Big Scenic Nowhere – Dying On The Mountain

Si vous n’étiez pas parmi nous lors des précédents épisodes (sachez que c’est très mal…), le label Blues funeral a lancé un concept baptisé Postwax en début d’année. En gros, vous filez du pognon et le label vous envoie chez vous de belles galettes de groupes choisis (ou volontaires) pour enregistrer du matériel inédit. Vous recevez 7 albums ou EP de 7 groupes différents dans l’année, parmi lesquels Elder et Besvarjelsen (déjà chroniqués par les collègues) mais aussi Domkraft (avec le grand Mark Lanegan s’il vous plaît !), Lowrider (20 ans qu’on attendait un truc nouveau de leur part !!!) ou encore Spotlights. Mais celui qui nous intéresse aujourd’hui est sans aucun doute le plus surprenant de la liste.

Imaginez un peu : les guitaristes Bob Balch (Fu Manchu) et Gary Arce (qui fait une infidélité à Yawning Man pour la première fois depuis 1986), qui se connaissent depuis presque 30 ans, décident d’unir leurs efforts pour un projet éphémère et unique intitulé Big scenic nowhere (l’annonce a été faite en février dernier et a affolé la toile). Pour cela, ils s’entourent d’autres musiciens (et pas des moindres) comme le légendaire Nick Oliveri (ex-Kyuss entre autres), Mario Lalli (Fatso Jetson et Yawning Man), Per Viberg (Spiritual Beggars), Bill Stinson (Yawning Man) ou encore Thomas Jäger (Monolord). Un sacré putain de casting qui ferait baver n’importe quel fan de stoner. Oui mais voilà, c’est bien beau de réunir la crème de la crème du genre, encore faut-il réussir à sortir quelque chose de potable quand tout ce beau monde se met à jouer. Vous allez voir, c’est le cas, et bien plus encore…

Le résultat s’intitule Dying on the mountain et c’est un EP composé de 2 titres : la face A, sobrement titrée « Dying on the mountain (Pt.1) / Altered ages / Dying on the mountain (Pt.2) » (je vous laisse quelques secondes pour reprendre votre souffle…), est une orgiaque pièce de plus de 20 minutes (oui oui, 20 minutes !). Composée de 3 mouvements distincts reliés parfaitement entre eux, ce mammouth sonore bénéficie du jeu subtil et puissant de Balch et Arce, accompagnés pour l’occasion par Stinson derrière les fûts et par Oliveri à la basse. Introduite par des voix shamaniques et éthérées (que l’on retrouve un peu plus loin en guise de liant entre les différents mouvements du titre), cette pièce d’anthologie s’immisce dans votre inconscient, retourne tout ce qui s’y trouve et vous enveloppe d’un magma sonore pour ne plus vous lâcher. Vous êtes comme happé par une main invisible qui vous invite à la transe. Le genre de truc qui prend possession de vous. A réécouter encore et encore…

Le second titre, Towards the sun, a été dévoilé le 21 août dernier. C’est le résultat d’une jam improvisée de plus de 5 heures entre Balch et Arce qui, après avoir retravaillé leurs idées, se sont attachés les services de Mario Lalli à la basse et de Bill Stinson à la batterie. Pour les vocaux, Tony Reed et Thomas Jäger se relaient. Bien plus conventionnel dans son approche et dans sa composition, Towards the sun est un bon titre mais il ne révolutionnera pas le genre. Dans son ensemble, cet EP restera semble-t-il le « one shot » d’une formation au casting ultra-bandant et on se plaît maintenant à rêver d’un album complet. L’avenir nous le dira mais on ne se fait pas trop d’illusions, malheureusement…

Horseburner – The Thief

À Parkersburg dans le fin fond de la Virginie Occidentiale officie un quatuor à l’énergie certaine. Formé en 2008 et signant cette année chez Ripple Music pour un deuxième album, Horseburner confirme sa place au Panthéon des agitateurs de foule avec une préparation aux petits oignons.

Si l’artwork de la galette, avec son éclat couleur pastel, ses motifs floraux, et sa police délicate, suggère une écoute planante, contemplative, propre aux groupes de psyché ou revival des 70’, on ne peut se tromper davantage. Au carrefour du stoner, du metal, du sludge et du doom, les Américains se décrivent comme créateurs de lourds riffs Rock’n’roll qui vous secouent de l’intérieur. Une description que nous aurons, après l’écoute de The Thief, beaucoup de mal à démentir.

On y découvre sept pistes d’une richesse de composition admirable, cernées par une intro et une outro reprenant le même thème. Une mélodie tantôt puissamment exprimée par les guitares électriques, tantôt interprétée avec le charme et la simplicité de guitares sèches. Cette épanadiplose narrative met en relief tout le récit qu’elle encadre. Récit dont le premier chapitre « A Joyless King » propose une entrée en matière incisive, constellée de riffs aiguisés à souhait, de ponts rafraîchissants et d’une rythmique solidement orchestrée par Adam Nohe ; gaillard qui réussi la prouesse de cracher ses robustes notes de chant tout en distribuant sur les futs comme un possédé.

Le plus souvent, le guitariste Jack thomas l’accompagne de sa voix, ce qui laisse toute la responsabilité de l’exécution des soli à Zach Kaufman. Comme sur « Drowning Bird », le second chapitre et début des péripéties, où ses doigts de shredeurs martyrisent les cordes pour régaler les oreilles. Beaucoup plus bourrin, ce morceau connait aussi de francs passages heavy metal s’insérant sans aucune discontinuité.

En définitive et comme pour chaque piste constituant The Thief, les styles se rencontrent, se mêlent et fusionnent pour offrir l’essence faisant désormais l’identité d’Horseburner. Un mélange dont on avait perçu la nature sur Dead Seeds, Barren Soil, sortit en 2016, mais sans en appréhender la forme définitive ; ou du moins mature.

Avec The Thief, c’est désormais chose faite. Une essence lourde et graveleuse comme une excavatrice d’exploitation minière, dynamique et agile telle un oiseau voltigeur, et conservant la beauté d’un lever de soleil sur un champ de bataille dont on serait le vainqueur (« Seas between »).

Une évolution qui méritera d’être suivie dans les années à venir. Résolution d’ailleurs encouragée par le frontman Adam Nohe lors d’un récent live : ‘ Quit your job, get wasted, listen to rock’n’roll ‘.

Sir, yes sir !

Ufomammut – XX (box set)

[Note : on ne parle pas dans cette rubrique du box set lui-même contenant tous les albums du groupe, ceux-ci sont pour la plupart chroniqués individuellement dans nos pages]

A l’occasion de ses vingt ans de carrière, Ufomammut a organisé une petite tournée européenne célébratoire, et propose la collection de l’ensemble de sa production, à travers les sorties de tous ses albums (éditions spéciales, nouvel artwork), le tout dans un coffret collector. Pour agrémenter le tout, ils nous proposent à l’intérieur (donc pas dispo séparément) un disque spécial, XX (comme le nom du coffret), pour le moins atypique : il s’agit d’un disque de six titres pour moins d’une demi-heure de musique, où le groupe a capturé en live des ré-interprétations de quelques uns de ses morceaux les plus emblématiques. Dans cette configuration, qui a proposé cet exerice de style sur quelques dates en Europe l’an dernier, on retrouve Vita à la batterie sur un kit minimaliste plutôt orienté percus, Poia à la guitare électro-acoustique, tandis qu’Urlo a choisi de laisser de côté sa Rickenbacker emblématique pour se dédier aux claviers et au chant. Dans cet exercice, le barycentre musical du trio repose presque complètement sur ses épaules (tandis qu’en configuration traditionnelle, c’est plutôt les riffs bulldozer de Poia qui soutiennent la baraque), d’autant plus que ses lignes de chant figurent désormais au premier plan sonore, avec une technique en chant clair que l’on ne soupçonnait pas, habitué que l’on est à l’entendre beugler dans son Shure vintage blindé d’effets, relégué derrière des murailles soniques de guitare et de basse.

Les titres choisis visent à couvrir peu ou prou toute leur carrière, en piochant dans tous leurs LP, avec quelques omissions toutefois, en particulier le colossal Eve (probablement trop difficile d’extraire une section spécifique de ce colosse monolithique) et leur dernière production 8 (que l’on imagine trop « jeune » lors du travail d’écriture de XX pour apporter le recul nécessaire à une relecture intéressante).

Ça commence à la fois logiquement et judicieusement par « Satan » (l’une de leurs premières compos, morceau-titre de la première démo qu’ils ont enregistrée en 1999) qui, en terme de forme et d’approche, donne le ton du disque. A l’image de « Plouton » (issu du plus récent Ecate) qui prend sa suite ou de « Infearnatural » (Oro) un peu plus loin, on retrouve avec de gros efforts d’imagination la trame du riff principal réinterprétée en mode acoustique, simplifié à outrance, prenant la forme d’un petit lick de guitare acoustique bien répétitif (en écho aux riffs lancinants assénés pendant de longues minutes, habituels du trio transalpin sur ses titres originaux). A côté, une trame sobre de claviers vient finir d’habiller le titre, tandis que la voix de Urlo, en son clair, vient bouleverser nos habitudes. Bluffant… Le jeu de batterie/percus subtil et dépouillé apporte la juste touche rythmique utile aux titres, rien de plus (à noter que les deux premiers titres sont joués en duo, sans Vita). L’ancien « Lacrimosa » qui prend la suite se distingue un peu en proposant une approche noise quasi-drone dans sa mise en place, avec une guitare qui n’occupe aucun rôle mélodique (juste un grésillement en bruit de fond). La nature assez indus de l’original se change en tonalité plus électro… Point commun sur tout l’album : les structures des chansons retenues se cantonnent aux séquences de base des titres d’origine : les breaks un peu bourrins, les plans trop foutraques, les changements trop brutaux sont tous systématiquement oubliés pour ne garder que des corps de morceaux homogènes. Du coup l’ensemble peut paraître un peu aseptisé sur la continuité (et plus court, les titres étant tous tronqués de ces sections, à l’image ici du dernier tiers complet un peu foutraque de ce « Lacrimosa », absent de sa « relecture »).

Les deux derniers titres apportent un relief un peu différent dans la réinterprétation : « Mars » (issu de Lucifer Songs) se réapproprie largement le riff du refrain original et laisse Poia appuyer un peu sur la pédale de disto pour proposer un peu de saturation sur la gratte. Le titre apparaît par ailleurs plus travaillé dans ses arrangements, proposant une identité propre plus développée que les autres chansons de XX. Il en est de même de « Destroyer » (Idolum), qui transforme le chaos structurel de l’original en une sorte de bluette un peu malsaine, dotée quand même d’une sorte de break avec là aussi quelques guitares saturées, avant une clôture un peu « électro-expérimentale »…

De manière assez intelligente, Ufomammut propose un disque à ses fans et non pas au grand public (peu de petits curieux se procureront ce dispendieux box set, probablement plutôt imaginé pour des amateurs avertis). L’approche ne vise donc pas à proposer un nouveau visage du groupe, potentiellement plus attrayant pour le grand public. Débarrassés de ces préoccupations ou contraintes, libres d’expérimenter, ils se font plaisir musicalement et intellectuellement en développant une complète nouvelle approche musicale, autour de l’identité du groupe. Un investissement et un travail significatifs (gros travail de réécriture et d’arrangement) qu’il convient de saluer : si le disque n’est pas un joyau que l’on écoutera pendant de longues années en mode repeat, il apporte un regard intéressant sur la carrière du groupe, et une parenthèse rafraîchissante et surprenante. XX représente surtout un groupe bien vivant, créatif, et qui manifestement en a encore sous la pédale pour de nombreuses autres années. On se retrouve dans dix ans pour XXX ?…

Pale Grey Lore – Eschatology

 

Un quartet de l’Ohio, un artwork quasi juvénile et un LP de 2016 signé chez Oak Island Record, voilà ce avec quoi on se retrouve entre les mains lorsqu’on s’attaque à Eschatology de Pale Grey Lore, album signé chez Small Stone Records cette fois ci.  Le groupe définit son style comme du Doom Garage Psychédélique allons voir qui de Papa ou Maman aura été choisi; si un choix à été fait, bien entendu.

Avec une entrée en matière planante, juste chargée de disto et sous accordée Pale Grey Lore fait hésiter sur le genre auquel on s’attaque. Dès lors on comprend mieux la description mal genrée que les artistes font d’eux-même.

S’il semble planer l’esprit de Red Fang sur l’intro de “Greed Spring Eternal” c’est un album très garage que cet Eschatology. Pale Grey Lore joue en terrain bien connu et ne laisse pas grand place à la surprise. J’avouerais même qu’il ne m’a pas été facile de rentrer dans leur univers. Cependant la plaque s’émaille de petits moments réjouissants qui s’intercalent dans les morceaux mine de rien. (Sauras tu retrouver le petit moment jouissif dans le dernier tiers de “Régicide”?)

Les chœurs qui courent tout au long de l’album participent je crois de ma difficulté à entrer rapidement dans la musique. Le morceau “Waiting For the Dawn” en est le parfait exemple. Il m’a interpellé et poussé en retrait et c’est à la réécoute qu’une fois de plus il faut aller chercher les idées intéressantes dans la masse musicale, bien souvent entre les refrains.

Alors soyons clairs camarades lecteurs, je ne serai pas venu vous parler de cet album si les morceaux avaient été médiocres. “Greed Spring Eternal”, “The Rift” ou encore “Eschatology” envoient assez pour qu’on se prenne au jeu et cède au plaisir de l’écoute. Prit dans son ensemble, la construction de l’album n’est pas des plus déplaisante, loin s’en faut. Une alternance de morceaux énergiques et de titres plus cools permettent d’apprécier l’ensemble sans dévier vers l’ennui. Bien souvent les riffs rapides et la lourdeur de l’ensemble soutenant les chœurs m’a fait penser au travail du quintette norvégien Kal-El, en particulier avec le titre “Void Cursed”

Pour résumer, Eschatology est un album dispensable mais intéressant. Il ravira les amateurs de sonorités garage des années 80-90 et ceux aimant les voix mélodieuses posées en chœur sur un son rocailleux sans excès. Pale Gray Lore c’est en resumé une production à l’abord peu évident mais d’une qualité supérieure à bon nombre de productions actuelles.

 

Saint Karloff – Interstellar Voodoo

 

Il faut qu’on cause d’un power trio de Oslo qui pourrait bien être en train de faire son trou dans la catégorie Doom old school. Je parle de Saint Karloff qui sort son Interstellar Voodoo ces jours-ci après avoir produit en moins d’un an un premier album et un split avec Devil’s Witch. Il faut annoncer que les gars ont réussi à vendre en précommande la totalité de leur quelques 400 vinyles sortis chez Majestic Mountain Records et Ripple Music en moins de deux heures!

Comme je viens de vous le dire, Saint Karloff navigue dans le genre Doom old school de la fin des années 60 et début 70. Rien de bien original jusque-là, le créneau étant usé jusqu’à la trame, mais la galette à ceci de particulier qu’elle se compose d’un morceau unique de 40 minutes!

Interstellar Voodoo pourrait passer pour une jam session qui loucherait du côté de structures typiques de Deep Purple puis du côté d’idées rythmique façon Santana. Cependant c’est un univers de cohésion où tout est fluide et logique, il s’agit bien d’une même piste réfléchie et non d’une jam session ou encore d’un album de plusieurs pistes qui tairait son nom.

On sent bien au fil des auditions que ce n’est pas parce que Saint Karloff s’inscrit dans la lignée des pères fondateurs du Doom qu’il n’est pas empreint d’une forme avérée de modernité dans ses compositions. Le trio joue sur un style mais l’emprunte sans jamais en faire une fin en soi. On pense parfois à Uncle Acid & The Deadbeats, confirmant que le trio n’est pas qu’un simple amateur du genre mais un groupe qui cherche à marquer sa paroisse de sa patte singulière.

Coté instruments, la voix n’intervient jamais que par touche et ne noie pas la piste dans une litanie sans fin, la gratte est portée par de nombreux effets qui ne laissent pas le temps de s’ennuyer et la basse qui groove autant qu’elle joue la balance blues pour hypnotiser l’auditeur.

Il faut croire que les petits malins qui se sont jetés sur les galettes avant même leur sortie ont eu le nez creux, à moins qu’un spéculateur de talent n’ait trouvé le bon filon. Il y a fort à parier que ce disque va vite devenir une pièce à posséder faisant monter sa côte en flèche. Comme Saint Karloff n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, il te restera toujours la possibilité de commander le CD chez Ozium records ou une des rares cassettes encore disponibles chez Stoner Witch Records

Besvärjelsen – Frost (EP)

Le déferlement Postwax continue ! Pour rappel, cette année le label Blues Funeral a lancé un dispositif un peu atypique, proposant une série de disques (vinyl oriented) d’artistes gravitant autour de la sphère stoner, généralement des EP, de matériel inédit. L’ensemble devrait sortir sur 2019, et ce disque rentre donc dans ce contexte. Frost en l’occurrence est un plutôt « gros » EP de 5 titres, pour 26 minutes. Il est proposé par ce groupe suédois au sobriquet scandaleusement imprononçable, dont on vous a parlé il y a quelques mois à l’occasion de la sortie de leur premier album.

Dans le cadre Postwax, les initiatives de chaque groupe diffèrent : certains jouent le contre-pied (Elder et son disque « décalé » et expérimental, cf notre chronique il y a quelques mois), d’autres montent des projets spécifiques (on vous parle bientôt de Big Scenic Nowhere)… Dans le cas de ce Frost, on est globalement dans la continuité, musicalement. Le quintette confirme son orientation finalement de plus en plus éloignée d’un son stoner, penchant vers un axe plus rock/metal/dark, plus proche de ses velléités (ils ont un peu été vendus à tort comme « ex-Dozer » alors que l’influence du groupe culte n’apparait nulle part, et n’a jamais été revendiquée par le groupe lui-même).
Le chant de la vocaliste Lea est toujours le principal élément distinctif du groupe, avec des lignes vocales claires et posées, jamais poussées dans leurs retranchements.
Petite évolution néanmoins : finis les titres chantés en suédois, place à l’anglais sur tous les titres cette fois.

Côté compos, peu de surprises là non plus, on retrouve vraiment les différentes nuances déjà identifiées dans le premier long du groupe. « When we fall » propose un riff un peu travaillé qui fait penser aux structures des récents QOTSA (pas vraiment nos préférées, mais une orientation significative du groupe). « All things break » est lui aussi un mid-tempo, qui repose pour sa part sur un lick de guitare aux relents folk et sur un refrain mélodique assez prenant. « In the Dark » est une belle démonstration de leur talent à composer des titres dark bien efficaces, avec en particulier une mélodie vocale sur le couplet intéressante et un accompagnement musical catchy. « Human habits » tire sur le versant musical un peu « pompeux » du groupe, plus grandiloquent, avec de gros arrangements et des chœurs bien chargés pour porter ce gros mid-tempo… Et enfin « Past in Haze » clôt l’album avec des éléments très intéressants : le couplet développe une ambiance ouatée à souhait, comme son titre le laisse imaginer (bien emmené par la basse de Rockner), tandis que le refrain nous ramène à des considérations plus traditionnelles. Ce titre assez long (plus de 7min) devient un peu plus intéressant sur la deuxième moitié, mais ne réussit pas toutefois à atteindre ce l’on aurait pu l’espérer, à savoir un titre plus ambitieux voire épique.

Clairement, de par sa nature même, ce disque ne bouleversera pas la planète stoner en 2019, d’une part par son détachement affirmé du style qui nous intéresse, et d’autre part parce que cet EP, dans la continuité de la production précédente du groupe, n’apporte finalement pas beaucoup plus d’eau au moulin. Qualitativement au niveau de leur album précédent, ces cinq titres s’inscrivent dans sa stricte continuité stylistique. Du coup, point de surprise ou de révélation à l’horizon. Un bon disque, dans un genre qui n’intéressera qu’une part de notre lectorat.

Dead Feathers – All Is Lost

Quand, en 2016, on avait découvert Dead Feathers par le biais d’un EP 4 titres (paru chez Hevisike records), on s’est dit qu’on tenait la formation capable de reprendre le flambeau de Blues Pills, qui venait de dangereusement changer de braquet avec l’album Lady in gold en délaissant le blues rock hippie pour quelque chose de plus… déroutant. Sauf que l’euphorie n’aura duré que le temps de cet EP car, depuis, silence radio (en tout cas sur galette car le groupe n’a cessé de tourner, en particulier avec Monster Magnet, Radio Moscow ou Kikagaku Moyo). Un silence rompu la semaine dernière avec la sortie de l’album All is lost, paru cette fois-ci par Ripple Music qui vient tout juste d’enrôler le quintette originaire de Chicago.

Et dès les premières mesures d’At the edge, le titre d’ouverture, on est comme happé dans une bulle sensorielle, entouré d’une brume vaporeuse épaisse et douce à la fois, sans doute grâce au chant habité de Marissa Allen. La batterie se fait discrète et la guitare tisse des arpèges d’une grande beauté avant que tout ne s’accélère et que le quintette ne se mette en action et révèle toute l’étendue de son talent. A la fois psychédélique, désertique et spatiale, la musique proposée vous envoûte, vous transporte et vous téléporte directement au beau milieu du quartier Haight-Ashbury, épicentre du summer in love. Vous croisez le regard de Grace Slick et de la grande Janis, qui doivent se dire que la relève est assurée et de fort belle manière. With me est la continuité directe d’At the edge, avec incantations chamaniques, batterie tellurique et guitare planante. Puis Cordova achève de vous convaincre : oui, Dead Feathers est un grand groupe et oui, All is lost est une merveille de psychédélisme vaporeux.

Cela, c’était avant l’entrée de Horse and sands qui, s’il continue sur la lancée des 3 premiers titres, muscle le propos par le biais d’une gratte enfin évocatrice qui a trouvé le chemin des amplis. Les oreilles et les poils se dressent, le pied bouge en cadence et la tête ondule d’avant en arrière. Voilà, on y est, voici LE single de l’album, tout du moins celui qui, à l’écoute de ce simple titre, invitera les plus réfractaires au genre à se pencher sur le cas de Dead Feathers. Le titre éponyme qui suit est lui aussi une pépite du genre, un sensationnel mid-tempo magnifié par l’angélique organe de Marissa qui, décidément, est en grande forme. Darling sight calme quelque peu le jeu avant un extraordinaire Smoking gun offrant sept minutes d’orgasme auditif enfumé et hautement addictif.

All is lost termine notre voyage avec Night child (un titre absent du vinyle… bah oui, plutôt que de proposer un double LP, on a préféré enlever 2 titres…) qui, avec Not ours to own (une sacrée tuerie par ailleurs…), conclue admirablement cet album. Et nos oreilles, encore toutes tremblantes et frissonnantes de plaisir, peuvent retourner à la grisaille de cette déprimante période de fin de vacances. Bref, vous l’aurez compris, All is lost est LE disque de cette rentrée 2019 et sans aucun doute (en tout cas pour ma part c’est une évidence) l’une des meilleures galettes de cette année. Allez, j’y retourne !

 

Here Lies Man – No Ground To Walk Upon

 

Riding Easy Records est un label qui parle à beaucoup, en effet, on ne produit pas Monolord sans marquer les esprits et affirmer sa culture Doom/Stoner. Mais nous ne sommes pas là pour parler de ça, pas plus que du dernier album de Here Lies Man, No Ground To Walk Upon.

Non, nous n’allons surtout pas parler de Here Lies Man, bien que ce quartet de Los Angeles mis en avant par le label sus-cité comme du “black sabbath jouant de l’afro Beat” aurait pu certes figurer parmi les albums à chroniquer par Desert-rock.com. On va aller chercher sur cette plaque le psychédélisme et on le trouvera sur chaque piste, on va aller chercher la disto et on la trouvera sur chaque piste, le riff d’intro fait gimmick de “Washing Bones” est sans doute le plus Metal de l’album et on retrouve parfois ce qui fait nos classiques et notre culture Desert. Les précédents albums réalisaient le syncrétisme entre sonorités Afro-Beat et Heavy. Oui mais voilà, Here Lies Man fait vraiment de l’Afro Beat cette fois-ci, c’est rafraîchissant et hyper bien foutu. On tourne en boucle des riffs et des refrains dans le plus pur esprit 70’s, on irait bien lorgner même du coté de Herbie Hancock parfois si ce n’est de  Joe Zawinul mais je crois surtout que c’est un peu l’imagination qui parle. Quoi qu’il en soit on a tout au long de l’album affaire à un funk un peu perché, celui sous un acide agressif, qui flirte avec les sonorités plus rock et plus crasses d’une époque émancipée qui va rechercher en Afrique une culture oubliée. Assurément on essaiera de se raccrocher à quelque chose à l’écoute de cet album sans nul pareil dans la galaxie stoner et pour cause, il est en orbite autour de celle-ci sans vraiment y rentrer.

Cet album de Here Lies Man qui sonne comme si Fela Kuti avait vécu et laissé croître sa rage est une belle plaque qu’il faudrait posséder ou prendre le temps d’écouter. Mais voilà chez Desert-rock nous chroniquons un style déjà suffisamment vaste sans en plus vous raconter tout sur ce qui s’en approche. Voilà pourquoi vous ne trouverez pas de chronique du dernier Here Lies Man, No Ground To Walk Upon sur ce site.

 

Dendrites – Grow

Détour une fois encore par la Grèce, ce berceau de sonorités fuzzées ne cessant de nourrir la sphère stoner depuis plusieurs années. Le batch du jour prend naissance en 2014 sous le soleil de Vólos et se compose de quatre gaillards amateurs de groovy southern rock répondant au nom de Dendrites. Fort d’un premier album éponyme datant de 2016, la bande sort en juin 2019 sa deuxième pièce intitulée Grow.

Si le premier opus regorgeait d’influences criardes à Down ou Corrosion of Conformity, pour celui-ci… eh bien, c’est un peu la même chose. Une écoute de « One Hell of a Ride » suffit à valider ce postulat. D’un autre côté, nous avons des morceaux comme « Throwing Rocks », « Dreamhouse, Pt.1 » ou « Snake Oil Merchant » qui pour leur part évoquent plus Neil Fallon et le groove fiévreux de Clutch. Avec une espèce de langueur en plus ; de quoi agiter la tête en retroussant le museau sans pour autant se jeter à corps perdu dans la fosse. Un savant mélange saucé de riffs à la Dimebag Darrel qui, sans surprise, fonctionne.

Bien qu’il évolue à mesure que l’on avance dans l’album, le style de Dendrites semble se préciser avec Grow. Moins dispersé que pour son prédécesseur, il se catalyse autour de l’essence métal propre au sud de l’Alabama et de la nouvelle Orléans pour rapidement nous faire oublier les milliers de kilomètres qui les séparent de la Grèce.

Dendrites, ces machins qui conduisent les courants électriques au niveau synaptique de nos neurones, que sont-ils sinon un moyen de connecter les entités déjà existantes entre-elles, finalement ? Songer que le groupe de Thanasis Tiblalexis se limite à ça constituerait en revanche une erreur. Car chaque nouveau morceau est ici un bijou ; brut, certes, mais loin d’une quelconque redondance et brillant par sa qualité d’écriture.

Je ne saurais vous recommander davantage les écoutes successives de Grow. Tout comme je vous suggère de guetter une ouverture pour les trouver sur scène et aller brailler en cœur un « Get the fuck out of my way » avec eux. Vous en retirerez à coup sûr une expérience gratifiante.

El Supremo – Clarity Through Distortion

Comme la plupart d’entre nous (enfin, j’espère, sinon vous serez pendu par les parties intimes et fouetté avec un cactus frais), vous avez pleuré la disparition du groupe Egypt l’an dernier, annoncé laconiquement par le biais d’un vulgaire post sur Facebook. Après plusieurs albums mythiques, la formation du Dakota du nord raccrochait les guitares et nous abandonnait seul au bord du désert. C’est pour cela que l’on applaudira des deux mains le retour du projet El Supremo, sorte d’enfant légitime d’Egypt car fondé par Chad Heille et Neil Stein, 2 ex-pharaons qui ont fait les belles heures d’Egypt entre 2012 et 2018.

On parle bien d’un retour car El Supremo avait déjà sorti un EP éponyme il y a onze ans de cela mais ce n’était qu’un projet solo du batteur Chad Heille, qui jouait alors de tous les instruments et s’occupait seul de l’enregistrement et de la production (il était malgré tout épaulé par Tom Canning et Neil Stein qui s’occupait alors des solis de gratte). Puis Chad et Neil ont rejoint Egypt pour 3 albums, un split et d’innombrables apparitions sur des compilations diverses et variées. Sans oublier des tournées à rallonge qui les verront visiter plus de quinze pays et de nombreux festivals à travers la planète.

Egypt s’en est donc allé l’an dernier et El Supremo peut donc ressusciter par le biais d’un flamboyant LP intitulé Clarity Through Distortion, sorti sous un sublimissime artwork. Quelques jours plus tard, ce sera la première apparition sur scène (le 17 juin dernier plus précisément) en première partie de Year of the cobra à l’Aquarium bar de Fargo, ville natale du combo. Heille et Stein étant alors accompagnés de l’organiste Chris Gould et du bassiste Cameron Dewald, qui officie également avec Gorganterron.

Vous allez me dire, et la musique dans tout çà? Si vous êtes des adeptes du stoner instrumental planant d’Egypt, vous allez vous régaler à l’écoute de Clarity Through Distortion. Car de l’intro en passant par l’extraordinaire “Moanin’ And Groanin’” (dix minutes d’orgasme auditif, rien de moins) jusqu’au tellurique “Lotus Throne”, El Supremo nous convie à passer une heure totalement jouissive, absolument inoubliable et sans être une seule seconde ennuyeuse (ce qui est assez rare pour un disque instrumental). Monumental, grisant et simplement indispensable.

Inter Arma – Sulphur English

A mes oreilles, et à celles de pas mal de monde, Paradise Gallows, le précédent disque d’Inter Arma, est un sommet de mélange des genres, de death metal au tempo mourant, de sludge psychédélique et lugubre. Et bien sûr son successeur était attendu avec autant de fébrilité que d’inquiétude, puisque c’est le propre des chefs d’œuvres que de ne pas pouvoir être égalés. Cette attente, couplée au caractère touffu de la musique du quintet de Richmond explique le temps qu’il aura fallu pour que cette chronique voit le jour.

Car cet album, n’y allons pas par quatre chemins, est une inévitable déception. Passé « Citadel », titre monstrueux dans la droite lignée du disque précédent, le reste souffre de nombreux défauts inhérents à ce qui semble être une volonté de paraître plus intelligent que cette musique ne l’est en réalité. La ligne vocale de « A Waxen Sea » ne fonctionne pas (voire gêne) et les nombreuses accalmies du disque, passages censés préparer la furie qui va suivre,  ne font finalement que sortir du disque, dont l’unité ne semble pas fonctionner. La musique du groupe use et abuse d’effets dissonants, d’astuces sonores et souffre au final de cette même impression de prétention qui émaille les albums récents de Mastodon (Inter Arma aussi d’ailleurs a laissé le leadership à son batteur,  une erreur ancestrale dans la musique rock, nous le savons depuis Genesis). A ce jeu « Blood on the Lupines » et surtout la pièce maitresse « Sulphur English » apparaissent comme des sommets d’arrogance musicale.

Alors que la presse semble unanime pour louer l’évolution du groupe, qui a toujours clamé être en mouvement et vouloir voguer à travers les genres, Sulphur English m’apparaît comme une énorme déception. Lorsque la musique metal se pense plus maline qu’elle ne l’est, les groupes finissent toujours par sonner comme du mauvais Neurosis (j’ai tendance à penser qu’il s’agit là d’un pléonasme). Une fatalité dans laquelle Inter Arma se vautre allègrement.

Dommage, trois fois dommage.

 

Point Vinyle :

Relapse a toujours le même process pour contenter tous le monde : outre une version noire, classique, quelques fantaisies servent à satisfaire les plus collectionneurs. Et bien souvent les appellations des éditions valent leur pesant d’or. Jugez plutôt (qui est le chien de Mickey et non son ami, qui lui s’appelle Dingo) : clear, beer splatter, milky clear splatter, gold metallic with bone white galaxy merge et mon préféré : mustard and halloween orange merge with black, metalic gold and Brown splatter. Tout un programme.

Beaten By Hippies – Beaten By Hippies

Frais émoulu avec un premier album “self titled”, comme ils disent en Amérique, des riffs lourds comme une fricadelle, une voix graissée à la sauce Dallas, les belges de Beaten By Hippies sortent quelque chose de (devenu) rare. Les titres posent parfois la question du style mais nous y reviendrons car ce quartet avait toute sa place dans nos chroniques, il aurait été dommage de vous en priver.

Beaten By Hippies, c’est avant tout un enchaînement de titres où sonne toujours le stoner, mais un stoner 90’s, un son garage bien calibré. Le morceau “Rock’n’roll” avec sa ligne de basse résume tout ou presque! c’est suave, costaud, mélodique puis ça vire au prog toujours sans débauche indigeste, quel régal! En poussant un peu plus loin le chemin le titre éponyme joue dans la cours du space-rock avec des boucles aussi lascives et électro qu’un Massive Attack. La curiosité pousse à l’écoute et on ne se pose pas bien longtemps la question de la légitimité de cette prise de partie habilement intégrée.

La vision du quartet c’est au final un stoner old-school rafraîchi et rafraîchissant. Les mecs ne manquent pas de références et une fois la lecture enclenchée il est bien difficile de ne pas aller cliquer sur le bouton mise en boucle, d’ailleurs, il n’est pas très utile de se retenir, on se laisse tenter et on cède. Parfois un sentiment borderline du point de vue identité envahit l’auditeur, mais le groupe retombe toujours sur ses pattes, en équilibriste avisé. Toutes les pistes trouvent leur place, c’est assemblé avec goût et le discours s’il embrasse une tonne de sujets tient ses promesses grâce à un fil conducteur stylistique qui lui est bel et bien stoner. Le puriste pourra s’en convaincre sur plusieurs titres dont notamment “Breathe Slow”.

Avant même d’écouter cet objet parfois déroutant, il faut jeter un coup d’œil du côté de l’artwork qui résume la plaque en livrant avec humour une peinture de l’esprit du groupe. Le coup d’œil n’est pas gratuit et on le paye en auditions répétées, mais au fond, il faudra bien admettre que c’est une prise de plaisir constante. On sort de Beaten By Hippies par la grande porte sur “Tomahawk” l’objet fait son office et pose tout de même la question du point commun entre punk et stoner, sans doute un garage plein de mecs remplis de bière et de joie d’être ensembles.

On aimerait en voir plus souvent de ses plaques où siègent ensemble originalité, prise de risques et cohérence. Le pari est réussi pour Beaten By Hippies et même si la production ne mène pas toujours vers les hautes sphères d’un son léché j’ai bien envie de dire, peu importe, cet effort est vivant et humain, il transpire, il donne à voir ses tripes et ce n’est pas plus mal comme ça! Une tof babelutte à découvrir sans trop trainer.

 

High Fighter – Champain

Champion comme disait le roi Midas ; la troupe hambourgeoise nous revient 3 ans seulement après « Scars & Crosses » avec un album d’une rare sauvagerie. Ayant pris ses distances avec Svart Records pour se retrouver auprès de l’épicerie fine Argonauta Records qui se targue de proposer stoner, doom et sludge, High Fighter illsutre à merveille le propos de sa nouvelle écurie en proposant une plaque à la confluence de ces trois styles connexes. Les 11 plages constituant cette troisième pièce à l’édifice musical des Allemands effleurent les plans aériens du doigt et se complaisent dans une brutalité certaine qui lui sied comme un gant de boxe.

Fomentés chez eux dans la capitale du hamburger, c’est dans la capitale teutonne – au Hidden Planet Studio – que ces 3 quarts d’heure de brutalité ont été mis en boîte par Jan Oberg qui a fait un boulot sensationnel pour donner un rendu soigné aux interventions des 5 protagonistes en conservant la brutalité du propos sans se vautrer dans la bouillie sonore. Ce lascar mériterait presque la couronne de laurier dorée (vous avez dit champagne ?) qui orne la pochette de cette production à moins que ce soit le groupe lui-même.

Non-contents d’avoir foulé les scènes des principales manifestations culturelles de notre genre : le Desertfest Berlin, le Desertfest London, le Desertfest Antwerp, le Stoned From The Underground, le Up In Smoke, le Keep It Low, le Red Smoke Festival et le SonicBlast Moledo ainsi que des manifestations plus confidentielles comme le Wacken Open Air ou le Summer Breeze, les originaires des bayous du nord de l’Allemagne ont composé une brochette de nouvelles ogives dévastatrices dont le trépidant « A Shrine » qui s’inscrit dans la plus pure frénésie et enchaîne les vociférations infectées avec des chants clairs ayant du coffre. Le chant c’est important dans le stoner ou on case le moins mauvais du groupe derrière le micro ? La réponse que donne High Fighter est sans équivoque : sa frontwoman fait clairement la différence (autant sur scène que sur disque) et s’avère, à l’écoute de cette nouvelle galette, une pièce primordiale au style de la formation.

« Before I Disappear » ouvre les feux des festivités de manière apaisée, presque aérienne, qui s’éteint sur un plan digne des entrées en matière de Dopethrone avant de se commettre dans un sludge ultra carré qui poutre et convainc bien avant son terme plus de 5 minutes plus tard. Ce genre de titre recèle, en son sein, les compétences présentes dans ce groupe de vétérans qui se montrent à l’aise sur tous les terrains de compétition. C’est intelligemment amené et très abordable pour un bourrin qui se respecte donc la touche skip est ignorée et on se complait à explorer par la suite des territoires plus rudes mis en action avec d’énormes paires de couilles et de poumons.

On se détache par moment de la violence speedée avec des compos comme « Kozel » qui cogne lentement dans le doom pur sucre et le sludge de Louisianne avec une efficacité déconcertante qui rappelle même Pantera sur certains plans de guitares. On se rapproche des origines du genre en flirtant avec le grunge sur « When We Suffer » qui débute avec des textures distordues proche du grand Soundgarden. Ce dernier titre est une réussite à laquelle a été associée Anton Lisovoj de Downfall of Gaia (compagnons de tournée des Germains) et il fait l’objet d’une vidéo consultable sur les plateformes que vous connaissez que trop bien ; impossible de demeurer imperméable à cette incarnation musicale de la souffrance.

Parmi la foule de plages plutôt séduisantes que nous propose ce groupe qui monte, mon dévolu s’est jeté naturellement sur la plus frénétique : « Shine Equal Dark ». Emmené par une rythmique qui s’emballe, le chant flirte avec la tessiture de la regrettée Wendy O. Williams avant de céder sa place à des riffs distordus déployés sur une baisse de régime qui ne sera que passagère puisque ça cartonne à nouveau haut dans les tours durant la dernière minute de jeu. Cet objet sonore – à ne pas mettre en toutes les mains – s’avère, au final, une formidable pérégrination au royaume des buches qui demeure cohérente sans lasser l’auditeur en s’inspirant çà et là de la musique qui a bercé la jeunesse des membres de la formation (comprendre le metal au sens large), mais qui demeure fermement là où nous attendions ces gens : entre doom et sludge !

 

Zed – Volume

Quand je pense à ce bourrin de Butch Coolidge qui croyait que Zed était mort, il va avoir une drôle de surprise si le gars se remet en marche pour récupérer son chopper. Ça risque de lui faire mal aux tympans, d’ailleurs il revient, Zed n’est pas mort! (Même si son site internet dit le contraire ), il revient tout aussi énervé que de par le passé et cette fois il chevauche un fier coq noir qui s’appelle Volume

Le rock américain du quartet ne faiblit pas, il s’envenime foutrement même avec cet album tout en patate et gros riffs. Avec son tempo juste, Volume est monté pour péter des nuques sans qu’elle ne cèdent pour autant au premier riff. La baie de Californie a décidément abandonné ses idoles hippies pour faire naître d’autres monstres sortis tout droit de ses eaux et prêts, tels des Godzillas obèses, à venir écraser la ville de San José et pourquoi pas toutes les autres tant qu’on y est. Il y a fort à parier que derrière l’animal il y a une expérience un peu folle réalisée par quelques savants pas très nets qui ont voulu rassembler racines du genre stoner/doom façon Black Sab’, du blues du bayou lointain et un peu de gros Heavy qui tâche. “Wings of The Angel” en est la parfaite illustration (En particulier du côté de Black Sab’).

Vraiment il y a de tout dans cet album, “Hollow Man” et son groove Clutchéen (ce qui avait déjà marqué la rédaction lors de la sortie de Trouble In Eden ), du swing dans l’esprit d’un Red Fang sur Chingus. Décidément on prend ses marques facilement à l’écoute de cette plaque. On sait qu’on a affaire à quelque chose de bien foutu et fédérateur sans aller chercher la millième écoute et pourtant cela ne manque pas de finesse.

Volume est cousu d’une main sûre et la Balade “Take Me Home Again” débute comme si la mer se retirait après le raz de marée, mais c’est une erreur de croire que le calme revient, la suite va finir de balayer ce qu’il restait de la côte, au large le rouleau enfle et les morceaux suivants déferlent.

En étant tout à fait objectif, j’avoue n’avoir pas forcement totalement adhéré aux passages plus softs comme “Time and Space” qui ralentissent un peu le rythme de l’album et lui apportent parfois une touche aussi kitch qu’un solo des Gun’s. Mais rappelons-le, Volume est une bête protéiforme et celle-ci ne cache rien de sa vraie nature. Le monstre va d’ailleurs finir de prouver la chose sur “The Troubadour” qui devrait rappeler à certains d’entre vous ce qu’était le Heavy au début des années 90.

Zed est un concentré d’Amérique, on voyage avec eux sur tout le continent et au travers de sa culture rock par tous les moyens possibles. Posément à bord de la Greyhound autant qu’à grande bourrasques dans la gueule sur une cylindrée pétaradante. Volume qui est produit par Ripple Music est un album comme on les aime, direct, sans fioritures, juste bien conçu avec des morceaux efficaces dans un pur style stoner rock avec en prime des riffs qui viennent foutre une baffe par surprise. Zed, c’est la différence entre le talent le pastiche en somme.

 

En petit bonus on vous joint le clip monté pour illustrer le titre “Chingus”. C’est geek à souhait, un rien politique sans finesse et aussi peu tolérant musicalement que nous le sommes tous un peu au fond de nous.

 

Lightning Born – Lightning Born

« Featuring Corrosion of Conformity’s Mike Dean », scandent les différents supports promo, jusque dans le titre-même du communiqué de presse. Difficile de rater la filiation avec « l’autre » groupe de Raleigh, la capitale de Caroline du Nord… et pourtant, au-delà du lien ténu existant par le biais de l’hirsute bassiste et la colocalisation des deux équipes, il n’y a pas d’autre élément significatif liant les deux groupes, a fortiori musicalement. Ne diminuons toutefois pas le rôle de Mike Dean dans le groupe : le bassiste n’est pas qu’un habile prétexte promo pour booster la notoriété du quatuor, mais bel et bien l’architecte derrière le groupe tout entier ! Propriétaire d’un petit studio à Raleigh, Mike Dean a eu l’opportunité d’y voir jouer plusieurs groupes locaux, dont la vocaliste Brenna Leath (dans un groupe de punk…) et les musiciens d’autres groupes. Les connexions se sont mises en place, et le bassiste s’est donc invité subtilement sur le poste vacant en section rythmique ; trois ans plus tard, voici leur première production.

Lightning Born propose à première vue, sans discussion possible, un proto-doom old school plutôt classique. L’orientation est toutefois plus proche de la vague vintage hard rock de ces dernières années que des chantres du heavy doom obscur. Quoi qu’il en soit, on est assez loin de COC… Ce qui est sûr c’est que ces trois années à ronger leur frein (ils existent depuis 2016), à répéter leurs compos et à faire des scènes essentiellement locales, leur ont permis de peaufiner leurs morceaux : on n’est pas loin du sans-faute. Tempi variés, riffs marquants, arrangements subtils, mélodies efficaces… y’a du métier là-derrière, un savoir-faire d’artisan dévoué, et ce dans pas mal de nuances stylistiques : même si l’on tape quand même dans le vieux proto-doom gentillet bien foutu (« Silence », « Shifting Winds »), on est plus souvent sur des pastilles hard rock old school plus nerveuses (« You Have Been Warned », « Wildfire », « Power Struggle », « Salvation », « Magnetic »…), en passant par du mid-tempo groovy (l’impeccable « Out for Blood », le rampant « Oblivion »…). Et à chaque fois, ça vise juste. Mieux encore, l’album est larvé de petits moments de grâce et de plans jouissifs, de ceux qui distinguent les très bons albums des « juste » bons. On pense à la superbe montée en tension de « You Have Been Warned », avec sa section rythmique super groovy (un travail basse-batterie parfait, toujours aux limites de l’emballement) ; au refrain de « Power Struggle » super efficace et tout en retenue heavy ; au riff primaire de « Salvation »…

Mais la principale caractéristique du groupe tient à sa vocaliste remarquable, Brenna Leath. Soyons factuels, c’est elle qui transcende ces compos. On pense parfois à  Lisa Kekaula des Bellrays, à Beth Hart, à Stevie Nicks ou Chrissie Hynde avec plus de coffre… C’est dire ! Impeccable et juste dans tous les styles susmentionnés, puissante (« Magnetic », « Wildfire »), plus discrète lorsque nécessaire (« Out for blood »), elle va taper dans des registres blues ou soul avec une efficacité et une technique bluffantes (« Oblivion », « Renegade »). Sa capacité à mettre son potentiel en retrait la distingue de certaines vocalistes qui au contraire s’appuient sur les compos pour se mettre en avant (suivez mon regard vers la blonde vocaliste d’un groupe suédois à succès et à fort turnover…). Quant aux autres musiciens, ils sont impeccables, avec une mention spéciale à Mike Dean, très attendu, et qui pourtant se fond dans le décor lui aussi avec une déférence remarquable : le bassiste que l’on sait talentueux pourrait mettre en avant son instrument et son style très technique, mais là aussi son jeu est super discret, il joue à plein son rôle de support rythmique et ne vient jamais marcher sur les plate-bandes d’Erik Sugg à la gratte. Bref, on a sous les yeux les composantes d’un vrai groupe, et certainement pas ni d’un all-star band, ni d’un vague projet approximatif.

Lightning Born (l’album et le groupe) est donc une très bonne surprise, là où notre cynisme nous faisait craindre une forte déception et/ou un plan marketing trop beau pour être vrai. On est bien loin du side project que l’on craignait, vendu au lance-pierre à grands coups de stickers « avec Mike Dean de COC ». C’est un groupe très intéressant, qui démontre des qualités déjà affirmées. Si son jeune âge est un indice de sa marge de progression, on attend la suite de pied ferme, et en particulier leur incarnation scénique si possible.

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