Mud Spencer – Fuzz Soup

 

Une pochette digne de Gotlib, un nom de groupe sous forme d’hommage aux piscines olympiques et aux westerns spaghettis, il n’en fallait pas plus pour que je me saisisse de la Fuzz Soup de Mud Spencer.

Ayant fait mes propres recherches, c’est une déconvenue, il faut croire que Mud Spencer est le nom d’un chien de berger et force est de constater que la pochette est plus foutraque que le contenu. Allons, ne nous décourageons pas et approchons-nous de l’animal avec prudence.

Pas à pas on découvre qu’il s’agit en fait d’un…one man band. Et si on s’attarde encore un peu, on constate que celui-ci est un français (Autre mot pour fainéant?) du nom de Sergio Garcia (Ah le vil Renard, je soupçonne le jeu de mots!) qui vit et compose du fond de son lit sur l’île de Java. Un être paresseux et lent qui a été capturé par Argonauta Records lors de l’enregistrement de Fuzz Soup avant d’être rendu à la vie sauvage de sa piaule sans vraiment savoir à quelle espèce on a affaire.

Au fil des écoutes, nous voilà donc en présence d’une espèce curieuse qui produit des sons issus des vapeurs lysergiques des années 60-70 et autant vous le dire tout de suite, Mud Spencer ce n’est pas vraiment un multi instrumentiste. L’homme est plutôt un bidouilleur talentueux qui assume sa passion du genre , celle qui nous réunit ici. Le gars pousse le vice parfois au-delà en s’essayant à des bidules plutôt électro sur “The Cheating Mole” qui restera cependant la seule “sortie de piste” de l’album en regard de ce qui justifie cette chronique.

Lent et profond sur “Tumulus”, dansant et hypnotique sur “Quest of Fire”, oriental et psychédélique sur “Back to Origin”, Mud Spencer contient un univers où le maître mot est toujours la passion d’un genre entier. Chaque piste embrasse un aspect de la galaxie stoner doom, elles naviguent entre fuzz et psyché sans jamais épingler clairement les références mais toujours en usant habilement des codes du genre.

Il y a fort à parier que beaucoup de stoner heads se retrouveront dans cet objet sous forme de divagation utile. Fuzz Soup est une soucoupe volante, un condensé de style réalisé avec soin, plutôt pas mal pour un bricolage qui n’a d’autre vocation que de rester une plaque fièrement réalisée et offerte au plus grand nombre. C’est aussi peu sérieux que Bud Spencer mais ça en a la carrure, la soupe est servie, à table!

Confusion Master – Haunted

Confusion Master est un quatuor de jeunes doomsters suédois (basé en Allemagne ?), ayant œuvré séparément dans des formations underground d’engeance punk, hardcore, metal… Le doom en style fédérateur de leur créativité, voilà une belle histoire… Une histoire entamée il y a quelques années soit dit en passant, ce Haunted étant leur seconde production, après un premier album sorti trois ans plus tôt (passé sous notre radar).

N’y allons pas par quatre chemins : Confusion Master nous a cueilli en exactement 1 minute et 3 secondes, juste le temps de l’intro de “Viking X”, écrasante et oppressante, terrifiant rouleau compresseur au son de gratte aussi gras qu’étouffant, intro judicieusement accompagnée d’un growl d’outre-tombe avant d’engager le redoutable master riff du morceau. Oumpf… Le titre déroule ensuite sur plus de dix minutes plusieurs séquences, sans jamais toutefois atteindre la densité de cette intro incroyable.

Ce growl d’ailleurs et la lourdeur monolithique de cette intro s’avèrent finalement très partiellement représentatifs de la musique du groupe : le stoner doom de Confusion Master est plus riche finalement, prolixe en guitares leads en tous genres, et, même si sa musique est majoritairement instrumentale, se dotant occasionnellement de vocaux (non growlés, comme quoi…) et même de samples (manifestement extraits de bande sons de films). Mais c’est par sa profusion de riffs que le groupe trouve son principal argument de vente : ils jaillissent de toutes parts, mémorables, sombres, efficaces (“The Cannibal County Maniac”, “Jaw on a Hook”…) et viennent in fine distinguer Confusion Master de la masse de groupes de doom souvent insipides ou rébarbatifs.

On notera néanmoins que si l’album “normal” (prévu pour le vinyl) se cantonne à 4 titres, le groupe offre un cinquième titre (“Haunted”) sur la version CD, et même… un sixième titre (!!), “Under the Sign of the Reptile Master”, face B d’un 12″ confidentiel, le tout rendu dispo sur son bandcamp. Autant “Haunted” n’est pas le plus intéressant, autant “Under the Sign…” aurait pu trouver sa place sur l’original (si ce n’était cette contrainte de durée maximum d’un vinyl). Plus de quinze minutes de musique en plus du vinyl, donc.

On sort quand même de ce disque dans un état de légère confusion lorsque l’on essaye de synthétiser son écoute. Il est très riche, sans jamais se départir d’une ligne musicale finalement cohérente et respectée dans le temps. Le disque propose de vrais moments de grâce, des riffs épiques, des arrangements absolument lumineux… mais également quelques passages moins intéressants, reconnaissons-le (la moitié de “Jaw on a Hook”, quelques longueurs ici ou là), menant au constat d’un disque hétérogène. Mais au moment de faire le bilan des “+” et des “-“, on se rappelle des quelques claques dégustées avec envie au long de cette galette, et on décide de l’écouter encore…

 


Deep Valley Blues – III

Les italiens sont déchaînés ces derniers mois ! Bien aidés notamment par une palanquée de labels autochtones (même si la présente galette sort sur un obscur label US), les formations transalpines de stoner de toutes engeances émergent un peu dans tous les sens, et squattent une bonne part des sorties chaque mois. Pour la plupart toutefois, ces groupes ne restent pas longtemps dans les mémoires. Deep Valley Blues fera-t-il partie de la minorité remarquable de cette cohorte ?

Les premières écoutes nous permettent de baliser le terrain de jeu du groupe du jeune quatuor calabrais, à savoir un stoner nerveux et groovy, ne manquant pas de charme à première vue. La séduction opère si bien que l’on se prend à enchaîner les écoutes avec un certain plaisir un peu coupable, un peu régressif aussi. On se laisse vite happer par le groove implacable de “Bronco Buster” ou de “Mally’O Mucy”, et les riffs de “Smokey Mountain Woods”, “Epitaph” ou “Pills of Darkness”. La recette du plaisir auditif est finalement assez simple quand on y réfléchit… Le chant glaireux de Giando Sestito vient efficacement compléter une musique tout de même largement instrumentale, rappelant parfois – toutes proportions gardées – quelques joutes vocales de Neil Fallon sur les passages un peu “scandés”.

Le bien nommé III (information pour ceux qui glandent au fond de la classe : il s’agit du troisième album du groupe…) se révèle au final être un disque rafraîchissant et très bien exécuté, bien confortable dans un genre pourtant largement balisé depuis maintenant plus de deux décennies – preuve si nécessaire qu’il reste des choses à faire et à dire dans le genre, sans pour autant tourner en rond. Il n’y a aucune raison de reprocher un quelconque manque d’originalité à Deep Valley Blues (qui laisse intuiter son intention musicale jusque dans son sobriquet) : les gars se font plaisir, et régalent à l’occasion tous les amateurs d’un stoner efficace et bien fait.

 


Bentrees – Two of Swords

On n’est pas forcément saisi a priori d’un enthousiasme délirant à la perspective d’écouter un album de stoner italien sorti un peu de nulle part. C’est donc dans les lointaines ressources insoupçonnées d’un professionnalisme chevillé au corps qu’on s’attèle à l’écoute de ce disque. Pourtant l’adoubement du label Argonauta aurait pu nous mettre la puce à l’oreille, tant la sélection du label transalpin est la plupart du temps qualitative.

Le duo sarde propose un stoner rock somme toute assez classique, ce qui est, somme toute aussi, finalement devenu assez rare, au milieu de toutes les variations et hybridations proposées ces derniers temps. On aborde donc ces six morceaux (pour plus de 50 minutes de musique quand même – rien qui descend sous 7min30, la fameuse générosité sarde en œuvre) avec l’esprit ouvert et les esgourdes fraîchement nettoyées. On est très vite cueilli par ce son de guitare chaud et fuzzé qui sera la base de l’onctueux matelas dans lequel on se vautrera pour les nombreuses écoutes qui s’ensuivront.

Les deux iliens font donc la démonstration en six actes de leur capacité à écrire des compos mélodiquement efficaces et surtout une poignée de riffs bien mastocs : on a du mal à se sortir de la tête le refrain de “Yellow”, le riff subtilement dissonant de “Brain War” ou celui plus imposant de “Sunrise and Sunset”. Mais c’est aussi dans ses audacieuses plages mid-tempo, en son clair parfois, que Bentrees se révèle d’autant plus accrocheur, à l’image de ce “Dust’n’Gold” où ces arpèges de guitare rappelleront même le grand My Sleeping Karma.

Pas grand chose d’autre à dire par rapport à ce disque qui ne tienne en ces quelques principes : si vous appréciez le stoner old school, emmené par un duo de jeunes italiens sachant manier puissance et bonnes idées, dans un généreux bain de riffs fuzzés, il est probable que vous trouverez votre bonheur avec ce disque. Même s’il ne révolutionne rien, il propose son lot de bonnes ondes.


Modder – Modder

On sait peu de choses de Modder, hormis qu’il s’agit d’un groupe belge d’à peine plus d’un an. A l’origine duo guitare / batterie, le groupe s’est vu récemment enrichi d’un second guitariste, un bassiste et un clavier – l’opportunité de proposer une incarnation live (peu prolixe pour le moment) à leur musique.

Pour rentrer dans le vif du sujet, cet album crie “Bongripper” sur toute sa longueur : il est certes un peu plus lancinant et répétitif que le colosse de Chicago (un penchant un peu plus indus), plus synthétique aussi (c’est très subjectif, mais essentiellement lié aux nappes de synthé ici, qui chez les américains sont généralement plutôt le fruit de bidouilles de pédales de guitare-basse), mais cette version doom moderne, instrumentale, aura du mal à se détacher de l’ombre du quatuor étasunien (particulièrement éloquent sur certains passages).

Fondamentalement, le groupe belge propose une poignée de riffs (assez peu finalement) fort sympathiques, qu’il fait tourner avec juste ce qu’il faut de talent pour maintenir la tension, le tout enrobé d’arrangements judicieux (excellent travail de production). Le plus gros point faible du disque tient toutefois à sa longueur : quatre morceaux, pour à peine plus de 30 min de musique, c’est très peu. D’autant plus quand les morceaux sont aussi monolithiques : même s’ils présentent une construction parfois assez élaborée, ils restent tournés autour d’un même riff ou plan, si bien qu’ils montrent assez peu de facettes de la musicalité du groupe, et de son potentiel. Pour cela, il nous faudra attendre une hypothétique future suite à ce disque.

Ce disque reste bon toutefois, et il devrait faire passer un bon moment à l’amateur de doom lent et bien gras.

Apostle of Solitude – Until the Darkness Goes

Ahhh, les fêtes de fin d’année, cette période joyeuse où les panneaux publicitaires pour SOS Amitié fleurissent, période tant appréciée des dépressifs et natalophobes de tous poils, car exacerbant divers syndromes défaitistes et sombres, menant inéluctablement au pic dépressif annuel du mois de janvier, morne période où la descente post-fête se joint à la froideur et au manque global d’intérêt généralisé, pour atteindre les bas-fonds de la joie de vivre. Le paysage est déjà enthousiasmant, ajoutons-y le COVID pour égayer le tout, qui lambine sur notre état moral depuis bientôt deux ans sournoisement, et qui nous annonce déjà des périodes encore plus sinistres pour les prochaines semaines, à grands renforts de confinement/isolement, perte de proches, et autres joyeusetés.

Le paysage est dressé, et l’on peut dire que Cruz del Sur a parfaitement intuité le meilleur moment pour sortir ce sixième disque d’Apostle of Solitude (l’album est sorti mi-novembre). Car même si l’on connaissait déjà la tendance musicale du quatuor américain, proposant un doom lent et mélancolique sur ses précédentes productions,  ce Until the Darkness Goes pousse le bouchon très loin : on plonge très vite dans la sinistrose absolue, bercé par ces mélodies efficaces mais plombantes, ce tempo qui se traîne et ces guitares qui nous font courber l’échine et regarder nos chaussures. Il faut dire que l’ambiance au moment de l’enregistrement incitait à la bamboche : non seulement il a été bien ralenti voire empêché par le COVID, mais aussi l’un des membres du groupe a perdu ses deux parents du virus… Les parfaites conditions pour un album de doom ténébreux. D’ailleurs, on vous encourage à ne pas vous jeter sur les paroles si vous avez le moral un peu fragile et que vous vous inquiétez déjà un peu des perspectives musicales proposées par ce disque.

Musicalement toutefois, il y a du très bon sur ce disque. Dénominateur commun de leur discographie, le travail d’écriture et en particulier mélodique est prépondérant chez l’Apôtre de la Solitude, et on se prendra souvent à fredonner un peu fébrilement les refrains de “Apathy in Isolation” (ce titre…) ou de “The Union” entre autres. Les guitares massives de Brown et Janiak (ainsi que leurs harmonies vocales généralement impeccables) apportent une touche de grâce à cette lente descente en enfer. Enfin, “lente”, pas trop en fait : le disque dure 36 minutes, ce qui est assez court, mais finalement plutôt bienvenu pour ne pas sombrer complètement après une trop longue écoute.

Avec ce sixième effort, Apostle of Solitude pousse tous ses potards musicaux à fond, amenant leur doom mélancolique dans des méandres qui effleurent presque le cliché stylistique. Au final leur intégrité ne se questionne pas, mais en tant qu’auditeur on a du mal à dire s’il s’agit de leur meilleur album, ou bien de leur album le plus sombre simplement – sachant qu’il est aussi le moins varié, conséquemment. Une sorte d’absolu, mais un risque de cul-de-sac… ?

 


 

Domadora – The U Book


Lalaland 432

La spiritualité et les respirations comme moteur de progression, comme un mantra voir une obsession, une caractéristique plus que tatouée à peau d’intention chez Domadora et ce, depuis ses débuts.

Sans nouvelles depuis leur Lacuna de 2018, les parisiens se muant en un quintet complémentaire pour l’occasion, déroulent sous nos esgourdes attentives, The U Book, un recueil de sueur, d’acide, de miel et d’envie pour qui saura fermer les yeux et se laisser emporter par la succincte mais fleuve track-list de ce nouvel opus.

La sueur donc, mue par le morceau d’intro, digne et fidèle représentant de la patte Domadora. Un long solo de guitare frénétique, enjoué et versatile se déploie sur une base solide s’attelant à tresser ses discrets mais solides motifs rythmiques sur plus de neuf minutes. C’est le ventricule gauche d’un Earthless qui bat la chamade en guise d’amuse-gueule électrique.

L’acidité ensuite, car en en se laissant pénétrer par les cinquante minutes que représente le duo « Following the Teachings – Spiritual Seeds » difficile de ne pas entrer dans une transe buvardesque à se dervichetourner l’équilibre. Les contrepoints rythmiques habituels et fondations routines à l’expression de la guitare sont, ici, les éléments centraux. Psalmodiés à la déraison, ils nous convient à une écoute de tous les instants, alerte et curieuse. Le champs sonore plus libre qu’à l’accoutumée permet à la section rythmique de s’épanouir et de s’exprimer sans retenue. On notera au passage le remarquable travail du nouveau venu Ardwel Courta sur l’ensemble de ce paysage sonore.

Le miel pour le moins mais la douceur tout de même étonnamment apportée par le titre éponyme qui voit les parisiens jouer une partition qu’on ne leur connaissait pas ou plus. Celle de l’accessibilité, qu’on n’avait pas entendue depuis le titre « Chased and Caught » paru sur Tibetan Monk. A savoir une musique dépouillée de toute complexité et d’intentions multiples, juste portée par la mélodie et la volonté de faire dans l’efficacité. « The U book » le titre est d’une simplicité touchante et épurée, où la guitare aux accents Mark Knopfleriens fait des miracles quant à l’interprétation de son propos. Par trop gourmande sur la durée, la piste se pare tout de même de jolies entournures sucrées apportant une vraie chaleur à l’ensemble du nouvel opus.

L’album est un concentré de plaisirs, sans contraintes, ni barrières stylistiques. En délaissant la guitare solo à outrance pour plus de paysages sonores, Domadora s’ouvre un champs des possibles absolument vertigineux et excitant. Un terrain de jeux où l’on entend véritablement sourire les musiciens. Et même s’il est parfois trop gourmand et décousu, The U book est un voyage sans pareil pour les adeptes de jams et de libertés, un livre musical savoureux qu’il nous tarde de goûter en live sans plus tarder.


Various Artists – The best of AC/DC (redux) & Back in black (redux)

L’album de reprises est toujours un exercice périlleux… Et encore, le mot est faible ! En effet, quelle que soit sa fonction ou son idée de départ principale, il décevra dans la majeure partie le public ! Un album de reprises est censé rendre hommage à un groupe ? Les fans vont passer leur temps à dénigrer les reprises, sous prétexte qu’elles « sont moins bonnes que les originales », qu’elles « dénaturent complètement les chansons » ou encore qu’elles « ressemblent tellement aux originales que ça ne sert à rien de faire un copier-coller »… Un album de reprises propose des relectures de titres moins connus ? « C’est nul, ils auraient pu reprendre des titres connus ! »… Un album de reprises propose des relectures de tubes intemporels ? « Ils auraient mieux fait de reprendre des trucs qu’on ne connait pas, cela aurait permis de faire découvrir la discographie du groupe ! »… Bref, l’album de reprises est très rarement bien considéré et bien souvent (et à raison) dénigré des fans du groupe de base qui ne jurent que par les originaux.

Autant dire que l’arrivée sur le marché début décembre de 2 albums de reprises consacrés à AC/DC aura donné quelques sueurs froides aux fans des australiens (dont je suis) avant même la moindre écoute. Pourtant, il y avait de quoi se rassurer : le label, Magnetic Eye records, n’est pas le premier venu et a déjà enfanté quelques cover albums du même tonneau, notamment ceux d’Alice In Chains, Electric Ladyland de Jimi Hendrix ou encore Pink Floyd. Ensuite, il y a le choix des reprises : outre un album composé de reprises tirées de toute la discographie du groupe, on découvre un Back in Black redux reprenant l’intégralité de l’album hard rock le plus vendu de l’histoire. Enfin, le casting : Red Fang, Howling Giant, Jakethehawk, Domkraft, Red Mesa, Solace, Kal-El, Kryptograf… Une belle armée de tâcherons entièrement vouée à la cause fuzz. Du coup, on se dit qu’on va se régaler et qu’AC/DC sera fier de l’hommage. Le résultat est… mitigé.

Commençons donc par évoquer ce Best of redux à l’artwork assez réussi. Witchskull ouvre le bal avec un Sin city convaincant, en tout cas totalement dans l’esprit hard blues d’AC/DC. Puis mes chouchous de cette année, les norvégiens de Kal-El, dynamitent “It’s a long way to the top (if you wanna rock’n roll)” à leur façon, c’est-à-dire avec un mur surpuissant de fuzz. Puis l’album perd en relief et en intensité (notons malgré tout la belle version de “Bad boy boogie” par Kryptograf) jusqu’à “For those about to rock (we salute you)” reprise de fort belle manière par Riff Lord, suivi par l’incontournable “Whole lotta Rosie” dans une version survitaminée de Solace. Le reste de l’album est anecdotique (mais plus que correct), hormis peut-être le démoniaque la démoniaque version de “The razor’s edge” par Ghost Ship Ritual. Entre nous, tant qu’à faire un best of, j’aurai aimé un petit “Let there be rock”, “Highway to hell” ou “Thunderstruck”… Bref, du très bon et du moins bon mais dans l’ensemble, ce Best of redux reste recommandable aux fans d’AC/DC, de cover albums et de stoner qui découvriront leurs groupes préférés sortir de leur zone de confort.

Passons maintenant à ce Back in black redux qui fait, au premier abord, autant saliver qu’il inquiète. C’est vrai quoi, les légendes sont tenaces et difficile de ne pas redouter un carnage, surtout quand on découvre que ce sont les tarés de Red Fang qui ouvrent l’album ! Et ce qui devait arriver arrive : ils ont réussi à pourrir “Hell’s bells” ! On a l’impression qu’ils jouent affreusement faux (c’est sans doute voulu vu la propension du groupe à ne jamais rien faire comme tout le monde) mais alors là, on atteint des sommets de portnawak ! Heureusement que “Shoot to thrill” n’a pas été trop écorné par Howling Giant sinon je criais au scandale dès le deuxième titre ! Le reste n’est qu’une succession de déceptions (on attendait mieux de Jakethehawk sur “You shook me all night long” et je resterai poli avec Besvarjelsen et leur embarrassante version de “Back in black”…) et de reprises moyennes. Bref, on reste grandement sur notre faim, voire même on ressent une pointe d’agacement parce que merde, le matériel original permettait un bien meilleur résultat !

Voilà, comme je le disais plus haut, difficile de ne pas décevoir l’auditeur avec un album de reprises, surtout quand ledit auditeur est un fan inconditionnel du groupe original. Mais ces deux « Redux » ont le mérite d’exister et de proposer une relecture qui, si elle ne sera pas appréciée par tout le monde, aura sans doute permis à de nombreux groupes d’approcher un groupe légendaire pour beaucoup. Reste à vous faire une idée par vous-même mais pour ma part, ces quelques écoutes nécessaires pour cette chronique resteront sans suite…

 

Prehistoric Pigs – The Fourth Moon

Le stoner italien n’est-il pas un peu la Madeleine de Proust du vieux con amateur de riffs fuzzés depuis plusieurs décennies ? Il y a un peu de ça avouons-le, une sorte d’assurance tous risques musicales, la valeur refuge de l’investisseur en riffs : quelque chose de stable et rassurant, et même parfois qualitatif (quand il est bien fait) ! C’est avec ce constat tout à la fois nostalgique et encourageant que l’on s’est penché sur le déjà quatrième album du trio familial nord-italien – un effort qui aurait bien pu être refroidi par la qualité très discutable de cette pochette (ou même par le sobriquet-même du groupe, quelque peu risible).

Il ne faut pas très longtemps pour retracer la genèse musicale référentielle du groupe : le trio a dû user Sky Valley pendant quelques heures, et en particulier le guitariste Juri Tirelli (le frère de Jacopo, bassiste), qui parvient à faire résonner les échos du vieux Josh Homme dans la plupart de ses riffs (même si c’est aussi dans ses breaks par exemple que l’influence du quintessentiel quatuor américain se retrouve). Pour le reste, Prehistoric Pigs évoluant dans le genre finalement assez couru du stoner rock instrumental, il réveille évidemment aussi, plus rarement toutefois, le souvenir de Karma To Burn (sur “The Fourth Moon” par exemple).

Si l’inspiration Kyussienne n’est pas du genre à vous rebuter, vous devriez trouver dans cette galette d’un peu moins de quarante minutes de quoi prendre votre pied : du riff, du riff, du riff, du fuzz, du fuzz… La recette proposée n’est pas compliquée, mais le résultat pris en frontal, au premier degré, est franchement plaisant.

 


Khemmis – Deceiver

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses formations, souvent américaines, synthétisent le son et la mélancolie des 90’s (Type O Negative, Life Of Agony, Paradise Lost) avec un riffing et des arpèges rappelant la décennie précédente. Souvent classées dans le Doom mélancolique, elles brassent de nombreuses influences (emprunts aux styles extrêmes, formats et structures purement heavy, voix plaintives, thèmes et artworks renvoyant au années 80 etc.).  Ces groupes se nomment Pallbearer, Spirit Adrift, Summerlands, Atlantean Kodex (voire Inter Arma quoique plus énervé) et Khemmis donc, formation qui semble faire consensus de l’autre côté de l’atlantique, poussée notamment par Decibel Magazine. Il faut dire que si ses albums ont à mon sens été plus encensés que ce que leur musique mérite, la démarche elle est incontestablement sincère et les visuels des albums (tous signés par Sam Turner) superbes. Khemmis est de ces groupes que l’on a envie d’aimer mais qui nous tombent malheureusement trop des oreilles. Trop d’albums, trop peu de bons riffs derrière la jolie façade et le plaisir affiché. Mais les quatre de Denver (enfin temporairement trio suite au départ récent du bassiste) ont tout de même une intéressante tendance à s’améliorer avec le temps et Desolation, paru en 2018, dépasse d’une tête ses deux prédécesseurs, peut-être aussi parce qu’il s’enfonce – comme son nom l’indique – un peu plus dans la noirceur. Plus doom que heavy quoi.

Et sur ce terrain-là, Deceiver est roi. La pochette, avec ce chevalier s’enlisant inexorablement dans des marais où règnent mort et regrets, ne trompe pas sur la marchandise. Deceiver est un disque plein de tristesse. Composé lors du confinement (la grande constante des albums de 2021, il faut s’y faire), le quatrième long du groupe est un abysse de noirceur. L’ombre de Tom Waits plane sur les paroles de Phil Pendergast et le riffing quitte les terres maideniennes des débuts pour quelque chose de plus gros, de plus lent, de plus au fond du temps. Cette recherche de solennité a de quoi séduire, même si le groupe paye sur cet album un lourd tribut à ses influences, Paradise Lost (« House of Cadmus », « Obsidian Crown ») et Yob (le riff de « Living Pyre » est clairement celui de « Quantum Mystic ») en tête. Force est de constater que de nombreux riffs, de nombreux refrains accrochent et que l’album a une jolie durée de vie, plus que ses trois prédécesseurs. Les lignes vocales de Pendergast – le point faible du groupe jusque-là par leur aspect monocorde – sont plus travaillées et certains refrains ici sont de vrais bijoux (« Shroud of Lethe », « The Astral Road »).

Deceiver est une sorte de Medusa (Paradise Lost/2017) en plus sophistiqué, mais moins attachant. Parsemé de moments forts et de quelques passages un poil indigestes (la ligne vocale de « Shroud of Lethe », quel enfer), l’album – qui a l’élégance de ne faire que 40 minutes – propose enfin une musique à la hauteur de son visuel. Reste que Khemmis gagnerait franchement à moins chercher la majesté (il n’en a pas le talent) et à explorer le mélange des genres qu’il effleure sans avoir trouvé la formule qui lui va le mieux. Et si le prochain était le bon ?

 

Point Vinyle : La sortie vinyle, sans cesse repoussée (avez-vous remarqué les problèmes d’approvisionnement terribles qui ont bouleversé tous les calendriers de livraison cette fin d’année ?) arrive à priori pour fin décembre. Outre la version noire, une version blanc os avec splatter rose – plutôt jolie – est dispo dans toutes les bonnes VPC metal, Nuclear Blast en tête. Mais le Graal reste la version limitée grise avec splatter noir, surtout parce qu’elle est accompagnée d’un booklet avec les paroles et de nombreuses illustrations additionnelles de Turner.

Weedpecker – IV: The Stream of Forgotten Thoughts

En bientôt dix ans d’existence on peut aisément dire que le parcours des polonais de Weedpecker est loin d’être un long fleuve tranquille. La formation aura vu passer en ses rangs une quasi dizaine de musiciens différents jusqu’à cette césure importante post-2018 et la sortie de « III » leur troisième album (oui je sais), qui aura vu les ¾ du line-up dire « bye-bye tu n’es plus le seul qui m’aille, je te le dis sans faille » au projet. Ne restant plus que Piotr Dobry aux commandes, au chant et à la guitare, le groupe semblait donc mort laissant derrière lui trois excellents albums, une démo et un split ainsi qu’une participation active à faire de la scène polonaise un des moteurs du genre.

Néanmoins Piotr aura su s’entourer très rapidement de nouveaux partenaires pour poursuivre l’aventure et non des moindres puisque l’on retrouve dans cette nouvelle mouture des zicos de Dopelord, BelzebonG et Major Kong, soit une belle bande de bourrins à la technique éprouvée. Ne restait plus au nouveau line-up qu’à parfaire son identité et trouver ses automatismes afin d’offrir une suite à l’histoire.

Trois ans après leur dernier effort apparaît donc « IV : The stream of forgotten thoughts », toujours chez Stickman Records, le label des gens qui aiment quand ça tricote dans le psyché (King Buffalo, Elder, Motorpsycho,…ça vous pose la qualité de la maison). On pourrait aisément imaginer un nouvel album moins aérien et plus terreux que les précédents vu le pedigree des nouveaux arrivants sauf que…

Exit le duo guitare et place à un synthé pérenne et instrument à part entière dans la nouvelle formule. S’en suit donc un travail sur les textures et les ambiances plus poussé qu’à l’habitude qui trouvera son apogée sur le titre éponyme participant grandement à l’une des track/réussite de cet album.

Cependant, cet apport sur l’ensemble de l’album se révèle problématique. Une spatialisation extrêmement dense apportée par les traitements de son sur la voix, la guitare et le synthé englobe la totalité de la production et rend illisible un nombre incalculable de fois les idées et envies des musiciens. On se retrouve, à l’instar du premier morceau « No Heartbeat Collective » à devoir gérer notre écoute pour pouvoir appréhender la globalité des titres. Un problème récurrent qui lasse sur la totalité de l’album.

Sans compter l’effervescence créatrice du quatuor qui n’hésite pas à multiplier les pistes et ainsi brouiller un peu plus une éventuelle ligne directrice. Un « Big Brain Monster » en milieu de galette par exemple vient placer un heavy rock à la Radio Moscow alors que l’ensemble tend plutôt vers ce qu’aurait pu continuer un Kevin Parker après le premier effort de Tame Impala.

La masse d’informations que nous assène le combo et les choix de production écrasent dans l’œuf toute idée mélodique ce qui était pourtant la qualité première du précédent effort.

C’est peu dire qu’on ressort décontenancé et perplexe au sortir des quarante minutes de ce courant des pensées oubliées.

Bien sûr que non, Weedpecker n’est pas devenu nul, il n’a pas non plus oublié ce qui faisait sa force et son identité. Mais on sent une excitation trop peu maîtrisée dans cet album, une envie d’avancer et d’essayer de nouvelles choses avec le nouveau line-up qui aurait dû prendre plus le temps de mûrir et de s’épurer.

Si l’on considère cet enregistrement comme la suite logique d’une carrière, il déçoit. Passé par le prisme du renouveau, alors il interpelle et peut légitimement nourrir de beaux espoirs tant Weedpecker semble inspiré et talentueux. On ne demande pas qu’ils se précipitent pour nous prouver quoi que ce soit. Juste qu’ils prennent le temps de réfléchir à leurs envies.

King Buffalo – Acheron

Au tout début des années 70, le fan de rock était partagé entre 2 tendances musicales : d’un côté, un rock aux structures complexes et à la virtuosité instrumentale réelle mais fortement éloignée du rock des précurseurs. Une mouvance appelée rock progressif avec comme fer de lance des groupes comme Pink Floyd, Yes ou encore Genesis. De l’autre côté, un rock pur et dur qui, au contraire du progressif, prétend replonger dans ses racines blues et retourner vers plus de simplicité: il y eu bien entendu les Rolling Stones et Eric Clapton pour défricher le terrain, suivi rapidement par Led Zeppelin et Black Sabbath et le glam-rock de David Bowie. Quelques années plus tard, le rock progressif vivra ses dernières heures car il est devenu un cliché dont on se moque. Il faut dire qu’avec ses chansons à tiroirs de 20 minutes, ses concerts expérimentaux et son côté « art contemporain qui pète plus haut que son cul », le prog est devenu une sorte de maladie honteuse qui finira par être totalement éradiquée par l’explosion punk qui attend sagement son heure au coin de la rue.

Cette période dorée pour le rock enfantera des centaines, voire des milliers de formations qui se revendiqueront (plus ou moins) de cette glorieuse période mais bien peu évoqueront des influences progressives dans leur musique, à part peut-être dans le post-rock, terrain de jeu fertile de musiciens à l‘imagination fertile. L’époque est au « toujours plus » et il faut montrer les muscles plutôt que les neurones afin de capter un auditoire toujours plus friand de guitares saturées, de grondements de basse telluriques et de cogneurs de fûts. Heureusement pour celles et ceux qui ne jurent pas (que) par la puissance, il existe des alternatives et la plus belle d’entre elles se nomme King Buffalo.

Car oui, King Buffalo n’est décidément pas un groupe comme les autres, et pas seulement dans la petite sphère stoner. Nos trois camarades New-Yorkais ont débuté leur aventure en 2013 et marqueront les esprits trois ans plus tard avec Orion, un premier album aux allures de chef-d’œuvre. Suivront des albums toujours surprenants, à la fois oniriques et palpitants, qui finiront d’inscrire le groupe au panthéon des grandes formations rock contemporaines. En 2020, la pandémie stoppe les beaux élans de toute l’humanité. Mais le trio ne se laisse pas impressionner par un microscopique virus et se lance dans une folle aventure : réaliser 3 albums coup sur coup qui sortiront l’année suivante ! Un pari osé et complètement dingue, comme au bon vieux temps des seventies. The burden of restlessness, paru en juin, lance les hostilités et le public s’agenouille devant King Buffalo. Après ce coup d’éclat, que pouvaient-ils faire de mieux, de plus grand, de plus osé? La réponse tient en un seul mot : Acheron.

Pour enregistrer cet album, le groupe a choisi un endroit insolite : une grotte, pour se couper d’un monde extérieur en pleine mutation mais aussi et surtout pour la réverbération naturelle des lieux. Le terme « underground » n’est pas qu’une métaphore… Par moments, on distingue même le murmure des gouttes d’eau… La source de toute vie apparaît sur ce disque matriciel, car Acheron rebat toutes les cartes, efface tous nos repères, nos convictions et nos croyances dans un genre qui, s’il a tendance à s’élargir à d’autres courants musicaux, finit parfois par perdre son auditoire. Avec Acheron, King Buffalo a réussi son pari fou : poser les bases d’une nouvelle ère musicale, d’un nouveau monde qui ne serait plus régi par l’argent (le troisième opus de cette trilogie, prévu pour cette année, sera finalement décalé à l’an prochain car les usines préfèrent débiter du Adèle…) mais par quelque chose de plus viscéral, de plus naturel, de plus vivant : le talent, l’envie, la créativité.

Acheron est une pure merveille du début à la fin. 4 titres qui s’enchaînent à la perfection, comme ces gouttes d’eau ruisselantes de murs millénaires, qui caressent la pierre tout en la polissant en douceur. Tout comme King Buffalo avec nos oreilles et notre âme (D’ailleurs, Acheron désigne une branche de la rivière souterraine du Styx dans la mythologie grecque). Le groupe est véritablement au sommet de son art et personne ne viendra le contester. Cet album est une réussite totale, que ce soit au niveau des compositions simples (mais pas simplistes) qui vous touchent en plein cœur à la production juste parfaite. Vous qui avez toujours rêvé de tutoyer les étoiles et de voyager dans l’espace, deux solutions s’offraient jusqu’ici à vous : soit vous avez Bac+17, vous bossez à la NASA et vous montez dans la prochaine fusée pour l’ISS, soit vous avez 20 millions de dollars sur votre compte en banque et vous les gardez pour vous offrir un billet pour la future colonisation de Mars. Avouez que dans les 2 cas, les probabilités sont assez minces… Heureusement, il vous reste King Buffalo, et Acheron est appelé à devenir le Dark side of the moon du 21ème siècle. Fermez les yeux, attachez vos ceintures et laissez-vous happer…

Eldovar – A Story of Darkness & Light

Alors que la période actuelle continue de nous exciter, créant autant d’experts tout terrain que de citoyens, et faisant flipper ceux qui restent, 8 musiciens se sont calmement enfermés dans leur bulle créative pour jammer, composer et nous proposer un voyage différent. A Story of Darkness & Light (“une histoire d’obscurité et de lumière”) est le premier album d’une rencontre devenant inévitable et qui se présente sous le nom d’Eldovar… Dans l’obscurité se cache Kadavar avec son rock psychédélique malsain et distordu. Dans la lumière brillent les mélodies d’Elder s’appuyant sur un rock progressif massif qui dépasse les limites du stoner depuis Reflections of a Floating World. Plutôt par conséquence de la pandémie du COVID-19 que par hasard, les deux groupes se sont retrouvés à Berlin au même moment. Kadavar tournant en rond dans son Robotor Studio, depuis la sortie de The Isolation Tapes, tandis que Nick Disalvo et Michael Risberg (Elder) venaient d’enregistrer le premier album de Delving, projet solo de Nick. On regrettera tout de même l’absence du bassiste d’Elder, Jack Donovan, qui n’a pu traverser l’Atlantique mais qui aurait pu apporter un complément très intéressant au travail de Simon.

Avant d’aller plus loin, il faut quand même prévenir les fans originels de cette association que ce qu’ils vont écouter ne va pas forcément exaucer leur fantasme de voir un mélange entre Lore et l’album éponyme de Kadavar. Elder comme Kadavar se sont détachés progressivement de cette image stoner/psychédélique au fil des albums et A Story of a Darkness & Light est d’une cohérence totale avec cette évolution. Et pourtant, le premier single “From Deep Within” ouvrant l’album aura laissé quelques espoirs avec des riffs efficaces et cette variation d’ambiances maîtrisée par les deux groupes. Le mariage sonne déjà comme un succès notamment dans l’alternance entre le chant de Lupus et de Nick.

L’album se scinde en deux parties bien distinctes. “In The Way” conserve une certaine innocence presque enfantine avec première partie guidée par une guitare acoustique et la voix de Lupus qui tendent vers le folk rock des années 70. On pense très rapidement à Led Zeppelin mais d’autres références viennent aussi chatouiller nos oreilles. Ce morceau fait par la suite plus écho à ce qu’à pu proposer Elder sur ses Gold & Silver sessions. On remarque que cette première partie semble plus se reposer sur un rassemblement des jams qu’ont pu produire Kadavar et Elder, déjà avec les différentes phases de “From Deep Within” mais aussi avec les fins un peu brutales de “In the Way” et “El Matador” qui laissent un goût d’inachevé (surtout avec la suite de morceau qui arrive avec “Rebirth of the Twins”). Bien qu’il ait pu décontenancer certaines, “El Matador” va lui permettre la transition vers la seconde partie de l’album avec son atmosphère plus mélancolique et mystérieuse.

Car si Eldovar diffusait jusqu’ici une certaine lumière, il ne faut pas oublier que c’est une histoire de lumière et de ténèbres ! On va d’abord retrouver les sonorités krautrock chères à Elder sur “Rebirth of the Twins”, venant doucement éteindre les derniers rayons laissés par “El Matador” avant que “Raspletin” nous propulse dans une obscurité spatiale à coup de guitares saturées. Le décor s’assombrit encore un peu plus sur l’intro de “Blood Moon Light” avant de passer de nous plonger définitivement dans des ténèbres apocalyptiques. “Blood Moon Light” est la vraie réussite de A Story of Darkness & Light. Faisant de gros échos au Pink Floyd époque Dark Side of the Moon, le titre est maîtrisé de bout en bout et apporte enfin, grâce au couple batterie/basse, la puissance et la profondeur de son que l’on pouvait attendre d’une association entre ces deux groupes. L’album se termine par “Cherry Trees”, qui vient balayer l’obscurité de ces derniers titres avec une très belle mélodie au piano accompagné d’un chant voilé rappelant que le cerisier est aussi associé au phénix et à la renaissance (au final, la lumière et la paix l’emportent sur les ténèbres. Un poil naïf mais ça ne fera pas de mal en ce moment).

A Story of Darkness & Light est un bel album… Un très bel album même qui révèle ses secrets à force d’écoutes et qui dégage une vraie force introspective si l’on arrive à se couper du monde pour se plonger dedans (à l’instar du projet Delving de Nick). Les univers d’Elder et Kadavar s’accordent naturellement, notamment sur “From Deep Within” et “Blood Moon Night” avec une alternance de chant intéressante et une construction des morceaux aussi intelligente qu’efficace. La fluidité entre les titres à partir de “Rebirth of the Twins” permet aussi de rentrer complètement dans l’univers proposé. A Story of Darkness & Light donne en tout cas envie de voir cette collaboration perdurer. Ce ne sera sans doute pas le cas mais on peut toujours rêver !

 


Motorpsycho – Kingdom of Oblivion

Motorpsycho n’est pas avare de créations. Là où les fans attendent parfois plus de dix, quinze ans que leur groupe préféré accouche d’une nouvelle production, l’amoureux transi des norvégiens n’a que très peu de temps de frustration à supporter, le combo nous gratifiant de son génie quasiment tous les ans. Et ce qui pourrait être une gageure se révèle systématiquement ou quasiment une réussite.

Alors quid de cette nouvelle livraison ? Nouvel opus magistral, continuité discographique cohérente ou accident de parcours ?

L’avantage d’un groupe comme Motorpsycho est qu’il aura déjà laissé de côté ses détracteurs à la vue de sa longévité. Les fans de stoner pur et dur, de gros riffs velus sont restés depuis longtemps à la buvette adipeuse de la salle du coin, regardant s’éloigner un ptit groupe de frêles fans vénérant le début des années 70 et sa cohorte de groupes de rock progressif.

« Kingdom of Oblivion » ne déroge pas à la règle. Compositions fleuve, entrelacs de ligne, cassures rythmiques, l’album est un creuset où les norvégiens y déposent cinquante années de réflexions sur le genre. L’amateur du style y retrouvera tous ces ptits amours, le néophyte sera subjugué par la richesse et le foisonnement, le détracteur, lui, soufflera d’ennui devant une telle profusion ne sachant pas où poser son oreille peu encline aux pièces montées.

En tant qu’amateur du genre, j’ai humecté la pulpe de mon index pour grapiller jusqu’à la dernière miette de noté laissé dans l’assiette-liste de ce nouvel opus. Un régal. Un régal justement équilibré et cohérent dans les menus proposés par ce restaurant étoilé qu’est Motorpsycho. Mais un menu qui n’apporte cependant pas de novatrices intentions ni de révolution stylistique.

Les norvégiens affinent leur grammaire, polissent leur ouvrage pendant plus de soixante minutes nous gratifiant d’instants-monde magistraux justifiant à eux-seuls la possession obligatoire de la galette dans une collection. Je vous conseille à ce titre l’écoute de « The Transmutation of Cosmoctopus Lurker , parfait exemple de la maîtrise géniale du combo et véritable image d’Epinal du style « Motopsycho ».

« Kingdom of Oblivion » est une pièce logique dans la discographie des quatre fantastiques de Trondheim. Pas novateur mais maîtrisé en tout point, le disque saura ravir les amateurs de King Crimson, de The Mars Volta, de Yes et autres hérauts de la cause progressive. Un album nécessaire pour les uns, rebutant pour les autres mais foutrement utile pour les amateurs du genre.

J’y colle un 8 pins sylvestre/10 parce que je ne suis pas sûr que les cactus soient super présent en Norvège.

Indigo Raven – Looking for Transcendence

Tel un secret bien gardé, Indigo Raven émerge de… Toulouse, d’où ils ont peaufiné leur style depuis un peu plus de deux ans, sous forme de duo : Julie au chant et Benoît à la “musique” (multi-instrumentiste présumé, donc…). Et c’est à peu près tout ce que l’on sait, autant vous dire qu’on ne croule pas sous les infos avec ce groupe ! On notera quand même qu’ils ont décidé de s’adjoindre les services d’un bassiste récemment (ne manque plus qu’un batteur et les perspectives de live se feront plus réalistes). Nos toulousains sortent ce premier LP (qui succède à un discret EP sorti l’an dernier) chez Argonauta (jamais loin d’un bon coup), un label… italien ! Un jour il faudra quand même se poser les bonnes questions, non ?…

Mais trêve de considérations hors sujet, la curiosité nous amène bien vite à s’enfiler cette galette, qui s’avère particulièrement captivante. Le doom très assumé par le duo trouve plutôt ses racines dans la vague doom européenne des années 90 que dans les groupes des années 70-80. Plutôt partisans d’une mise en son très travaillée et de compos roboratives, Indigo Raven ratisse pourtant fort large et s’inscrit dans son temps, n’hésitant pas à enrichir sa musique de plans proches du post-rock, ou même de séquences limite shoegaze/drone, mais avec toujours cette composante doom à grands coups de riffs massue et de rythmiques pachydermiques. Ce grand écart se retrouve parfaitement incarné dans le titre introductif “Our Sacred Soil”, tout en lourdeur et grandiloquence, ou ce tortueux et lent “Nightshade Winds”, vicieux et poisseux en diable.

Le signe distinctif majeur du groupe est inéluctablement le chant de Julie. Loin de se cantonner à un apport simplement cosmétique voire – pire – symbolique, les vocaux de Julie sont directement dimensionnant dans la musique du groupe : sa voix puissante et profonde vient apporter une vraie densité (voire même théâtralité) au doom du combo, tandis que ses percées plus légères et aériennes élèvent à la perfection les passages d’accalmie et les plages de respiration du disque (parfaitement opportunes pour contrebalancer l’aspect oppressant de certains compos). Sans parler des passages incantatoires shamaniques, qui, alliés à des plans de batterie quasi-tribale, finissent de peaufiner l’identité musicale du groupe…

Au rayon des déceptions, on regrettera tout de même la trop faible durée de ce disque : 37 minutes environ pour six chansons (dont une quasi a capella par Julie), aussi riches soient-elles, apparaît vite un peu frustrant (note : la version CD propose en complément une assez intéressante cover de Mazzy Star, transformée en bluette aux accents doom rappelant presque les regrettés Type O Negative sur la fin). Pour le reste, ce Looking for Transcendence présente des atours plutôt séduisants pour tout amateur d’un doom un peu classieux, lourd mais aussi subtil et finement travaillé. C’est aussi cela qui le rendra moins digeste pour les “trve”, les amateurs d’un doom plus monolithique et “encadré”. Indigo Raven en propose une vision plus ouverte, hybride, mais respectueuse du genre. On espère à ce titre que Looking for Transcendence représente les premiers pas d’un groupe amené à devenir plus actif, sur disque et sur scène.

 


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