Daxma – Ruins upon Ruins

Abandonnons un instant la fuzz déchaînée et les mélodies saturées pour tendre l’oreille à Daxma. Ce groupe originaire d’Oakland en Californie vient de sortir un EP chez Blues Funeral Recordings * qui mérite une écoute attentive. Après un premier album intitulé The Head Wich Becomes the Skull édité en 2016 et constitué de six morceaux, le quintet américain revient cette fois avec Ruins upon Ruins. Une production minimaliste de seulement deux pistes, comme s’il fallait encore prouver que ce n’est pas le nombre qui compte.

La première se nomme « Minima Moralia », morceau de presque quinze minutes qui nous invite à l’exploration intellectuelle, au questionnement. Drapée d’un doom aux angles arrondis, cette hypnotique mélodie nous plonge au travers des multiples couches dont dispose la musique. D’abord lente et incantatoire sans verser dans l’occulte, elle se fait peu à peu douce et enjôleuse, aussi délicate que le violon qui lui donne vie. Ici pas besoin de pousser la voix pour Jessica ni pour les deux autres chanteurs du groupe. Les notes vaporeuses de guitare mêlées à l’intensité mélancolique du violon donnent toute sa richesse et son caractère immersif à « Minima Moralia ». Ce « chant » se voit porté par les vagues capricieuses d’une section rythmique qui, en la personne de Kelly, Thomas et Forrest, effectue un travail remarquable, quoiqu’un tantinet trop discret.

Cette fausse timidité apporte à Daxma une nonchalance qui habille leur musique d’un far morne, cafardeux. Ce qui se ressent dès les premières notes de « Landslide », reprise morose du célèbre classique de Fleetwood Mac, avoisinant pour sa part les onze minutes. Ce dernier illustre tout le bien qu’une influence post metal / doom peut avoir sur un tel morceau. Pour l’occasion, Jessica troque le violon pour le micro, et d’une voix distante, presque neurasthénique, récite les paroles comme un pessimiste appel à l’aide.

Pour ce quintet amateur de longs morceaux (rappelons que leur première sortie : The Nowhere of Sangri-la pèse quand même 32 minutes), l’objectif n’est pas plus d’empêtrer dans la langueur, que d’inviter à ressentir les émotions évoquées. Toujours avec douceur.

Un crédo pour Daxma qui, du début à la fin, semble inviter qui le voudra à l’insurrection sociale. Une révolution par la délicatesse, dont les mélodies ne peuvent blesser que les âmes déjà sourdes.

 

* Note : cet EP fait partie de la série de disques sous souscription Postwax.

Ecstatic Vision – For The Masses

 

C’est le retour du quartet Ecstatic Vision. Après des fondations au sein d’une première production plutôt rugueuse  mais planante, puis une progression plus psychédélique encore, les gars de Philadelphie nous avaient laissé avec un déroutant album de reprise. L’attendue nouvelle production porte le sobriquet de For The Masses et il m’aura permis au cours des écoutes de savoir si je fais partie de ladite masse ou non.

Après une entrée en matière bien nébuleuse mais annonciatrice de la suite, Ecstatic Vision prolonge l’expérience de ses précédents albums avec des rythmes tribaux que l’on pourrait désormais qualifier de marque de fabrique. L’ensemble instrumental vire souvent à la boucle obsessionnelle et cet aspect des choses saute aux oreilles en particulier sur “Grasping The Void “. Coté chœur la touche d’agressivité cohabite avec un arrangement aérien. Le ménage fonctionne à merveille.

Ce que propose Ecstatic Vision avec cette sortie, c’est un Space Rock barré comme un Monster Magnet assis sur un groove parfaitement dosé, certaines séquences de “Yuppie Sacrifice” ou de “Like a Freak” illustrent cela parfaitement. Le meltingpot de rythmes mi-africains mi-orientaux sur lequel s’appuie le saxophone aux interventions asthmatiques m’a fait penser au cheminement d’une partie du Free Jazz  alors que déboule le titre éponyme “For The Masses”, soit deux minutes d’improvisation barrée et déconcertante où le groupe m’a amené en me tenant par la main.

L’histoire que raconte le groupe est cohérente For The Masses ne force pas sur l’originalité de son identité et convoque dans un style particulier suffisamment d’influences pour plaire au plus grand nombre. Lorsque le quatuor intitule un titre “The Magic Touch” il ajoute dans sa composition suffisamment d’ésotérisme et de mystère pour que l’auditeur soit envoûté.  Il ne faut pas voir dans For The Masses un album pour toutes les chapelles, mais plutôt une galette bienveillante à l’égard de genres qui ne se croisent et ne se côtoient qu’occasionnellement.

La plaque au final est hors norme et inscrite sur un format trop court. Le dernier morceau, “Grasping The Void” se fini comme si Ecstatic Vision avait coupé le jus puis plié les gaules, ça m’a frustré et il m’aura fallu revenir plusieurs fois à la charge pour passer outre ce sentiment. For The Masses n’est pas l’album d’une écoute, il faut être clair et de fait je ne suis pas convaincu que le titre soit des mieux choisi, de ce point de vue tout du moins. En revanche Ecstatic Vision explore avec cette quatrième production un vaste champ musical et s’appuie sur des solides références du Heavy Psych. Pour cette dernière raison, je crois vraiment que For The Masses peut trouver l’oreille d’un grand nombre d’auditeurs déjà lancé sur les vastes routes du rock psychédélique.

 

Monolord – No Comfort

Après 6 ans de carrière et 3 albums au compteur avant celui-ci, Monolord n’a plus rien à prouver à personne mis à part peut-être à eux-mêmes. Evoluant dans un genre codifié au possible et régi par des lois quasi-immuables depuis les premiers méfaits sabbathiens du début des années 70, nos 3 amis suédois ont décidé de frapper un grand coup, de se remonter les manches (de guitare) et de rebattre les cartes. D’abord, exit Riding Easy et bonjour Relapse records afin de donner une énergie nouvelle à leurs ambitions débordantes. Et puis, le nouvel album ne doit pas seulement ravir les oreilles mais aussi les yeux, l’artwork d’un album étant l’un des éléments majeurs pour se démarquer à l’heure où le marché est inondé de nouveaux groupes aux dents longues qui veulent eux-aussi leur part du gâteau et qui sont prêts à foutre à l’EHPAD les « anciens ». Sur ce point, c’est amplement réussi et le visuel de No Comfort (une peinture d’Alexander Fjelnseth intitulée “Delusions of Grandeur”) devrait avoir fière allure au milieu de ses congénères chez les disquaires, une espèce malheureusement en voie d’extinction. Mais surtout, le nerf de la guerre, c’est le son. Et chez Monolord, tout a toujours été fait pour ravir nos cages à miel qui ne demandent qu’à être maltraitées, sur galette comme en live, terrain de jeu favori des suédois qui ont écumé pratiquement tous les recoins du vieux continent.

Dès le premier titre, Monolord fait du Monolord et on n’est pas dépaysé : Thomas fait gronder sa guitare sur un riff tellement simple qu’il en est génial, Esben maltraite ses fûts, Mika est égal à lui-même et la voix d’outre-tombe de Thomas accompagne avec délice ses parties de gratte. Pourtant, un doute nous habite : la structure de “The bastard’s son” ressemble comme 2 cordes de basse à “Empress Rising”, le totem du groupe paru en 2013. Monolord ne se serait pas un peu foutu de nous par hasard ? Du coup, les beaux espoirs s’envolent et on se dit qu’on va se taper un “Empress Rising” bis (des mauvaises langues diront même qu’ils ont réussi à faire encore plus chiant qu’”Empress Rising”, j’ai les noms !). Et on se dit : « merde, Monolord est capable de mieux que çà ! »

Et puis, petit à petit, tout va changer avec l’arrivée de “The Last Leaf” (n’hésitez pas à jeter un œil à son clip apocalyptique franchement grandiose), un mid-tempo inspiré et prenant, à la fois puissant et hypnotique. Cà y est, Monolord a lâché la bride et s’adonne aux joies de guitares qui ne sonnent (presque) plus comme un bombardement de B-52 et qui offrent au titre une subtilité et une fraîcheur qu’on ignorait chez eux. En parlant de subtilité, que dire du splendide “Larvae” si ce n’est qu’on reste sans voix : une des premières ballades doom de l’histoire, chic alors ! Là pour le coup, les gars nous surprennent franchement. Certes, on n’est pas prêt de l’entendre lors d’un mariage mais je paie une bière au premier qui osera !

“Skywards” est du Monolord tout craché : cette basse rêche et abrasive et cette rythmique de mammouth (Esben se lâche comme jamais sur ses peaux), pas de doute, les maitres du doom ont encore frappé fort. Mais ce n’est rien à côté de la suite qui s’intitule “Alone together”. C’est bien simple, ce titre aurait été parfait dans un western de Sergio Leone en accompagnement musical d’un duel au pistolet (vous savez, ce moment où le héros est au sol et qu’il n’a plus qu’une balle pour sauver sa peau contre 4 mecs face à lui…) ou pour illustrer la déchéance du cowboy solitaire. En conclusion, le titre “No Comfort”, véritable pièce d’orfèvrerie, est une crépusculaire ode à la mort, un final en apothéose qui vous laissera exsangue et abasourdi.

Cela ne m’a pas sauté aux oreilles durant les premières écoutes et il aura fallu attendre la cinquième ou sixième écoute pour m’en rendre compte (il faut pour cela l’écouter impérativement dans l’ordre et dans son intégralité) : No Comfort est un album-concept sur la vie… Oui madame, sous ses airs brutaux et sans concession se cache une galette qui évoque, tout au long des 6 titres qui la composent, toute une existence de la naissance à la mort. Vous ne me croyez pas ? “The Bastard’s Son” évoque la naissance d’un être (rien que le titre met la puce à l’oreille), “The Last Leaf” pourrait s’apparenter à l’adolescence, un âge où l’on se découvre et l’on s’ouvre au monde (Monolord va conquérir de nouveaux fans rien qu’avec ce titre, j’en suis persuadé…) et “Larvae” (la fameuse « ballade ») représente l’amour et le désir, la plénitude d’avoir trouvé son âme sœur et de partager sa vie avec l’être aimé. “Skywards” pourrait s’apparenter à la difficulté d’assumer le temps qui passe et le refus de vieillir, “Alone Together” évoque bien évidemment la fin de l’existence, la peur de la solitude et ce sentiment terrifiant que la fin est proche. Et “No Comfort”, épitaphe parfaite de cet album, en guise de requiem. Essayez d’écouter l’album en y pensant et vous verrez si cela vous saute aux oreilles autant qu’à moi…

No Comfort semble être le pilier de la carrière de Monolord, le fameux « album de la maturité », celui sur lequel le groupe va et doit s’appuyer pour les années à venir. Il représente le moment crucial où le groupe peut devenir énorme (enfin, encore plus qu’il ne l’est déjà…), conquérir de nouvelles terres inexplorées (la tournée américaine qui s’approche sera un tournant pour leur avenir) et devenir l’un des plus grands groupes de sa génération. Ils s’en sont donnés les moyens avec No Comfort, au public d’être réceptif, d’aller les applaudir sur scène, de les soutenir à travers la planète et de répandre la bonne parole. En tout cas, pour ma part, je suis encore plus converti et convaincu qu’après la sortie de Rust… Ils seront au festival Up in smoke le 3 octobre, le lendemain à Reims (comptez sur moi pour y être !) et le samedi 5 octobre à Paris. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Luna Sol – Below the Deep

Luna Sol a été monté par David Angstrom, que le commun des mortels connaît surtout en tant qu’extravagant et talentueux guitariste lead de Hermano – les initiés connaissaient même déjà son groupe précédent, les excellents Supafuzz. Dans les méandres insondables que constituent les dernières années de carrière de Hermano (le groupe n’est pas mort, mais pas franchement vivace non plus), le bouillonnant six-cordistes, désormais implanté dans les montagnes du Colorado, attrape quelques musiciens par le col et lance Luna Sol en 2012. On ne peut pas vraiment qualifier le combo d’hyperactif toutefois : le groupe publie ces jours-ci son second long format seulement, 4 bonnes années après le précédent (même constat pour la scène, où le groupe ne s’engage que rarement au-delà d’une poignée de dates ici ou là, essentiellement autour de son Denver natal). Dans l’intervalle, et malgré le succès critique de son premier long, Angstrom bouleverse son line up, ne gardant que sa bassiste Shannon Fahnestock, et s’adjoignant les services d’un nouveau batteur et guitariste rythmique. La qualité de ce nouveau line-up ayant été validée et éprouvée quelques mois, l’enregistrement de ce Below The Deep marque donc les débuts de cette version mark II du quatuor.

Il ne faut pas longtemps pour retrouver l’univers baroque et foisonnant du guitariste. Un véritable tsunami de créativité rock : des arrangements plus ou moins barrés, des effets sur les voix, des chœurs un peu partout (le gars fait parfois ses propres chœurs (!!) mais s’appuie aussi souvent sur sa bassiste pour compléter ses lignes vocales), des soli parfaitement emballants et mélodiques, des refrains super efficaces, des riffs, des riffs et des riffs. On ne sait plus où donner de la tête, et dès les premières écoutes on se fait harponner par des compos d’une efficacité vicieuse, dont on a bien du mal à se départir. L’écriture est maline, astucieuse parfois et accrocheuse dans tous les cas, Angstrom (co-compositeur d’une large part de la discographie de Hermano, quand même) est doué. Pour tout dire, on ne s’ennuie jamais sur les 10 titres proposés. On retrouve autant de grosses patates heavy rock en mode mid-tempo (comme « Sometimes we get it right », « Mammoth Cave ») que d’honorables torgnoles en mode high energy (comme « Black Cloud », « Wait for it »), et même des titres plus lents (le puissant « Garden of the Gods »), ainsi qu’une poigné d’OVNIs super intéressants (« Hallelujah », le dodelinant « Along the road »)… Dans tous les cas, tout gravite autour de ce qu’on appellera « une certaine idée du stoner rock », à savoir un heavy rock occasionnellement fuzzé, héritage nerveux et saturé d’un blues rock essentiellement américain (assez proche en cela des derniers albums de Hermano).

Le tout est, plus encore que sur Blood Moon son prédécesseur, complètement marqué par l’empreinte du frontman, dont la créativité débridée et la personnalité exubérante et attachante apportent une vraie identité à ce disque.

A noter que deux titres bonus sont dispos (bonus tracks sur l’album ou en téléchargement pour le vinyl) : un instru un peu chelou et « Home », un titre solide qui aurait trouvé sa place sur l’album.

Below The Deep, plus solide et homogène que son prédécesseur, est une galette ramassée sur 45 minutes, qui a le potentiel de séduire un large public. Sa production impeccable et très soignée (des arrangements et petites astuces dans tous les sens) rend ce disque non seulement riche et plein de surprises, mais aussi efficace et même attachant ; tout cela vient s’ajouter à une qualité d’écriture remarquable, pour au final proposer un objet vinylique très fortement recommandable. On espère que le groupe profite de cette solide plateforme pour s’engager sur des tournées transatlantiques, pour se faire connaître et enfin décoller.

Swan Valley Heights – The Heavy Seed

Swan Valley Heights, le trio de Stoner psychédélique fuzz space rock (Je n’invente rien, ce sont eux qui le disent.) originaire de Munich et Berlin avait réalisé une première plaque chez Oak Island Records et au vu des sonorités le groupe ne devait que très logiquement finir par signer chez Fuzzorama Records. C’est désormais chose faite avec The Heavy Seed. Pour l’occasion le mix est réalisé par l’ex-Truckfighters Dango, rien de moins (Pur hasard, Swan Valley Heights ouvrira pour Truckfighters sur sa prochaine tournée). Avec une base comme celle-là on devrait toucher du doigt une production très pro et quasi sans faille.

C’est un album aux sonorités très dans l’air du temps du côté de la scène polonaise qui va te tomber entre les oreilles. Il arrive parfois que les flux s’inversent. Ça Fuzz mais sans excès Swan Valley Heights prend son temps sur des mid tempos non gavés de saturation. Bien entendu on retrouve la marque de fabrique de Fuzzorama Records par endroit ça se met à tabasser fuzzy mais toujours en arrière-plan comme sur “Vaporizer Woman”. La basse en ronron continu berce l’auditeur de bout en bout.

Les instrumentistes maîtrisent leurs parties respectives à la perfection, les voix claires, toujours discrètes et éthérées apportent une touche juste et nécessaire à The Heavy Seed. Pas d’omniprésence d’un acteur de ce trio, une entente cordiale qui scelle la cohérence de l’œuvre réalisée. Avec ses pistes qui oscillent entre 13 et 3 minutes l’album fait toujours mouche, rien n’est trop long ou trop court, on absorbe le tout doucement en une prise, on se laisse porter, gage d’un album plutôt bien tourné.

“Take a Swim in God’s Washing Machine” fait office de césure. Une sorte de marque page au milieu de l’histoire. On y reprend son souffle en conservant toujours ce fuzz grassouillet qui maintient éveillé et ce notamment au dernier tiers de la piste où s’expérimentent des sonorités peu usuelles. Les allemands reviennent ensuite à quelque chose de plus conventionnel qui achoppera quand même dans sa transition avec “My First Knife Fight”, mais c’est chose vite oubliée alors que cette piste t’entoure de sa rondeur un rien rocailleuse. Swan Valley Heights qui sait prendre soin de son auditeur, ne te laissera partir qu’après un ultime câlin de “Teeth & Waves”. Cet album c’est un peu de tout, une belle ambiance très complète servie avec talent.

Avec cette seconde production (Oui seulement) Swan Valley Heights arrive à produire des environnements catchy et couillus sans sombrer dans un déferlement de violence adolescente trop facile. Pour autant il est tout aussi capable de te prendre par la main pour t’emmener te promener sur une route rassurante et moelleuse faite de notes stellaires. Si avant l’écoute tu souhaites te faire une idée, il te suffit de jeter un œil sur l’artwork du disque. Des chasseurs paléolithiques à têtes d’ordinateurs rétros sur fond d’infini galactique. Force, modernité et voyages planants, voilà ce que te propose The Heavy Seeds.

 

Big Scenic Nowhere – Dying On The Mountain

Si vous n’étiez pas parmi nous lors des précédents épisodes (sachez que c’est très mal…), le label Blues funeral a lancé un concept baptisé Postwax en début d’année. En gros, vous filez du pognon et le label vous envoie chez vous de belles galettes de groupes choisis (ou volontaires) pour enregistrer du matériel inédit. Vous recevez 7 albums ou EP de 7 groupes différents dans l’année, parmi lesquels Elder et Besvarjelsen (déjà chroniqués par les collègues) mais aussi Domkraft (avec le grand Mark Lanegan s’il vous plaît !), Lowrider (20 ans qu’on attendait un truc nouveau de leur part !!!) ou encore Spotlights. Mais celui qui nous intéresse aujourd’hui est sans aucun doute le plus surprenant de la liste.

Imaginez un peu : les guitaristes Bob Balch (Fu Manchu) et Gary Arce (qui fait une infidélité à Yawning Man pour la première fois depuis 1986), qui se connaissent depuis presque 30 ans, décident d’unir leurs efforts pour un projet éphémère et unique intitulé Big scenic nowhere (l’annonce a été faite en février dernier et a affolé la toile). Pour cela, ils s’entourent d’autres musiciens (et pas des moindres) comme le légendaire Nick Oliveri (ex-Kyuss entre autres), Mario Lalli (Fatso Jetson et Yawning Man), Per Viberg (Spiritual Beggars), Bill Stinson (Yawning Man) ou encore Thomas Jäger (Monolord). Un sacré putain de casting qui ferait baver n’importe quel fan de stoner. Oui mais voilà, c’est bien beau de réunir la crème de la crème du genre, encore faut-il réussir à sortir quelque chose de potable quand tout ce beau monde se met à jouer. Vous allez voir, c’est le cas, et bien plus encore…

Le résultat s’intitule Dying on the mountain et c’est un EP composé de 2 titres : la face A, sobrement titrée « Dying on the mountain (Pt.1) / Altered ages / Dying on the mountain (Pt.2) » (je vous laisse quelques secondes pour reprendre votre souffle…), est une orgiaque pièce de plus de 20 minutes (oui oui, 20 minutes !). Composée de 3 mouvements distincts reliés parfaitement entre eux, ce mammouth sonore bénéficie du jeu subtil et puissant de Balch et Arce, accompagnés pour l’occasion par Stinson derrière les fûts et par Oliveri à la basse. Introduite par des voix shamaniques et éthérées (que l’on retrouve un peu plus loin en guise de liant entre les différents mouvements du titre), cette pièce d’anthologie s’immisce dans votre inconscient, retourne tout ce qui s’y trouve et vous enveloppe d’un magma sonore pour ne plus vous lâcher. Vous êtes comme happé par une main invisible qui vous invite à la transe. Le genre de truc qui prend possession de vous. A réécouter encore et encore…

Le second titre, Towards the sun, a été dévoilé le 21 août dernier. C’est le résultat d’une jam improvisée de plus de 5 heures entre Balch et Arce qui, après avoir retravaillé leurs idées, se sont attachés les services de Mario Lalli à la basse et de Bill Stinson à la batterie. Pour les vocaux, Tony Reed et Thomas Jäger se relaient. Bien plus conventionnel dans son approche et dans sa composition, Towards the sun est un bon titre mais il ne révolutionnera pas le genre. Dans son ensemble, cet EP restera semble-t-il le « one shot » d’une formation au casting ultra-bandant et on se plaît maintenant à rêver d’un album complet. L’avenir nous le dira mais on ne se fait pas trop d’illusions, malheureusement…

Horseburner – The Thief

À Parkersburg dans le fin fond de la Virginie Occidentiale officie un quatuor à l’énergie certaine. Formé en 2008 et signant cette année chez Ripple Music pour un deuxième album, Horseburner confirme sa place au Panthéon des agitateurs de foule avec une préparation aux petits oignons.

Si l’artwork de la galette, avec son éclat couleur pastel, ses motifs floraux, et sa police délicate, suggère une écoute planante, contemplative, propre aux groupes de psyché ou revival des 70’, on ne peut se tromper davantage. Au carrefour du stoner, du metal, du sludge et du doom, les Américains se décrivent comme créateurs de lourds riffs Rock’n’roll qui vous secouent de l’intérieur. Une description que nous aurons, après l’écoute de The Thief, beaucoup de mal à démentir.

On y découvre sept pistes d’une richesse de composition admirable, cernées par une intro et une outro reprenant le même thème. Une mélodie tantôt puissamment exprimée par les guitares électriques, tantôt interprétée avec le charme et la simplicité de guitares sèches. Cette épanadiplose narrative met en relief tout le récit qu’elle encadre. Récit dont le premier chapitre « A Joyless King » propose une entrée en matière incisive, constellée de riffs aiguisés à souhait, de ponts rafraîchissants et d’une rythmique solidement orchestrée par Adam Nohe ; gaillard qui réussi la prouesse de cracher ses robustes notes de chant tout en distribuant sur les futs comme un possédé.

Le plus souvent, le guitariste Jack thomas l’accompagne de sa voix, ce qui laisse toute la responsabilité de l’exécution des soli à Zach Kaufman. Comme sur « Drowning Bird », le second chapitre et début des péripéties, où ses doigts de shredeurs martyrisent les cordes pour régaler les oreilles. Beaucoup plus bourrin, ce morceau connait aussi de francs passages heavy metal s’insérant sans aucune discontinuité.

En définitive et comme pour chaque piste constituant The Thief, les styles se rencontrent, se mêlent et fusionnent pour offrir l’essence faisant désormais l’identité d’Horseburner. Un mélange dont on avait perçu la nature sur Dead Seeds, Barren Soil, sortit en 2016, mais sans en appréhender la forme définitive ; ou du moins mature.

Avec The Thief, c’est désormais chose faite. Une essence lourde et graveleuse comme une excavatrice d’exploitation minière, dynamique et agile telle un oiseau voltigeur, et conservant la beauté d’un lever de soleil sur un champ de bataille dont on serait le vainqueur (« Seas between »).

Une évolution qui méritera d’être suivie dans les années à venir. Résolution d’ailleurs encouragée par le frontman Adam Nohe lors d’un récent live : ‘ Quit your job, get wasted, listen to rock’n’roll ‘.

Sir, yes sir !

Ufomammut – XX (box set)

[Note : on ne parle pas dans cette rubrique du box set lui-même contenant tous les albums du groupe, ceux-ci sont pour la plupart chroniqués individuellement dans nos pages]

A l’occasion de ses vingt ans de carrière, Ufomammut a organisé une petite tournée européenne célébratoire, et propose la collection de l’ensemble de sa production, à travers les sorties de tous ses albums (éditions spéciales, nouvel artwork), le tout dans un coffret collector. Pour agrémenter le tout, ils nous proposent à l’intérieur (donc pas dispo séparément) un disque spécial, XX (comme le nom du coffret), pour le moins atypique : il s’agit d’un disque de six titres pour moins d’une demi-heure de musique, où le groupe a capturé en live des ré-interprétations de quelques uns de ses morceaux les plus emblématiques. Dans cette configuration, qui a proposé cet exerice de style sur quelques dates en Europe l’an dernier, on retrouve Vita à la batterie sur un kit minimaliste plutôt orienté percus, Poia à la guitare électro-acoustique, tandis qu’Urlo a choisi de laisser de côté sa Rickenbacker emblématique pour se dédier aux claviers et au chant. Dans cet exercice, le barycentre musical du trio repose presque complètement sur ses épaules (tandis qu’en configuration traditionnelle, c’est plutôt les riffs bulldozer de Poia qui soutiennent la baraque), d’autant plus que ses lignes de chant figurent désormais au premier plan sonore, avec une technique en chant clair que l’on ne soupçonnait pas, habitué que l’on est à l’entendre beugler dans son Shure vintage blindé d’effets, relégué derrière des murailles soniques de guitare et de basse.

Les titres choisis visent à couvrir peu ou prou toute leur carrière, en piochant dans tous leurs LP, avec quelques omissions toutefois, en particulier le colossal Eve (probablement trop difficile d’extraire une section spécifique de ce colosse monolithique) et leur dernière production 8 (que l’on imagine trop « jeune » lors du travail d’écriture de XX pour apporter le recul nécessaire à une relecture intéressante).

Ça commence à la fois logiquement et judicieusement par « Satan » (l’une de leurs premières compos, morceau-titre de la première démo qu’ils ont enregistrée en 1999) qui, en terme de forme et d’approche, donne le ton du disque. A l’image de « Plouton » (issu du plus récent Ecate) qui prend sa suite ou de « Infearnatural » (Oro) un peu plus loin, on retrouve avec de gros efforts d’imagination la trame du riff principal réinterprétée en mode acoustique, simplifié à outrance, prenant la forme d’un petit lick de guitare acoustique bien répétitif (en écho aux riffs lancinants assénés pendant de longues minutes, habituels du trio transalpin sur ses titres originaux). A côté, une trame sobre de claviers vient finir d’habiller le titre, tandis que la voix de Urlo, en son clair, vient bouleverser nos habitudes. Bluffant… Le jeu de batterie/percus subtil et dépouillé apporte la juste touche rythmique utile aux titres, rien de plus (à noter que les deux premiers titres sont joués en duo, sans Vita). L’ancien « Lacrimosa » qui prend la suite se distingue un peu en proposant une approche noise quasi-drone dans sa mise en place, avec une guitare qui n’occupe aucun rôle mélodique (juste un grésillement en bruit de fond). La nature assez indus de l’original se change en tonalité plus électro… Point commun sur tout l’album : les structures des chansons retenues se cantonnent aux séquences de base des titres d’origine : les breaks un peu bourrins, les plans trop foutraques, les changements trop brutaux sont tous systématiquement oubliés pour ne garder que des corps de morceaux homogènes. Du coup l’ensemble peut paraître un peu aseptisé sur la continuité (et plus court, les titres étant tous tronqués de ces sections, à l’image ici du dernier tiers complet un peu foutraque de ce « Lacrimosa », absent de sa « relecture »).

Les deux derniers titres apportent un relief un peu différent dans la réinterprétation : « Mars » (issu de Lucifer Songs) se réapproprie largement le riff du refrain original et laisse Poia appuyer un peu sur la pédale de disto pour proposer un peu de saturation sur la gratte. Le titre apparaît par ailleurs plus travaillé dans ses arrangements, proposant une identité propre plus développée que les autres chansons de XX. Il en est de même de « Destroyer » (Idolum), qui transforme le chaos structurel de l’original en une sorte de bluette un peu malsaine, dotée quand même d’une sorte de break avec là aussi quelques guitares saturées, avant une clôture un peu « électro-expérimentale »…

De manière assez intelligente, Ufomammut propose un disque à ses fans et non pas au grand public (peu de petits curieux se procureront ce dispendieux box set, probablement plutôt imaginé pour des amateurs avertis). L’approche ne vise donc pas à proposer un nouveau visage du groupe, potentiellement plus attrayant pour le grand public. Débarrassés de ces préoccupations ou contraintes, libres d’expérimenter, ils se font plaisir musicalement et intellectuellement en développant une complète nouvelle approche musicale, autour de l’identité du groupe. Un investissement et un travail significatifs (gros travail de réécriture et d’arrangement) qu’il convient de saluer : si le disque n’est pas un joyau que l’on écoutera pendant de longues années en mode repeat, il apporte un regard intéressant sur la carrière du groupe, et une parenthèse rafraîchissante et surprenante. XX représente surtout un groupe bien vivant, créatif, et qui manifestement en a encore sous la pédale pour de nombreuses autres années. On se retrouve dans dix ans pour XXX ?…

Pale Grey Lore – Eschatology

 

Un quartet de l’Ohio, un artwork quasi juvénile et un LP de 2016 signé chez Oak Island Record, voilà ce avec quoi on se retrouve entre les mains lorsqu’on s’attaque à Eschatology de Pale Grey Lore, album signé chez Small Stone Records cette fois ci.  Le groupe définit son style comme du Doom Garage Psychédélique allons voir qui de Papa ou Maman aura été choisi; si un choix à été fait, bien entendu.

Avec une entrée en matière planante, juste chargée de disto et sous accordée Pale Grey Lore fait hésiter sur le genre auquel on s’attaque. Dès lors on comprend mieux la description mal genrée que les artistes font d’eux-même.

S’il semble planer l’esprit de Red Fang sur l’intro de “Greed Spring Eternal” c’est un album très garage que cet Eschatology. Pale Grey Lore joue en terrain bien connu et ne laisse pas grand place à la surprise. J’avouerais même qu’il ne m’a pas été facile de rentrer dans leur univers. Cependant la plaque s’émaille de petits moments réjouissants qui s’intercalent dans les morceaux mine de rien. (Sauras tu retrouver le petit moment jouissif dans le dernier tiers de “Régicide”?)

Les chœurs qui courent tout au long de l’album participent je crois de ma difficulté à entrer rapidement dans la musique. Le morceau “Waiting For the Dawn” en est le parfait exemple. Il m’a interpellé et poussé en retrait et c’est à la réécoute qu’une fois de plus il faut aller chercher les idées intéressantes dans la masse musicale, bien souvent entre les refrains.

Alors soyons clairs camarades lecteurs, je ne serai pas venu vous parler de cet album si les morceaux avaient été médiocres. “Greed Spring Eternal”, “The Rift” ou encore “Eschatology” envoient assez pour qu’on se prenne au jeu et cède au plaisir de l’écoute. Prit dans son ensemble, la construction de l’album n’est pas des plus déplaisante, loin s’en faut. Une alternance de morceaux énergiques et de titres plus cools permettent d’apprécier l’ensemble sans dévier vers l’ennui. Bien souvent les riffs rapides et la lourdeur de l’ensemble soutenant les chœurs m’a fait penser au travail du quintette norvégien Kal-El, en particulier avec le titre “Void Cursed”

Pour résumer, Eschatology est un album dispensable mais intéressant. Il ravira les amateurs de sonorités garage des années 80-90 et ceux aimant les voix mélodieuses posées en chœur sur un son rocailleux sans excès. Pale Gray Lore c’est en resumé une production à l’abord peu évident mais d’une qualité supérieure à bon nombre de productions actuelles.

 

Saint Karloff – Interstellar Voodoo

 

Il faut qu’on cause d’un power trio de Oslo qui pourrait bien être en train de faire son trou dans la catégorie Doom old school. Je parle de Saint Karloff qui sort son Interstellar Voodoo ces jours-ci après avoir produit en moins d’un an un premier album et un split avec Devil’s Witch. Il faut annoncer que les gars ont réussi à vendre en précommande la totalité de leur quelques 400 vinyles sortis chez Majestic Mountain Records et Ripple Music en moins de deux heures!

Comme je viens de vous le dire, Saint Karloff navigue dans le genre Doom old school de la fin des années 60 et début 70. Rien de bien original jusque-là, le créneau étant usé jusqu’à la trame, mais la galette à ceci de particulier qu’elle se compose d’un morceau unique de 40 minutes!

Interstellar Voodoo pourrait passer pour une jam session qui loucherait du côté de structures typiques de Deep Purple puis du côté d’idées rythmique façon Santana. Cependant c’est un univers de cohésion où tout est fluide et logique, il s’agit bien d’une même piste réfléchie et non d’une jam session ou encore d’un album de plusieurs pistes qui tairait son nom.

On sent bien au fil des auditions que ce n’est pas parce que Saint Karloff s’inscrit dans la lignée des pères fondateurs du Doom qu’il n’est pas empreint d’une forme avérée de modernité dans ses compositions. Le trio joue sur un style mais l’emprunte sans jamais en faire une fin en soi. On pense parfois à Uncle Acid & The Deadbeats, confirmant que le trio n’est pas qu’un simple amateur du genre mais un groupe qui cherche à marquer sa paroisse de sa patte singulière.

Coté instruments, la voix n’intervient jamais que par touche et ne noie pas la piste dans une litanie sans fin, la gratte est portée par de nombreux effets qui ne laissent pas le temps de s’ennuyer et la basse qui groove autant qu’elle joue la balance blues pour hypnotiser l’auditeur.

Il faut croire que les petits malins qui se sont jetés sur les galettes avant même leur sortie ont eu le nez creux, à moins qu’un spéculateur de talent n’ait trouvé le bon filon. Il y a fort à parier que ce disque va vite devenir une pièce à posséder faisant monter sa côte en flèche. Comme Saint Karloff n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, il te restera toujours la possibilité de commander le CD chez Ozium records ou une des rares cassettes encore disponibles chez Stoner Witch Records

Besvärjelsen – Frost (EP)

Le déferlement Postwax continue ! Pour rappel, cette année le label Blues Funeral a lancé un dispositif un peu atypique, proposant une série de disques (vinyl oriented) d’artistes gravitant autour de la sphère stoner, généralement des EP, de matériel inédit. L’ensemble devrait sortir sur 2019, et ce disque rentre donc dans ce contexte. Frost en l’occurrence est un plutôt « gros » EP de 5 titres, pour 26 minutes. Il est proposé par ce groupe suédois au sobriquet scandaleusement imprononçable, dont on vous a parlé il y a quelques mois à l’occasion de la sortie de leur premier album.

Dans le cadre Postwax, les initiatives de chaque groupe diffèrent : certains jouent le contre-pied (Elder et son disque « décalé » et expérimental, cf notre chronique il y a quelques mois), d’autres montent des projets spécifiques (on vous parle bientôt de Big Scenic Nowhere)… Dans le cas de ce Frost, on est globalement dans la continuité, musicalement. Le quintette confirme son orientation finalement de plus en plus éloignée d’un son stoner, penchant vers un axe plus rock/metal/dark, plus proche de ses velléités (ils ont un peu été vendus à tort comme « ex-Dozer » alors que l’influence du groupe culte n’apparait nulle part, et n’a jamais été revendiquée par le groupe lui-même).
Le chant de la vocaliste Lea est toujours le principal élément distinctif du groupe, avec des lignes vocales claires et posées, jamais poussées dans leurs retranchements.
Petite évolution néanmoins : finis les titres chantés en suédois, place à l’anglais sur tous les titres cette fois.

Côté compos, peu de surprises là non plus, on retrouve vraiment les différentes nuances déjà identifiées dans le premier long du groupe. « When we fall » propose un riff un peu travaillé qui fait penser aux structures des récents QOTSA (pas vraiment nos préférées, mais une orientation significative du groupe). « All things break » est lui aussi un mid-tempo, qui repose pour sa part sur un lick de guitare aux relents folk et sur un refrain mélodique assez prenant. « In the Dark » est une belle démonstration de leur talent à composer des titres dark bien efficaces, avec en particulier une mélodie vocale sur le couplet intéressante et un accompagnement musical catchy. « Human habits » tire sur le versant musical un peu « pompeux » du groupe, plus grandiloquent, avec de gros arrangements et des chœurs bien chargés pour porter ce gros mid-tempo… Et enfin « Past in Haze » clôt l’album avec des éléments très intéressants : le couplet développe une ambiance ouatée à souhait, comme son titre le laisse imaginer (bien emmené par la basse de Rockner), tandis que le refrain nous ramène à des considérations plus traditionnelles. Ce titre assez long (plus de 7min) devient un peu plus intéressant sur la deuxième moitié, mais ne réussit pas toutefois à atteindre ce l’on aurait pu l’espérer, à savoir un titre plus ambitieux voire épique.

Clairement, de par sa nature même, ce disque ne bouleversera pas la planète stoner en 2019, d’une part par son détachement affirmé du style qui nous intéresse, et d’autre part parce que cet EP, dans la continuité de la production précédente du groupe, n’apporte finalement pas beaucoup plus d’eau au moulin. Qualitativement au niveau de leur album précédent, ces cinq titres s’inscrivent dans sa stricte continuité stylistique. Du coup, point de surprise ou de révélation à l’horizon. Un bon disque, dans un genre qui n’intéressera qu’une part de notre lectorat.

Dead Feathers – All Is Lost

Quand, en 2016, on avait découvert Dead Feathers par le biais d’un EP 4 titres (paru chez Hevisike records), on s’est dit qu’on tenait la formation capable de reprendre le flambeau de Blues Pills, qui venait de dangereusement changer de braquet avec l’album Lady in gold en délaissant le blues rock hippie pour quelque chose de plus… déroutant. Sauf que l’euphorie n’aura duré que le temps de cet EP car, depuis, silence radio (en tout cas sur galette car le groupe n’a cessé de tourner, en particulier avec Monster Magnet, Radio Moscow ou Kikagaku Moyo). Un silence rompu la semaine dernière avec la sortie de l’album All is lost, paru cette fois-ci par Ripple Music qui vient tout juste d’enrôler le quintette originaire de Chicago.

Et dès les premières mesures d’At the edge, le titre d’ouverture, on est comme happé dans une bulle sensorielle, entouré d’une brume vaporeuse épaisse et douce à la fois, sans doute grâce au chant habité de Marissa Allen. La batterie se fait discrète et la guitare tisse des arpèges d’une grande beauté avant que tout ne s’accélère et que le quintette ne se mette en action et révèle toute l’étendue de son talent. A la fois psychédélique, désertique et spatiale, la musique proposée vous envoûte, vous transporte et vous téléporte directement au beau milieu du quartier Haight-Ashbury, épicentre du summer in love. Vous croisez le regard de Grace Slick et de la grande Janis, qui doivent se dire que la relève est assurée et de fort belle manière. With me est la continuité directe d’At the edge, avec incantations chamaniques, batterie tellurique et guitare planante. Puis Cordova achève de vous convaincre : oui, Dead Feathers est un grand groupe et oui, All is lost est une merveille de psychédélisme vaporeux.

Cela, c’était avant l’entrée de Horse and sands qui, s’il continue sur la lancée des 3 premiers titres, muscle le propos par le biais d’une gratte enfin évocatrice qui a trouvé le chemin des amplis. Les oreilles et les poils se dressent, le pied bouge en cadence et la tête ondule d’avant en arrière. Voilà, on y est, voici LE single de l’album, tout du moins celui qui, à l’écoute de ce simple titre, invitera les plus réfractaires au genre à se pencher sur le cas de Dead Feathers. Le titre éponyme qui suit est lui aussi une pépite du genre, un sensationnel mid-tempo magnifié par l’angélique organe de Marissa qui, décidément, est en grande forme. Darling sight calme quelque peu le jeu avant un extraordinaire Smoking gun offrant sept minutes d’orgasme auditif enfumé et hautement addictif.

All is lost termine notre voyage avec Night child (un titre absent du vinyle… bah oui, plutôt que de proposer un double LP, on a préféré enlever 2 titres…) qui, avec Not ours to own (une sacrée tuerie par ailleurs…), conclue admirablement cet album. Et nos oreilles, encore toutes tremblantes et frissonnantes de plaisir, peuvent retourner à la grisaille de cette déprimante période de fin de vacances. Bref, vous l’aurez compris, All is lost est LE disque de cette rentrée 2019 et sans aucun doute (en tout cas pour ma part c’est une évidence) l’une des meilleures galettes de cette année. Allez, j’y retourne !

 

Here Lies Man – No Ground To Walk Upon

 

Riding Easy Records est un label qui parle à beaucoup, en effet, on ne produit pas Monolord sans marquer les esprits et affirmer sa culture Doom/Stoner. Mais nous ne sommes pas là pour parler de ça, pas plus que du dernier album de Here Lies Man, No Ground To Walk Upon.

Non, nous n’allons surtout pas parler de Here Lies Man, bien que ce quartet de Los Angeles mis en avant par le label sus-cité comme du “black sabbath jouant de l’afro Beat” aurait pu certes figurer parmi les albums à chroniquer par Desert-rock.com. On va aller chercher sur cette plaque le psychédélisme et on le trouvera sur chaque piste, on va aller chercher la disto et on la trouvera sur chaque piste, le riff d’intro fait gimmick de “Washing Bones” est sans doute le plus Metal de l’album et on retrouve parfois ce qui fait nos classiques et notre culture Desert. Les précédents albums réalisaient le syncrétisme entre sonorités Afro-Beat et Heavy. Oui mais voilà, Here Lies Man fait vraiment de l’Afro Beat cette fois-ci, c’est rafraîchissant et hyper bien foutu. On tourne en boucle des riffs et des refrains dans le plus pur esprit 70’s, on irait bien lorgner même du coté de Herbie Hancock parfois si ce n’est de  Joe Zawinul mais je crois surtout que c’est un peu l’imagination qui parle. Quoi qu’il en soit on a tout au long de l’album affaire à un funk un peu perché, celui sous un acide agressif, qui flirte avec les sonorités plus rock et plus crasses d’une époque émancipée qui va rechercher en Afrique une culture oubliée. Assurément on essaiera de se raccrocher à quelque chose à l’écoute de cet album sans nul pareil dans la galaxie stoner et pour cause, il est en orbite autour de celle-ci sans vraiment y rentrer.

Cet album de Here Lies Man qui sonne comme si Fela Kuti avait vécu et laissé croître sa rage est une belle plaque qu’il faudrait posséder ou prendre le temps d’écouter. Mais voilà chez Desert-rock nous chroniquons un style déjà suffisamment vaste sans en plus vous raconter tout sur ce qui s’en approche. Voilà pourquoi vous ne trouverez pas de chronique du dernier Here Lies Man, No Ground To Walk Upon sur ce site.

 

Dendrites – Grow

Détour une fois encore par la Grèce, ce berceau de sonorités fuzzées ne cessant de nourrir la sphère stoner depuis plusieurs années. Le batch du jour prend naissance en 2014 sous le soleil de Vólos et se compose de quatre gaillards amateurs de groovy southern rock répondant au nom de Dendrites. Fort d’un premier album éponyme datant de 2016, la bande sort en juin 2019 sa deuxième pièce intitulée Grow.

Si le premier opus regorgeait d’influences criardes à Down ou Corrosion of Conformity, pour celui-ci… eh bien, c’est un peu la même chose. Une écoute de « One Hell of a Ride » suffit à valider ce postulat. D’un autre côté, nous avons des morceaux comme « Throwing Rocks », « Dreamhouse, Pt.1 » ou « Snake Oil Merchant » qui pour leur part évoquent plus Neil Fallon et le groove fiévreux de Clutch. Avec une espèce de langueur en plus ; de quoi agiter la tête en retroussant le museau sans pour autant se jeter à corps perdu dans la fosse. Un savant mélange saucé de riffs à la Dimebag Darrel qui, sans surprise, fonctionne.

Bien qu’il évolue à mesure que l’on avance dans l’album, le style de Dendrites semble se préciser avec Grow. Moins dispersé que pour son prédécesseur, il se catalyse autour de l’essence métal propre au sud de l’Alabama et de la nouvelle Orléans pour rapidement nous faire oublier les milliers de kilomètres qui les séparent de la Grèce.

Dendrites, ces machins qui conduisent les courants électriques au niveau synaptique de nos neurones, que sont-ils sinon un moyen de connecter les entités déjà existantes entre-elles, finalement ? Songer que le groupe de Thanasis Tiblalexis se limite à ça constituerait en revanche une erreur. Car chaque nouveau morceau est ici un bijou ; brut, certes, mais loin d’une quelconque redondance et brillant par sa qualité d’écriture.

Je ne saurais vous recommander davantage les écoutes successives de Grow. Tout comme je vous suggère de guetter une ouverture pour les trouver sur scène et aller brailler en cœur un « Get the fuck out of my way » avec eux. Vous en retirerez à coup sûr une expérience gratifiante.

El Supremo – Clarity Through Distortion

Comme la plupart d’entre nous (enfin, j’espère, sinon vous serez pendu par les parties intimes et fouetté avec un cactus frais), vous avez pleuré la disparition du groupe Egypt l’an dernier, annoncé laconiquement par le biais d’un vulgaire post sur Facebook. Après plusieurs albums mythiques, la formation du Dakota du nord raccrochait les guitares et nous abandonnait seul au bord du désert. C’est pour cela que l’on applaudira des deux mains le retour du projet El Supremo, sorte d’enfant légitime d’Egypt car fondé par Chad Heille et Neil Stein, 2 ex-pharaons qui ont fait les belles heures d’Egypt entre 2012 et 2018.

On parle bien d’un retour car El Supremo avait déjà sorti un EP éponyme il y a onze ans de cela mais ce n’était qu’un projet solo du batteur Chad Heille, qui jouait alors de tous les instruments et s’occupait seul de l’enregistrement et de la production (il était malgré tout épaulé par Tom Canning et Neil Stein qui s’occupait alors des solis de gratte). Puis Chad et Neil ont rejoint Egypt pour 3 albums, un split et d’innombrables apparitions sur des compilations diverses et variées. Sans oublier des tournées à rallonge qui les verront visiter plus de quinze pays et de nombreux festivals à travers la planète.

Egypt s’en est donc allé l’an dernier et El Supremo peut donc ressusciter par le biais d’un flamboyant LP intitulé Clarity Through Distortion, sorti sous un sublimissime artwork. Quelques jours plus tard, ce sera la première apparition sur scène (le 17 juin dernier plus précisément) en première partie de Year of the cobra à l’Aquarium bar de Fargo, ville natale du combo. Heille et Stein étant alors accompagnés de l’organiste Chris Gould et du bassiste Cameron Dewald, qui officie également avec Gorganterron.

Vous allez me dire, et la musique dans tout çà? Si vous êtes des adeptes du stoner instrumental planant d’Egypt, vous allez vous régaler à l’écoute de Clarity Through Distortion. Car de l’intro en passant par l’extraordinaire “Moanin’ And Groanin’” (dix minutes d’orgasme auditif, rien de moins) jusqu’au tellurique “Lotus Throne”, El Supremo nous convie à passer une heure totalement jouissive, absolument inoubliable et sans être une seule seconde ennuyeuse (ce qui est assez rare pour un disque instrumental). Monumental, grisant et simplement indispensable.

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