

Stöner – Totally…

Stöner - Totally...

Après leur premier album le groupe a écumé les salles un peu partout sur le globe et les voici déjà avec un deuxième album. Il semble donc que Stöner, projet regroupant Brant Bjork, Ryan Güt et Nick Oliveri, veuille pérenniser l’entreprise. C’est donc moins d’un an qui sépare Stoners Rule de ce Totally…

On prend les mêmes et on recommence. Voilà qui peut pleinement caractériser ce deuxième effort studio. On va retrouver les mêmes qualités et défauts du premier album pour un résultat somme toute comparable. Ce disque est donc hautement recommandable pour celles et ceux qui aiment le genre et parfaitement dispensable pour les autres.

On retrouve sur certains titres la touche Brant (“Great American Song”, “Strawberry Creek”) et sur d’autres Nick Oliveri y laisse plus clairement son empreinte (“Party March”). D’ailleurs la part imputable à Nick semble plus importante sur cet album. Loin d’être une main mise, la part Oliveriesque a clairement augmenté.

Côté qualités on a des titres simples et efficaces qui font le job. Des riffs accrocheurs avec une bonne énergie rythmique comme “A Million Beers”. “Space dude & The Burn” avec ses changements de rythme est assez réussi dans son genre.

On retrouve aussi une production de très bonne facture avec un son généreux dans les basses et un très bon équilibre des trois instruments.

Pour les défauts, on a quelques plans trop répétitifs (marque de fabrique de Bjork) et autres facilités comme “Great American Sage” qui conclut l’album ainsi qu’un “Stöner Theme” en mode service minimum. Et puis, mais c’est devenu une habitude, une durée très courte puisqu’on dépasse à peine les 37 minutes pour 8 titres. Oh, et le visuel est quand même totalement bâclé mais c’est secondaire.

Alors bien entendu, soyons parfaitement honnêtes. Si les noms de Brant Bjork et Nick Oliveri ne venaient pas titiller la curiosité, ce disque passerait certainement sous les radars des fans de stoner et serait anonymement noyé dans le flot des sorties. Mais le fait est que ces noms sont là et qu’on prête l’oreille tout en y trouvant un certain plaisir.

Un album fait par des zicos qui n’ont plus rien à prouver et qui veulent juste prendre du plaisir quitte au passage à fédérer quelques fans avec eux.

Alunah – Strange Machine

 

Scooby, nos aventures nous emmènent cette fois encore à Birmingham auprès de Alunah pour assister à la naissance de notre nouveau véhicule, la Strange Machine. Il ne t’aura pas échappé que cette équipe de doomster s’adonne aux plaisirs mystiques de la musique depuis plus de dix ans et signe son second album chez Heavy Psych Sounds. Je gage que nous aurons encore cette fois ci des mystères à résoudre, prends tes Scooby Snack et des munchies pour la redescente, c’est parti.

Delay épais sur la voix, passages lumineux à la limite de l’épique avec “Broken Stone”, Alunah a les pieds ancrés dans une culture musicale qui coexiste à côté de nos standards stoner et doom et parfois s’y mêle. Le chant éclate la rigidité de la structure rythmique.  La guitare emprunte la voie classique du solo heavy metal mais dissémine par petites touches des riffs aussi accrocheurs qu’inattendus auxquels il faudra être attentif tout au long de la plaque en particulier sur “Fade Into Fantasy” ou “Strange Machine”.

Alunah peut faire quelque chose de facile à écouter mais d’extrêmement riche. Peut-être un peu trop par moment d’ailleurs. Facile comme “Psychedelic Expressway” qui gambade du côté d’une pop 60’s un rien fantasmée ou suave. Ce titre en particulier sonne comme ce moment de décalage où dans Scooby Doo la course après le méchant se fait sur une musique kitsch haute en couleur.  L’idée de richesse quand à elle c’est au sein d’un “Fade Into Fantasy” qu’on la retrouve. A la limite du digeste avec son condensé de bonnes idées, ce titre aurait mérité une exploration approfondie de quelques thèmes quitte à en faire des pistes à part entière.

Allons mener l’enquête à présent du côté de “Earth Spin” qui démarre avec un effrayant gros son ou du côté du swing sexy de “Dead Woman Walking” qui portent les marques de la bête doom comme nombre de passages trop bref au sein de cette galette. On signale d’ailleurs que le galopant “Silver” figure au palmarès des meilleurs titres de l’album dans le respect des classiques du genre epic doom. Au sein de cet opus on devine beaucoup de boulot, rien ne semble vraiment laissé au hasard. Il y a même un pan de culture tout entier qui vient garnir de ses froufrous les compositions, S’il devait rester un seul qualificatif pour Strange Machine ce serait “trop”, trop de tant de choses que l’on s’y perd.

Au final que reste-t-il de doom chez Alunah ? Beaucoup et de moins en moins, je le crains. Sans verser dans la soupe ni renier un talent certain il est  probable que l’auditeur prenne souvent un plaisir coupable à réécouter discrètement Strange Machine. Alunah prend des chemins parallèles aux nôtres et il est probable qu’un jour les chroniquer ici soit hors sujet, qui sait? Souhaitons-leur les meilleurs vents, car sincèrement ils le méritent. Allez Scooby, tu peux sortir de derrière le rideau il n’y a rien d’horrifique là-dedans, c’était juste Shane Wesley de Crowbar qui s’était déguisé en membre de Alunah au sein d’un morceau pour faire peur aux puristes. A présent on peut partir à la recherche de quelques agapes de fin de mission qui satisferont nos envies bien plus grasses et beaucoup moins raisonnables.

En pour celles et ceux qui veulent un meilleur résumé, plein de références et de hipe, il a la chaine Youtube The Doom Dad que nous hébergeons dans notre infinie charité: https://youtu.be/tlnWoYgoduQ

 

Mudweiser – The Call

Comme un phénomène cyclique familier et rassurant, tous les quatre ou cinq ans les gars de Mudweiser alignent leurs agendas (remplis pour certains d’entre eux de tournées et d’enregistrements de leurs groupes respectifs), se retrouvent dans un studio, autour de valeurs musicales communes, et sortent un nouveau disque. Même s’il s’agit au final plutôt d’un projet que d’un groupe en tant que tel, Mudweiser existe depuis si longtemps maintenant qu’ils font partie du paysage, une sorte de valeur refuge de notre horizon musical, et en enfournant ce The Call, on espère bien fort qu’il nous laisse la même bonne impression que leurs précédentes publications.

En tous les cas, l’écoute intensive de la galette ne laisse pas longtemps planer le doute sur la ligne directrice de l’ensemble : on est bien dans la continuité de leurs précédents LP, à savoir un stoner rock nerveux et accrocheur, mais jamais monolithique. Le quatuor a le bon goût de ratisser large, et l’on passe sans s’ennuyer de glaviots bien énervés (“High Again”, “Reckless Dream”…) à des mid-tempo mélodiques accrocheurs (“Sister Mary”, “Sad Man”…). Même si l’on pense occasionnellement aux grands noms du stoner californien (sur “Daughters” notamment, en particulier son break central, très malin, ou encore sur “The Hunt” et son riff surgras, option bitume chaud), on revient vite au bercail pour apprécier en tant que telle l’identité propre que se construit le groupe depuis maintenant plus de quinze ans, en s’éloignant de l’ombre de ses aînés (le groupe n’ayant jamais craché sur ses influences pour autant).

Avec plus de recul toutefois, se détache quand même cette impression d’une plus grande colère sur ce The Call, d’une certaine noirceur. Est-ce l’appréciation subjective de votre serviteur, baigné ces derniers temps par un climat mortifère qui influe sur sa perception ? Ou bien est-ce lié à l’approche du groupe, plus sombre et plus coléreux ? Même si ça ne résume pas l’album, cette tendance se confirme : Mudweiser a (un peu) levé le pied sur le groove et les plans plus fun, pour y aller plus franchement sur les passages rageurs et pêchus. Le riff est dru et énervé (voir “Blasted Forever” ou encore le pourtant fun “Invitation” qui donne quand même l’impression de prendre une bonne baffe), et les atmosphères se font aussi plus dark parfois, presque doom comme sur “Daughters” ou “Sad Man”. Cette subtile descente vers des pans musicaux plus obscurs est à la fois le fruit du travail vocal de Reuno (dont le chant naturellement rageur sert impeccablement chaque plage), mais aussi des lignes de basse très présentes de Jay (par ailleurs membre des joyeux lurons de Verdun) ainsi que du retour au bercail de Said (qui reprend le manche de la 6-cordes à Ole, après un intérim de plus de 8 ans et deux albums), qui abat un travail remarquable lui aussi, en rythmique et en lead.

Quoi qu’il en soit, The Call est un album abouti, celui d’un groupe qui a passé sa crise d’adolescence : solide, nerveux, et souvent sérieux, le jeune adulte n’a néanmoins pas complètement perdu son âme d’ado désinvolte, proposant toujours quelques belles pièces groovy plus légères pour faire bonne mesure. Trop courte toutefois (35 minutes c’est un peu frustrant) cette galette saura délivrer quelques moments de grâce aux amateurs d’un stoner rock racé, efficace et intègre. Un plaisir devenu trop rare, dont on n’a pas envie de se priver.

 


Temple of Deimos – Heading to Saint Reaper

On avait un peu perdu de vue (ou franchement oublié, soyons honnête) le trio italien un peu barré de Temple of Deimos, après leur second album pour être exact, Work to be Done, alors paru chez un autre illustre label transalpin, Go Down Records. C’est donc repêchés par une nouvelle écurie, Argonauta, que les trois gênois nous reviennent, rien moins que huit ans plus tard…

On était resté sur ce vague souvenir (oui, on vieillit, notre mémoire flanche un peu…) d’un groupe très inspiré par le canal Desert rock “fin de millénaire”, avec des sonorités très proches des premiers QOTSA et quelques plans rappelant Kyuss et consorts. En lançant ce Heading to Saint Reaper sur ses premiers tours de piste, on est partagés entre stupéfaction, sourires, doute… un peu une sorte d’explosion des papilles auditives (oui ça n’existe pas).

Le bazar démarre sur les chapeaux de roue et part très vite dans tous les sens : huit ans de pause c’est probablement assez frustrant, et dès “Deadly Lines” on sent ce groupe développer une envie quasiment frénétique de tout lâcher, d’occuper le terrain, avec cette guitare qui se cherche perpétuellement entre rythmique et lead, un peu partout tout le temps, aux limites de la dissonance parfois (hello le Josh Homme borderline des débuts de QOTSA). Tandis que le groupe va patauger encore occasionnellement dans un bon vieux robot rock (“Deflagration Deal”, “Suddenly like a Robot”), voire même faire écho à des projets plus barrés et expérimentaux (type premières Desert Sessions) sur des titres comme “Elvis Aaron Stoner” (!), il va aussi rappeler ses accointances Kyussiennes sur des titres plus posés et fuzzés (tel le très gracieux “Bad Time Choices” ou encore “Gianni”). Et il en va ainsi de toute la galette, qui nous rappellera aussi les légendaires Fatso Jetson (“Charlie Song”, où même le chant rappelle Mario Lalli, ou encore des pans entiers de “Melalcoholia”) et son projet-frère Yawning Man, à travers un troublant instrumental, “Yawning Girl” (au moins les gars ne se cachent pas…), qui fleure bon l’hommage sincère, avec son son de guitare “labellisé”.

Bref, les amoureux du vrai desert rock au sens TRES large devraient trouver dans cette incarnation sincère et qualitative quelques bons moments musicaux. L’album est évidemment hétérogène, mais comporte un bon lot de moments de plaisir auditif régressifs. Sa générosité devrait suffire à convaincre les plus dubitatifs.


 

Fuzz Sagrado – A New Dimension

Novembre 2020… Je me remettais à peine de l’arrêt des américains d’Egypt que Samsara Blues Experiment sortait son dernier album End of Forever pour se mettre à son tour en sommeil… Et c’est en me perdant pour la énième fois dans cet ultime album que je découvris par hasard que Chris Peters, chanteur et guitariste du groupe, menait en fait une double vie musicale ! Depuis 2015 avec son projet instrumental Surya Kris Peters dans lequel il développe son goût pour le synthétiseur, et depuis début 2021 sous le projet Fuzz Sagrado, avec lequel il sort 2 EP instrumentaux sentant bon le desert-rock à tendance psychédélique. Ce dernier projet devient un peu plus concret depuis février avec la sortie d’un premier album A New Dimension.

On ne peut toutefois s’empêcher de retrouver le son de Samsara Blues Experiment notamment sur la première partie de l’album. Dès le morceau “A New Dimension”, le chant très reconnaissable de Chris et le break débouchant sur un jam hypnotique avec une guitare beaucoup plus groovy nous à des titres de Revelation & Mystery, second album des allemands. On retrouve cette même ambiance sur “In Her Garden”, le chant en plus sur la partie jammée. Et puis il y a “Lunik IX” proposant un riff plus lourd qui vient frapper nos oreilles comme une succession de vagues pour encore mieux nous envoûter.

Mais ne vous méprenez pas ! A New Dimension a plus à offrir qu’une ressemblance avec Samsara Blues Experiment. L’album continue de creuser la voie ouverte par les deux premiers EP de Fuzz Sagrado et va basculer vers ces ambiances au fil des morceaux tout en conservant le chant et les sonorités de guitare propre à Chris Peters. On le voit dès “The Mushroom Park” avec des synthés beaucoup plus présents couplée à une guitare acoustique qui vient accompagner le chant. C’est encore plus flagrant sur “Tropical Rain” où c’est cette fois une batterie au son digital qui vient porter des mélodies plus mélancolique, ou sur “Crashing Cascade” avec son intro rappelant une boîte à musique pour enfant venant faire écho tout le long du titre. Le titre “Furthur” offre lui le meilleur des deux mondes avec ses 11 minutes de trip entremêlant solo de guitare sauce Samsara et mélodies au synthétiseurs

Chris Peters cherche avec Fuzz Sagrado une certaine simplicité dans ses compositions. A New Dimension ne se perd pas dans des mélodies complexes ou dans la recherche du riff ou du break accrocheur mais va plutôt tenter de conserver ce côté moelleux et envoûtant même sur des morceaux plus épais comme “Lunik IX”. Pari réussi car c’est cet élément qui donne toute sa saveur à l’album, rendant son écoute agréable et relaxante (enfin son écoute, on a vite fait de le relancer dès la fin de “Crashing Cascade”) même si une basse un peu plus présente aurait amené plus de groove à certains morceaux. Nul doute que l’arrivée du printemps va donner une autre dimension à cet album, et dans tous les cas je vous conseille de garder un œil sur la page bandcamp de Fuzz Sagrado… de nouvelles petites pépites risquent d’y jaillir régulièrement !

 


 

Hällas – Isle Of Wisdom

Stoner, doom, sludge, psychédélique, fuzz, heavy groovy machin chose, les étiquettes apposées sur les disques chroniqués dans ces pages (oui pour moi les internets ce sont plein de pages que l’on consulte dans le désordre) ont de quoi perdre le plus distrait des mélomanes et les choses ne vont pas s’arranger avec celle-ci : Hällas fait dans l’Adventure rock, c’est à dire une musique ayant pour but d’illustrer une histoire d’Heroïc Fantasy en mélangeant le rock progressif des années 70’s, la musique de jeux vidéo et le proto metal pour en faire quelque chose d’extrêmement imagé, l’expression musicale d’une aventure à caractère onirique.

Les trois premiers albums (un EP et deux albums pour être précis) racontent l’histoire du neuvième chevalier d’Hällas, en quête de son futur, rencontrant dans le pays de Semyra son némésis, le Star Rider. De cette trilogie, c’est l’album Excerpts From A Future Past qui est le plus mémorable, porté notamment par le hit « Star Rider », un mid tempo envoutant que je tiens parmi les meilleurs titres de ces dix dernières années. Conundrum, l’album suivant est à mon sens moins marquant, notamment parce que les inflexions metal du début s’effacent devant l’orgie de synthétiseurs proposée. Il faut dire que le groupe a eu accès aux synthés du groupe ABBA en signant chez RMV Grammofon, label lié aux Riksmixningsverket studios où le matériel d’Abba est entreposé.

L’histoire d’Hällas et de son univers impitoyable étant bouclée, le groupe ouvre avec Isle Of Wisdom un nouveau chapitre, narrant le fonctionnement d’une société autonome vivant sur une île coupée du reste du monde. Exit Adam Burke (Nightjar Illustration) au visuel, c’est à Branca Studios que revient le soin d’illustrer cette nouvelle aventure. Côté musique le groupe renoue avec ses influences passées. L’équilibre entre les guitares et synthétiseurs est de nouveau rétabli, comme l’annonce l’ouverture « Birth Into Darkness », véritable déferlement d’idées, de riffs et synthés posant la coloration d’un album riche qui n’oublie pas d’être heavy, à sa façon. Si Hällas pêche parfois par prétention (non Tommy Alexandersson n’est pas un grand chanteur, il devrait s’en rappeler plutôt que d’aller se planter dans des envolées très gênantes) il déborde d’idées réjouissantes, de petits licks pleins d’enthousiasme (« Advent of Dawn » ou le très joli final « The Wind Carrie The World ») mais c’est évidemment le single absolu « Earl’s Theme » qui restera, très probable hit du niveau de « Star Rider », permettant à Hällas de grossir une set list pleine de tubes et de devenir une valeur sûre de la scène.

Isle of Wisdom remet Hällas sur de bons rails, à eux de ne pas trop secouer la locomotive.

 

Point vinyle

Compliqué d’avoir des infos précises (le label n’a pas – à ma connaissance – communiqué dessus), j’ai vu passer une version violette marbrée dispo en bundle et sold out un peu partout, une version violette et une autre noire. Ce qui, ma foi, est largement suffisant. 

 


 

Decasia – An Endless Feast For Hyenas

 

Petits Poucet deviendront grands, en tout cas c’est bien là tout le mal que l’on souhaite aux parisiens d’adoption, Decasia, qui pour leurs sept ans se payent leur premier LP et une signature chez Heavy Psych Sounds. Le trio que nous retrouvons épisodiquement de scène en festivals a fait ses armes et sort une belle plaque qui appelle aux voyages, An Endless Feast For Hyenas. Cette galette enregistrée en mode DIY promet déjà dans son concept de belles surprises.

Ferveur mystique ou rage quasi adolescente (ils ont passé le cap depuis belle lurette pourtant)  il semble d’emblée difficile de dire ce qui anime les pistes. Decasia offre à son auditeur un mélange étrange où la voix tant que les riffs sont faits de suave et de fermeté. Que ce soit sur “Skeleton Void” ou “Hrossvelli’s Ode”, un entrelac complexe fait parfois perdre les sens et oublier que les zicos ne sont que trois. An Endless Feast For Hyenas est un album où le kraut métissé du groupe atteint un niveau de savoir-faire indéniable.

“Override” apporte un de ces moments de satisfaction rare que l’on n’éprouve plus souvent à la sortie d’un album, l’impression est confirmée sur “Laniakea Falls”, un moment de grâce. La liberté d’ exécution fleure bon l’impro en particulier dans les soli, qui se succèdent de piste en piste sans pour autant se départir de la structure et de la réflexion qui transpirent un peu partout, et en particulier dans le catchy “Sunrise”, piste dynamique qui confirme la première impression de ferveur et de rage pubère.

Il est important de relever que les gars ont su masquer l’enregistrement dans une grange d’une baraque du fin fond de l’Auvergne et rester en grande partie en maîtrise de leurs titres, simulant l’exception lors du tout dernier. Là, les instants de vie transparaissent et révèlent la vraie nature de l’album.

Il devient urgent d’ aller écouter en live cet opus à peine sorti car avec An Endless Feast For Hyenas  Decasia a taillé une plaque pour l’ épreuve du concert. Sans l’ ombre d’un doute elle portera le public des salles où elle sera jouée vers des horizons contemplatifs, réfutant les notions d’enfermement et de frustration. Ces sentiments imposés par de trop nombreux artistes ces derniers mois ne trouvent pas leur place ici et c’est un soulagement.

 

Steak – Acute Mania

Depuis ses premiers pas en 2010, Steak occupe les avant-postes de la scène stoner européenne, un statut finalement un peu en décalage pour un groupe qui tourne peu, et surtout… qui n’a toujours pas sorti d’album réellement remarquable. Pan ! on met les pieds dans le plat : chacun de leurs disques s’est toujours avéré plaisant, mais qu’en reste-t-il ? Pour un “Liquid Gold”, combien de compos moyennes ? Lequel de leurs albums sortez-vous régulièrement de vos poussiéreuses étagères à vinyl pour le réécouter encore et encore avec envie ? Et pourtant, le groupe est sympathique, ses musiciens sont pros et carrés, ses concerts efficaces,il dispose d’un vrai chanteur (phénomène finalement assez rare, à bien y réfléchir)… Bref : Steak, c’est un peu le groupe de l’on adorerait adorer. Est-ce que ce Acute Mania sera enfin l’album qualitatif qui leur permettra de corriger cette étrange dichotomie ?

Il ne faut en tout cas pas longtemps pour retrouver une certaine familiarité dans ce disque, qui s’inscrit dans la droite lignée de ses prédécesseurs, stylistiquement en tout cas : un stoner rock solide, sableux mais jamais trop bitumeux, carré, largement porté sur le mid tempo. Le tout fait une nouvelle fois l’objet d’une production soignée, à la hauteur des ambitions toujours affichées par le quatuor londonien.

Côté compos, il y a du bon et du moins bon. Dans la première catégorie, on mettra volontiers “Wolves” (grosse basse et un lick de guitare catchy à souhait, qui vient s’appuyer sur l’un des seuls riffs un peu marquants du disque), le lancinant (mais peut-être un peu trop Kyussien) “System”. On pense aussi à la première moitié de “Ancestors”, elle aussi accrocheuse (mais qui rate sa sortie en jouant un peu trop la grandiloquence), ou inversement la très réussie deuxième moitié de “Papas Special Custard” (dont la longue intro est sérieusement pompée de Tool, jusque dans le son de basse et l’arrivée des guitares). Malheureusement, cette sélection est assortie de titres plus dispensables, qui peinent à engrammer malgré de nombreuses écoutes : “Dead Meat”, “Frequencies”, “Last Days” (bien trop long à commencer, dont on gardera la fin néanmoins), ou encore “Mono” (malgré la bonne idée d’offrir le micro à la chanteuse de Vodun sur l’outro). En synthèse en tous les cas, bien peu de riffs à se mettre sous la dent (Steak n’est clairement pas un groupe à riffs – ce qui n’est pas une critique en soi).

Acute Mania est donc un album satisfaisant, comportant quelques très bons passages, et à ce titre il y a matière à contenter bon nombre d’auditeurs cherchant un bon moment de musique, efficace, sans prétention. Mais il contient aussi des titres moyens, et surtout manque de véritable moment de grâce, d’une poignée de titres parfaits, et a fortiori du moindre riff marquant. Paradoxalement, ceci n’empêche pas Acute Mania d’être probablement l’un des meilleurs, voire le meilleur album du groupe… Étrange constat. Et pour les esprits chagrins et aigris de tous bords, on dira simplement : rendez-vous dans quelques mois, on en reparle ?

Big Scenic Nowhere – The Long Morrow

Perçu à ses début comme un « super groupe », ces fameuses réunions regroupant des musiciens issus de formations prestigieuses, Big Scenic Nowhere s’installe dans la durée et s’affirme de plus en plus comme une entité à part entière grâce à ce nouvel opus paru début 2022.

The Long Morrow, le long lendemain, pour traduire littéralement, s’articule donc encore autour de Gary Arce de Yawning Man et de Bob Balch, artilleur six cordiste génial chez Fu-Manchu. On y retrouve aussi Tony Reed de Mos Generator au chant, au mix et au mastering. Quelques guests, des potes, l’assurance de passer un bon moment en somme.

Et pourtant…

Le format étonne pour le moins sur The long Morrow, 5 titres pour 36 minutes et la moitié occupée par le titre éponyme. A l’écoute, l’impression de remplissage se renforce quand se retrouvent confrontés le travail poussé sur 17 minutes du dernier titre et l’apparente fin bâclée d’un «Lavender Blue » par exemple. Le groupe semble s’être retrouvé à broder un semblant d’architecture autour de son titre phare et on traverse la moitié de l’album sans réel intérêt, le tout porté par un chant aux idées fades et poussives.

Reste donc à se mettre la pièce maîtresse sous la dent pour enfin apprécier un véritable échange entre les musiciens. Puisque le groupe semble puiser ses influences dans une bonne partie des années 70, il semble certain que le format prog leurs sied le mieux. Pas d’idée avortée dans ce titre, non, le groupe étire ses envies et peut enfin les traiter véritablement. Doublage de guitare, véritable plages ambiants, effets psychés, solis foutraques, on entre enfin dans le monde Big Scenic Nowhere. Le groupe arrivant à nous faire décoller parce que s’exprimant totalement.

Mais c’est bien trop peu, trop tard pour nous faire apprécier l’album et l’on vient à penser qu’un format EP desservirait moins le propos.

Même après plusieurs écoutes, l’intérêt pour ce nouvel ouvrage ne grandit pas. Monotone plus que paresseux, l’ensemble souffre sous un chant désincarné et des claviers assez cheap dans l’ensemble.

Il faut attendre le titre phare et ses longues plages instrumentales pour enfin se laisser guider par une unité, un réel plaisir. La déception est d’autant plus grande vu le pedigree des musiciens qui nous avaient offert des titres plus concernés auparavant. Reste à voir comment peuvent vivre ces nouveaux morceaux en live et leurs trouver éventuellement un nouvel intérêt.

Friends of Hell – Friends of Hell

Tas Danazoglu est le genre de personne que l’on oublie pas, notamment grâce à son effrayant tatouage facial, qui a fasciné plus d’un fan d’Electric Wizard lorsque ce dernier a tenu la basse au sein du groupe, pour l’album Black Masses (2010) et la tournée qui a suivi. Mais le chypriote, véritable globe trotter, notamment pour son activité de tatoueur, est aussi un hyper actif musical, ce dernier étant la tête pensante et chanteur du groupe de black/thrash Satan’s Wrath et bassiste au sein de Mirror, formation heavy/hard 70’s dont le troisième album sort en avril chez Cruz Del Sur Records. Friends of Hell, l’autre mamelle de son adoration pour les musiques occultes, répond à une promesse que Danazoglu avait faite au guitariste espagnol Jondix, qu’il a côtoyé au sein de Great Coven et Eight Hands For Kali au début des années 2000 : refaire de la musique ensemble et s’entourer d’amis eux aussi venus des enfers. Ces amis ayant des noms plus ronflants que la moyenne puisqu’il s’agit de Taneli Jarva (basse/ex-Sentenced, ex-Impaled Nazarene) et Albert Witchfinder (voix/ex-Reverend Bizarre), le groupe a vite distillé un parfum de supergroupe avec l’excitation et l’angoisse qui vient avec.

Friends of Hell n’est pas un supergroupe. Jamais. Parce que si le CV des musiciens a de quoi allécher le doomster en goguette, il s’agit tout de même de seconds couteaux – certes aiguisés – du circuit, Albert Witchfinder mis à part. Et c’est bien leur amitié, et leurs accointances musicales (en plus de leur passion pout le tatouage, le métier de Jarva et Danazoglu) qui les a réunis. Cette pression enlevée, il est possible d’apprécier le disque pour ce qu’il est : 40 minutes de doom traditionnel, fort en riffs (« Shadow of the Impaler », « Evil They Call Us ») et en refrains incantatoires (« Into my Coffin », « Belial’s Bell », « Friends of Hell »), ayant de quoi remplir le coeur noir et glacé des fans du genre, qui n’ont pas – malgré ce que l’on pourrait penser – 5 disques du genre par an à se mettre sur la dent. Friends of Hell invoque Pentagram (Bobby Liebling a d’ailleurs un temps été envisagé derrière le micro), Trouble ou Cathedral, se réfère aussi évidement à Witchfinder General (Friends of Hell étant le nom du second album de ces pionniers du heavy doom anglais) et sonne comme un hommage à toute cette scène. La basse claque, sans fuzz ni artifice, les guitares dessinent des pentacles dans nos esprits et bien sûr la voix de Witchfiner colore très nettement le disque d’une bizarre révérence. Rien de nouveau sous le soleil (noir) mais le disque contient parmi les meilleurs riffs du doom game actuel faisant aisément oublier quelques morceaux un poil plus faibles (« Orion’s Beast » ou « Wallachia » mais c’est pour chipoter).

Ce premier album de Friends of Hell est une franche réussite, un bonbon pour les fans du genre, dont on espère une carrière plus pérenne qu’un simple happening de routier du doom. On a toujours en tête le coup With The Dead, qui après un super album et quelques apparitions lives a déçu, avec un second effort peu mémorable et une mise en sommeil depuis 2017. Pour Friends of Hell on veut du “Doom over the World”. Et vite!

 

Point vinyle:

Rise Above aime ce format et sait que nous l’aimons aussi. Le label propose donc sa classique version Die Hard (100 exemplaires, avec patch, insert collector et compagnie) ainsi que d’autres couleurs (200 purple, black & white splatter, 500 trans black et 400 solid purple pour les USA). Rajoutez à cela 500 versions noire classique et vous n’avez que l’embarras du choix. 

Fostermother – The Ocean

Le texan Travis Weatherred a monté Fostermother en 2019, rejoint rapidement par Stephen Griffin. Touche-à-tout instrumentistes, les deux musiciens ont écrit et enregistré seuls leur deuxième album, The Ocean (même si un troisième musicien vient d’être recruté par le duo, vraisemblablement pour leur permettre de donner quelques concerts – tout au moins l’espérons-nous). Deux ans après leur premier album, originalement appelé Fostermother, ce second disque, cette fois signé chez Ripple, vient enfoncer le clou.

La musique du duo est une sorte de stoner doom très fuzzé et très mélodique, très travaillé aussi (gros travail du son, avec notamment un travail de production convaincant). On pense souvent aux talentueux Mars Red Sky (écoutez les couplets de “Hedonist” en particulier) pour le contraste entre une base instrumentale lourde mais mélodique, et un chant clair et hanté. Loin du plagiat, Fostermother trouve sa voie dans ce segment musical peu exploré, caractérisé par un vrai travail d’écriture qui fait rentrer ses mélodies au forceps dans nos petits crânes après seulement quelques écoutes. L’ensemble est plutôt lent, voire mid-tempo, et explore méticuleusement, sur 45 minutes, cette étroite frontière entre lourdeur et subtilité. De plus, les compositions parviennent à jumeler un travail de structure très élaboré (les chansons sont denses, roboratives même, chargées en riffs, refrains, breaks…) et une durée (relativement) courte, avec un seul titre au dessus de 6 minutes. Tant et si bien que l’ennui n’est jamais là, et les écoutes peuvent se succéder avec toujours une petite surprise au détour d’un riff déja engrammé depuis longtemps, ou un refrain déjà chantonné après seulement trois ou quatre écoutes…

Toute autant audacieuse que séduisante, la musique de Fostermother a pas mal d’atouts pour plaire largement. Il faut se pencher sur leur cas.

 


 

Messa – Close

Venu de Citadella, ville fortifiée de la province de Padoue au nord-ouest de l’Italie, entre Trente et Venise, Messa a très vite su séduire un public d’esthètes de la musique lourde mais classieuse, avec Belfry, un premier album aussi naïf que beau et surtout Feast For Water qui, à grands renforts de claviers et de touches jazzy, a positionné Messa dans le haut du panier des underdogs de l’underground. Une fois n’est pas coutume pour un album de 2022, Close, troisième effort du groupe, a été composé durant la pandémie et trouve son inspiration dans cette période. Exit la thématique aquatique qui traversait les deux premiers disques, Close philosophe sur les liens humains, l’éloignement, le déracinement, partant du confinement pour élargir l’idée de séparation jusqu’à la migration.

L’album s’ouvre sur du clavier, quelques notes en ouverture de « Suspended », comme un lien organique avec l’album précédent puis nous transporte vers autre chose. Le jazz s’efface peu à peu (il en reste quelques vestiges, comme le solo de « Suspended » ou le saxophone en ouverture d’« Orphalese ») et Messa de s’ouvrir aux gammes arabes, utilisant du oud sur de nombreux morceaux. Point d’orgue de cette nouvelle coloration, « Pilgrim » et son entêtante mélodie débouchant sur un riff de pur doom après trois minutes de montée mélodique. C’est ici la force de cet album, par ailleurs assez long, les morceaux sont extrêmement variés et jouissent d’une grande cohérence malgré les nombreuses expérimentations (l’interlude au oud « Hollow », en résonance du second « Leffotrak » complètement black metal, « 0=2 », très progressive, presque drone stoppée net par un gros break doom etc…). Comme sur l’album précédent c’est le chant de Sara Bianchin qui apporte ce truc en plus, ce facteur X pour le groupe. Avec ses vocaux habités, quelque part entre Anneke Van Giersbergen et Jex Thoth, cette dernière donne de l’âme à l’ensemble, sa voix agissant comme un lien entre les différents mondes, Maghreb et Europe, prog et doom, jazz et metal.

Même s’il aurait gagné à être plus court (il y a surement un morceau en trop même si je n’arrive pas à savoir lequel), Close est dans la droite lignée de Feast For Water, pareil mais différent. Charge à Messa de désormais parcourir le monde pour porter leur musique au plus grand nombre. D’être proche de nous, finalement.

(des dates sont annoncées à Nantes et Paris en avril ainsi qu’au Rock In Bourlon en juin)

 

Point vinyle:

Deux options chez Svart Records: un vinyle Gold déjà sold out (mais disponible à la Fnac semble t’il) et une version noire classique.

 


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